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personnellement en justice, ils n'ont point eu lieu de produire leurs défenses et leurs décharges.

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» Au reste, quand il y aurait des particuliers coupables des crimes atroces qu'on leur suppose, ils se flattent que ce délit n'est pas celui de tous ni même de la plus grande partie, quoiqu'ils se voient tous enveloppés dans la même peine. Enfin, quand même tous les Religieux qui se trouvent dans les États de Sa Majesté très-fidèle seraient coupables, depuis le premier jusqu'au dernier, ce qui ne paraît pas pouvoir se supposer, les autres qui dans les diverses parties du monde emploient leurs fatigues et leurs travaux à procurer l'honneur de Dieu et le salut des âmes, selon le peu d'étendue de leur pouvoir, demandent instamment d'être au moins traités avec bonté. Le discrédit et le mal s'étend à toute la Communauté, quoiqu'elle ait en horreur les crimes qu'on attribue aux Pères du Portugal, et spécialement tout ce qui peut tendre le moins du monde à offenser les supérieurs, tant ecclésiastiques que séculiers. Elle désire, au contraire, et fait en sorte, autant qu'il est possible, d'être exempte de ces manquements auxquels la condition humaine est sujette et surtout la multitude.

» Assurément les supérieurs de la Société, comme il paraît sur les registres, et par les lettres écrites ou reçues, ont toujours insisté sur l'observance des règles la plus exacte, dans les provinces de Portugal ainsi que dans toutes les autres. En certaines occasions on les a informés des manquements d'un autre genre; mais, pour les délits qu'on impute aujourd'hui à ces Religieux, ils n'en ont jamais été instruits; on ne les en a point préalablement avertis ni requis d'y apporter remède.

» Informés enfin, quoique indirectement, que ces Pères avaient encouru la disgrâce de Sa Majesté, ils ont

témoigné la plus extrême douleur. Ils ont supplié qu'on leur donnât une connaissance particulière des délits et des coupables. Ils ont offert d'envoyer des pays étrangers les: plus capables et les plus accrédités de la Compagnie pour visiter et réformer les abus qui pouvaient s'être introduits; mais leurs humbles prières et leurs offres n'ont pu mériter d'être écoutées.

» De plus, on craint fort que cette visite et cette réforme, au lieu d'être profitables, n'occasionnent des troubles sans aucune utilité. C'est ce que l'on redoute surtout pour les pays d'outre-mer, pour lesquels l'éminentissime Cardinal Saldanha est obligé et a pouvoir de déléguer. On a toute confiance dans ce Cardinal pour ce qu'il fera par lui-même ; mais il semble qu'on peut craindre avec raison que dans les délégations il ne se trouve des personnes ou peu au' fait des constitutions des Réguliers ou mal intentionnées, qui, par conséquent, pourront causer de grands maux. Pour toutes ces raisous, le Général de la Compagnie de Jésus, au nom meme de la Société, implore avec les plus humbles et les plus sincères prières l'autorité de Votre Sainteté. Il la supplic de pourvoir, par les moyens que lui suggérera sa haute prudence, à la sûreté et garantie de ceux qui ne sont pas coupables et particulièrement à l'honneur de toute la Société qu'ainsi on ne la rende donc point inutile à la gloire de Dieu et au salut des âmes, qu'on ne l'empêche pas de servir le Saint-Siége et de seconder le pieux zèle de Votre Sainteté, pour qui le Général lui-même et sa Compagnie offriront à Dieu les voeux les plus sincères pour lui obtenir toutes les bénédictions célestes, une longue suite d'années, à l'avantage et à la prospérité de l'Eglise universelle. »

Le Souverain Pontife reçut ce mémoire d'un accusé

demandant des juges, la seule chose que les hommes ne peuvent pas refuser à un autre homme. Une Congrégation est nommée. Sa réponse fut favorable aux Jésuites'. Pombal n'allait plus agir sans contrôle; il avait à lutter contre un pontife qui ne se laisserait pas tromper par d'hypocrites démonstrations. Les ressorts de sa politique étaient mis à découvert. Il avait exilé de Lisbonne les Jésuites qu'il redoutait : Fonseca, Ferreira, Malagrida et Torrez. Le Père Jacques Camera, fils du comte de Ribeira et d'une Rohan, avait énergiquement repoussé toute espèce d'intimidation. Pombal essaya de provoquer dans l'Ordre de Jésus quelques défections, qu'il aurait su rendre éclatantes. Il existait parmi les Jésuites portugais deux Pères que leurs antécédents désignaient aux intrigues du ministre l'un était le Père Cajetano, esprit chagrin, mais intelligence aussi vive que profonde; l'autre, Ignace Suarez. En les flattant, Pombal espérait qu'il serait facile de les amener à trahir une Compagnie dont la tendance de leurs caractères portait à croire qu'ils ne devaient pas avoir toujours eu à se louer. Le cardinal Saldanha fut chargé de les enrôler sous la bannière ministérielle. Cajetano et Suarez, que le Patriarche caressait d'un côté, qu'il menaçait de l'autre, dédaignèrent de s'associer à de pareils projets. Ils avaient chancelé dans leur Foi de Jésuites lorsque l'Institut était puissant; ils s'y rattachèrent au moment où la persécution lui arrivait. Cette opposition et les mesures prises à Rome compromettaient les espérances

Le commandeur Almada, parent de Pombal et son ambassadeur à Rome, fit imprimer et répandre partout une fausse décision de cette Congrégation. C'était peut-être l'avis particulier d'un des cardinaux, auquel Almada prêtait de son chef toute autorité. Cet arrêt supposé fut brûlé à Rome et à Madrid par la main du bourreau, comme pièce apocryphe et calomnieuse. Pagliarini, convaincu de l'avoir imprimée, fut mis en prison et banni des États romains par le cardinal Archinto. Pombal le recueillit et le combla d'honneurs.

de Pombal, un événement imprévu changea tout à coup la face des affaires.

Dans la nuit du 3 au 4 septembre 1758, moins de deux ans après l'attentat de Damiens sur Louis XV, le roi don Joseph, revenant en carrosse de l'hôtel de Tavora au palais, fut frappé d'une balle dans le bras. Ce crime, que le lendemain toute la ville attribuait au marquis de Tavora vengeant son honneur sur le royal séducteur de dona Teresa, son épouse, ce crime offrait à Pombal une chance inespérée. Les Tavora étaient ses ennemis, car ils avaient repoussé l'alliance de son fils. Ils appartenaient à la plus haute noblesse; tout semblait conspirer en faveur du ministre. A défaut d'autres preu

la clameur publique suffisait pour faire arrêter les meurtriers ou les fauteurs présumés du meurtre. Dans un autre pays, la justice aurait ainsi procédé; Pombal n'adopta point cette marche régulière : il frappa de terreur le souverain; il le tint caché à tous les regards, à ceux même de la famille royale; il fit planer le soupçon sur les gentilshommes dont il redoutait le crédit ou dont il convoitait les richesses; il représenta toujours et partout les Jésuites comme les instigateurs du régicide. Il laissa ainsi s'amonceler la tempête, dont à son gré il dirigeait les nuages. Les Tavora continuèrent à venir à la cour, et, le 12 décembre, plus de trois mois après l'attentat, que l'inexplicable inaction de Pombal faisait alors rejeter au nombre des fables ou des paradoxes, le duc d'Aveiro, le marquis de Tavora, dona Éléonor, sa mère, leurs parents et leurs amis furent saisis à l'improviste et plongés dans les cachots. Les femmes obtinrent des couvents pour prison, mais la pitié envers tous ces personnages devint, aux yeux de Pombal, un titre de proscription. On fut suspect parce qu'on les

plaignit; on se trouva criminel pour douter des mystérieuses trames qui avaient coûté trois mois de réflexion au ministre. La hante noblesse refusait de l'accepter comme un des siens, elle lui avait fait expier son orgueil par des sarcasmes ou par le mépris; Pombal se vengeait de ces affronts en se baignant dans le sang des races les plus illustres. L'opinion publique ne vit en tout cela qu'une machination de Pombal, pour absorber ses ennemis dans un complot impossible. Les lenteurs calculées, les mensonges diplomatiques ou judiciaires du ministre furent si pleinement percés à jour, que ses panégyristes les plus exaltés réprouvèrent tant de cruautés, et n'eurent pas le courage de s'associer à sa fureur. « Les Encyclopédistes, dit le comte de Saint-Priest', auraient dû lui servir d'auxiliaires zélés et fidèles. Pourtant il n'en fut pas ainsi. Les pièces émanées de la cour de Lisbonne parurent ridicules dans la forme et maladroites au fond. Cet holocauste des chefs de la noblesse choqua les classes supérieures, jusqu'alors soigneusement ménagées par les philosophes. Tant de cruauté contrastait trop avec les mœurs d'une société déjà frondeuse, mais encore trèsélégante. On eut pitié des victimes, on se moqua du bourreau. »

Le bourreau, car jamais homme ne mérita mieux que Pombal ce titre sanglant, le bourreau tenait sous sa main une partie de ses adversaires; mais, pour la satisfaction de ses haines, ce n'était pas assez. L'attentat du 3 septembre lui fournissait une occasion toute naturelle de mêler le nom des Jésuites à un régicide présumé. « Les reproches qu'il leur avait adressés dans ses manifestes, raconte l'historien peu véridique de la Chute des Jésuites, ne reposaient point sur des idées générales, mais

Histoire de la chute des Jésuites, page 24.

2 Ibidem, page 26.

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