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unie comme l'yvoire & blanche comme la neige. Sa taille devint mince & légère. Ses cheveux noirs formèrent des boucles longues & épaiffes qui flottoient avec grace fur fes épaules. Ses joues étoient teintes de la rougeur de l'aurore dont la rofée humectoit les lèvres. Tous ses traits étoient nobles & réguliers, tous fes mouvemens étoient gracieux. Une robbe blanche fut jetée fur elle par une main invisible; tout le peuple étoit dans l'extafe de la furprise, & regardoit avec une curiofité infatiable cette beauté dont on n'avoit jamais vu le modèle. Séliman'étoit pas moins étonnée que ceux qui l'admiroient. Elle refta un moment immobile, les yeux fixés fur la terre mais fa confufion augmenta,& ellevoulut fe retirer en filence. Les héraults la prévinrent: elle fut obligée de céder à leur importunité & de monter dans le char pour fe rendre à la capitale. On la préfenta à Soliman que l'on inftruifit de toutes les circonstances de ce prodige.

Soliman jeta les yeux fur l'affemblée qui l'environnoit, incertain s'il devoït abandonner ou pourfuivre fon deffein quand Abbaran, prince refpectable par La fageffe & fes années, s'approche de l'Empereur, & profternant fa tête à fes pieds:

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que Soliman, dit-il, accepte la récom » penfe de la vertu, & affocie Sélima à >> fon trône.Dans quel fiècle &dans quelle » nation la beauté de Sélima ne fera-t'elle » pas honorée ? Dans quels lieux fa mé» moire ne fera t'elle pas tranfmise ? » L'hiftoire de l'époufe de Soliman ne » fera-t'elle pas auffi célèbre que le nom » de fon époux? Ne fera-t'elle pas con»noître que les defirs qu'infpire la beauté » n'ont été fatisfaits qu'après avoir été » vaincus? Que pour punition d'un def» fein injufte la beauté eft devenue hideu» fe, que le vice l'a couverte de fa hon» teufe difformité, & que pour récompenfe d'un deffein généreux, la vertu a » fait difparoître la laideur, pour lui don»ner tous les charmes de la beauté?

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Soliman, qui ne ceffoit de regarder Sélima, découvrit fur fon vifage an mêlange de joie & de confufion, qui détermina fon choix, & fut un garant de fa félicité. L'amour, qui par la défense d'Urgande avoit été inconnu à Sélima pendant tout le tems de fa laideur, entra paisiblement dans fon ame pour achever leur bonheur; la cérémonie nuptiale ne fut pas long-tems différée; Urgande l'honora de fa préfence, & lorfqu'elle partit, elle mię

entre les mains de Sélima un petit écrit en parchemin, avec ces mots gravés en lettres d'or.

« Souviens-toi, Sélima, du fort d'Al» mérine qui vit encore pour fon fupplice » & celui de fes parens; fouviens-toi d'Almérine qui a perdu fonefprit & fa beauté. » Que fon exemple & ta propre expérien » ce t'apprennent que l'efprit, la beauté, » les fciences, l'abondance & les hon»neurs ne font point effentiels au bon» heur de l'homme. Tous ces biens, Al»métine les poffédoit, & elle étoit mé» contente: tu en étois privée, & tu te » trouvois heureuse. C'est à toi déformais » à te procurer toi feule les avantages que » je t'ai accordés jufqu'à ce jour. C'est la » tempérance &la fobriété qui donnent du

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goût aux plus groffières nourritures,c'eft » l'humilité qui fait voir d'un œil égal les vêtemens d'un laboureur & le riche appareil d'un Prince; c'eft la docilité qui rend le cœur toujours fatisfait, & qui » foumet l'efprit à l'ordre éternel qu'il ne » peut ni changer ni prévoir. Profite de » cette leçon, que ton exemple inftruife » les mortels, & leur apprenne à ne point ท infulter à la nature, & à connoître leur "propre foibleffe. »

L'Empereur, à qui Sélima fit part de cés préceptes de la Fée, les fit transcrire, y ajouta le récit des événemens qui y avoient donné lieu,& le fit diftribuer dans fes états. Ces préceptes ainfi appuyés eurent une influence immédiate & extenfive, & le bonheur de Soliman & de Sélima fut commun aux peuples qu'ils gou

vernoient.

DISCOURS en vers fur les dangers de la Gloire, lu à la féance publique de la Société royale & littéraire de Nancy, le 8 Mai 1773. Par M. François.

J'Avors juré de fuir les rives du Permeffe. Pourquoi donc, aujourd'hui, trahiffant ma promefie,

Vais-je reprendre encer, dans le facré vallon,
Ma lyre fufpendue au temple d'Apollon?
Quel démon, trop jaloux du repos que je goûte,
De ce temple oublié me rappelle la route?

Tout rimeur, je le vois, eft pareil aux amans
Dont les zéphits légers emportent les fermens.
La Gloire eft fa maîtreffe. A les charmes fidèle,
En jurant de la fuir, il fe rapproche d'eile.
A la Syrène en vain croit-il défobéir:

Il l'aime d'autant plus qu'il la voudroit haïr.

Souvent nous l'accablons d'éloquentes injures, Nous déteftons fon joug; mais nos rimes parjures Rendent à fes attraits un hommage forcé. Le vrai poëte a bu la coupe de Circé. Malgré lui, de la Gloire il refpire l'ivrefle.

Eh! qui pourroit braver sa voix enchanteresse ? Qui pourroit étouffer un tranfport indifcret? Chaque jour, je l'entends qui me dit en fecret: Quoi! tant d'autres ont pu, dans ce fiècle commode,

Habiller la Raison & la Rime à leur mode!
Sur l'Hélicon françois, de nouveaux conquérans
Auront prefcrit des loix, auront fixé les rangs!
Tant d'autres, d'un vain tas d'œuvres afsoupif-
fantes,

Fatiguent, à l'envi, les preffes gémiffantes!
Et toi, de leur fuccès fpectateur indolent,
Tu voudrois, fans pudeur, enfouïr ton talent!
Quoi! la palme t'invite, & tu crains d'y préten
dre ?

Celui-ci, cependant, crie à qui veut l'entendre;
Que la fcène tomboit, fi, par un heureux fort,
Il n'eût, d'un nouveau genre, inventé le reffort.
L'autre, d'une brochure alongeant la préface,
Veut prouver qu'aujourd'hui perfonne ne l'efface.
Chacun de la Raifon croit hâter les progrès,
Chacun, du Dieu du Goût, croit dicter les arrêts
Crains-tu de t'égarer fur des traces fi belles &

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