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le plan de leurs prédécesseurs, que bientôt la meilleure partie du Canada fut chrétienne et française.

La Nouvelle-France était voisine de la Nouvelle-Angleterre; cette proximité réveillait les vieilles inimitiés et les jalousies des deux nations. Les Anglicans voyaient d'un œil inquiet les progrès que le Catholicisme et le nom des Bourbons faisaient dans l'Amérique septentrionale. Les Jésuites avaient régénéré ces tribus; les Hurons, les Esquimaux, les Algonkins, les Abénakis, les Illinois et les Miamis acceptaient avec joie l'Évangile. De l'état sauvage, ils étaient peu à peu arrivés à une condition heureuse. Ils apprenaient à confondre dans le même amour le Christ et la France. Après leur avoir donné un culte, des mœurs, une famille, on leur offrait une patrie qui les protégeait. Les Canadiens, par vénération pour la mémoire des Pères qui ont consacré leur vie à cet apostolat, marchèrent sans hésiter dans la voie que les autres leur traçaient; ils suivirent la Robe Noire comme un enfant timide s'attache à sa mère. La Robe Noire leur disait d'être fidèles à Dieu et au Roi, ils obéirent. Cet empire exercé sur des populations vierges déplaisait aux Anglais, ils surent créer dans les forêts du Labrador et sur les lacs du Canada une opposition toujours armée. Les Iroquois leur servirent de levier pour battre en brèche la civilisation qui s'opérait au profit de la France. Le Jésuite était devenu l'ami de toutes les tribus, elles le choisissaient comme médiateur dans leurs différends, elles l'honoraient dans leurs fêtes, elles l'entouraient d'un prestige que son inaltérable patience grandissait au moins autant que son savoir. Elles

Le nom de Robes Noires, appliqué dans le principe aux seuls Jésuites par les Sauvages, s'étendit à tous les Missionnaires catholiques; mais par ce mot, les Canadiens désignèrent toujours plus spécialement les prêtres de la Compagnie de Jésus.

lui demandaient la paix, mais, en cas de

guerre, elles le supposaient assez omnipotent pour leur accorder la victoire.

Afin de conserver sur tant d'esprits volages une autorité qu'un seul caprice pouvait anéantir, les Pères de l'Institut se condamnèrent à une existence nomade. Pen dant l'été, les uns accompagnaient les Néophytes dans les chasses ou sur les lacs; les autres, pendant l'hiver, se blottissaient avec eux dans leurs cabanes enfumées sous la neige. Les Pères de Crépisseul, Morain, Nourel, Silvy, Boucher, Delmas, André, Beschefer, Allouez, et d'Ablon, passèrent ainsi leur vie. Pour maintenir la Foi chez tant de peuplades à peine sorties de la barbarie, on les voyait souvent s'engager sur la glace et parcourir trente ou quarante lieues. Dans ces courses, où la mort leur apparaissait sous mille formes, ils visitaient les familles que l'hiver retenait sur les montagnes ou au fond des bois. Le Père Marquette part, au mois de mai 1675, pour Michillimakinac. En route, il tombe d'épuisement; il expire à l'embouchure d'une rivière. Marquette était connu et aimé de tous les Canadiens. On l'inhuma à l'endroit même où il avait rendu le dernier soupir, et pour eux ce petit fleuve ne fut plus que la Rivière de la Robe Noire.

La guerre incessante que les Iroquois, alliés de l'Angleterre, entretenaient, soit contre les tribus, soit contre la France, amenait chaque jour son contingent de malheurs. Les Anglais portaient envie à ces florissantes colonies, ils s'efforcèrent de les ruiner ou de les détacher de la métropole. Les Jésuites étaient incorruptibles, on chercha à les rendre odieux. Le mensonge prit les travestissements les plus étranges: il échoua partout, ces honnêtes natures le repoussèrent avec mépris. Elles

n'avaient rien d'anglais, ni au cœur, ni à la tête, et quand l'amiral Philipps assiégea la ville de Québec, en 1690, les Canadiens, encouragés par les Jésuites, luttèrent, avec tant d'énergie contre les forces de la GrandeBretagne, que l'escadre de blocus fut contrainte de se retirer.

pas

Le Père Marquette avait, deux ans avant sa mort, fondé une Mission à Kaskasquias, chez les Illinois; ils se montrèrent dociles à ses enseignements. Son trépas laissait à d'autres le soin de continuer une œuvre si périlleuse; les Pères Jean Mermet, Gabriel Marest et Julien Bineteau s'offrirent comme ses héritiers; mais c'est le Père Jacques Gravier qui attacha son nom à cette chrétienté. Le climat des Illinois n'était aussi rude que celui de la plupart des Missions. De grandes rivières, de vertes prairies, de riches forêts en faisaient l'oasis de l'Amérique septentrionale; les moeurs du peuple se ressentaient de ce bien-être. Gravier y pénètre · vers l'année 1700, et, secondé par ceux qui ont ouvert cette terre au Christianisme, il arrive en peu de temps: à initier les naturels à la Religion, dont ils saisissent la mystérieuse beauté. Les Illinois étaient domptés, Gravier s'élance vers les Peouarias. Ils recueillent ses instructions, ils s'y soumettent; mais les Français, qui se faisaient toujours précéder par des Jésuites, commencèrent à s'établir au midi de la Louisiane, vers l'embouchure du Mississipi. Afin de se former un boulevard contre les attaques des Anglais, ils songèrent à rapprocher les Peouarias de leur ville naissante. Il fallait préparer les Sauvages, dévenus Néophytes, à cette transmigration. Le Jésuite était populaire dans les tribus, ce fut lui qu'on chargea de les déterminer. Gravier y voyait des inconvénients de toute nature, cependant il cède aux instan

ces des officiers. Son absence avait rendu aux jongleurs et aux prêtres des idoles leur empire miné par la prédication. Gravier périt dans une révolte; mais son œuvre de prédilection n'en progressa pas moins. Les Pères Bineteau, Marest, Chardon et Pinet s'y dévouèrent, et en 1721, au moment où Charlevoix, l'historien du Canada, parcourut ces contrées, il n'y trouva que des Chrétiens.

C'était chez les Illinois que les Missionnaires avaient obtenu les plus durables succès, ce fut là aussi que le nom de la France se vit en plus grande vénération. Les Illinois s'attachèrent à la métropole par affection pour les Jésuites; au milieu de toutes les guerres, ils se firent un devoir de repousser les avances des Tchactas et les promesses britanniques. Lorsqu'en 1763 Choiseul abandonna les possessions de l'Amérique septentrionale à l'Angleterre, Ponkias, le chef de la tribu des Ontawas, ne consentit point à subir ce traité honteux. Il était Français, il se retira chez les Illinois comme dans le dernier réfuge où l'on pourrait encore se battre en l'honneur de sa patrie d'adoption; car, selon la parole de Châteaubriand', << si la France conserva si long-temps le Canada contre les Iroquois et les Anglais unis, elle dut presque tous ses succès aux Jésuites. » Le Père Charlevoix avait commencé sa carrière dans les Missions dont il devait plus tard être l'annaliste. En 1720, le Régent le chargea de visiter de nouveau ces contrées, et d'y recueillir les renseignements dont le pouvoir avait besoin pour augmenter la prospérité des colonies. Charlevoix traça un plan que Louis XIV n'aurait pas manqué de faire fructifier; son successeur se contenta d'en prohiber la publication. « Les lettres de ce Jésuite, dit le

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comte Barbé-Marbois', étaient adressées à, la duchesse de Lesdiguières. On les tint fort secrètes. Si elles eussent été publiées alors, la colonie aurait eu infailliblement une autre destinée; mais cette correspondance ne vit le jour que vingt-cinq ans plus tard. »

Les projets du Père Charlevoix effrayèrent le gouvernement de Louis XV, qui, à peine sorti des mains de la Régence, se croyait encore obligé d'être anglais. Ce que Charlevoix démontrait avec l'expérience des faits, d'autres Jésuites le réalisèrent. L'Anglican était l'ennemi de leur foi et de leur patrie, ils apprirent à tous les Néophytes à se défier de lui. Les Iroquois avaient dispersé les chrétientés des Hurons, elles s'étaient répandues dans le Canada, portant partout le deuil de la famille et du pays. Les Missionnaires ne voulaient pas leur laisser ainsi le droit d'accuser la France et de chercher peutêtre dans leur désespoir une protection moins variable. On les vit se mettre sur leurs traces, les réunir un à un, et créer avec ces débris de peuples un autre peuple de Chrétiens. Ils saluèrent cette réduction du nom de Lorette; les Pères Chaumonot, le Chollenec, des Couverts, Martin, Bouvard, Louis d'Avongond et Richer y fécondèrent tour à tour le germe des vertus.

Cependant les Jésuites et le comte de Frontenac, gouverneur du Canada, avaient senti que la paix était nécessaire. Les tribus ne demandaient pas mieux, il fallait amener les Iroquois au même vou. Les Pères de Carheil et Anjelran les décidèrent, en août 1701, à se joindre aux députés de toutes les nations assemblées. Les Iroquois furent séduits par les deux Missionnaires, ils acceptèrent les conditions proposées. La paix, dont un chef huron, célèbre sous le nom du Rat, avait dicté les

Histoire de la Louisiane, p. 122.

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