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mais ce n'étaient pas les plus péremptoires, les seules que l'on faisait valoir dans l'intimité du conseil. On chargeait les Jésuites de crimes bien moins excusables que les dissensions civiles, dont ils n'étaient que le prétexte. Des abus, des désordres de toute espèce s'étaient introduits parmi ces Chrétiens, moitié Juifs, moitié Musulmans. Les Jésuites, qu'on accusait, au Maduré et en Chine, de tolérer les rites idolâtres, étaient blâmés en Abyssinie pour chercher à détruire l'usage de la circoncision, l'observance du sabbat et la pluralité des femmes. Ils forçaient leurs néophytes à n'avoir qu'une épouse légitime; le respect du lien conjugal fut peut-être la cause déterminante de cette révolution religieuse. Les concubines renvoyées se liguèrent avec les officiers schismatiques, et tous ces motifs réunis amenèrent la chute de l'Église abyssinienne.

Les monarques d'Éthiopie n'étaient, comme la plupart des souverains d'Orient, que des créatures de l'armée. Un caprice les portait au trône, un autre caprice les en faisait descendre; parfois leur tête tombait en même temps que leur couronne. Placé dans une cruelle alternative, l'Empereur ne consentit pas à résigner le pouvoir afin de vivre catholique. Le sceptre lui parut préférable à la vérité, et, cédant aux prières menaçantes de son fils, il ordonna de convoquer tous les corps de l'État afin de trancher la question à la pluralité des suffrages. Les néophytes furent écartés de l'assemblée, on les proscrivit sans entendre leur défense. Dans les camps, dans les villes, cette proscription fut accueillie par des cris de vengeance. Les Fidèles parlaient de se soulever. On soupçonne le Père Mendez et les autres. Jésuites de fomenter la sédition. Les Schismatiques redoutent leur influence sur le peuple: on les exile. L'Em

pereur comprend alors qu'il a ouvert la voie à des calamités sans fin: il maudit sa faiblesse, il se sent frappé à mort; mais du moins il veut mourir catholique. Le Père Diego de Matos accourt auprès de lui, il reçoit ses tristes et suprêmes confidences, et le 26 septembre 1632 l'Empereur expire.

Basilides régnait enfin sous le nom de sultan Seghed II. Il avait vingt-cinq frères, il les fait tous périr par le fer ou par le poison. Il redoutait le courage et les talents. de Sela-Christos, son oncle, il le relègue dans un désert. Il fallait donner des gages aux Schismatiques, il nomme pour abuna ou patriarche un aventurier égyptien. Son premier soin est de déclarer qu'il ne pourra vivre en Abyssinie que si les Jésuites n'habitent plus cette terre. Il parlait au nom d'un parti dont les derniers événements avaient accru l'orgueil : l'abuna fut obéi. Les Jésuites prirent la route de l'exil. Elle était longue et périlleuse; les Schismatiques songèrent à l'entourer de nouveaux dangers. Le pacha de Suakem, sur le territoire duquel la caravane devait passer, est prévenu que les Missionnaires sont chargés d'or: il les arrête, les dépouille, saisit leur fortune, qui consistait en deux calices et en quelques modestes reliquaires. Puis il leur annonce que la liberté ne leur sera rendue que contre une rande trente mille piastres. C'était au fond de la Nubie que cet attentat se consommait. Richelieu l'apprit par le Général des Jésuites: le consul de France à Memphis reçut ordre de travailler efficacement à leur délivrance. Le pacha de Suakem fut bientôt forcé d'abandonner sa proie.

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Cependant six Pères de l'Institut étaient restés cachés en Éthiopie sous la conduite du Jésuite Apollinaire Almeyda, évêque de Nicée. Ils avaient des Chrétiens à

fortifier dans la Foi; la mort leur apparaissait sous toutes les formes, ils la bravèrent; et, réfugiés dans le Sennaar et dans le Kordofan, ils se virent exposés à périr de faim ou à être dévorés par les bêtes féroces. Ils ont sous les yeux les exemples de résignation que les Catholiques, que Sela-Christos leur donnent ils surent se montrer dignes de leurs Catéchumènes. Les uns étaient précipités du faîte des grandeurs dans l'humiliation, les autres, condamnés aux misères de l'exil, supportaiert avec patience toutes les calamités. Les Jésuites se firent un devoir d'encourager tant de dévouements. Seghed II comprend que des Missionnaires sont restés dans le royaume de Tigré, puisqu'il s'y trouve encore des Chrétiens indomptables. Il les fait chercher : on en découvre trois au fond d'une vallée. C'étaient les Pères Paëz, Bruni et Pereira; on les immole à ses vengeances. Les autres sont insaisissables. L'Empereur feint de s'adoucir: des paroles de clémence tombent de sa bouche; il témoigne même le désir de les voir à sa cour. Almeyda et les autres Pères étaient instruits par le vice-roi de Temben que cette bienveillance soudaine recélait un piége. Ils croyaient à son hypocrisie, mais ils jugėrent opportun de l'affronter. L'Évêque de Nicée, avec les Pères Francisci et Rodriguez, profite du sauf-conduit accordé. Ils arrivent sous la tente de l'Empereur. Les trois Jésuites sont chargés de fers et condamnés à la peine capitale. Une mort trop prompte n'aurait pas satisfait la cruauté des Schismatiques on tortura les Missionnaires, on les chargea de coups et d'ignominies. Lorsque, au mois de juin 1638, on eut épuisé sur eux tous les outrages, le souverain les offrit à la colère de ses courtisans, qui les lapidèrent.

Bruni survivait à ses blessures. Il ne restait plus d'au

tres Jésuites dans l'Abyssinic que lui et le Père Cardeira. Ils moururent comme leurs devanciers. Le Pape crut que des Capucins français seraient plus heureux que des Jésuites espagnols ou portugais : les Pères Agatange de Vendôme, Cassien de Nantes, Chérubin et François furent envoyés en Éthiopie; ils tombèrent sous les coups des Schismatiques. Il n'y avait pour gouverner ces populations que des prêtres indigènes formés par les Jésuites. L'un d'eux, Bernard Noguiera, vicaire du patriarche Mendez, adressa, au nom de Sela-Christos, la lettre suivante aux princes et peuples catholiques:

Très-illustres seigneurs, évêques et gouverneurs des Indes, Sela-Christos à tous les Chrétiens catholiques et vrais enfants de l'Eglise de Dieu paix et salut en notre Seigneur.

» Je ne sais en quelle langue je dois vous écrire ni de quels termes je puis me servir pour représenter les périls et les souffrances de cette Église, qui m'affligent d'autant plus que je les vois de mes yeux. Je prie notre Seigneur Jésus-Christ, qui a été attaché en croix, qui est plein de miséricorde, de les faire connaître à tous nos frères, à tous les Recteurs, Prélats, Évèques, Archevèques, Rois, vice-Rois, Princes, Gouverneurs, qui ont quelque autorité au delà des mers. J'ai toujours cru, et je me suis souvent dit à moi-même qu'ils nous auraient secourus, et qu'ils n'auraient pas tant tardé à nous racheter de la main de ces barbares et de cette nation perverse, si la multitude et l'énormité de mes péchés n'y étaient un obstacle. Autrefois, lorsqu'il n'y avait point d'Église ici, lorsque le nom de Chrétien et de Catholique nous était inconnu, on est venu à notre secours, on nous a délivrés de la puissance des Mahometans. Aujourd'hui qu'il y a un si grand nombre de Fidèles on nous oublie, et per

sonne ne pense à nous secourir. Quoi! le Pontife romain, notre père, notre pasteur, que nous chérissons tant, n'est-il plus sur la chaire inébranlable de saint Pierre, ou ne veut-il plus songer à nous consoler ? Nous qui sommes ses brebis, n'aurons-nous point la satisfaction, avant que nous sortions de cette misérable vie, d'apprendre qu'il pense à nous, et qu'il veut empêcher que ces Hérétiques, qui nous font une si cruelle guerre, ne nous dévorent? Le Portugal n'a-t-il plus de princes qui aient ce zèle ardent qu'avait Christophe de Gama1? N'y a-t-il point quelque Prélat qui lève ses mains au ciel pour nous obtenir le secours dont nous avons besoin? Je me tais; ma langue se sèche, et la source de mes larmes ne tarit point. Couvert de poussière et de cendre, je prie et je conjure tous les Fidèles de nous secourir promptement, de peur que nous ne périssions. Tous les jours mes chaines deviennent plus pesantes, et on me dit : Rangez-vous de notre parti, rentrez dans notre communion, et nous vous rappellerons de votre exil. On me tient ce discours pour me perdre et pour faire périr avec moi tout ce qu'il y a ici de Catholiques. On veut ruiner l'Eglise de Dieu, et la ruiner de fond en comble. Si donc il y a encore des Chrétiens au delà des mers, qu'ils nous en donnent des marques, et qu'ils nous reconnaissent pour leurs frères en Jésus-Christ, qui soutenons la vérité comme eux, et qu'ils nous délivrent de cette captivité d'Égypte.»

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ici finisIci, ajoutait Nogueira en son propre nom, sent les paroles de Sela-Christos, notre ami. Il me les a

Christophe de Gama, fils du fameux Vasco de Gama, à la tête de quatre cents Portugais, délivra l'Abyssinie des Mores qui, sous la conduite de Gragné, ravageaient cet empire depuis quatorze ans. Après des prodiges de valeur, le héros chrétien tomba entre les mains des Sarrasins, qui le tirent périr au milieu des plus cruels tourments et des plus sanglants outrages,

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