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arrivant sur la rade de Civita-Vecchia, << le gouverneur, qui, selon Sismondi', n'était point prévenu, ne voulut pas les recevoir, et ces malheureux, parmi lesquels il y avait beaucoup de vieillards et de malades entassés comme des criminels à bord des bâtiments de transport, furent réduits, pendant des semaines, à courir des bordées en vue de la côte. Beaucoup d'entre eux périrent.

Ce premier navire portait les Jésuites aragonais. Ils étaient au nombre de six cents; le Père Joseph Pignatelli les animait à la résignation. Les Jésuites écartés du rivage comprenaient les motifs qui avaient inspiré cette mesure au cardinal Torregiani; ils l'approuvaient. Les Etats Pontificaux sont peu fertiles, et six mille individus

Histoire des Français, t. XXIX, p. 372.

Cet événement a été si cruellement dénaturé, que nous n'avons cherché à le juger que sur les récits des Calvinistes. Nous publions la version de Sismondi. Le Protestant, dont les sympathies religieuses et politiques sont si éloignées de la Cour de Rome et de l'Institut de Loyola, n'a pas même l'idée de faire un crime au Pape et au Général des Jésuites d'un incident qu'expliquent les lois sanitaires, la sûreté des États et les exigences de l'honneur, selon les idées reçues en diplomatie. Un Catholique n'a ni cette réserve ni cette équité. Dans son Histoire de la chute des Jésuites, page 65, le comte Alexis de Saint-Priest ne craint pas, sans aucune preuve à l'appui, sans le témoignage même d'un calomniateur, de torturer les faits et de donner un démenti aux actes les plus incontestables. Il s'exprime ainsi :

. Il faut en convenir, l'arrestation des Jésuites et leur embarquement se firent avec une précipitation nécessaire peut-être, mais barbare. Près de six mille prêtres de tous les âges, de toutes les conditions, des hommes d'une naissance illustre, de doctes personnages, des vieillards accablés d'infirmités, privés des objets les plus indispensables, furent relégués à fond de cale et lancés en mer sans but déterminé, sans direction précise. Après quelques jours de navigation, ils arrivèrent devant Civita-Vecchia. On les y attendait ils furent reçus à coups de canon. Les Jésuites partirent furieux contre leur Général; ils lui reprochèrent sa dureté et l'accusèrent de tous leurs malheurs. »

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C'est une triste page que celle-là. La mémoire de Clément XIII, celles du cardinal Torregiani, son ministre, et de Laurent Ricci, Général de la Compagnie, n'en seront pas souillées; mais, comme pour répondre d'avance à ces outrages sans profit, sans gloire et sans vérité, Sismondi ajoute : « Clément XIII regardait les Jésuites comme les défenseurs les plus habiles et les plus constants de la Religion et de l'Église; il avait un tendre attachement pour leur Ordre; leurs malheurs lui arrachaient sans cesse des larmes; il se reprochait en particulier la mort des infortunés qui avaient péri en vue de Civita-Vecchia : il donna des ordres pour que tous ces déportés, qui lui arrivaient successivement d'Europe et d'Amérique, fussent distribués dans les États de l'Eglise, où plusieurs d'entre eux acquirent dans la suite une haute réputation littéraire.

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y arrivant subitement devaient provoquer la famine, ou tout au moins des murmures parmi le peuple. Les Jésuites savaient encore que, si Clément XIII les accueillait sans faire auprès de Charles III des démarches officielles, ce serait encourager les autres cours à imiter Pombal, Choiseul et d'Aranda. Le Pape se chargeait des enfants de saint Ignace; on pouvait donc impunément les spolier, les jeter pauvres et nus sur le territoire romain. La charité pontificale veillait à leur entretien; les ministres et les magistrats n'avaient qu'à se partager leurs dépouilles. Ce calcul ayant déjà réussi, d'autres ne demanderaient pas mieux que de le faire, La cour de Rome s'était, à juste titre, montrée fort offensée des termes outrageants de la Pragmatique sanction de Charles III. Ce prince improvisait le Pontife geôlier de six mille Espagnols. Sans avoir consulté le Vatican, il insultait à la dignité du souverain temporel en choisissant un pays ami pour lieu de déportation. Clément XIII fut irrité de ces procédés insultants, et il ne voulut pas que le domaine de saint Pierre devînt la prison de tous les Religieux qu'il plairait aux gouvernements catholiques de bannir de leur territoire, sous prétexte qu'ils étaient dangereux à l'ordre public, mais en réalité parce que leur fortune tentait les cupidités ministérielles.

Tels furent les motifs qui engagèrent le Pape à ne pas accepter les divers convois de Jésuites qui se succédèreut. Dans l'intérêt et pour l'honneur du Siége Apostolique, les Pères ne firent entendre aucune plainte; ils souffrirent, ne voulant pas qu'à cause d'eux la cour de Rome fût humiliée dans ses rapports avec les puissances. Les Français occupaient militairement les villes maritimes de la Corse, où Paoli poussait le cri de l'indépendance nationale. Ces ports étaient neutres; le Pape

obtient qu'ils s'ouvrent aux proscrits. Les proscrits entrent à Ajaccio au moment même où Caffari met le siége devant la ville. Au mois d'août 1767, on les dépose sur le rocher de San Bonifacio. Pendant ce temps, la République de Gênes cède l'île au gouvernement de Louis XV. Le premier soin de Choiseul est de charger Marbeuf d'expulser tous les Jésuites'; on les dirige sur Gênes, de là ils se rendent à Bologne, puis enfin ils s'établissent à Ferrare.

Avant de monter sur le trône d'Espagne, Charles III avait régné à Naples. Son nom y était respecté, et, en partant pour Madrid, il donna l'investiture du royaume des Deux-Siciles à Ferdinand IV, un de ses fils, Ferdinand, trop jeune pour gouverner par luimême, avait eu besoin d'un guide; le jurisconsulte Tanucci fut nommé son premier ministre. Les rois de la maison de Bourbon devaient périr ou être emportés dans la tempête que préparait la philosophie du dixhuitième siècle, et, par un esprit de vertige qu'il sera toujours impossible d'expliquer, ces princes s'entouraient des ennemis les plus dangereux de leur trône. Les idées de liberté, qui conduisirent si rapidement aux idées de révolution, s'abritaient sous leur sceptre; elles présidaient à leur gouvernement; elles s'infiltraient dans le peuple avec la garantie du pouvoir. Choiseul régentait la France; d'Aranda essayait de modifier les mœurs espagnoles; Tanucci, ennemi comme eux du Saint-Siége,

Le protestant Scholl, dans son Cours d'histoire des États européens, t. XL, p. 53, raconte avec quelle cruauté le duc de Choiseul fit procéder à ces persécutions. « La manière dont eut lieu cette nouvelle expulsion montra sous un triste jour la prétendue philanthropie des coryphées de la philosophie. On avait été injuste envers les Jésuites français; mais la conduite qu'on tint envers les Jésuites espagnols, auxquels la république génoise avait accordé asile dans l'ile de Corse, fut barbare. On jeta les religieux dans des vaisseaux, où, par une chaleur étouffante, ils étaient entassés sur le tillac, couchés les uns sur les autres, exposés aux ardeurs du soleil. Ce fut ainsi 'n les transporta à Gênes, d'où ils furent envoyés dans l'État ecclésiastique.

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comme eux imbu des utopies économistes, les faisait triompher à Naples.

Clément XIII suppliait le Roi Catholique d'épargner à sa vieillesse et à l'Église un deuil aussi profond que légitime. « Loin d'y réussir, raconte Sismondi', loin de déterminer ce monarque à motiver sa barbarie autrement que par les généralités les plus vagues, il ne put empêcher que Charles III et le duc de Choiseul n'entraî nassent dans le même système de persécution les deux autres branches des Bourbons en Italie. » Le roi d'Espagne avait toute autorité sur Tanucci, sa créature; il lui écrivit. Aussitôt le ministre napolitain saisit l'occasion de s'attirer quelques éloges des Encyclopédistes. Il allait braver Rome, complaire à Charles III, et disposer en maître de toutes les propriétés des Jésuites. Tanucci ne se mit pas en frais d'imagination pour arriver à ce triple résultat. Il arracha au roi Ferdinand, à peine majeur, un édit contre les membres de la Compagnie, et, sans prendre le temps de couvrir son arbitraire de quelque prétexte, il résolut de suivre pas à pas le plan qui avait si bien réussi à d'Aranda. Dans la nuit du 3 novembre 1767, il fit investir simultanément les Colléges et les maisons de la Société. Les portes furent enfoncées, les meubles brisés, les papiers saisis, et la force armée escorta, vers la plage la plus voisine les Pères, auxquels on ne permit que de prendre leurs vêtements. Ces mesures furent exécutées avec tant de précipitation, que, au rapport du Général Coletta', ceux qu'on avait enlevés de Naples à minuit faisaient, au jour naissant, voile vers Terracine.

La victoire de Choiseul et de d'Aranda n'était pas

'Histoire des Français, t. xxix, p. 373.

2 Storia di Napoli, t. 1, liv. 11, $ 8, p. 168.

encore complète. Le jeune duc de Parme, petit-fils de France et infant d'Espagne, fut sollicité par eux d'entrer dans la coalition contre les Jésuites. Il avait pour guide Du Tillot, marquis de Felino, agent de la secte philosophique. Au commencement de 1768, les Jésuites se virent chassés de Parme. Pinto, grand-maître de Malte, était feudataire du royaume de Naples. Les cours de France et d'Espagne obligèrent celle des Deux-Siciles à poursuivre l'Institut jusque sur le rocher des chevaliers de la Chrétienté. Tanucci s'empressa d'obtempérer. Le 22 avril 1768, le grand-maître rendit un décret par lequel, cédant aux sollicitations du ministre napolitain, il bannissait de l'ile la Compagnie de Jésus.

A ces coups réitérés, qui ébranlaient le Saint-Siége, le vieux Pontife n'avait eu à opposer que la patience, les prières et la raison. Lorsqu'il vit que Ferdinand de Parme s'unissait aux ennemis de l'Église, il se rappela que ce prince avait du sang de Farnèse dans les veines, qu'il était vassal de Rome, et par une bulle il promulgua sa déchéance. Rezzonico était le fils d'un marchand de Venise, mais il était prince par l'élection, Souverain Pontife par la miséricorde divine. Il se trouvait en face de cette royale famille de Bourbon, qui conjurait la ruine des Jésuites, sans songer que quelques années plus tard ces mêmes Bourbons, calomniés, détrônés, fugitifs ou égorgés juridiquement, invoqueraient l'Église comme le dernier juge sur la terre, qui pût leur ouvrir le ciel ou les consoler. Rome revendiquait des droits sur le duché de Parme, droits contestés peutêtre, mais qu'il était politique de faire valoir dans les circonstances. Clément XIII avait tout souffert; il n'osa point cependant abaisser la tiare aux pieds d'un de ses feudataires. Le 20 janvier 1768, il publia une sentence

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