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de cet outrage qu'affligé de la perte de fa fortune, dédaigna de répliquer, & fe croyant plus offenfé que fon père, il ne s'inquiéta plus d'une réconciliation. Il loua un riche appartement dans une maifon fituée près des champs de Leicester, & deux mois après il partit pour entreprendre un fecond voyage.

Il avoit toujours va beaucoup de mon de; & fur le point de fe féparer de fon époufe, cette multitude frivole qui avoit flatté fa vanité, alarma fa tendreffe. I n'avoit, à la vérité, aucune raison particulière d'être jaloux ; mais il étoit marié; il alloit être abfent; fa femme étoit belle: & ces idées ne rendent pas un homme bien tranquille. Travello ne l'étoit pas, & cependant il partit.

Flavilla aimoit fan époux autant que fes plaifirs. Elle promena fa fidélité dans tous les lieux qui pouvoient charmer fon veuvage: elle flottoit dans le tourbillon du monde, & recevoit tous les jours des gens de cour auffi fuperficiels que fon ca-ractère, & le tumulte voluptueux des bals prenoit la place de la douceur paifible

de la nuit.

Cette conduite devint incommode aux hôtes de la maifon, gens fimples qui n'a

voient de revenu que l'argent qu'ils recevoient de leurs loyers. Ils crurent même avoit été trompés fur l'état de Flavilla. Ist fe perfuadèrent qu'elle n'étoit autre chofe qu'une femme de plaifir; que la perfonne qui avoit loué comme pour fon épouse, & qui avoit difparu, fous prétexe d'un voyage for mer, n'avoit été employée que pour obtenir un logement à un prix moins confidérable. Ils cherchèrent à éclaircir ces foupçons; mais ils s'apperçurent bien

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que Flavilla ne voyoit que des femmes de la première diftinction. Ils conclurent cependant qu'ils ne s'étoient pasi trompés de beaucoup, & ne pardonnèrent pas à la qualité, puifqu'elle ne mettoit pas de différence entre les mœurs. Une vieille fille qui fe difoit dévore, & qui demeuroit dans la maifon, vint charitablement s'emporter chez ces hôtes, difant que le train de vie de Flavilla la fcandalifoit, & la troubloit dans fes prières, &für-tout dans fon fommeil.

L'hôteffe prit la liberté d'entrer un matin chez Flavilla, & lui repréfenta dans les térmes les plus réfpectueux que fa maison, fort tranquille avant elle, devenoit plus bruyante depuis qu'elle l'habitoit, & qu'a tous égards cette conduite pouvoit lui faire

un tort irréparable. Flavilla comprit cette remontrance équivoque; fière de fa vertu & indignée d'un confeil qui la contrarioit, elle ne répondit qu'avec mépris. La bonne femme fe retira fans replique, & fe détermina à attendre Travello pour le prier defortir de fa maison.

Cependant l'époux de Flavilla fit un voyage fort heureux; & après dix mois d'abfence, il vint rejoindre fon époule. Mde Hermann fc'eft le nom de l'hôteffe), étoit toujours dans le même deffein, & bientôt elle vint lui annoncer fes inten

tions. Travello qui avoit toujours rempli fes engagemens, voulut connoître les raifons que l'on pouvoit avoir de le renvoyer. La bonne femme héfitoit; mais plus ilvit qu'elle éludoit la demande, plusil infifta pour obtenir une réponfe. Le filence même de Mde Hermann, quoique trèsnaturel de fa part, produifit le même effet que s'il eût été affecté. Elle répondit feulement que Madame rentroit fort tard, qu'ayant toujours été aecoutumée à la tran quillité, elle vouloit louer fon apparte ment à quelque perfonne d'un état moins élevé.

A ce difcours, Travello changea de vifage, & Mde Hermann vit bien, par fon

émotion, qu'elle en avoit trop dit. En vain elle voulut réparer fon indifcrétion en difant à Travello, qu'après tout, fon époufe ne s'étoit permis que des plaifirs que fon âge, fon état & la mode rendoient légitimes. Le trait avoit porté, la bleffure étoit faite, il ne penfa plus qu'à trouver en elle une confidente. Il lui avoua qu'il avoit quelques foupçons fur fa femme, qu'il étoit important pour lui d'éclaircir; qu'il alloit quitter encore le royaume pour peu de tems, & il la pria de lui faire part à fon retour de ce qui fe feroit paffé dans fon absence.

C'eft une foibleffe attachée à l'humanité,, de rechercher avec ardeur des vérités cruelles dont la connoillance nous rend malheureux fans retour. Ingénieux à nous tourmenter nous mêmes, nous voulons encore que nos amis fatisfaffent notre: funefte curiofité,& ce fervice barbare,. eft un de ceux qui fe rendent avec le moins de fcrupule. Mde Hermann, flattée: de la confiance qu'on lui témoignoit, con fentit à la remplir & promit d'exécuter ce qu'on demandoit d'elle,avec la plus gran de fidélité.

Cependant Travallo cacha fes foupçons, &véritablement il les oublioit en regar

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dant fon époufe. L'amour, l'efprit & l'honnêteté de Flavilla lui fit pardonner à fa conduite; il ne voulut point empoifonner la douceur de fes embratlemens par le ffel des reproches. Mais lorfqu'il fut prêt de partir, il la ferra tendrement dans fes bras, & la conjura, les larmes aux yeux, de veiller fur elle même avec la plus grande attention. Je fais, lui dit-il, que mon père a les yeux attachés fur vous; votre conduite peut feule aigrir ou calmer fa colère; ma fortune même en dépend, & nous devons la defirer pour nous épargner à l'avenir les tourmens d'une féparation fi pénible, & paffèr tranquillement notre vie dans le fein de l'abondance & de l'amour. Flavilla répondit par fes careffes à cet adieu qu'elle ne comprit point, & ils fe quittèrent avec les proteftations › mutuelles d'un amour inaltérable.

Flavilla, quelque tems après le départ de fon mari,s'apperçut qu'elle étoit groffe, & huit mois après le retour de Travello de fon premier voyage,elle fit un faux pas en montant dans fa voiture, & accoucha le lendemain. L'enfant,quoiqu'avancé de plus d'un mois, n'étoit point d'une peti teffe remarquable, & n'avoit aucune infir mité qui fit craindre pour fa vie.

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