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La dialectique du controversiste remplaçait donc l'entraînement du missionnaire; les éclats de l'enthousiasme s'effaçaient dans ces luttes incessantes; il fallait être armé de démonstrations et de syllogismes historiques pour réduire au silence ces esprits de rhéteurs toujours amants de la dispute. La position était ainsi faite aux Jésuites, ils l'acceptèrent. Pour rapprocher les Grecs de l'unité, plusieurs Missions furent établies dans l'Archipel. Les îles de Siphanto, de Serpho, de Therasia et de Paros en recueillirent les premiers bienfaits. Les Jésuites apprenaient à ces insulaires le secret de la charité; puis, dans le même temps, ils développaient en Syrie l'oeuvre de leurs devanciers. Le champ était immense; ils avaient d'abord à conserver dans la Foi les Catholiques; ils devaient ensuite agir sur des Maronites, des Arméniens, des Chaldéens et des Coptes, qui pratiquaient leur religion en payant tribut à la Sublime-Porte. Ces différents cultes avaient leurs Patriarches, leurs Évêques, leurs Prêtres; à chaque pas ils suscitaient des obstacles aux Missionnaires. Il était humainement impossible de vaincre toutes les répugnances, les Jésuites ne se raidirent pas contre la difficulté, ils essayèrent de la tourner. Les Grecs euxmêmes les regardaient comme les seuls instituteurs de la jeunesse; ils leur envoyaient les enfants à élever avec ceux des Européens et des Arméniens. La Compagnie de Jésus sentit que l'éducation devait, dans un temps donné, accomplir sur les générations naissantes le changement que les hommes faits n'acceptaient qu'individuellement. A Tripoli et à Damas, ils se placèrent ainsi en embuscade contre le schisme. En 1717, leur Mission grandissait, et les patriarches d'Alep et d'Alexandrie, convaincus de la suprématie du Pontife romain,

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ne craignirent pas d'adresser à Clément XI leur profession d'orthodoxie.

Six années s'étaient écoulées depuis ce jour; l'exemple des deux Patriarches avait ébranlé les convictions et décidé un certain nombre de Chrétiens à saluer la Chaire apostolique comme la règle de leur foi, lorsque les patriarches de Constantinople, de Jérusalem, d'Antioche et de Damas se réunirent en synode afin d'arrêter l'élan vers le Catholicisme. La désertion se mettait dans leur troupeau; les pasteurs en confièrent la garde aux janissaires du sérail. A force d'argent, ils obtinrent du GrandSeigneur des ordres de persécution que la France alors ne pouvait pas conjurer; car la régence de Philippe avait affaiblit son ascendant. L'édit rendu à la prière du synode défendait aux Chrétiens d'embrasser la Religion catholique, il enjoignait à ceux qui déjà s'unissaient à la communion romaine d'y renoncer sur-lechamp, et il était interdit aux Jésuites de communiquer avec les Grecs, les Arméniens et les Syriens, sous prétexte de les instruire. Les Jésuites n'abandonnèrent pas la partie; on emprisonnait, on menaçait de mort les Patriarches et les Orientaux catholiques; ils crurent qu'il leur appartenait de conjurer la tempête que l'or des Schismatiques soulevait. Le consul de France à Alep recule devant une généreuse initiative, les Pères de l'Institut s'adressent au marquis de Bonnac, ambassadeur de Louis XV. Bonnac menace; il invoque le nom de la France, et les Jésuites peuvent en toute sécurité se livrer à leurs travaux.

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Une autre Mission avait été formée à Antourah; elle se propageait sur le Liban, lorsque, le 30 septembre 1736, un synode s'assemble dans la montagne. Trois ‚évêques catholiques et quatorze maronites, conduits

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par leur Patriarche, viennent avec l'élite de la noblesse du pays, traiter de leur réunion à l'Église sous la présidence de Joseph Assemani, ablégat du SaintSiége: Les Jésuites étaient les promoteurs de cette assemblée; les. Chrétiens du Liban en recueillirent les fruits, car, à la demande des Pères, douze femmes pieuses furent autorisées à créer, près d'Antourah, un couvent de la Visitation, destiné à recevoir ou à élever les veuves et les filles des Catholiques.. Le Père: Fromage, supérieur de la Mission d'Alep, dont le mérite était si honoré dans la montagne, ne consentit pas à perdre les avantages que ce synode devait procurer. De concert avec les Pères Venturi, de Busly et le Frère Richard, il établit des Congrégations chez les Arméniens, les Grecs et les Maronites. Ces institutions de jeunes gens aidaient au développement de la Foi; elles acclimataient l'Europe au sein du Liban.

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En 1682, les Pères Longeau et Pothier, chargés des riches présents que Louis XIV adressait au Schah de Perse, se mettent en route pour suivre le plan que le Père Alexandre de Rhodes a tracé. Ils sont les ambassadeurs du grand Roi, la Perse les accueille avec respect. Il y avait déjà des Jésuites à Ispahan et à Chamakhi; le prince en autorise un nouvel établissement à Érivan. Leur ambition du salut des âmes ne se contente pas de ces résidences, dans lesquelles il faut commencer par se dévouer à toutes les misères; une autre est obtenue pour eux à Erzerum; les Pères Roche et Beauvollier en prennent possession. Comme à Érivan, ils meurent de la peste ou sous le fer des fanatiques; mais le Dieu que, du fond de l'Europe, ils accourent prêcher, trouve des adorateurs; mais leur sang versé, leur vie consacrée aux pauvres, sont un excitant pour les Jésuites. Vingt-cinq

ans après, ces Missions, ouvertes sous de si funestes auspices, comptaient chacune plus de cent mille fidèles. La Perse était affaiblie, un grand homme paraît à sa tête; tout à coup elle se révèle la plus puissante des nations. Schah-Nadir, dont le nom de Thamas-Kouli-Kan a immortalisé les exploits, venait d'usurper le trône, et, dans sa soif de conquêtes, il poussait ses armées sur l'Indostan. La dévastation et l'incendie étaient les compagnes de sa gloire militaire. L'Alexandre de la barbarie ne connaissait pas d'autres raisons que le fer et le feu. Les Jésuites se glissèrent sous sa tente, et, en face de ce guerrier au caractère indomptable, à la taille athlétique, à l'esprit plein de cruauté et d'élévation, les hommes de paix ne se sentirent point intimidés. Les Schismatiques demandaient à Kouli-Kan de disperser les bergers et le troupeau orthodoxes; les Jésuites lui font comprendre qu'il est placé trop haut pour ne pas avoir des idées de justice. Kouli-Kan, qui a porté ses armes victorieuses par toutes les Indes, rend hommage au Christ que les Jésuites annoncent; il publie un édit par lequel la liberté de prêcher leur est accordée; mais ce terrible Schah a entendu parler de la science médicale du Frère Bazin. Le résident et les négociants anglais lui ont dit que ce coadjuteur temporel était au-dessus de tous les savants de la Perse, il veut que le Frère Jésuite soit spécialement attaché à sa personne. Les Anglais espéraient se donner un protecteur auprès de Kouli-Kan, et les Missionnaires un appui. Le Frère Bazin fut accordé à ses prières, il le suivit dans ses voyages, il devint son confident, et lorsque le vainqueur tomba à son tour, victime d'une conspiration de palais, le Frère Bazin était encore à côté de lui. La mort du Schah replongeait la Perse dans des révolutions sans fin, les Jésuites en subi

rent le contre-coup. Plusieurs d'entre eux périrent sous le bâton. Les soldats dépouillèrent les églises, les officiers civils accablèrent les Pères de toute espèce de vexations; mais on ne put les faire renoncer à leur projet. Le Christianisme prenait racine sur cette terre, ils ne consentirent jamais à briser la croix que leurs mains avaient plantée.

Rien n'abattait le zèle des Jésuites, rien ne faisait chanceler leur audace. Au mois de juillet 1706, un médecin français, attaché au Kan des Petits-Tartares, arrive à Constantinople. Il peint aux prêtres de la Société le déplorable état des Chrétiens de Crimée, il leur dit que parmi ces esclaves, condamnés à tous les tourments, il y a une foule de Polonais, de Hongrois, de Croates, et que, deux années auparavant, un Jésuite est mort de la peste en leur prodiguant ses soins. A ce récit, le Père Duban se sent ému de pitié, il part pour la Crimée, et implore de Gazi-Guiray, maître de l'ancienne Tauride, la grâce d'assister les esclaves et les Chrétiens qui languissent sous sa loi. Au milieu des douleurs qui leur sont tenues en réserve, les uns s'étaient faits Mahométans ou Hérétiques, les autres, dans un abrutissement qui procédait du désespoir et de l'ignorance, avaient oublié jusqu'au souvenir de Dieu. Cette atmosphère de dépravation s'était étendue peu à peu; des esclaves elle avait passé au peuple, du peuple elle montait aux prêtres du rit grec.

Duban ne se laisse pas décourager par le spectacle de tant de corruption. Il réunit dans un coin d'une pauvre église arménienne quelques infortunés que sa charité a soulagés, il leur révèle les préceptes de l'Évangile et de la morale. Le Jésuite s'était dévoué pour ces Chrétiens, les Chrétiens se montrèrent dignes de son affec

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