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langues, vanté avec enthousiasme, et l'on se demande alors si ce n'est pas un soin trop minutieux

que celui qu'on a pris d'en relever et d'en expliquer les défauts; mais ce soin étoit une tâche le que devoir imposoit, et que le goût n'aurait pas choisie. L'intérêt des lettres veut qu'en recommandant à l'estime publique les ouvrages qui en sont dignes, on avertisse de leur imperfection; car la foule des imitateurs est là toute prête à s'emparer de la manière d'un auteur, sans pouvoir lui emprunter son talent; et dans une occasion solennelle, où celui qui est le dispensateur de la gloire, daigne, parmi tant d'autres soins, s'occuper de distribuer des palmes aux beaux-arts, le corps littéraire à qui il a confié la noble fonction d'apprécier le mérite des talents rivaux, ne pouvoit être juste qu'en faisant la part de la critique, comme celle de l'éloge.

OPINION

DE M. P. L. LACRETELLE.

il

I l'on s'arrête au sujet de cet ouvrage, est au-dessus d'un simple intérêt littéraire; il est d'une haute importance pour les sociétés humaines c'est un traité et un tableau de toute la religion chrétienne.

:

En ne considérant dans le Génie du Christianisme qu'un ouvrage de littérature, il est encore remarquable par le système de tout subordonner dans les littératures à l'influence de la religion. chrétienne, de lui créer une nouvelle source de gloire et de puissance par la conquête de la poésie, de l'éloquence, de la philosophie, qui n'auroient plus ailleurs le principe de leurs beautés, de leurs services, de leurs succès; il l'est encore deux par romans d'une couleur singulière, introduits dans l'ouvrage sans lui appartenir; il l'est enfin très beau talent qui s'y fait reconnoître, et par un style souvent bizarre, qui paroît moins tenir à un défaut dans le talent de l'auteur, qu'à une combinaison dans son but.

par

un

Mais si on pouvoit consentir à ne juger cet ou vrage que par son prodigieux succès, il faudroit,

avant même tout examen, le réputer une de ces productions de premier ordre qui donnent une impulsion à tout un siècle, qui marquent à une haute distinction l'époque qui en fut illustrée; en un mot, une de ces productions qui naissent immortelles.

Nous ne remplirions pas dignement la mission qui nous est déférée, si nous accordions trop à cette mesure d'appréciation. Nous le savons, il est de la destinée des plus beaux et des meilleurs ouvrages, même quand ils sont appropriés à leur temps, et quand les circonstances leur sont favorables, de voir leur juste réputation se former, s'agrandir, se fixer par des lectures répétées, par des balancements dans les opinions contraires, par des jugements toujours plus éclairés. Il n'en est autrement que pour ces productions qui ont le périlleux avantage de tomber dans le cours désordonné de certaines idées, certaines affections, dans cet enthousiasme de parti qui ne dépasse toute mesure sur l'objet auquel il s'applique que parce qu'il a un but au-delà. Alors point de bornes au succès, et difficilement la proportion est gardée entre le succès et le mérite.

Nous pouvons tous nous rendre témoignage des causes accidentelles qui ont environné la publication de cet ouvrage d'une faveur extraordinaire; je dis des causes accidentelles, et je vais expliquer mon idée.

Je ne dois rien anticiper sur le résultat de mon examen; mais je puis déjà conjecturer les deux sortes de réprobation, opposées l'une à l'autre,

que ce livre eût éprouvées à deux époques dont l'esprit dominant nous est bien connu.

Supposons le Génie du Christianisme soumis au jugement des Bossuet et des Fénelon, des Racine et des Boileau, des Pascal et des La Bruyère : la pensée fondamentale de cet ouvrage, le dessein développé en cinq volumes de faire de la religion la plus belle des poésies passées, présentes et à venir, n'eût-elle pas paru une sorte de profanation devant ces hommes pour qui et par qui la religion avoit toute sa puissance, toute sa majesté, toute sa sainteté ?

Descendons l'ouvrage au siècle suivant; livrons à l'examen des Montesquieu, des Voltaire, des Fontenelle, des Buffon, de ces écrivains qui commencèrent à ne pas soumettre tout leur esprit aux doctrines religieuses qu'en eussent-ils pensé, qu'en eût-on pensé sous ces arbitres de l'opinion? N'eûtil pas risqué de périr sous ce genre de plaisanterie dont on ne se relevoit pas ?

Il falloit donc, pour un tel succès, un temps devenu étranger, et à cette grave pureté de la foi, et à ces accablantes dérisions de l'indépendance religieuse on peut même dire qu'à ces deux époques cet ouvrage n'eût pas été fait, ou qu'il eût été fait tout autrement.

Félicitons-nous des avantages de l'époque actuelle où nous pouvons échapper à tout excès, soit dans le blâme, soit dans l'éloge; où déjà se sont affoiblies les exagérations des partis contraires, et où, lorsque les autels sont relevés, et la liberté

des cultes est fondée, nous pouvons et nous devons également respecter et chérir, en les séparant, les droits de la religion et ceux de la philosophie. Souvenons-nous que nous parlons dans le temple de toutes les gloires littéraires; qu'ici se réunissent par une admiration commune tous les grands noms de deux beaux siècles; et que nos regards ne peuvent parcourir cette enceinte sans voir, à côté les unes des autres, les statues de Bossuet et de Montesquieu, de Fénelon et de Voltaire.

Dans le Génie du Christianisme, une seule vue, une seule pensée, un seul résultat, une source unique des beautés et des défauts, se font sentir du commencement à la fin. L'auteur rapporte tout à la religion chrétienne, voit tout en elle, n'apprécie rien que par elle, ou en fait tout émaner directement ou indirectement.

Arrêté par le refus continuel de mon sens intime de se prêter à une telle manière de traiter un grand et beau sujet; effrayé en même temps de la nécessité d'avoir à diminuer les justes hommages rendus à l'objet le plus vénérable, pour mettre en liberté mes pensées, et conserver à ma discussion l'énergie que je ne dois pas lui ôter, je me suis senti entraîné à déplacer le genre de la logique de l'auteur. J'ai choisi un autre sujet sur lequel j'applique cette logique; j'ai adopté celui-là même pour lequel mes études et mes foibles travaux doivent m'avoir donné une prédilection naturelle; en un mot, je me suis représenté, pour la défense de ce qu'on appelle la philosophie moderne, un ouvrage calqué

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