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la turbulence des Chiriguanes, leurs voisins; le Père Lizardi reçut ordre de venir les protéger. Le 15 mai 1735, il est averti que les tribus de la vallée d'Ingré se disposent à attaquer ses réductions. Chaque jour elles répandaient de perfides avis pour lasser la vigilance des Chrétiens. Lizardi ne prend aucune précaution, il monte à l'autel, et, tandis qu'il célèbre les saints mystères, une troupe de Chiriguanes fond sur la bourgade. Le peuple s'enfuit, et le Jésuite est traîné en captivité. Les violences et le froid ont bientôt épuisé ses forces; les naturels s'aperçoivent que la mort va saisir leur victime, ils dépouillent le Père de ses vêtements, ils le placent sur un rocher, et il sert ainsi de but à leurs flèches. Il expira le 17 mai 1735, à l'âge de trente-neuf ans. Lorsque, le 7 juin, les Néophytes, de retour à la Conception, voulurent connaître le sort de Lizardi, ils trouvèrent le cadavre à moitié dévoré par les oiseaux de proie. Le bréviaire du martyr était ouvert à l'office des morts, et un abrégé de l'Institut reposait à côté de son crucifix. On eût dit qu'à sa dernière heure Lizardi avait essayé de réciter sur lui-même les prières d'agonie, et qu'en périssant d'une manière si déplorable, il avait cherché à s'entourer de toutes les images, de tous les souvenirs chers à son coeur de Chrétien et de Jésuite.

Le Père Pons restait seul; il rassemble, il conserve les débris de la Réduction, et le Père Chomé se dirige vers la tribu des Chicas. Ces désastres ne ralentissaient point le mouvement imprimé. Les Zamucos avaient, en 1723, massacré un Missionnaire; d'autres accourent pour continuer l'oeuvre que la mort seule interrompra. Le Père Hervas expire dans les labeurs du voyage; Castanerez, son compagnon, apprivoise les Zamucos. De là, il passe à Saint-Joseph des Chiquites; puis, sans se laisser arrêter

par le danger, il s'avance vers le pays des Zatienos; il est repoussé par la force. Les Jésuites ne se rebutaient jamais; depuis long-temps ils nourrissaient l'idée de trouver un point de communication entre les provinces de ce continent. Les uns le demandaient aux fleuves, les autres aux montagnes; ils en étudiaient le cours ou les pentes avec une sagacité toute géographique; mais ce but d'utilité ne les détournait pas de leur principal office. Au Paraguay, ils étaient apôtres avant de songer à se révéler hommes de science. L'autorité qu'ils avaient créée à l'Espagne devenait pour elle tantôt un sujet de joie, tantôt une occasion d'alarmes, selon les circonstances. L'isolement dans lequel les Pères maintenaient leurs Néophytes faisait concevoir des soupçons que l'on transformait promptement en réalité. On avait déjà vu plusieurs prélats et des gouverneurs du Paraguay manifester quelques craintes sur l'influence exercée par les Jésuites. On les disait maîtres absolus des Catéchumènes; ce fut en s'appuyant sur cette omnipotence et sur le mode de paiement adopté par les réductious tributaires de la couronne, que don Martin de Barua sut provoquer à Madrid de sérieuses inquiétudes. Le Père Gaspard Rodero répondit à cette attaque, que le conseil des Indes hésitait à prendre en considération; en 1737, le Père d'Aguilar adressa au Roi un mémoire justificatif. Les faits avaient été tellement dénaturés, que le Conseil refusa de s'associer à des haines personnelles ou aux méfiances tendant à compromettre l'avenir du pays. Six ans plus tard, en 1743, après avoir fait examiner en détail les moyens d'action des Missionnaires, leur système d'enseignement, et la grave question de l'isolement complet des Néophytes, Philippe V approuva tout ce qui se faisait au Paraguay.

Au milieu des intrigues dont ils étaient l'occasion à Madrid, les Jésuites ne se laissaient point endormir par le succès. Ils avaient tout créé le Sauvage était devenu homme; mais il fallait que chaque génération de Pères apportât son tribut à l'Évangile. Ils avaient fondé trente réductions; ils les entretenaient dans la piété par des retraites, dans l'amour du travail par des récompenses. Leurs colléges prospéraient; néanmoins il restait encore des peuplades à émanciper. La lumière commençait à pénétrer par le spectacle même des vertus et du bonheur régnant dans les bourgades chrétiennes. Quelques Mocobis ont visité le collége de Corrientes; ils demandent que trois ou quatre Pères les accompagnent au pays des Abipones, qui ont si long-temps résisté à l'armée espagnole. Les Jésuites, conduits par Castanerez, se mettent en marche avec eux; ils parviennent à les former en réduction. Les Mataguyos font la même prière, Castanerez part, en 1744, pour se rendre à leur vou. A peine a-t-il mis le pied sur leur sol, qu'il tombe victime de sa confiance.

Les Tobatines avaient disparu de la réduction de Sainte-Foi; depuis dix ans, ils erraient sans laisser de vestiges de leur passage à travers le désert. Le Père Yegros s'était mis à leur poursuite; après onze ans de courses, il rejoignit enfin ces familles nomades. Elles s'obstinaient à ne pas rentrer dans leur ancienne réduction, il s'établit au milieu d'un peuple aussi inconstant. D'autres Missionnaires accourent à son aide; ils commencent à faire goûter les premiers fruits de la civilisation aux Tobatines. Dans la même année, le Père Herrera entrait chez les Guenoas; d'autres Jésuites s'ouvraient les Terres magellaniques. Les Pampas et les montagnards Tuelches, habitants de la Patagonie, ont pris les idées

du monde à rebours. Tout est bizarre dans leur culte ainsi que dans leurs mœurs; ce sont les enfants qui commandent et les pères qui obéissent. Du reste, aimant la paresse avec volupté, adonnés à toutes les débauches, ils sont joueurs comme les Espagnols, avides comme les Anglais; la croyance à l'immortalité de l'âme est la seule trace de religion naturelle qui ne se soit pas effacée sous tant de siècles d'abrutissement. Les Jésuites s'occupent d'abord de vaincre leur insatiable besoin de locomotion; ils adoucissent peu à peu leur barbarie, ils combattent avec de douces paroles leur vicieux naturel, ils leur enseignent l'art de faire produire la terre, ils les gagnent au Christianisme avant même de leur avoir révélé tous les avantages de la civilisation. A cette nouvelle conquête de la Foi, Philippe V adopte des mesures pour développer un pareil germe de richesses.

Il veut que d'autres Pères partent sur une frégate de l'État commandée par Joachim d'Olivarès. Joseph de Quiroga, l'un des marins les plus distingués d'Espagne avant d'entrer dans la Compagnie de Jésus, Mathias Strobl et Cardiel prennent passage sur le Saint-Antoine. Quiroga est chargé d'une double mission: comme navigateur, il doit explorer ces parages et y chercher quelque baie où les vaisseaux pourront relâcher; comme Jésuite, il tentera de créer des réductions. Le travail et les obstacles ne manquèrent pas aux Pères Quiroga, Strobl et Cardiel; mais, après mille dangers, ils se virent contraints de renoncer à leur entreprise. Une grande partie de la Patagonie refusa le bienfait de l'Évangile.

Les Jésuites étaient parvenus à former une nation de toutes ces tribus inconnues les unes aux autres: ils en avaient fait un peuple de frères; mais, au fond des déserts, à la crête des montagnes, dans les marais ou sur

les rives des fleuves encore ignorés, il existait d'autres sauvages à qui la Foi n'avait point été portée. Les réductions du Paraguay jouissaient d'un bonheur si constant que les successeurs de saint François-Xavier songèrent à pénétrer jusqu'au coeur d'une région où des souffrances de toute nature semblaient défier leur passion du salut des âmes. La république chrétienne du Paraguay était pour tous un modèle. Là ils avaient su rendre agréable à des êtres abrutis le joug de l'obéissance, du travail et de la famille. L'Amérique méridionale vit de nouveaux Pères de l'Institut marcher à la découverte de nouvelles peuplades. On leur disait qu'elles étaient encore plus sanguinaires, plus dissolues que celles dont ils avaient comprimé les instincts: ces récits furent pour eux un stimulant. On les entretenait surtout avec effroi de la nation des Moxes, assemblage de différentes tribus, vivant sous la zone torride, sans lois, sans gouvernement, sans religion. La justice pour eux, c'est la vengeance individuelle, la vengeance qu'ils trouvent dans des breuvages empoisonnés ou au bout de leurs flèches. Depuis un siècle et demi les Jésuites avaient en vain essayé de s'ouvrir cette terre désolée. Le Père Cyprien Baraze fut plus heureux. Il part de Lima en 1675 avec le Père del Castillo; sur une frêle embarcation, ils s'efforcent de remonter le Guapay. Après douze jours de navigation, ils arrivent à cette tribu. Son climat, sa langue, sa stupide férocité, tout devenait obstacle pour les Jésuites. Le Père Baraze cherche à en triompher par la patience; ses soins furent inutiles. La fièvre qui l'avait saisi à son entrée dans le pays redoubla d'intensité. Les supérieurs le rappelèrent à Santa - Cruz; mais là cet homme, qui ne songeait qu'à ses sauvages, conçut un projet plus extraordinaire: il apprit le métier de tisse

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