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Ce n'eft qu'un fentiment naturel & facile :
Il naît dans tous les cœurs, de la compaffion.
Ne m'en ayez ainfi nulle obligation.

Levez-vous, & marchons vers mon humble de

meure:

Venez, elle eft à vous; difpofez-en fur l'heure.
Je n'ai pas tout perdu, dit le fage étranger;
Il m'eft encor refté de quoi vous foulager,
peut- être... Partons. Je saurai vous inftruire
De fecrets importans deftinés à produire

Et

Plus de biens & d'honneurs que vous n'en defi

rez:

Vos malheurs à la fin vont être réparés;
Et je bénis le Ciel de vouloir bien permettre,
Qu'en de fi dignes mains je puifle les transmettre!

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Cet étranger eft le Miniftre du TrèsHaut qui inftruit Colomb de l'exiftence de l'Amérique & l'encourage à y por ter les lumières de la foi. Sathan, comme on le penfe bien cherche à traverser le fuccès de cette navigation. Il atfemble fon confeil; & les Efprits infernaux ne pouvant s'oppofer à l'entreprife de Co lomb, travaillent du moins à la retarder, en faifant naître des difficultés que les différentes cours de l'Europe oppofent aux demandes du navigateur Génois.

Milton a également employé dans fon

poëme les Anges & les diables, mais fon fujet eft unique, & il paroît bien difficile d'aflortir avec fuccès le même merveilleux à d'autres poëmes. La fiction néanmoins d'un Ange qui prend la figure d'un vieux marin expirant fur le rivage, a pu avolt été fuggérée au poëte d'après un fait rapporté dans la vie de Colomb. Cet homme avoit, par la célébrité de fon entreprife, excité l'envie de plufieurs navigateurs contemporains. Ceux-ci ne pouvant lui ôter la gloire de fa découverte, chercherent à la diminuet en publiant qu'il la devoit à un vieux pilote accueilli chez lui après un naufrage, & qui y mourut. Certe hiftoriette eut dans fon tems quelque crédit par la difpofition où font la plûpart des hommes de faifir le premier prétexte pour s'exempter du tribut d'eftime& de reconnoiffance, qu'ils doivent à leurs femblables.

La Difcorde joue auffi un grand rôle dans ce poëme. Cette divinité infernale n'ayant pu empêcher que la Cour d'Espagne fit équiper une flotte pour l'expédition de Colomb, s'efforce de fouffler le trouble & l'effroi parmi ceux qui s'étoient embarqués avec ce navigateur décoré du titre d'Amiral.L'Enfer pour mieux feconder les

efforts

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efforts de la Difcorde, fufcite un fantô me femblable à celui qui s'offrit aux Portugais fous la conduite de Vafco de Gama lorfqu'ils voulurent doubler le Cap des Tourmentes.

Pour mieux intimider tous ces féditieux
Et confommer plutôt leurs deffeins factieux;
Le colofle agitant la barbe étincelante

Couvrit les flots & l'air d'une flamme étouffante ;
C'étoit l'eau qui tomboit de les cheveux épars.
L'effroi qu'il répandit vola de toutes parts.
Ses terribles agens, infames fatellites,

Implacables bourreaux des vengeances prédites,
Pour redoubler l'horreur excitèrent les airs,
Déchaînèrent les vents, foulevèrent les mers.
Il ne s'étoit point vu de pareille tempête,
Les cheveux hérifiés en drefloient à la tête.

Mais l'Erernel qui veille fur Colomb fait ceffer ces preftiges. Tout rentre dans le néant, & le calme renaît, Colomb aborde à l'une des Lucayes; mais les murmures de fes gens qui n'y trouvent point les vivres & l'or qu'ils cherchoient, l'obligent de quitter promptement cette ifle. La flotte les conduit à Saint-Domingue. L'équipage pouffe des cris de joie à la vue de cette terre fortunée, & y féjourne.

D

f

s'accom

C'est même dans cette ifle que pliffent les deffeins de Dieu fur Colomb. Il obtient le don des langues & s'en fert pour expliquer au Cacique, le chef des Infulaires, les mystères de notre Religion. Notre héros millionnaire le convertit à la foi. Il profité de la circonftance d'une éclipfe de lune qui devoit arriver le foir même, & s'en fert comme d'un prodige que le Ciel permettoit pour manifefter fa volonté aux Infulaires. Son autorité s'accroît en conféquence fur ce Peuple ignorant; mais il ne fait ufage de cette autorité que pour lui faire goûter la morale pure de l'Evangile. Les Indiens interrogent l'Amiral fur le pays qui lui a donné naissance, ce qui donne lieu au poëte, de placer dans fon poëme une defcription de l'ancien continent & de paffer en revue les différens royaumes de l'Europe. Tous ces détails rempliffent plufieurs chants, L'amiral qui difcours toujours plus qu'il n'agit, employe auffi fon éloquence pour engager les naturels du pays contracter alliance avec lui. La conduite de fes gens ne prévient pas les Infulaires en faveur de cette alliance. Le héros lui-même né peut fe défendre des feux de l'amour; mais, toujours maî

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tre de les paffions, il ne perd point de vue l'objet de ses travaux. Après l'avoir rempli il s'embarque pour retourner en Europe. L'Enfer, pour nous fervir de l'expreffion de l'auteur, joue alors de fon refte. Il excite un ouragan furieux, & empêche les matelots de manœuvrer, en faifant fermenter dans leurs veines le venin vénérien qu'ils avoient contracté en Amérique. Colomb, au milieu de ce danger, plein de confiance dans la protection du Très- Haut, demeure ferme & tranquile. L'orage fe diffipe. Une ifle déferte fe préfente à l'Amiral. Des courants d'eau l'y conduifent. Il defcend à terre, parcourt l'ifle, & apperçoit fous un berceau de fleurs un grouppe de déeffes.

Sur l'une il vit briller les dons de la jeunesle;
Son teint frais & vermeil éclatoit fans rudefle
Une gaze légère, attachée avec foin,
La lui fit croire nue en la voyant de loin.
Elle avoit à la main une fuperbe glace,
Ou tout le reproduit & jamais ne s'efface.
La feconde brilloit par tant de majesté,
Que jufques à lon nom, tout en est respecté ;
Femme d'un certain âge, & d'un voile couverte,
Son vifage annonçoit, foit quelque grande perte,
Soit un revers sensible à son cœur affligé ;

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