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eux, à Brest en 1701. Leurs démarches n'aboutissent à aucun résultat. Personne n'a vu, n'a connu cet homme si riche. L'autorité locale n'en a jamais entendu parler. Deux années s'écoulent, et en 1718 les Jésuites du Collége de la Marine sont tout à coup accusés d'avoir attiré dans leur maison Guis, qui débarquait malade, et de l'avoir dépouillé de son trésor. Guis, disait-on, avait été tué chez les Jésuites, et l'abbé Rognant, recteur de la paroisse de Saint-Louis, avait fait transporter le cadavre à l'hôpital, où il fut inhumé.

L'imputation était grave. Les Jésuites réunissent les éléments qui peuvent la détruire. Le gouvernement, de son côté, charge Le Bret, premier président du parlement d'Aix, d'informer. Ce magistrat, qui était en même temps intendant de la province, fait interroger à Marseille les parents d'Ambroise. Ils racontent que Guis, tombé dans la misère et déjà vieux, s'embarqua pour Alicante en 1661, et que, par divers rapports, il était venu à leur connaissance qu'il n'avait pas été plus heureux en Espagne qu'en France. Le premier président écrit à Alicante : il en reçoit cet extrait mortuaire': Ambroise Guis, Français de nation. Le vendredi 6 novembre 1665 on enterra le susdit dans cette église pour l'amour de Dieu, et tout le clergé y assista en exécution de l'ordonnance et décret du Grand-Vicaire forain de cette ville d'Alicante et de son territoire. » Cet acte, dont copie authentique et légale était certifiée par trois notaires et par le consul français, renversait l'échafaudage de succession si péniblement dressé contre les Jésuites. On avait ajouté foi aux insinuations de la malveillance, on se tut devant cette preuve irrécusable. Les héritiers d'Ambroise Guis avaient évoqué l'affaire au

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Archives de la paroisse Sainte-Marie, page 258,

Parlement de Bretagne. Le 19 février 1724 « la cour, faisant droit sur les charges, informations et requêtes des Pères Jésuites de Brest, les a renvoyés hors l'accusation, sauf à eux à se pourvoir pour leurs réparations, dépens, dommages et intérêts. »

Cette fable avait eu le sort de tant d'autres: elle était depuis long-temps oubliée ainsi que la succession d'Ambroise Guis; mais contre les Jésuites la calomnie ne subit jamais de prescription éternelle. On a toujours une heure où elle peut abuser d'autres générations. Pombal était dans le feu de ses violences. Il parut en France un écrit destiné à réveiller cette affaire. Il avait pour titre : Arrêt du conseil d'État du roi qui condamne tous les Jésuites du royaume solidairement à rendre aux héritiers d'Ambroise Guis les effets en nature de sa succession, ou à leur payer, par forme de restitution, la somme de huit millions de livres. Le 3 mars 1759 cet arrêt fut signifié aux Jésuites de Paris. L'audace de ceux qui l'avaient fabriqué était grande; mais à cette époque le pouvoir s'enfonçait dans des voies qui le conduisaient à l'opprobre et au suicide. Circonvenu par tant de corruptions avouées ou secrètes, il ne se trouvait encouragé que pour faire le mal. Une trame habilement ourdie avait essayé de séduire la probité du secrétaire de la chancellerie; cette trame fut déjouée. Le 30 mars le conseil d'État annula l'édit supposé, et on lit dans ses registres: Sa Majesté a estimé ne devoir pas laisser subsister la signification d'un arrêt qui n'a jamais été rendu, et il est de sa justice de faire punir sévèrement ceux qui seront convaincus d'avoir eu part à la fabrication du prétendu arrêt et de l'avoir imprimé, vendu, débité ou autrement distribué en public.

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A Brest, à Paris, on accusait les Jésuites de vol et

d'homicide. Vers la même époque la Provence retentissait d'inculpations non moins délicates contre l'honneur d'un Père de la Compagnie. Jean-Baptiste Girard, recteur du Séminaire royal de la Marine, à Toulon, était un prêtre pieux, mais crédule. Il fut trompé par les enthousiasmes d'une jeune fille portant au plus haut degré la passion d'une célébrité de dévote. Catherine La Cadière feignait des extases. Elle avait reçu les stigmates, comme sainte Catherine de Sienne. Elle écrivait des lettres brûlantes de la plus haute spiritualité, comme une nouvelle sainte Thérèse, et le Père Girard prêtait une oreille docile à ces récits de visionnaire. Sa foi fut si entière qu'il ne soupçonna que deux ans après l'erreur dans laquelle cette jeune fille le faisait tomber. Par une candeur inexcusable le Jésuite s'était fourvoyé dans un labyrinthe de mysticisme non sans péril pour le directeur et pour la pénitente. Il fit retraite, et dans une lettre aussi convenable que sage' il engagea La Cadière à choisir un autre confesseur. Cet abandon froissa l'irritable vanité de la jeune illuminée. Il dérangeait les calculs de ses deux frères, qui rédigeaient sa correspondance, et qui, quoique prêtres, cherchaient à abuser de la crédulité d'un autre prêtre. Catherine était repoussée par un Jésuite: elle dut nécessairement chercher sa vengeance chez les Jansénistes. Elle s'adressa à un Carme nommé le Père Nicolas, fervent disciple de Quesnel. C'était le temps des convulsions et des miracles du cimetière de Saint-Médard. Les philosophes commençaient à ne plus croire en Dieu; les sectateurs du diacre Pâris acceptaient plus facilement que l'Évangile toutes les merveilleuses absurdités s'improvisant à sou

› Cette lettre a été produite au procès de La Cadière, dont on a eu l'art de former six volumes in-12.

tombeau. La mode était aux possessions: La Cadière feint d'être possédée du démon. Le Père Girard a exercé contre elle tant de sortiléges et d'enchantements qu'elle s'avoue infanticide. Le crime se mêlait à l'imposture religieuse. Le Janséniste comprit que sa secte tirerait bon parti de cette femme, entraînée par la vengeance jusqu'au sacrifice de son honneur. La cause est portée devant la grand'chambre du Parlement d'Aix. Catherine, soumise à une minutieuse instruction, se trouve en face de magistrats que ses visions n'éblouissent guère. Aujourd'hui elle accuse le Jésuite, le lendemain elle rétracte ses dires. Girard pour elle est tantôt un homme de mœurs exemplaires et de solide piété, tantôt un ange déchu. Dans cette confusion de récits, le Parlement hésitait. La correspondance de Girard avec La Cadière fit cesser ses doutes. La conviction de ce Jésuite s'y révé lait à chaque mot: on l'y trouvait toujours simple et crédule, mais aussi toujours chaste et pieux.

Cet étrange procès était un coup de partie pour les ennemis de la Société de Jésus; on l'exploita de toutes les manières '. Le pamphlet et la chanson, le raisonnement et l'injure, la défiance janséniste et le sarcasıne philosophique, tout fut mis en jeu. On annonça même que le Père Girard avait été brûlé vif à Aix, comme sorcier et quiétiste. On s'efforça de tenir en haleine toutes les passions. Enfin, ce drame qui a fait couler tant

Catherine, ses deux frères et le Carme ne furent point mis eu jugement; la secte janseniste les avait adoptés, et alors elle dominait ; mais l'évêque de Toulon, La Tour du Pin Montauban, dans sa déposition écrite et dans un mémoire adressé au Parlement, déclara qu'ayant interdit le Carme Nicolas et le Jacobin Cadière pour avoir fait jouer publiquement à la jeune Cadière des scènes de possédée, ces deux moines revinrent le lendemain prier le prélat de leur rendre des pouvoirs ou de les ôter an Père Girard. Ce que l'évêque ayant refusé, ils lui déclarèrent qu'ils porteraient l'affaire en justice; qu'ils avaient de quoi perdre le Père Girard, et qu'on leur promettait que rien ne leur manquerait s'ils voulaient l'entreprendre ; qu'on leur offrait pour cela cinquante mille livres.

de flots d'encre, se termina, le 10 octobre 1731, par un arrêt ainsi conçu « Dit a esté que la cour, faisant droit sur toutes les fins et conclusions des parties, a déchargé et décharge J.-B. Girard des accusations et crimes à lui imputés, l'a mis et met sur iceux hors de cour et de procès. »

Les Jansenistes n'étaient plus dangereux, ils avaient perdu leurs hommes de génie; personne ne remplaçait cette génération des Arnauld, de Pascal, de Sacy et de Nicole. L'intrigue succédait au talent, l'hypocrisie à la Foi. L'autel élevé par des mains puissantes s'affaissait sous le ridicule; les Jansénistes ne pouvaient plus rien par eux-mêmes, ils crurent qu'ils seraient plus heureux en se donnant un Jésuite pour complice de leurs miracles. En 1732, au moment où le procès de La Cadière finissait, comme tout finit en France, par la lassitude, les Jansénistes inventèrent que le Père Chamillard était mort à Paris en appelant de la bulle Unigenitus. L'appel était la parole sacramentelle de l'époque, le mot d'ordre soufflé aux factions. Au dire des Sectaires, dont les gazettes étaient les porte-voix, un combat s'était livré sur le cercueil de Chamillard, que se disputaient les deux partis, et la cause du Jansénisme avait enfin triomphé. Le Père Chamillard, mort en odeur de sainteté hérétique, avait été déposé dans une cave; de là, il exhalait un tel parfum, que son intercession avait la vertu de guérir toutes les maladies du corps et de l'esprit. Il y a des hommes qui ont pour principe de croire à l'impossible. Un enfant de Loyola, devenu disciple de Jansénius, était quelque chose de si étrange, que tous les adeptes s'empressèrent d'y ajouter foi; mais le Père Chamillard, qui n'était ni mort ni partisan de l'Augustinus, ressuscita tout à coup, et, le 15 février 1732, il

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