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nécessaire n'avait rien d'illicite; c'était le propriétaire ou son ayant-cause qui vendait le produit de ses biens et de son travail. Mais ce négoce, objectera-t-on, lésait les intérêts du gouvernement ainsi que ceux de certains marchands. Le gouvernement avait lui-même fixé la législation de ses colonies du Paraguay; cette législation établissait le commerce des Jésuites dans ce sens. Ils devaient veiller au bien-être et à la fortune des peuples conquis par eux au Christianisme. Leur vigilance à pu, elle a même dû frustrer des calculs tendant à spéculer sur la simplicité des Catéchumènes; mais nous pensons qu'il est difficile de bâtir une accusation sur de semblables données, et Schoell, qui a discuté tous ces points, est le premier à en détruire l'effet en avouant que << dans cette discussion, les Pères ont été condamnés par

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» mains des Pères-procureurs, comme il s'est pratiqué jusqu'à présent, et que les >> officiers de mon trésor royal de Santa-Fé et de Buenos-Ayres envoient tous les » ans un compte exact de la quantité et de la qualité de ces fruits, suivant l'ordre qui en sera expédié par une cédule de ce jour, auquel ordre ils se conformeront » avec la plus ponctuelle obéissance,

Le quatrième article se réduit à savoir si ces Indiens ont un domaine particulier, ou si ce domaine ou son administration est entre les mains des Pères.

Il constate, par les informations faites sur cet article, par les actes de conférences et les autres pièces, que, vu l'incapacité et l'indolente paresse de ces Indiens dans le maniement de leur bieu, on assigne à chacun une portion de terre pour la cultiver et pour, de ce qu'il en retire, entretenir sa famille; que le restant des terres est en commun; que ce qu'on en recueille de grains, de racines, comestibles et coton, est administré par les Iudiens, sous la direction des curés ; aussi le second pour l'ornement et l'entretien des églises; le troisième, pour la nourriture et le vêtement des veuves, des orphelins et des infirmes, de ceux qui sont employés ailleurs, et pour les autres nécessités qui surviennent, n'y ayant presque pas un de ceux à qui on a donné un terrain en propre pour le cultiver, qui en retire de quoi s'entretenir pendant toute l'année; que, dans chaque bourgade, des Indiens majordomes, computistes, fiscaux et gardes-magasins tiennent un compte exact de cette administration, et marquent sur leurs livres tout ce qui entre et tout ce qui sort du produit de la bourgade, et que tout cela s'observe avec d'autant plus de ponctualité, qu'il est défendu aux curés, par leur Général, sous des peines très-grièves, de faire tourner à leur profit rien de ce qui appartient aux Indiens, même à titre d'aumône ou d'emprunt, ou sous quelque prétexte que ce soit; qu'ils sont obligés, par le même précepte, de rendre compte de tout au Provincial. C'est ce qu'assure le Révérend frère Pierre Faxardo, ci-devant évêque de BuenosAyres, qui, au retour de la visite qu'il avait faite de ces bourgades, proteste qu'il n'avait jamais rien vu de mieux réglé, ni un désintéressement pareil à celui des Pères Jésuites, puisqu'ils ne tirent absolument rien de leurs Indiens, ni pour leur

l'esprit de parti', sans avoir été entendus dans leur défense. "

Il n'allait pas au génie de Pombal d'attaquer un ennemi avec la raison pour unique bouclier. Il aimait à surprendre au moment où l'on s'y attendait le moins. Quand cet homme d'État avait dressé ses batteries, il poursuivait son adversaire avec tant d'impétuosité qu'il ne lui laissait même pas le temps de se reconnaître. Les écrits commandés ou inspirés par le ministre, ceux qu'il composait avaient eu plus de retentissement en Europe qu'à Lisbonne. En Portugal, il épouvantait, mais ne convainquait pas. En France et en Allemagne, il servait des inimitiés qui ne se déguisaient plus; ses lourds pamphlets passaient pour des oracles dictés par le bon goût et par la vérité. Pombal, entouré de tout ce qui était hostile aux Jésuites, tenant à ses gages le

nourriture, ni pour leur vêtement. Ce témoignage s'accorde parfaitement avec plusieurs autres qui ne sont pas moins sûrs, et surtout avec les informations qui m'ont été envoyées en dernier lieu par le Révérend évêque de Buenos-Ayres, dom Joseph de Peralta, de l'Ordre de Saint-Dominique, dans la lettre du 8 de janvier de la présente année 1743, rendant compte de la visite qu'il venait d'achever des susdites bourgades, tant de celles de son diocèse que de plusieurs de l'évêché du Paraguay, avec la permission du chapitre de la cathédrale, le siége étant vacant, appuyant surtont sur la bonne éducation que ces Pères donnent à leurs Indiens, qu'il a trouvés si bien instruits de la Religion et en tout ce qui regarde mon service, et si bien gouvernés pour le temporel, qu'il n'a quitté ces bourgades qu'à regret. Tous ces motifs m'engagent à déclarer : « Que ma volonté royale est qu'il ne soit rien innové » dans l'administration des biens de ces bourgades, et que l'on continue comme on a fait jusqu'à présent dès le commencement des réductions de ces Indiens, de leur » consentement et de leur grand avantage, les Missionnaires-curés n'en étant pro» prement que les directeurs, qui, par leur sage économie, les ont préservés de la mauvaise distribution et des malversations qui se remarquent dans presque toutes les autres bourgades indiennes de l'un et de l'autre royaume. »

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Et quoique, par une cédule royale de l'année 1661, il ait été ordonné que les Pères n'exerceraient point l'office de protecteurs des Indiens; comme cette défense leur avait été faite sur ce qu'on leur imputait de s'être ingérés dans la juridiction ecclésiastique et temporelle, et d'empêcher qu'on ne levât les tributs, et comme cette imputation était alors incertaine, que le contraire même a été vérifié depuis, et que la protection qu'ils donnaient aux Indiens se bornait à les bien gouverner, soit dans le spirituel, soit dans le temporel, « j'ai jugé qu'il convenait de déclarer la vérité de ce > fait, et de commander, comme je fais, qu'on n'altère en rien la forme du gouver»`nement établi présentement dans ces bourgades. »

Cours d'histoire, t. XXXIX, page 56

Capucin Norbert, et aspirant l'encens que ses flatteurs ou ses parasites avaient intérêt à faire fumer au pied de l'autel qu'il s'érigeait; Pombal sollicitait du Saint-Siége un bref de réforme pour la Compagnie. A ses yeux, elle déviait de l'Institut, et il prétendait l'y ramener en la supprimant. Dans les conseils du Pontife, les cardinaux Passionei et Archinto secondaient ses démarches; par obsession ou par subterfuge, ils devaient à la longue les faire réussir. Benoît XIV était au lit de mort; le 1er avril 1758, le bref, si ardemment désiré, fut signé par le Pape. Les négociations relatives à cette mesure furent tenues si secrètes que les Jésuites de Rome n'en soupconnèrent l'existence qu'au moment où Pombal annonça ses premières victoires à l'Europe. En bouleversant les Réductions, en expulsant par ruse ou par force les Missionnaires des pays que leur sang avait fertilisés, il venait de dépouiller l'arbre de ses rameaux les plus productifs. Il ne restait plus qu'à en saper la racine; le ministre, armé du décret pontifical, se mit à l'œuvre.

Cependant, au milieu des affaissements de l'agonie, Benoit XIV pressentit que des esprits jaloux ou passionnés pouvaient mésuser du bref de réforme. Il était adressé au cardinal Saldanha, chargé de le faire exécuter; le Pontife voulut l'initier à ses dernières pensées, et il dicta à Archinto des instructions pleines de justice'. Le Cardinal portugais était nommé visiteur des maisons de la Compagnie dans le royaume Très-Fidèle, et Benoît XIV lui recommandait d'agir avec discrétion et douceur, de garder sur tous les chefs d'accusation le silence le plus absolu, de l'imposer à ses subordonnés, de tout peser avec maturité, de repousser les suggestions

› Benedicti XIV' Pontificis Maximi secretiora mandata circa visitationem cardinalı Saldanha observanda.

des adversaires de l'Institut, de ne rien communiquer aux ministres d'Etat ou au public, enfin de ne rien décider, et seulement de faire un rapport consciencieux au Saint-Siége, qui se réservait le droit de prononcer. Ces prescriptions étaient sages, mais elles contrariaient les plans de Pombal; elles furent mises de côté, comme les rêves d'un moribond. Le 2 mai 1758 le bref fut signifié aux Jésuites, et le 3 Benoit XIV expira avec la crainte d'outre-passer son devoir.

Les Jésuites étaient frappés au cœur. Confier la réforme d'une Société religieuse, qui n'en avait pas besoin, au ministre qui jurait la perte de cette société, c'était l'étouffer sous une calomnie légale. Ils avaient défendu l'Église, et l'Église les abandonnait. Il dut y avoir, dans ces âmes éprouvées par de longs travaux, une heure de fatal découragement, car le complot ne faisait plus doute, et Saldanha, le protégé de Pombal, s'était entouré des plus violents ennemis de l'Institut. Le jour d'un suprême combat commençait à poindre, et les Jésuites, se fiant à la sagesse du Siége apostolique comme à la reconnaissance des monarques, n'avaient rien prévu. Sans autres armes que la croix, sans autre appui que la probité de leur vie, ils marchaient à l'ennemi qui s'élançait sur eux et qui déjà faisait retentir le cri du triomphe. Ils s'étaient laissé imposer la loi au Maragnon et au Paraguay, ils allaient accepter la défaite en Portugal, sans même essayer une résistance que l'état du pays aurait rendue si facile. Il y eut de leur part une funeste prostration de la force morale, ou un sentiment d'obéissance poussé jusqu'au sublime de l'abnégation chrétienne. Les saints doivent admirer une pareille abnégation; les hommes déploreront toujours cette torpeur qui cherche à pactiser avec le danger, et qui perd les

sociétés et les trônes en les déshonorant aux yeux de leurs adversaires.

Pombal avait deux buts, qu'il atteignait l'un par l'autre. Il aspirait à détruire la Religion catholique dans la Péninsule; il poursuivait donc les Jésuites, comme les défenseurs les plus persévérants du Saint-Siége. Il prétendait changer l'ordre de succession dans la monarchie, et mettre, par un mariage, la couronne sur la tête du duc de Cumberland'; il importait donc d'avilir la famille royale, et d'humilier les grands qui ne se faisaient pas les esclaves de ses caprices. Pour mener à bonne fin cette double entreprise, sa politique ne recula devant aucun moyen. Les plus extrêmes étaient ceux qui entraient le mieux dans les ardeurs de son caractère: il n'épargna ni la corruption ni l'intimidation. Il tourmenta les gentilshommes, qui étaient hostiles à sa personne ou à ses idées; il ne pouvait pas s'élever à leur rang; dans son orgueil de parvenu, il voulut les faire descendre plus bas que le point d'où il était parti. Afin de se faire accueillir par la haute noblesse, il la dégrada ou la proscrivit. A ce ministre, ne sachant même pas étre modéré dans le bien qu'il concevait, des hommes dont toute l'intelligence put se résumer en une obéissance passive, étaient de première nécessité. Il plaça

« On sait que le duc de Cumberland s'était flatté de devenir roi de Portugal. Je ne doute pas qu'il n'y eût réussi, si les Jésuites, confesseurs de la famille royale, ne ́s'y fussent opposés. Voilà le crime qu'on n'a jamais pu leur pardonner. » Testament politique du maréchal de Belle-Isle, page 108.

L'idée de protestantiser le Portugal, en mariant le duc de Cumberland avec la princesse de Beira, germait depuis long-temps dans la tête de Pombal, et le comte Alexis de Saint-Priest, dans son Histoire de la chute des Jésuites, page 34, en apporte d'autres preuves. Il s'exprime ainsi :

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Opposé à l'Angleterre en paroles, Pombal lui fut toujours soumis de fait, Tandis qu'il proclamait hautement la liberté du Portugal, il soulevait la ville de Porto pour l'établissement de la compagnie qui livrait aux Anglais le monopole des vins. Il est même de tradition dans le monde diplomatique, à Lisbonne, que ces rodomontades du marquis étaient parfois concertées avec le cabinet de Londres pour servir de voile à des complaisances. »

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