صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

et le second de ses fils, encore enfant, était par revêtu de l'habit de la Compagnie. Ainsi

coup

lui

que beaude ses collègues, le Père Moreira ne croyait pas à l'hypocrisie. Le zèle dont Pombal faisait parade l'éblouit; il ne vit que ses brillantes qualités. Sans vouloir sonder les vices de ce caractère et les duplicités de cette ambition, il tomba dans le piége que l'intrigue lui tendait. L'homme que Jean V avait toujours écarté du pouvoir se trouva tout à coup secrétaire d'État des affaires étrangères. Bientôt après, il devint principal ministre et, comme il aimait à se l'entendre dire, le Richelieu du Louis XIII portugais.

Il connaissait les ombrageuses susceptibilités de son souverain; il s'imagina qu'en se présentant lui-même en victime, il capterait encore mieux ses bonnes grâces. Dans le mois d'août 1754, il fit signer au Roi un décret par lequel il était dit « qu'un ministre d'État pourrait bien être assassiné par le manège de quelqu'un. » Un pareil attentat était assimilé au crime de lèse-majesté, et le sénateur Pédro Gonzalès Cordeiro, l'âme damnée de Pombal, fut chargé de faire des informations continuelles et illimitées. Séjan, dans les plus beaux jours de sa

morales et mauvaises; il leur reprochait seulement d'être restés moins fidèles que leurs devanciers aux principes de saint Ignace, et même il se faisait gloire d'étre attaché au tiers-ordre de Jésus et d'en observer les pratiques. » L'historien de la Chute des Jésuites est complétement dans le vrai pour la première partie de sa proposition, il n'en est pas de même pour la seconde.

Il n'y a jamais eu de tiers-ordre dans la Compagnie, c'est-à-dire jamais d'affiliés, comme les Franciscains, les Dominicains, etc., en avaient. Un Tiers-Ordre est une espèce d'association religieuse, quelquefois renfermée dans le cloître, quelquefois vivant au milieu du monde; mais toujours au moins liée par le vœu de chasteté, et par conséquent n'étant composée que de gens non mariés. Pombal ne pouvait être d'aucun tiers-ordre, puisqu'il avait épousé en secondes noces une nièce du feld-maréchal autrichien, comte Léopold de Daun, M. de Saint-Priest et les auteurs sur lesquels il s'appuie se trompent donc. Ils ont probablement voulu parler de quelque Congrégation, comme celle des Nobles ou de la Bonne-Mort, que les Jésuites établissaient dans les grandes villes, et dont les membres se réunissaient une ou plusieurs fois par mois dans la chapelle de l'association.

tyrannie, n'avait jamais poussé si loin le mépris des hommes. L'arbitraire ne prenait plus la peine de se déguiser; Pombal avait couvert de prisons les bords du Tage; ceux qui lui étaient odieux ou suspects, prêtres ou gentilshommes, moines ou citadins, les remplirent. La délation était encouragée, il la tenait à sa solde; elle soupçonna, elle dénonça. Joseph Ier n'eut pas de peine à se persuader que, si la vie de Pombal était ainsi exposée, la sienne devait nécessairement courir des dangers encore plus certains; il trembla, et laissa passer sans contrôle les iniquités de son ministre. Ce dernier redoutait les contradicteurs; il craignait que d'autres bouches ne révélassent au Roi le mystère d'épouvante qui l'enveloppait. Quelques hommes dont la franchise lui paraissait trop expansive sont plongés dans les cachots; c'était un avis pour les autres, ils en profitèrent. Mais il sentait qu'il ne lui serait plus possible d'abuser les Jésuites leur sage attitude, le crédit dont ils jouissaient à la cour, chez les grands et dans le peuple, devaient le perdre tôt ou tard. Pombal se détermina à prendre l'initiative: il était audacieux et il n'avait en face de lui des hommes timorés; il agissait avant de réfléchir, son succès matériel était donc assuré. Cinq Pères de l'Institut se partageaient la confiance de la famille royale. Moreira dirigeait le Roi et la Reine, Oliveira instruisait les Infantes, Costa était le confesseur de don Pédro, frère de Joseph; Campo et Aranjues, ceux de don Antoine et de don Emmanuel, oncles du Roi.

que

L'éloignement des Jésuites ne pouvait pas s'obtenir de haute lutte; Pombal appela l'intrigue à son aide. Il fit entrer le soupçon dans l'âme du monarque; il lui il lui persuada que son frère voulait jouer en Portugal le rôle de tous les Pédro, qu'il se rendait populaire dans cette in

tention, et que les Jésuites le secondaient. Il n'en fallait pas tant pour éveiller les inquiétudes de Joseph; Pombal avait mêlé le nom des Jésuites à celui de son frère, dont le Roi enviait la grâce chevaleresque; les Jésuites devinrent peu à peu un objet de défiance pour lui. Le ministre s'aperçut des progrès que cette idée faisait dans un esprit sur lequel il avait pleinement assuré son empire; il songea à tirer parti d'une première calomnie. Il nourrit le cœur de ce prince de tous les ouvrages contre la Société de Jésus, en lui recommandant le plus inviolable secret sur ces lectures; elles eurent l'attrait du fruit défendu. Il venait de risquer sur le Roi une expérience qui avait réussi, il la tenta sur le peuple. Il inonda le Portugal des œuvres qui, à diverses époques, avaient cherché à flétrir les Jésuites. Quand il jugea que ses artifices n'avaient plus rien à redouter, il fit rejaillir sur les Pères de l'Institut la persécution dont leurs amis étaient déjà

victimes.

Deux Jésuites furent exilés : le Père Ballister, comme soupçonné d'avoir fait en chaire des allusions contre une idée de Pombal; le Père Fonseca, parce qu'il avait donné un sage avis à des négociants portugais le consultant sur cette même idée. Le ministre avait besoin d'or, les confiscations ne l'enrichissaient pas assez vite; il créa une compagnie du Maragnon qui ruinait le commerce, et, sous peine de bannissement, il fallut admirer le monopole qu'il inventait. Fonseca fit comprendre aux marchands que cette mesure était déplorable. Les marchands adressent une requête au Roi; Pombal les proscrit ou les jette dans les cachots. Il parlait même déjà de frapper l'Ordre de Jésus, lorsque, le 1er novembre 1755, un tremblement de terre, auquel l'incendie joignit ses ravages, vint porter le deuil et la

misère dans Lisbonne. A cette ville si cruellement éprouvée et où la mort plane avec la dévastation, des hommes de courage et de dévouement sont nécessaires. Pombal fut beau de calme, d'intrépidité et de prévoyance sur ce théâtre d'horreur. Les Jésuites, à ses côtés ou devant lui, se précipitèrent dans les ruines et au milieu des flammes pour disputer quelques victimes au trépas.. Leurs sept maisons étaient renversées ou brûlées', le malheur des autres fut la seule calamité qui put émouvoir leurs cœurs. Leur charité trouva des ressources pour offrir un asile à ces multitudes consternées, à cette foule de blessés que la faim tourmentait, que la douleur et l'effroi rendaient stupides. Ils les rassurèrent en priant avec elles, ils leur apprirent à avoir foi dans l'énergie religieuse; le Père Gabriel de Malagrida et le Frère Blaise furent pour tant d'infortunés une providence dont, sur les débris de Lisbonne, chacun bénissait le nom avec celui de Pombal.

Ces bénédictions du peuple remontèrent jusqu'au trône; don Joseph eut un mouvement de gratitude ou de repentir. Afin de récompenser les Jésuites, il rappela de l'exil Ballister et Fonseca; il voulut même qu'on rebâtît la maison professe aux frais de la couronne, et Malagrida prit assez d'ascendant sur cette nature léthargique pour la ramener à des sentiments pieux. Ce retour dérangeait les plans de Pombal, il faisait échouer ses rêves de grandeur. Un péril commun avait confondu dans une même pensée de zèle patriotique les Jésuites et le

› L'hôtel de Pombal avait été préservé dans le désastre général, et le Roi fut tellement frappé de ce fait qu'il ne cessait de l'attribuer à une providence particulière. Le comte d'Obidos, célèbre par les saillies de son esprit, lui répondit un jour : « Qui, Sire, il est vrai que la maison de don Carvalho a été conservée, mais celles de la rua Suja ont eu le même bonheur. » Or la rua Suja, ou rue de Boue, à Lisbonne, était le réceptacle de toutes les prostituées. Au dire de Link, dans son Voyage en Portugal, le comte d'Obidos expia cette plaisanterie par plusieurs années de prison,

ministre; le péril n'existait plus, le ministre fit peur au Roi, et Malagrida fut banni. On ne pouvait encore frapper l'Ordre tout entier, Pombal se résigne à l'attaquer en détail. Pour le vaincre, il a besoin de lui chercher des crimes dans les deux hémisphères : les Protestants et les Jansénistes fournissaient à l'Europe un contingent de forfaits, il leur offrit en échange ceux qu'il improviserait en Amérique. Pombal n'avait aucune liaison avec les philosophes du dix-huitième siècle. Leurs idées d'affranchissement et de liberté inquiétaient son despotisme; et, en les jugeant sur leurs écrits, il accusait souvent ces hommes de vouloir briser les fers des peuples par le raisonnement. C'était une erreur; mais, comme toutes celles qui se font jour dans des caractères de cette trempe, elle devait être aussi tenace qu'irréflé– chie. Pombal servait les Encyclopédistes français sans les estimer; eux devinrent ses auxiliaires tout en blâmant ce qu'il y avait de trop odieux dans son arbitraire réformateur. Le ministre portugais doutait de tout, excepté de la force brutale; les philosophes espéraient bien en arriver à ce point, la dernière raison du sophisme révolutionnaire; mais ils jugeaient que l'heure n'avait pas encore sonné. Ces dissidences d'opinion n'empêchaient pas Pombal et les écrivains du dix-huitième siècle de se prêter un mutuel appui pour renverser l'édifice social. Le Portugais s'arrêtait dans ses innovations religieuses au culte anglican; il espérait ressusciter sur les bords du Tage les sanglantes péripéties du règne de Henri VIII d'Angleterre les philosophes le dépassaient dans ses rêves ils allaient jusqu'à la consécration légale de l'athéisme. Néanmoins, pour eux ainsi que pour le Portugais, il existait un ennemi dont il fallait se défaire à tout prix: cet ennemi, c'était la Compagnie de Jésus. Pombal

« السابقةمتابعة »