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dictées lui-même en 1649. C'est à mon tour aujourd'hui de pleurer. Un torrent de larmes fait échapper la plume de mes mains. Mes compagnons ne sont plus que des squelettes animés. Ils ont été traînés en prison et fouettés. Leur peau tombe de misère; et, s'ils ne sont pas encore morts, ils souffrent tout ce que la plus extrême pauvreté a de plus rude. »

Cette lettre, si éloquente de douleur, aurait réveillé le zèle du patriarche Mendez s'il eût éprouvé quelque ralentissement; mais le Jésuite, toujours en vue de son Église désolée, n'avait jamais consenti à s'éloigner des Indes. Il espérait que l'Éthiopie serait enfin ouverte à ses derniers jours comme une palme réservée à son ambition du martyre; il mourut sans pouvoir l'atteindre. La terre d'Éthiopie se fermait devant eux: on les vit à différentes reprises tâcher d'en forcer l'entrée. Louis XIV leur accorda son appui, et vers l'année 1700 le Père de Brévedent expira de fatigue au milieu du désert. Dans le même temps les Pères Grenier et Paulet s'avançaient dans le Sennaar, et le Père du Bernat rêvait une autre tentative. Elles échouèrent à peu près toutes.

Le schisme d'Orient et les calculs des hommes repoussaient les Jésuites de l'Éthiopie : ils s'élancent sur le Caucase. Les Pères Hippolyte Désideri et Emmanuel Freyre prennent la résolution de porter l'Évangile jusque dans le Thibet. Ils parcourent le Mogol, ils franchissent des montagnes qu'aucun pied européen n'a encore foulées, puis, après de longs mois de voyages à travers les torrents et les précipices, ils descendent dans les vallées de Cachemyre. Ce n'est pas là que les appelle leur passion civilisatrice. Les peuples de ces contrées fertiles sont mahométans et heureux. Ils n'ont rien à demander à la terre, ils ne songent peut-être pas à solliciter du ciel

autre chose

que le bonheur dont ils jouissent; mais dans le Grand-Thibet il y a des Idolâtres perdus entre deux chaînes de rochers arides qu'il faut gravir, au risque d'être englouti à chaque pas au fond des abîmes grondant sous les pieds. Les Jésuites n'hésitent point; ils courent au péril, ils s'engagent sur ces montagnes impraticables. Ils ont pour nourriture une espèce de farine de sattu ou d'orge, pour tout lit la pierre couverte de glace et de neige; et ils marchent cependant. Les voici à Ladak, où réside le souverain du pays. A des populations primitives, dont les mœurs étaient pures, ils pou

vaient en toute liberté révéler les bienfaits de la croix; la croix devait y être comprise. Ils en propagèrent le signe, ils apprirent à le vénérer. Mais là ne s'arrêtait point la Mission des Jésuites. Ils avaient à accomplir une prédiction de l'Évangile il fallait que le Christianisme retentît à tous les coins du monde, et on leur disait que derrière des glaciers gigantesques, qu'après mille torrents, il existait une autre tribu complétement séparée du reste de la terre. Six mois de travaux inouïs leur étaient nécessaires pour parvenir à Lahassa, capitale de ce troisième Thibet. Les Jésuites reprennent leur bâton de missionnaire, ils arrivent, et ils prêchent.

D'autres, en sillonnant les mers, ont remarqué entre le tropique du Cancer et la ligne équinoxiale, à l'extré– mité de l'Océan Pacifique, un groupe d'îles où, racontet-on, les indigènes vivent dans l'ignorance la plus absolue c'est l'état de barbarie élevé à sa dernière puissance; car ils n'ont pour loi qu'un grossier instinct et pour mœurs qu'une corruption anticipée. Le Père Diego Louis Sanvitores, qui a déjà évangélisé les Philippines, forme le projet de pénétrer dans cet archipel et d'y annoncer le Christianisme. Il part d'Acapulco avec

les pères Thomas Cardenoso, Louis de Médina, Pierre de Casanova, Louis de Moralez et Laurent Bustillos. Vers la fin de 1668 ils abordent aux îles Mariannes ou Larrones. Les habitants les accueillirent avec des démonstrations de joie. Une croix fut dressée sur le rivage, et les Jésuites s'empressèrent de parcourir le pays afin d'en prendre possession par le baptême administré aux petits enfants. Guam est la principale de ces îles. Sanvitores se chargea de l'instruire des mystères de la Foi, Cardenoso et Moralez se dirigèrent sur Tinian, Médina sur Saypan.

Les Missionnaires ne rencontraient aucun obstacle; ces peuples étaient doux, intelligents: ils comprenaient, ils goûtaient la morale chrétienne; ils se montraient disposés à favorablement accepter les principes d'ordre yenant à la suite d'une Religion qui leur enseignait de nouveaux devoirs. L'idée de la famille n'existait pas parmi eux, et cependant ils se croyaient la seule nation qui fùt au monde. Vivant dans un libertinage traditionnel, ils ignoraient ce que pouvait signifier le mot de vertu. Leur nudité était complète; et, par une étrange pensée de coquetterie, les femmes ne se croyaient réellement belles que lorsqu'elles étaient parvenues à noircir leurs dents et à blanchir leurs cheveux.

Sanvitores avait, comme tous les Jésuites, placé ses plus chères espérances dans les enfants: il les forma avec un soin particulier. Il jeta les fondements d'un collége, afin de développer par l'éducation le germe des vertus et de le faire entrer dans les familles par les jeunes gens. L'influence du Christianisme et l'attrait de la nouveauté avaient suspendu les vieilles querelles; peu à peu elles se réveillèrent. Malgré les prières et les menaces des Jésuites, la guerre éclata. Elle rendit

mais

aux insulaires leur férocité native, et le 29 janvier 1670 Louis de Médina périt à Saypan sous les coups d'une multitude égarée. Le sang montait à la tête des Marianais: Sanvitores et ses compagnons jugèrent que le sort de Médina leur était réservé : ils s'y préparèrent avec joie. Ils continuèrent leur apostolat, vivifiant la Foi dans le coeur de leurs catéchumènes et leur apprenant à être chastes et humains. Le 2 avril 1672 Sanvitores expirait martyr. En peu d'années il avait créé dans ces îles huit églises et trois colléges, il avait baptisé plus de cinquante mille sauvages. Médina et Sanvitores tombaient sous la lance des insulaires, le Père Solano mourait d'épuisement à quelques mois d'intervalle. Le 2 février 1674 le sang d'un autre Jésuite fécondait ce sol inculte: le Père Ezquerra, Louis de Vera-Picaço et ses catéchistes subirent le supplice que leurs voeux appelaient. Les indigènes massacrèrent tous les Missionnaires qu'ils purent saisir Pierre Diaz, coadjuteur temporel, les Pères de Saint-Basile, Sébastien de Mauroy, Strobach, Charles Boranga et Comans trouvèrent le martyre. Leur mort, que l'Eglise et la civilisation glorifiaient, fut un stimulant pour l'Ordre de Jésus. Sanvitores et ses compagnons n'avaient ouvert à la Croix qu'un champ restreint, et la perfidie superstitieuse de quelques indigènes avait étouffé leur voix dans les tourments; mais en 1697 les Pères Antoine Fuccio, Basile Leroulx et Paul Clain virent se multiplier sous leurs yeux la moisson que le sang faisait germer. Les Mariannais embrassèrent le Christianisme, et il se propagea dans ces archipels.

L'œuvre des Jésuites prenait une rapide extension : de Rome et de Goa', ses deux centres d'action, elle

La province de Goa comptait plusieurs colleges et plusieurs séminaires chargés d'alimenter les Missions de l'Indostan. Le Collège de Sainte-Foi, établi par saint

étendait ses rameaux par tout l'univers. Elle fondait de nouvelles résidences sans jamais abandonner les anciennes. Le Christianisme volait à la conquête des mondes inconnus. Dans ce perpétuel combat de la civilisation chrétienne contre le fanatisme ou l'ignorance, les Jésuites, toujours au premier rang, ne se laissèrent jamais endormir par le succès ou abattre par la défaite. Engagés dans cette lutte sans fin, que FrançoisXavier avait ouverte, ils marchaient à leur but sans se préoccuper des obstacles. Les guerres, les révolutions dont tant de royaumes étaient le théâtre pouvaient bien modifier leurs plans, renverser leurs espérances ou leur arracher la vie. Ils avaient prévu ces éventualités de l'apostolat, ils s'y soumettaient avec bonheur. On les proscrivait, on les tuait sur un point, ils reparaissaient sur un autre. Le sacrifice de leur existence était consommé en idée lorsqu'ils posaient le pied sur le vaisseau français, espagnol ou portugais, cinglant vers les régions orientales. Ils savaient qu'une mort prématurée les attendait cette destinée ne fit qu'enflammer les courages. C'est ainsi que, sans autre secours qu'une ardente charité, ils réalisèrent la conquête des Indes, de l'Asie et des deux Amériques. Dans ces Missions, dont il serait peut-être impossible de reconstruire l'ensemble, ils eurent de cruelles alternatives, de bons et de mauvais jours; mais, par une persévérance à toute épreuve, ils se montrèrent plus forts que les événements combinés avec les passions des hommes. Ils virent plus d'un triomphateur, comme Thamas Kouli-Kan, tenir le monde attentif au bruit de ses exploits, et ils surent

François-Xavier, celui de Saint-Paul et la Résidence de Bandoughor; le Noviciat de Goa; le College de Rachour, ceux de Baçaim, de Daman, de Tanah, de Diu, de Cuaul, d'Agrah et de Delhy.

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