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séquent ennemi des Jésuites. Berris, sans haine ainsi que sans arrière-pensée, accepta le rôle qu'on lui destinait.

Il s'était flatté que ses grâces toutes françaises, que sa conversation pleine d'atticisme allaient enlever d'assaut les suffrages, et que, pour vaincre, il n'avait qu'à se montrer. En face de ces vieux Porporati italiens, ayant de plus graves intérêts à satisfaire que l'amour-propre du cardinal de Bernis, il s'aperçut bientôt que, pour discuter l'élection future, il fallait autre chose que des paroles de doucereuse conciliation ou de vagues promesses qui ne contentaient personne.

La majorité du Sacré-Collége était évidemment opposée aux vœux des Bourbons; on essaya de la modifier dans leur sens par la corruption d'abord, par la violence ensuite. Le marquis d'Aubeterre, conseillé par Azpuru, se chargea de ce rôle; c'est dans sa correspondance autographe avec le cardinal de Bernis qu'il faut chercher les preuves de cet acharnement contre les Jésuites, acharnement qui réduisait un ambassadeur du Roi TrèsChrétien aux proportions d'un intrigant. Les Couronnes s'obstinaient à vouloir que le Pape futur signât l'engagement de séculariser la Compagnie de Jésus. Bernis s'y refusait. Le 11 avril, d'Aubeterre lui répond sous le n° 14 de sa correspondance inédite ' : « Je suis véritablement affligé que Votre Eminence répugne à l'arrangement particulier que je lui ai proposé, qui est désiré par l'Espagne et qui le serait infailliblement par la France si on avait touché cette question. La circonstance

Cette correspondance entre le cardinal de Bernis et le marquis d'Aubeterre contient, jour par jour, le plan qui fut suivi contre les Cardinaux et la Société de Jésus. Nous aurions pu en citer de plus nombreux fragments, ils n'auraient fait que corroborer ce triste système de séduction et de violence; mais, par respect pour la France, que d'Aubeterre représentait alors à Rome, nous avons cru devoir passer sous silence plusieurs lettres où l'injure adressée aux membres consciencieux du Sacré Collège ne prend même pas la peine de se déguiser.

d'un nouveau Pape était celle qui pût arriver de plus favorable à nos vues. Ne rien arranger avec lui d'avance c'est tout manquer et laisser échapper la plus belle occasion ainsi que le meilleur moyen, bien plus sûr que tous ceux qui pourraient être employés dans les suites par les cours. Je ne connais de théologie que la naturelle, et je ne comprendrai jamais qu'un pacte qui n'a pour but que la sécularisation d'un ordre religieux qu'on ne saurait nier devoir entretenir la division et le trouble dans l'Église tant qu'il subsistera, puisse être regardé comme un pacte illicite; au contraire, une telle démar che ne saurait être envisagée que comme méritante et tendante au bien de la Religion. Je sens bien que je ne suis pas fait pour être le casuiste de Votre Eminence; mais qu'elle s'en ouvre confidemment au cardinal Ganganelli, un des plus célèbres théologiens de ce pays-ci, et qui n'a jamais passé pour avoir une morale relâchée; j'espère que peut-être il se rapprocherait de mon sentiment. Il ne s'agit ici d'aucune temporalité, mais absolument d'une pure spiritualité. Rien de plus donteux que ce que fera un Pape, quel qu'il soit, quand il sera élu, si on ne l'a pas lié auparavant. »

Bernis résistait toujours, et d'Aubeterre ne se tenait pas pour battu; quatorze jours après, le 25 avril 1769, il écrit au cardinal:

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Quoiqu'il ne soit plus question de promesse particulière au sujet de la destruction des Jésuites, et que, dès que Votre Éminence y a eu répugné, cette matière ait été abandonnée, je crois pourtant devoir lui envoyer la copie de l'avis d'un des célèbres théologiens de cette ville, non pour convaincre Votre Éminence, je sais bien, d'après la façon dont elle s'est expliquée, que je n'y parviendrai pas; mais au moins pour lui faire voir que

mon opinion n'est pas si déraisonnable, et qu'il y a de vrais théologiens qui pensent comme moi. »

Le lendemain, Bernis lui mande (no 32): «Le mémoire théologique que vous n'avez envoyé porte tout entier sur ce principe: Il est incontestable que la destruction des Jésuites est le plus grand bien que l'on puisse faire à la Religion. Ce principe dans les circonstances peut être vrai; mais il est contesté par la moitié du Clergé au moins, par un grand nombre de Cardinaux, d'Évêques et de gens de tous pays et de tous états. Ainsi, le principe fondamental est une supposition et non un principe. »

A ces raisons si concluantes, d'Aubeterre réplique le 27 avril: « Je conviens avec Votre Éminence que l'avis théologique porte en entier sur le principe que l'extinction des Jésuites est un grand bien pour la Religion, et c'est aussi le fondement de mon opinion. Je conviens encore que beaucoup de monde n'en convient pas; mais je demande à Votre Eminence où se trouve l'unanimité? Ne faut-il pas séparer ce qui est esprit de parti d'avec ce qui est esprit de raison? »

L'esprit de raison et la théologie naturelle invoqués par d'Aubeterre, c'était aux yeux des ministres de la famille de Bourbon la simonie organisée, la corruption pénétrant dans le Conclave sous le manteau de la philosophie diplomatique. Bernis, dans un mémoire daté du 12 avril, et adressé au duc de Choiseul, avait dit : « Demander au Pape futur la promesse, par écrit ou devant témoins, de la destruction des Jésuites, serait exposer visiblement l'honneur des Couronnes par la violation de toutes les règles canoniques. Si un cardinal était capable de faire un tel marché, on devrait le croire encore plus capable d'y manquer. Un prêtre, un évêque instruit ne peuvent accepter ni proposer de pareilles conditions. »

Les Rois, celui d'Espagne surtout, tendaient à violenter la conscience de l'Eglise; le 3 mai, Bernis écrivait: « On m'a dit aujourd'hui que les cardinaux espagnols étaient dans le principe que cette démarche ordonnée par le roi d'Espagne intéressait sa conscience seule si elle était mauvaise. En France, nous croyons que, dans ce genre, c'est aux évêques à éclairer les Rois sur les règles canoniques. » D'Aubeterre n'est pas de cet avis, qui froisse ses intérêts. Le 4 mai, il se retranche derrière sa raison individuelle et il dit : « Si j'étais évêque, je ne penserais pas du tout que les Rois eussent besoin d'ètre éclairés sur cette matière, dans laquelle je ne reconnais pour juge que la droite raison. » Deux jours après, de semblables arguments à opposer au cardinal. « La simonie et la confidence ne sont d'aucun état, écrit-il, mais elles cessent pour tous là où parle la droite raison. Peut-il y avoir une règle de l'Église qui empêche qu'on ne lui fasse du bien? »

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L'Église refusait d'accepter un bienfait offert sous forme de corruption; on jetait aux cardinaux toute sorte de promesses, ils y restaient insensibles; d'Aubeterre pensa qu'il serait plus heureux s'il employait les moyens de terreur. Les ministres d'Espagne et de Naples agirent dans le même sens. On ne parle plus de simonie; Bernis prend à tâche d'effrayer le Conclave. Les villes d'Avignon, de Bénévent et de Ponte-Corvo étaient occupées par les couronnes; on menace de pousser plus loin les hostilités. Les monarques de la maison de Bourbon jouissaient de trois voix d'exclusion dans le Sacré-Collége. Une lettre du cardinal de Bernis, du 22 avril, va nous initier au scandale que ces princes laissèrent donner en leur nom. « Si M. Azpuru veut faire attention que les listes d'Espagne et de France réunies

donnent l'exclusion à vingt-trois sujets, et que le Conclave ne sera composé que de quarante-six après l'arrivée des Espagnols, et que de ces quarante-six il faut en retrancher neuf ou dix qui ne sont pas papables, où trouvera-t-on un Pape? M. Azpuru répondra qu'il restera Sersale, dont on ne veut pas ici; Stopani, dont on ne veut pas davantage; Malvezzi, qu'on a en horreur depuis qu'il parle pour nous; les Napolitains, qui sont trop jeunes; Perelli et Pirelli, auxquels peu de voix se joindront; Ganganelli, qui est craint et pas assez considéré. M. Azpuru répondra que la lassitude forcera à en venir à Sersale; mais la lassitude jointe aux bruits qu'on sème déjà contre la tyrannie des Cours, dérangera à la fin le système de notre exclusive; les Rois nous abandonneront, on fera un Pape malgré nous... C'est pour l'honneur des couronnes que je parle. Jamais elles n'ont voulu faire un Pape, en excluant plus de la moitié du Sacré-Collége! Cela est sans exemple. Il faut être raisonnable, et ne pas mettre le Sacré-Collége dans le cas de se séparer et de protester de la violence. Il est impossible de former un plan de conduite sur un plan d'exclusive si général qu'il ne comprend à peine que quatre ou cinq sujets, dont quelques-uns sont trop jeunes. En un mot, les bras tombent toutes les fois qu'il faut prendre la lune avec les dents ou pourrir en prison.

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D'Aubeterre ne concevait pas ces lenteurs et ces délicatesses de conscience. Les Rois parlaient; son égoïsme philosophique était d'accord avec eux; il fallait que l'Église cédât. « Je crois bien, mande-t-il à Bernis, que le Sacré-Collége craint nos exclusions, mais ce n'est pas une raison pour nous priver de ce moyen. En excluant les vieillards, nous avons certainement, tant dans la classe des bons que dans celle des douteux et des in

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