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entre les mains tous les documents pour rendre sa sentence, et Pie VI la pressait de se prononcer. Elle différa autant qu'elle put; elle fut enfin contrainte d'être juste, et elle acquitta ces hommes qu'elle avait si cruellement

accusés 1.

Ricci, captif, était une proie dévolue à l'Espagne. A peine Clément XIV eut-il fermé les yeux, que FloridaBlanca accourut au palais du cardinal Albani, doyen du Sacré-Collége, et qu'il lui dit : « Le Roi, mon maître, entend que vous lui répondiez des Jésuites prisonniers au château Saint-Ange; il ne veut pas qu'on les rende à la liberté. » Pie VI connaissait la persévérance des inimitiés de Charles III, il s'ingénia à soulager les victimes que le Bourbon se réservait. Le monarque catholique se montrait sans pitié, le vicaire de Jésus-Christ osa être équitable. Ricci ne pouvait pas être jugé, car il aurait été acquitté. Pie VI entoura sa prison de toutes les fa

Nous avons sous les yeux les pièces et documents qui servirent à édifier cet étrange procès. Les charges de l'accusation, les interrogatoires des prévenus ont été compulsés par nous avec une curiosité tout historique, car nous espérions faire surgir, de ce dossier oublié, quelque indice révélateur. Nous devons avouer que les charges se réduisent à des futilités, qui, dans l'état ordinaire des choses, n'auraient pas même besoin de l'intervention d'un juge de paix. Ces incriminations se résument ainsi les Jésuites ont fait ou dû faire quelques démarches auprès de l'impératrice Marie-Thérèse, pour l'engager à user en leur faveur de son crédit auprès de Clé ment XIV. Ils pouvaient avoir conseillé à l'impératrice de pousser jusqu'à la menace, Ils ont obtenu la protection de Catherine de Russie et de Frédéric II de Prusse. Ils out dû encore tenter de soulever les évêques contre le Saint-Siége.

Cette triple accusation ne prouve pas la culpabilité antérieure des Jésuites. On se coalise pour les détruire sans motifs, ils cherchent les moyens d'empêcher leur suppression; on les attaque, ils se défendent. C'est le seul crime qui leur soit reproché. Le rapport se termine ainsi : « Ce sont, en abrégé, les principales raisons de continuer la procédure contre les prisonniers, le Général et Assistants, lesquels, dans les premiers jours de leur emprisonnement, et avant que l'on eût fini l'examen des papiers que l'on rassemblait, n'ont été presque interrogés que sur des points généraux. »

A Rome, on n'impute aux Jésuites que d'avoir essayé de conjurer l'orage que les rois de la maison de Bourbon amassaient sur leur tête, et, pour étayer cette accusa. tion, voici les lettres les plus compromettantes que la commission judiciaire évoqua. Le 30 janvier 1773, Laurent Ricci écrivait au Père Ignace Pintus, à Johannisberg: Votre lettre m'a graudement surpris et a ajouté une extrême affliction à toutes cel es qui m'accablent. Il courait déjà, dans Rome, une lettre de Sa Majesté le roi de Prusse à M. d'Alembert, dans laquelle il est dit que je lui ai envoyé un ambassadeur

veurs compatibles avec la privation de la liberté; il le plaignit, il accorda à ses vertus des témoignages publics d'estime. Il nourrissait même la pensée de sa délivrance, lorsqu'au mois de novembre 1775 le Général des Jésuites n'eut plus la force de supporter les douleurs qui le consumaient. Le mal fit des progrès rapides. Ricci ne se cacha point que la mort approchait; il demanda le saint Viatique. Lorsque le malade se trouva en présence de son Dieu, des officiers, des soldats et des prisonniers du château Saint-Ange, ce père de famille, dont la postérité encore jeune était condamnée à une dispersion stérile, ne voulut pas mourir sans dire adieu à ses enfants, sans pardonner à leurs ennemis.

« L'incertitude du temps auquel il plaira à Dieu de

pour le prier de se déclarer ouvertement protecteur de la Compagnie. Je niais d'avoir donné cette commission, mais peut-être quelqu'un, profitant de l'occasion de faire sa cour à Sa Majesté, lui avait recommandé, en mon nom, la Compagnie. Si la chose était arrivée ainsi, je l'aurais approuvée; mais jamais un simp e particulier, sans commission du supérieur, ne devait aller en son nom, à cette fin et avec l'éclat que porte un tel fait. J'excuse celui qui, là-bas, vous a conseillé ; le trouble empêche de pouvoir bien réfléchir. Le Père du Collège Romain n'a nulle autorité de suggérer de faire des commissions en mon nom, ni les autres de s'en acquitter sans mon consentement. Pour deux personnes que votre révérence me cite, je lui en citerai plusieurs qui sont au fait de la cour de Rome, et qui ne se lassent pas d'être surprises d'un fait qui nous expose à la division et qui témoigne à tout le monde l'indifférence de Sa Majesté, qu'on ne croyait pas auparavant, et qui peut déplaire à d'autres princes, toutes choses qui facilitent notre ruine. Je sais que quelques-uns font des démarches de leur propre mouvement, parce qu'ils disent : « Les supérieurs ne font rien, » Je lone ce zèle, et tant qu'ils ne font que des démarches innocentes et qu'ils n'emploient pas le nom de supérieur, je loue de même leurs opératious. Au reste, ils sont dans l'erreur, car les supérieurs écoutent des gens très-sages du dedans et du dehors, et c'est pourquoi ils ne font pas des démarches imprudentes; ils ont fait tout ce qu'il était possible de faire prudemment, et ils ne doivent pas dire tout ce qu'ils font. »

Le même Général avait, le 31 octobre 1772, adressé au Père Cordara les conseils suivants : « A mon avis, on ne doit pas s'arrêter aux motifs de crainte que donnent les bruits qui courent sur nos affaires; non que je puisse rien assurer, car on agit dans un si grand secret qu'il dérobe tout dessein à la connaissance, des personnes les plus respectables; mais parce que je pense que les bruits et les craintes ne doivent pas nous servir de règle. »

Le Père Xavier de Panigai mandait de Ravenne, le 4 juillet 1773. au Père Gorgo, Assistant de la Compagnie : « Mon très-révérend Père, les nouvelles qui nous s nt parvenues ici, dernièrement de là-bas et de personnes digues de toute foi, sont que la bulle contre la Compagnie est déjà faite, et, qui plus est, qu'elle est diffamatoire;

m'appeler à lui, dit-il devant ces témoins, et la certitude que ce temps est proche, attendu mon âge avancé, et la multitude, la longue durée et la grandeur de mes souffrances trop supérieures à ma faiblesse, m'avertissent de remplir d'avance mes devoirs, pouvant facilement arriver que la nature de ma dernière maladie m'empêche de les remplir à l'article de la mort. Partant, me considérant sur le point de comparaître au tribunal de l'infaillible vérité et justice, qui est le seul tribunal de Dieu, après une longue et mûre délibération, après avoir prié humblement mon très-miséricordieux Rédempteur et terrible Juge qu'il ne permette pas que je me laisse conduire par la passion, spécialement dans une des dernières actions de ma vie, ni par aucune amertume de cœur, ni par aucune autre affection ou fin

que l'on a déjà nommé une Congrégation, composée de cinq cardinaux, qui sont : Corsini, Marefoschi, Zelada, Simoni et Caraffa di Trajetto, et deux prélats, Alfani et Pallotta, pour disposer premièrement les choses à l'exécution de la bulle et pour veiller, après sa publication, à son entier accomplissement. Cette Congrégation, ou s'assemblant ou devant s'assembler dans le lieu où se tient la Rote pendant les vacan ces, a fait naître, à plusieurs personnes graves qui nous sont affectionnées, l'idée que chaque Recteur, pour ses religieux, présente à son évêque respectif une requête contenant les noms de chacun d'eux, par laquelle, après avoir énuméré les circonstances actuelles, l'incertitude de pouvoir aller en avant et la crainte d'être obligés de s'expatrier, on supplie le prélat de vouloir bien accorder à chacun un certificat en bonne forme qui atteste de leur bonne vie et mœurs et saine doctrine, afin que, dans le cas supposé, ils puissent, avec ce certificat, se présenter aux évêques de leurs villes et être employés par eux. Votre révérence comprend de quelle utilité peuvent être un jour, pour tout le corps de la Compagnie, tant ces requêtes que ces attestations, et combien il est essentiel que chaque individu en soit pourvu dans tous les cas. J'écris ce soir, sur le même sujet, à notre révérend Père Provincial. Si votre révérence le juge à propos, elle peut communiquer cette idée à notre Père Général et au Père Provincial de la province Romaine, et en faire part à tous les chefs des autres provinces; mais il ne faut pas perdre de temps, car le coup est fort près.

C'est à obtenir un certificat de bonnes vie et moeurs que se réduit tout ce complot, pour lequel on a jeté dans les fers le Général des Jésuites et ses Assistants. Pombal, Choiseul, d'Aranda et Tanucci ont entre les mains les archives de la Compagnie; à Rome, Clément XIV a sous les yeux la correspondance de tous les Généraux, depuis saint Ignace jusqu'à Ricci. Les magistrats instructeurs peuvent, dans ces lettres intimes, dans les papiers de l'Ordre, saisir la trace de quelque fait accusateur. Tout est en leur pouvoir, et ils n'apportent, comme les plus fortes preuves de culpabilité des Jésuites, que ces pièces, dont l'insignifiance est presque dérisoire, en face des impu tations.

vicieuse, mais seulement parce que je juge que c'est mon devoir de rendre témoignage à la vérité et à l'innocence, je fais les deux suivantes déclarations et pro

testations:

» Premièrement : Je déclare et proteste que la Compagnie de Jésus éteinte n'a donné aucun sujet à sa sup. pression. Je le déclare et proteste avec cette certitude que peut avoir moralement un Supérieur bien informé de ce qui se passe dans son Ordre.

» Secondement : Je déclare et proteste que je n'ai donné aucun sujet, même le plus léger, à mon emprisonnement. Je le déclare et proteste avec cette souveraine certitude et évidence que chacun a de ses propres actions. Je fais cette seconde protestation seulement parce qu'elle est nécessaire à la réputation de la Compagnie de Jésus éteinte, dont j'étais le Supérieur général.

» Je ne prétends pas, du reste, qu'en conséquence de ces miennes protestations on puisse juger coupable devant Dieu aucun de ceux qui ont porté dommage à la Compagnie de Jésus ou à moi, comme aussi je m'abstiens d'un semblable jugement. Les pensées de l'homme sont connues de Dieu seul lui seul voit les erreurs de l'entendement humain, et discerne si elles sont telles qu'elles excusent de péché; lui seul pénètre les motifs qui font agir, l'esprit dans lequel on agit, les affections et les mouvements du cœur qui accompagnent l'action; et puisque de tout cela dépend l'innocence ou la malice d'une action extérieure, j'en laisse tout le jugement à celui qui interrogera les œuvres et sondera les pensées. » Et pour satisfaire au devoir de Chrétien, je proteste qu'avec le secours de Dieu j'ai toujours pardonné et que je pardonne sincèrement à ceux qui m'ont tourmenté et

par

lésé; premièrement, par tous les maux dont on a accablé la Compagnie de Jésus, et par les rigueurs dont on a usé envers les Religieux qui la composaient; ensuite l'extinction de la méme Compagnie et par les circonstances qui ont accompagné cette extinction; enfin par mon emprisonnement et par les duretés qui y ont été ajoutées, et par le préjudice que cela a porté à ma réputation; faits qui sont publics et notoires dans tout l'univers. Je prie le Seigneur de pardonner d'abord à moi par sa pure bonté et miséricorde, et par les mérites de Jésus-Christ, mes très-nombreux péchés; et ensuite de pardonner à tous les auteurs et coopérateurs des susdits maux et torts; et je veux mourir avec ce sentiment et cette prière dans le cœur.

» Finalement, je prie et conjure quiconque verra ces miennes déclarations et protestations de les rendre publiques dans tout l'univers autant qu'il le pourra; je l'en prie et conjure par tous les titres d'humanité, de justice, de charité chrétienne, qui peuvent persuader à chacun l'accomplissement de ce mien désir et volonté.

» LAURENT RICCI, de ma propre main. »

C'était le 19 novembre 1775 que le Général de l'Institut lisait au fond de son cachot ce testament de douJeur, d'innocence et de charité; cinq jours après il expira. Le Pape n'avait pu encore manifester son respect pour ce vieillard en lui ouvrant les portes du château Saint-Ange; il voulut du moins que de magnifiques obsèques témoignassent de ses regrets et de son équité. Dans la pensée de Pie VI, ce fut une preuve de ses sentiments à l'égard des Jésuites, et une solennelle quoique imparfaite réparation. Le corps de Ricci fut porté à l'église du Gésu par ordre du Souverain Pontife. On

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