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nous aussi, nous lui annonçons des conquêtes pour son royaume, conquêtes qu'avec encore plus de fondement on peut appeler victoires vraiment miraculeuses. Là Dieu est vainqueur, il est vrai, mais avec du sang, des ruines et des larmes; ici Dieu est vainqueur sans effusion de sang. Il n'y a ni guerre ni ruines, pas même de dépenses; et, au lieu des douleurs et des larmes du vaincu, tous triomphent avec joie, aux applaudissements de l'Église, qui répare le sang versé en Europe par l'acquisition des peuples, des nations et des provinces qu'elle gagne au Christianisme. »

quatre

Vieira et ses compagnons avaient entrepris une œuvre difficile: ils tendaient à civiliser les peuplades errantes sur les bords de ce fleuve, le plus grand de tous les fleuves connus, et qui, de sa source à son embouchure, contient une multitude d'îles habitées. Un pareil projet aurait effrayé tous les rois de l'Europe; il ne fit pas reculer les Jésuites. Selon le rapport de Vieira, ils commencèrent par diviser la Mission en quatre colonies principales. Six Pères s'établirent dans chacune de ces résidences, à Scara, au Maragnon, au Para et à la rivière Amazone. Puis, s'étendant sur un espace de cents lieues de côtes, on les vit prêcher la liberté Christ accordait et racheter les esclaves. Cette double mission était dangereuse; car les Sauvages n'osaient plus ajouter foi aux promesses des Portugais. Ils avaient été si souvent abusés qu'ils se cachaient dans leurs montagnes, qu'ils interceptaient les passages, et que, toujours armés, ils veillaient sur leur indépendance avec une as ́tuce qui déjouait l'adresse même des Jésuites. Les Pères Gonzalès, Villoso et Michel Perez avaient déjà forcé quelques-unes de ces retraites. Afin de réussir dans leur plan, il fallait saisir l'imagination des indigènes. Unc

que

le

guerre existait entre les Portugais et plusieurs tribus nommées Nhéengaibas. Ces tribus accueillirent d'abord les Européens sans défiance, elles se livrèrent à eux; mais, après avoir vu que la Religion n'était qu'un prétexte pour les asservir, elles s'armèrent, et du fond de leurs aldées, où la hardiesse et la ruse les protégeaient, elles ne laissèrent aucun repos à leurs ennemis. Les Nhéengaibas entretenaient des relations commerciales avec les Hollandais. Ces relations pouvaient amener un traité d'alliance et accroître les embarras. Le gouverneur, don Pedro de Mello, se décide à pousser vivement les hostilités afin de paralyser l'intervention des Européens. Chacun dans le conseil s'avouait que la guerre volante, faite par les Sauvages à coups de flèches, du haut des arbres ou du milieu des canots, était une perte sans profit pour la métropole: on l'entreprenait à contre cœur, lorsque Vieira s'offre pour aller porter des paroles de paix aux Nhéengaibas. Depuis vingt ans la guerre n'a point cessé, et tous les parlementaires ont été

mis à mort.

Le Jésuite fait annoncer aux tribus belligérantes qu'il veut se rendre dans leur île en ambassadeur pacifique; il leur écrit que son vœu le plus cher est de travailler à leur repos. Les Nhéengaibas avaient entendu parler de sa charité pour les esclaves; ils n'ignoraient pas que les Pères étaient les plus éloquents défenseurs de leur cause. Les Sauvages ont sa parole. Sept de leurs chefs accourent au collège des Jésuites: ce sont les otages qui serviront de garantie à Vieira. Le 15 août 1658 le Missionnaire, escorté d'une multitude de barques chargées d'Indiens, s'avance sur le fleuve. D'autres l'attendent au rivage, et de tous les points s'élancent des cris de joie, auxquels répondent les amicales dé

monstrations des Portugais. Pour recevoir dignement Vieira, les Nhéengaibas avaient élevé une église et une maison. Les chefs des nations voisines sont appelés à l'entrevue et aux négociations. Vieira, qu'ils surnommaient le grand Père, s'insinue dans leur confiance. En. leur parlant de Dieu et de la liberté, il sait si bien vaincre leurs préventions qu'il les décide à souscrire à une paix dont les Jésuites seront les arbitres. Il la conclut; et, pour perpétuer le souvenir de cette journée, dans laquelle le Christianisme prenait possession d'une terre jusqu'alors fermée, Vieira veut que Sauvages et Européens assistent ensemble à une messe solennelle de réconciliation. Ils étaient tous sujets du roi de Portugal, aux mêmes charges et aux mêmes bénéfices. Quand, des marches de l'autel, Vieira leur eut expliqué les devoirs qu'ils contractaient, les officiers de la couronne s'avancent pour attester par serment la sincérité de leurs promesses. Après eux chaque chef de peuplade, le corps à demi nu et s'appuyant sur l'arc et les flèches, se présente tous jettent aux pieds du Jésuite les armes dont les Portugais ont si souvent maudit la trempe empoisonnée. Ils prennent dans leurs mains les mains du Père, et les élevant vers le ciel, ils répètent l'un après l'autre cette énergique formule de serment: « Moi, chef de ma nation, en mon nom et au nom de tous mes sujets et descendants, je promets à Dieu et au roi du Portugal. d'embrasser la Foi de Jésus-Christ, notre Seigneur; d'être, comme je le suis dès ce jour, sujet de Sa Majesté ; d'avoir paix perpétuelle avec les Portugais, étant ami de leurs amis, ennemi de leurs ennemis. >>

L'île des Nhéengaibas était chrétienne d'intention; plus de cent mille habitants des bords du fleuve adhéraient au traité que le Père Vieira venait de négocier. Il

ne restait plus qu'à entretenir ces bonnes dispositions, qu'à éclairer ces peuples en leur apprenant la pratique des vertus. Les Jésuites se chargèrent de cette tâche, ils l'accomplirent. Le Père Gaspard Mix, à la tête des Chrétientés, n'avait plus qu'à déraciner quelques vices inhérents à leur nature sauvage; les Portugais ne lui en laissèrent pas le temps. Ils croyaient que tous les habitants d'au delà des mers n'étaient destinés qu'à assouvir leur cupidité ou leurs caprices. Ils les corrompaient par le spectacle de leur licence. Ils incendiaient les habitations indiennes afin de réduire les possesseurs en servitude. Ils massacraient sans pitié ceux qu'on soupçonnait d'audace. Les Nhéengaibas demeuraient fidèles à la parole donnée en présence du grand Père; mais une agitation sourde fermentait dans les tribus, qui se lassaientd'être victimes. Vieira instruisit le Roi de cet état de choses: un édit sévère parut pour réprimer tant de désordres et pour protéger les catéchumènes. A la pro. mulgation de cette loi, la colère des trafiquants d'esclaves ne connut plus de bornes. Ils avaient espéré que la paix avec les Nhéengaibas serait pour eux une source de gains sans péril; les Jésuites faisaient échouer leurs coupables espérances. Au commencement de mai 1661 les Portugais, dans le but de se débarrasser de toute censure, arrêtent le même jour les Missionnaires du Para; Vieira lui-même est emprisonné, jeté sur une mauvaise barque avec tous les Pères et conduit à Lisbonne, où ils arrivèrent le 6 janvier 1662.

L'avidité civilisée arrachait aux Barbares les Missionnaires qui les préparaient au Christianisme : les Barbares ne consentirent plus à garder seuls une trêve dont leurs familles et les Jésuites étaient exclus. En protestant qu'ils ne renonceraient jamais à la Religion que le grand Père

leur avait enseignée, ils déclarèrent que les hostilités allaient se rouvrir entre eux et les Européens. Ils avaient construit des maisons, des villages sur le bord du fleuve: ils y mirent le feu; puis ils se retirèrent dans les forêts. Vieira cependant avait fait retentir les chaires du Portugal de son énergique parole; il avait peint sous de chaudes couleurs la cruauté de ses compatriotes; il s'était, en face même de la cour, posé comme le tuteur naturel de la liberté des Indiens1. Par un édit du 4 septembre 1663 Alphonse VI et son conseil flétrirent les excès commis. Les Portugais avaient chassé les Jésuites: le décret les rétablissait, et on y lit : « Il n'existe aucune raison apparente pour enlever ces Missions aux Pères de la Compagnie; il y en a, au contraire, de très-nombreuses qui prouvent que leur saint zèle y est nécessaire. » Trois ans s'étaient écoulés depuis le jour de la dispersion. Vieira et ses compagnons, en retournant au Para, ne trouvèrent que défiance contre les Portugais et affection pour eux. Ils reprirent le travail précédemment achevé.

Cependant, sur d'autres parties du fleuve des Amazones, les Jésuites ne restaient pas inactifs. Les Bocari et les Mourani acceptaient la parole de Dieu. Le Père Juan Tuiexeria la distribuait aux peuplades de Touri et de Timirusi. Le Père Louis Figueira plantait la Croix au rivage du Xingu; et, en coordonnant une grammaire, il formait une langue commune de tous les divers dialectes. L'abondance de la moisson lui fit comprendre le besoin d'obtenir d'autres ouvriers: il part pour l'Europe, il revient avec douze Pères. La tempête les jette à la côte; ils sont égorgés par les Amani à l'embouchure du Maragnon. A cette nouvelle, Vieira se met en route

Voir au 4 volume de ses Sermons.

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