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du château d'Arensberg n'a pas plus coûté aux Hanovriens, que la prise des biens des Jésuites à nos seigneurs du Parlement. On se contente, à l'ordinaire, d'en plai→ santer. On dit que Jésus-Christ est un pauvre capitaine réformé qui a perdu sa compagnie. »

Les Parlements étaient « les exécuteurs de la haute justice pour la philosophie, dont ils prenaient les ordres sans le savoir; » on ne voulut pas laisser refroidir ce zèle. Les Parlements se trouvaient à l'apogée de leur puissance; on avait besoin d'eux on les enivra de louanges. La gloire leur vint avec la haine du nom de Jésuite; un réquisitoire et un arrêt contre l'Institut furent des titres à l'immortalité, dont les Encyclopédistes s'étaient constitués les distributeurs. Dans cette vieille Société française, s'affaissant sur sa base, il était bien facile de diriger un mouvement vers le mal en flattant de généreux instincts. On avait entraîné le Parlement de Paris à faire de l'injustice par esprit de religion on de nationalité; on espéra que les magistratures de province dépasseraient le but indiqué. On les força toutes à vider chacune dans son ressort la question des Jésuites. L'ambition, la vanité, le désir d'attirer sur soi les regards de la France, et, pour d'autres, l'accomplissement d'un devoir, imprimèrent à ces cours judiciaires une fiévreuse activité. Le gouvernement les mettait en mesure de se prononcer; elles évoquèrent les Constitutions de l'Ordre de Jésus à leur barre.

Loin du foyer de l'intrigue et n'en démêlant pas bien tous les fils, les Parlements n'avaient pas un intérêt direct à la destruction de la Société. Ils comptaient dans leurs rangs des magistrats pleins de science et d'équité, et qui, pour complaire à la maitresse ou au ministre du Roi, n'étaient pas disposés à immoler leurs convictions.

Il y avait de l'opiniâtreté, des préjugés chez quelquesuns; dans le cœur de la plupart, dominait un sentiment d'impartialité ou de reconnaissance nationale qu'il était difficile d'affaiblir. Le Parlement de Paris s'était engagé, il faisait appel à l'esprit de corps, toujours si puissant dans les tribunaux inamovibles. On rehaussait leur importance aux yeux du pouvoir royal: ils chargèrent les procureurs-généraux de leur rendre compte de l'Institut de saint Ignace. C'était la cause la plus retentissante qui eût jamais été soumise à leur appréciation; les procureurs-généraux s'imaginèrent d'abord que cette belle proie ne leur serait pas abandonnée; mais lorsqu'ils eurent acquis la preuve que le Roi laisserait parler, ils s'élancèrent dans l'arène. Tous cherchèrent à y briller par le talent ou par l'animosité.

Trois de ces comptes-rendus ont survécu : Caradeuc de la Chalotais, Ripert de Monclar et Pierre-Jules Dudon, procureurs-généraux aux Parlements de Bretagne, de Provence et de Bordeaux, en étaient les auteurs. Chauvelin, Saint-Fargeau et Joly de Fleury avaient pris l'initiative dans la capitale du Royaume; des magistrats plus éloquents, plus incisifs, les faisaient oublier au fond des provinces. Avec des caractères et des esprits différents, mais avec un sentiment de probité religieuse que les éloges et les excitations des Encyclopédistes ne parvinrent point à étouffer, La Chalotais, Dudon et Monclar s'efforcèrent d'incriminer les statuts de Loyola. Il y a, sans aucun doute, de la passion, de l'iniquité involontaire dans leurs réquisitoires; mais, en tenant compte des entraînements de l'époque et des séductions que tant d'utopies exerçaient sur des natures ardentes, il faut avouer que ces grands magistrats trouvèrent souvent dans les amis des Jésuites la partialité dont ils

avaient donné l'exemple'. On a jugé l'ouvrage, sans vouloir descendre dans la vie de l'auteur. Cette vie sévère

On a souvent dit et souvent publié que le compte-rendu de La Chalotais était l'œuvre de d'Alembert et des Jansénistes, qui en préparèrent les matériaux. Ce fait nous semble dénué de fondement. On a dit encore que les Jésuites s'étaient vengés du fameux procureur-général breton en le persécutant et en le faisant jeter en prison. Les Jésuites, proscrits alors, n'avaient ni l'influence ni le temps de proscrire les autres, et La Chalotais fut arrêté le 11 novembre 1765. C'est Laverdy, l'un de ces membres du Parlement de Paris si hostiles à la Compagnie, qui, devenu contrôleurgénéral sous le ministère du duc de Choiseul, ne voulut plus tolérer les empiétements des cours judiciaires, auxquels il s'était associé. On a ajouté que La Chalotais avait fait une œuvre de calcul et de haine. Dans les papiers de sa famille, il existe des mémoires inédits du comte de La Fruglaie, gendre du procureur-général, et, sous la date de l'année 1761, nous y lisons ces curieux détails.

A sa clôture, le Parlement chargea M. de La Chalotais de l'examen des Constitutions des J suites, pour lui en rendre compte à sa rentrée. Tous les Parlements de France en firent autant. C'était une affaire majeure, exigeant un travail énorme, qui devint une espèce de concours de talent entre les procureurs-généraux du royaume. M. de La Chalotais ne put se persuader d'abord que le roi permît cet examen; il avait une trop haute idée du crédit des Jésuites à la Cour, pour ne pas leur croire les moyens de conjurer cet orage. Il ne se pressa donc point d'entreprendre ce long et fastidieux travail, qui lui était demandé. Nous partimes ensemble pour quelques visites de famille. Chemin faisant, il lisait les Constitutions des Jésuites, et plus il avançait dans cette lecture, plus il s'effrayait de l'importance et de la longueur du travail nécessaire pour en rendre compte à la rentrée du Parlemeut. Il me pria de retourner à Rennes, d'y voir de sa part les membres du Parlement qui s'y trouvaient ainsi que les personnes de la société ayant des relations, soit à Paris, soit à la Cour, et de lui mander, d'après ces conférences, si on pouvait croire que le Roi laisserait parler les procureurs-généraux sur les Constitutions des Jésuites. Je m'empressai bientôt de lui mauder que, de tous les renseignements que j'avais pu me procurer, on pouvait conclure qu'un parti, très-puissant à la Cour, semblait prévaloir sur le crédit des Jésuites à Versailles, et le persuader que l'affaire entamée contre cet Ordre serait suivie avec rigueur.

» M. de La Chalotais se hâta de revenir à Rennes, s'enferma dans son cabinet, et, en six semaines d'un travail forcé qui prit même sur sa santé, il atteignit le but. Son compte-rendu, dans cette affaire, eut le succès le plus complet, non-seulement au Parlement, auquel it le rendit, mais dans la société. Il fut bientôt imprimé, répandu à la Cour et à la ville, où il mérita à son auteur la réputation la plus distinguće comme magistrat, publiciste et littérateur.

D

J'entends dire et je lis aujourd'hui, dans plusieurs ouvrages de littérature récents, que M. de La Chalotais était connu pour ennemi de cet Ordre célèbre; que ses comptes-rendus avaient été dictés par la haine et la partialité. Personne mieux que moi ne peut démentir cette calomnie. J'ai vu et lu chacune des pages de cet ouvrage, à mesure qu'il a été fait, et je dois dire, avec toute vérité, que non-seulement M. de La Chalotais n'avait aucune prévention antérieure contre cette Société, mais même qu'il faisait grand cas de plusieurs de ses membres, lorsque le devoir de sa place le mit dans la nécessité de donner son avis sur ces Constitutions; qu'incapable de le faire par haine et partialité (sentiments qui n'entrèrent jamais dans sa belle âme ), il rejeta, au contraire, toute impulsion étrangère à son opinion personnelle, J'ai vu et lu une foule de lettres anonymes qui lui furent adressées ( par quelques Jansenistes, sans doute); elles étaient pleines de fiel et d'amertume, mais aussi de faits et de recherches profondes: il dédaigna d'en faire usage, et, plus tard même, de les lire, »

et retirée fut cependant aussi digne que pieuse. La Cha lotais et Monclar se laissèrent emporter par des violences dont ils ne calculèrent que plus tard les tristes effets, et ils s'en repentirent. Dudon, plus maître de sa pensée et de sa parole, se contenta de discuter les Constitutions que le Roi livrait à son examen. Il fut prudent là où les autres substituaient la véhémence du sophisme à l'idée catholique. Son compte-rendu était serré et lumineux, il concluait contre les Jésuites; mais, dans ses développements, il faisait ressortir les services dont le monde chrétien est redevable à l'Ordre: Son réquisitoire n'avait pas le brillant reflet des passions du jour, aussi ne fut-il pas accueilli avec l'enthousiasme qui salua ceux de La Chalotais et de Monclar.

En France, où habituellement on ne réfléchit qu'après coup, il sera toujours aisé de faire une opinion publique. Elle a été travaillée en chaque sens, et les masses se sont toujours conformées à l'impulsion de ceux qui aspiraient à les diriger en les trompant. La popularité ne vient habituellement qu'aux hommes dont l'art consiste à faire naître des préjugés qu'ils exploitent. Le jour de l'abandon arrivait pour les Jésuites. Ils ne résistaient pas, ils ne pouvaient pas résister à ce choc multiple, qui les enveloppait de toutes parts; mais à l'encontre de tant de précipitations judiciaires, il surgit au sein des Parlements de courageuses minorités, qui ne consentirent point à flétrir la Religion et la justice. A Rennes, à Bordeaux, à Rouen, à Toulouse, à Metz, à Dijon, à Pau, à Grenoble, à Perpignan, à Aix surtout, où la voix de Monclar avait éclaté, de longs conflits s'élevèrent. Les passions s'agitèrent au sein des cours; plus d'une sinistre prédiction, qu'un prochain avenir devait réali

1 Mémoires inédits de M. le président d'Éguilles, tre part,, art. 6, p. 301.

ser, se fit entendre. Ces orageuses délibérations mettaient en question le principe chrétien et le pouvoir monarchique, la liberté de la conscience et l'intolérance philosophique, le droit de la famille et le droit des accusés.

Les Parlements étaient les sentinelles préposées à la garde des intérêts sociaux dans toute autre circonstance, ils les auraient protégés; mais on les conviait à détruire un Institut religieux dont plus d'une fois ils avaient jalousé l'influence sur les populations. Il y avait solidarité de corps, esprit de vengeance, désir immodéré d'étendre ses attributions: de pareilles causes l'emportérent. On vit les magistrats se constituer tout à la fois arbitres, accusateurs et témoins. Ils n'écoutèrent point les Jésuites en leur défense; ils ne surent que punir, et le parti était si bien pris d'avance, qu'à Aix une majorité primitive de vingt-neuf voix opprima une minorité de vingt-sept. Cette minorité comptait quatre présidents à mortier Coriolis d'Espinouse, de Gueydan, Boyer d'Eguilles et d'Entrecasteaux. Elle avait dans ses rangs Montvallon, Mirabeau, Beaurecueil, Charleval, Thorome, Despraux, La Canorgue, de Rousset, Mons, Coriolis, de Jouques, Fortis et Camelin. Ils n'osaient pas juger la plus grande et la plus difficile des affaires, sans instruction, sans pièces, sans rapport. On avait calculé les suffrages les ennemis des Jésuites savaient qu'une majorité de deux voix leur était acquise, ils passèrent outre. Cette contrainte morale, qui a quelque chose de révolutionnaire, pouvait être mal interprétée. Dans les Mémoires inédits du président d'Éguilles, nous trouvons ce que pensèrent ces hommes de profonde conviction. Le président se plaint au Roi de la violence qu'on a cherché à leur faire subir, et, équitable même en ra

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