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tion. Ils accoururent pour l'entendre; bientôt cet homme seul triompha du désespoir, de l'esclavage et de la tyrannie même. Le Père Duban avait entrepris et achevé une tâche presque impossible. Afin d'offrir à son apostolat les garanties qu'un caprice ou qu'un changement de gouverneur pouvait lui enlever, la France revêtit ce Jésuite d'un titre diplomatique: elle le nomma consul en Crimée, et le Père Tarillon lui fut adjoint. Le Missionnaire affrontait toutes les calamités de la servitude; pendant huit ans, à force de tendresse et de charitables enseignements, il adoucit le sort des captifs et réveilla chez eux les principes de la Foi. Il n'y avait pour lui ni Grecs, ni Gentils, ni Luthériens, ni Calvinistes. Il les confondait tous dans un même amour; tous se pressaient autour de lui dans un même sentiment de reconnaissance et de piété. Le bruit de cette transformation se répandit au loin. Les pasteurs de Suède se jetèrent à la traverse du bien dont l'idée n'avait pas germé dans leurs cœurs. Le Jésuite ramenait à l'Église les Protestants consolés par le Catholicisme; il les avait tirés de la dégradation pour les épurer par ses leçons. Les Luthériens ne consentirent pas à le laisser jouir en paix d'une gloire si chèrement achetée. Il n'y avait plus qu'à recueillir, ils s'abattirent sur la Crimée; mais personne ne prêta l'oreille à leurs insinuations et à leurs promesses. Duban resta seul le guide des esclaves qu'il avait conquis à la vertu.

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On a déjà vu des Jésuites pénétrer dans les déserts de l'Egypte; au nom du Saint-Siége, ils s'efforcent de reconstituer l'Unité chrétienne et de faire rentrer au bercail de l'Église ces Coptes que douze cents ans de schisme n'ont pas déshérités de la vertu évangélique. Leurs tentatives ne furent que partiellement heureuses;

cet échec ne les découragea point, et, au commencement du dix-huitième siècle, le Père Claude Sicard, né à Aubagne en 1677, y apparut, tantôt comme missionnaire, tantôt comme savant. Il était en même temps le chargé d'affaires de l'Église et celui de l'Aca-. démie des sciences: Dans ce double but, il parcourt à travers mille dangers les monastères où vivent, aussi frugalement qu'au temps des Pacôme, des Macaire l'Ancien et de Sérapion, les religieux avec lesquels il a besoin de se mettre en rapport. Le Jésuite était convaincu, il fit naître des doutes, il gagna à l'Unité ces solitaires, il vécut de leur existence misérable, se pliant à tous leurs usagés, et, pèlerin catholique, poursuivant jusqu'au bout la tâche qu'il s'était donnée. Le Père Sicard voyageait seul dans ces plaines sablonneuses, seul encore il s'engageait dans les montagnes. Il n'avait à crain

dre que pour sa vie; aux yeux du Missionnaire, le sentiment de la conservation s'efface sous l'accomplissement du devoir. C'est le soldat de la Foi jeté aux avantpostes, le soldat qui ne doit jamais raisonner son obéissance, jamais calculer le péril, et qui n'a de gloire à recueillir qu'au ciel.

Dans une de ses pérégrinations, le Jésuite tombe au milieu d'une horde de vagabonds dont le pillage est l'ut nique industrie. Ces Arabes lui demandent son argent. « Je n'en ai jamais, » répond-il; et, en reconnaissant le prêtre catholique à son costume, ils l'entourent, ils le supplient de guérir leurs maux ou de panser leurs blessures. Sicard condescend à ce voeu: il leur offre des remèdes; mais là ne s'arrêtent point pour lui les services qu'il peut rendre à ces misérables. Il sait les crimes dont ils se souillent; il leur adresse des reproches mêlés de sages conseils; puis, se séparant d'eux, il poursuit sa

route. Les Chrétiens et les moines d'Égypte restaien plongés dans l'ignorance; la Religion n'était plus qu'un tissu de fables arrangées pour satisfaire les mauvais penchants. Sicard entreprit de vaincre ces déréglements de la pensée il traversa ainsi la Haute-Égypte et la Basse-Thébaïde, réchauffant la piété au coeur des Fidèles et provoquant le remords dans les Chrétientés gangrenées par le vice. A l'exemple du Père Brèvedent, l'un de ces Jésuites qui l'ont devancé sur les bords du Nil, et qui rendirent tant de services à l'Église et aux lettres, Sicard, sur cette terre féconde en prodiges, veut faire marcher de pair la bienfaisance et l'étude.

Il s'est rendu maître de la langue arabe, il connaît à fond le caractère et les mœurs des peuples avec lesquels il doit traiter des choses de Dieu. Dans cet incessant voyage de vingt années, que la fatigue ou le danger ne suspendent jamais, il recueille des observations si judicieuses que la Compagnie de Jésus, le duc d'Orléans, régent du Royaume, et l'Académie des sciences expriment le vœu de le voir continuer ses travaux. Le Régent lui mande de s'occuper activement de la recherche et de la description des anciens monuments, le Général des Jésuites lui transmet le même ordre : Sicard, sans sacrifier une heure des occupations du missionnaire, abrége ses nuits afin de répondre aux désirs de l'Europe savante. Il remonte le Nil, il s'enfonce dans le Delta, il visite Thèbes, il parcourt les bords de la mer Rouge, il décrit le mont Sinaï, les cataractes, les monuments d'Éléphantine et de Philoë; il lève les plans ainsi que les dessins des édifices et des villes qu'il découvre. L'Académie des sciences l'interroge sur les propriétés du sel ammoniac, de la soude carbonatée et sur les pierres d'Égypte. Le Jésuite est en mesure de répondre à toutes ces questions. La terre des

Pharaons n'a plus de secrets pour lui; il en étudie, il en divulgue les mystères. Il dresse une grande carte géographique que suivront d'Anville et tous les savants; il réunit dans un cadre immense le fruit de ses investigations. Il veut consacrer quelques mois de repos à mettre la dernière main à cette œuvre, lorsqu'il apprend que la peste étend ses ravages sur le Caire. Les joies de la science disparaissent en face des devoirs du Jésuite. Il y a des Chrétiens qui loin de lui meurent sans secours, des hommes qui n'attendent que l'eau du baptême pour se régénérer dans les bras de la mort: Sicard se dirige vers la cité atteinte, et que tout le monde abandonne. Il s'improvise le médecin, l'ange consolateur des pestiférés; il leur prodigue les soins de l'âme. et du corps; puis, le 12 avril 1726, le Jésuite, frappé le fléau, expire à l'âge de quarante-neuf ans.

par

En Abyssinie, les Pères de la Compagnie de Jésus soutenaient une lutte plus terrible et moins retentissante. La destinée d'André Oviédo ne les effrayait point, et ils connaissaient le sort que les révolutions d'Éthiopie leur réservaient. Ils avaient des Chrétiens à maintenir dans la Foi, des Schismatiques à y ramener, des Idolâtres à civiliser; rien ne les détourna de leur but. L'empereur Atznaf-Seghed a, sous la main du Père Paëz, embrassé la Religion catholique; mais son zèle de néophyte ne sait pas se borner: Atznaf-Seghed veut que son peuple obéisse à la loi qu'il proclame la seule vraie. Paez lui recommande en vain la modération; l'Empereur ordonne, et il périt dans la guerre civile. Susncios, son successeur, écoute les avis du Jésuite: il apaise la sédition, et, afin de consacrer sa victoire, il demande un Père de l'Institut pour patriarche d'Éthiopie. Alphonse de Mendez arrive en 1725 revêtu de cette dignité. Le

Jésuite patriarche était un homme de conciliation, et qui ne voulait pas compromettre l'avenir de cette Église, si souvent arrosée du sang de ses frères dans l'apostolat. Les Abyssins acceptaient la Religion catholique; ils se soumettaient au Vicaire de Jésus-Christ; ils laissaient peu à peu s'introduire la discipline et les rites romains; mais le feu couvait sous la cendre. Basilides, fils de l'Empereur, et Sarsachristos, vice-roi de Gojam, conspirèrent pour renverser le culte que Mendez et les Jésuites venaient d'établir. Une nouvelle guerre se déclare. L'Empereur triomphe encore; mais là, sur le champ de bataille, les officiers qui contribuèrent à sa victoire lui font entendre des plaintes : « Prince, lui disent-ils, ceux que vous voyez étendus morts à vos pieds, quoique rebelles, quoique bien dignes de perdre la vie, sont néan– moins vos sujets. Dans ces monceaux de cadavres vous pouvez apercevoir de nombreux, de dévoués serviteurs, des amis, des parents. Ce carnage, c'est la religion nouvellement introduite qui l'a causé, et elle en causera de plus sanglants encore si vous ne vous y opposez. Ce n'est que le commencement de la guerre; elle produira de plus affreux désastres. Le peuple frémit, il redemande la Foi d'Alexandrie, qu'il a reçue de ses ancêtres. L'audace du peuple ne respecte rien, pas même les Rois, lorsqu'il s'agit de Religion. Plusieurs de vos généraux ont déserté votre étendard, les autres suivront bientôt si vous continuez à écouter les docteurs étrangers. Que la Foi romaine soit plus sainte, nous l'accordons; qu'une réforme dans les mœurs soit nécessaire, nous l'avouons; néanmoins il faut y procéder avec modération; sinon, c'est courir à une ruine certaine, c'est vous perdre et perdre l'empire. »

Ces raisons devaient paraître concluantes à un prince;

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