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Des outrages du fort furent importunés!
Si des aftres plus doux préfident à leur vie,
Qu'ils redoutent alors les flèchés de l'Envie !
Ici, Racine eft mort, trifte & découragé.
Là, Palchal expira, par les fots outragé.
Les méchans démafqués tourmentent la Bruyère.
Tartuffe eft infulter au talent de Molière.
Delpréaux vainement fait craindre fes bons mots;
Cet apôtre du goût eft le martyr des fots.
Ainfi donc, quoiqu'on faffe, on ne peut de la

vie

Raflafier la Haine ou défarmer l'Envie.
Hélas! on ne rencontre, après de longs travaux,
Que de foibles amis ou de lâches rivaux.
Dès qu'un mortel s'élève au-deffus du vulgaire,
Ce vulgaire infenfé lui déclare la guerre,
Tandis qu'il devroit voir les Zoïles rempans
Enchaînés à fes pieds de leurs propres ferpens.
O de l'efprit humain déplorable délire!

On nous dit qu'autrefois, aux accens de la
lyre,

Les rochers attentifs & les marbres émus
Venoient environner la ville de Cadmus.
Ce fiècle eft loin de croire à des fables pareilles ;
Aujourd'hui l'homme même à peine a des oreilles.
Il a tout corrompu. Grace à lui, les neuf Sœurs
N'ont plus qu'un miel perfide & de faufles dou-

ceurs.

Malheureux, qui, féduit par leurs feintes carefles,

Crédule & fans détour, fe livre à leurs tendres.fes!

Malheureux qui fe fie à leurs traits ingénus!
Telles, depuis Colomb fi funefte à Vénus,
De timides beautés, des nymphes (éduifantes
Affaffinent fouvent de leurs faveurs cuifantes
Le jeune homme imprudent, trop facile à faifir
La lueur de l'amour & l'éclair du plaifir.

Oferez-vous encor condamner ma pensée,
Aveugles partisans d'une gloire infensée ?
En vain me direz-vous que la Postérité
Tôt ou tard, en fon jour place la vérité;
Que des contemporains les jugemens peu lages
Ne corrompent jamais la justice des âges,
Et qu'en ceffant de vivre, on ceffe d'irriter
Ces haines, qu'il eft beau d'avoir pu mériter.
Dépouillés du présent, l'avenir nous demeure ;
Pour défarmer l'Envie, il fuffit que l'on meure :
Je le fais; mais pourtant, le plus doux de mes

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Sera-t'il donc de plaire à nos derniers neveux ?
Voulez-vous qu'un auteur d'avance fe confume
Sur l'efpoir incertain d'une gloire pofthume?
Cer espoir fût-il sûr, quel en fera le fruit?
De ma gloire future entendrai-je le bruit?
Au fond de mon tombeau, la vaine Renommée
Viendra-t'elle flatter ma cendre inanimée ?
Verrai-je les lauriers croître lur mon cercueil ?
Le terme de la vie eft celui de l'orgueil.

Ne fait auquel entendre & rit à leurs dépens.

Il n'eft point de remède à cette difcordance. Quand même d'un édit la févère prudence Défendroit à ces fots, orateurs des caffés, D'ufer, en difputant, leurs poumons échauffés Et voudroit ramener l'union fur la terre, L'édit n'y feroit rien: l'homme eft né

pour

guerre, Du temple de la Paix les Talens font exclus ; L'efprit, pour la difcorde eft un titre de plus.

la

Ah! que d'un fol efpoir une Mufe enivrée Coure une mer perfide aux aquilons livrée ! Je dérobe à l'éclat de ces triftes revers Le papier indulgent qui recevra mes vers. Voulez-vous que plutôt, victime de l'Envie, J'aille, pour un vain nom, empoisonner ma vie, Au Public implacable expofer mes travers, Suppléer, par l'intrigue, au décri de mes vers, Mendier le fuffrage & l'appui d'un infecte, Honorer des grimauds, pour me faire une fecte, Et,pour comble d'horreur, d'ennuis & de dégoûts Choquer tous les partis, en voulant plaire à tous? Ah! plutôt brilons-là. Ma mufe, dans ces rig

mes,

N'a que trop rappelé de malheurs & de crimes.
Idole des Guerriers, Reine des Ecrivains,
O Gloire, je renonce à tes preftiges vains.
Tu peux nous éblouir; mais toujours tu nous
trompes,

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Le néant eft caché fous l'amas de tes pompes.
Je les fuis, & j'immole à mes pavots chéris
Tes lauriers, que la foudre a trop fouvent flétris:

AINSI, des doctes fœurs oubliant la mémoire,
Jolois apprécier le fonge de la Gloire.

Ainfi couloient mes vers fans foins, fans orne

mens

D'un travail férieux légers délaflemens;
Lorique, pouffant à bout fa rigueur ennemie,
La Parque, fourde aux vœux de notre académie,
Frappoit de Staniflas l'antique ferviteur.

Solignac, ô mon maître, ô nom cher à mon cœur!
Eh! quoi! toute ta gloire, ô vieillard vénérable,
N'a donc pu défarmer la Parque inexorable!
Tu mears! & nos regrets, nos pleurs font fuper-
Alus.

Je te cherche en ces lieux, & ne t'y trouve plus.
Hélas! je me rappelle, ombre chère & facrée,
Que du temple des Arts ta main m'ouvrit l'entrée,
que de tes lauriers refpectés par le rems,
L'ombrage protecteur couronna mon printem's.
Ah! fi du fein des morts, tu peux encor m'enten-

Er

dre,

Si mes triftes accens peuvent toucher ta cendre;
Reçois, reçois enfin de ma tendre amitié,

Un tribut qui du moins ne peut être envié.
Non Non. Ce n'étoit point d'une palme ordi-

naire

Et que fert de nourrir cette efpérance altière
De ne pas exhaler fon ame toute entière,
Ce fouhait orgueilleux de commander au fort,
De fe furvivre un jour & de tromper la mort ?

Dans la tombe autrefois, Pradon ferein &
calme,

Que pour

Du Théâtre François crut emporter la palme,
Et Racine, au contraire, expira convaincu
fa renommée il avoit trop vécu.
Que d'exemples pareils, opprobre de nos faftes,
Viendroient fervir de preuve à ces affreux con-
traftes ?

De les concitoyens Milton fut dédaigné.
Il vécut malheureux; il mourut indigné.
Les autels qu'à fon ombre élève l'Angleterre,
L'eftime des humains, les refpects de la terre,
A fon génie enfin tant d'hommages rendus
Ne confoleront point les mânes éperdus.

D'ailleurs,qui vous a dit que l'implacable Envic
Ne me pourfuivroit point au-delà de ma vie?
Quelquefois, je l'avoue, un trop jufte remords
Força ce monftre affreux de refpecter les morts.
Mais croyez-moi : jamais l'envieux ne tolère
L'audace de penfer, ni le talent de plaire,
Et fi les noms fameux dans les fiècles pallés
De la jaloufe main ne font pas effacés,
Il regrette fans doute un fi trifte avantage,
Semblable à ces oiseaux, dont l'horrible partage

Eft

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