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formé fur le modele des Tribunaux Egyptiens. Il n'étoit point permis en Egypte aux parties de fe défendre par la voix des orateurs. Les maximes de l'Areopage, dans fon inftitution, étoient en ce point très-conformes à celles des Egyptiens. Dans les premiers temps, les parties étoient obligées de plaider elles-mêmes leurs caufes; l'éloquence des orateurs étoit regardée alors comme un talent dangereux, & qui n'étoit propre qu'à prêter au crime les couleurs de l'innocence. Cependant la févérité & l'exactitude de l'Areopage fur ce point, s'adoucirent dans la fuite; on fouffrit que que les accufés empruntaffent le miniftere & le fecours des orateurs; mais ne leur étoit pas permis, en plaidant, de s'écarter jamais du fond de la queftion. Par une fuite de cette façon de penfer, ils ne pouvoient employer ni exorde, ni péroraifon, ni rien, en un mot, de ce qui pouvoit exciter les paffions & furprendre l'admiration ou la pitié des Juges. Les orateurs étoient obligés de fe renfermer uniquement dans leur cause; autrement on leur faifoit imposer filence par un héraut. Cette maniere dont on plaidoit devant l'Aréopage, avoit, pour ainfi dire, donné le ton au barreau d'Athenes, & s'étoit étendue aux difcours qu'on prononçoit dans les autres Tribunaux. C'eft par cette raifon que le commencement & la fin des harangues de Démofthene nous paroiffent fi fimples & fi dénués

d'ornemens.

L'Areopage fut fort humilié par Dracon; mais il reprit fous Solon toute fon ancienne fplendeur. Ce Prince lui rendit le premier rang, & pour le venger, ce femble, de l'injuftice de Dracon, il lui confia l'infpection générale des Loix. Solon avoit compris fans doute, par les factions qui divifoient la République, quand il fut élu Archonte, combien d'inconvéniens entraîne après foi le partage de l'autorité. Athenes, jufqu'à lui gouvernée par des Tribunaux particuliers, que les moindres circonstances multiplioient, changeoit tous les jours de forme., quelque réunis qu'ils fuffent par les vues générales du bien public & l'amour commun de la patrie. Comme chacun d'eux n'avoit d'action réelle qu'à proportion de fon pouvoir particulier, il étoit bien difficile que tant d'impreflions différentes & fi inégales, donnaffent à tout le corps de l'Etat ce mouvement uniforme & régulier, qui, par une impulfion toujours la même, conferve à chaque partie la fituation dans laquelle elle doit être par rapport à tout.

Pour y parvenir, il falloit réunir toutes les portions d'une autorité qui, trop diftribuée, perdoit fa force. Solon le fit, & la plaça toute entiere dans le corps de l'Areopage, qui par-là, devint le grand reffort du Gouvernement. Ces Juges, qui, fous Dracon ne connoiffoient que des meurtres, virent comparoître devant eux les crimes de toute efpece : & la même main qui puniffoit du dernier fupplice le meurtre, le poifon, l'incendie, le vol, alloit en arracher les racines dans le fein du luxe, de l'oifiveté & de la débauche. Egalement attentifs à corriger la pareffe des jeunes gens & la langueur des vieillards, ils faifoient naître dans les pre

Tome VI.

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miers, le défir de fervir l'Etat, & rendoient aux autres leur premiere activité. Perfuadés que les extrêmes produifent les mêmes effets, ils croyoient avoir autant à craindre d'une abondance exceffive, que d'une extrême pauvreté. De-là, cette recherche fi exacte des facultés de chaque particulier.. De-là, cette févérité fi grande à l'égard de ces citoyens inutiles, qui, bien. loin de foulager la fociété, lui pelent & la déshonorent. Rien n'eft plus beau que le portrait qu'Ifocrate nous a tracé de ces hommes merveilleux, & de l'ordre qu'ils établirent dans Athenes. Voyez ci-après l'article AREOPAGITE.

La Religion, ce grand mobile des actions humaines, étoit auffi du reffort des Areopagites. Platon n'ofa jamais, au rapport de S. Juftin martyr, divulguer fon opinion particuliere fur la divinité. Il avoit appris des Egyptiens celle de Moife. Elle lui parut la meilleure, & il l'embraffa avec empreffement. Mais la crainte que lui infpiroit l'attachement inviolable de l'Aréopage au fyftême dominant, ne lui permit pas de nommer feulement l'auteur d'un fentiment fi oppofé à la tradition commune. S. Paul fut interrogé fur les nouveaux dogmes qu'il annonçoit. Vous préchez, lui difoient-ils, une dodrine à laquelle nos oreilles ne font point accoutumées. Par une fuite néceffaire, leur jurifdiction s'étendoit au détail du culte des Dieux.

Les édifices publics, la propreté des rues, la paie des foldats, la diftribution des deniers publics, en un mot, tout ce qui intéreffoit la République dans quelque genre que ce fût, étoit réglé par la fageffe de l'Aréopage. Le peuple même, tout fouverain qu'il étoit, ne faifoit jamais rien fans le confulter, & fouffroit fans murmure qu'il réformât fes jugemens précipités. Cependant ce pouvoir fans bornes, étoit lui-même foumis aux Loix. C'étoient elles qui déterminoient les récompenfes & les peines; & ces Juges fi refpectables rendoient compte de l'exercice de leur pouvoir à des Cenfeurs publics qui, placés entr'eux & le peuple, empêchoient que l'ariftocratie ne devint trop puiffante.

Mais que n'exigeoit-on pas de ceux qui entroient dans l'Areopage? Sous Dracon, il falloit, pour être admis au nombre des éphétes, de la naiffance, une fortune au-deffus de la médiocre, mais fur-tout beaucoup de vertu. Ces trois qualités, fi rarement unies, ne parurent pas fuffifantes à Solon. Il fit une Loi, par laquelle il ordonna que l'entrée de l'Areopage ne feroit déformais ouverte qu'à ceux qui auroient été Archontes pendant l'année. Pour donner plus de poids à la regle, il s'y affujettit lui-même, & ne fut reçu qu'à ce titre. Ce n'étoit-là que le premier pas; ces Magiftrats annuels qui venoient de donner la Loi à la République, étoient interrogés fur leur adminiftration. Quand leur conduite fe trouvoit irréprochable on les admettoit avec éloge; mais le moindre écart les en excluoit fans retour. Que ne devoit-on pas attendre d'un Tribunal fi bien compofé, & quelle vénération ne méritoient pas des hommes fi rares? On

les refpectoit au point de n'ofer pas rire en leur préfence; & leur réputation d'équité étoit fi bien établie, que ceux même qu'ils condamnoient ou qu'ils renvoyoient de leurs demandes, ne le plaignoient jamais de l'avoir été injuftement.

L'édifice de l'Areopage n'avoit rien que de fimple; & le toit, qui dans fon origine, étoit de la plus vile matiere, demeura en cet état jufqu'au temps d'Augufte. C'eft ce que nous apprend Vitruve. Orefte fut le premier qui s'avifa de l'embellir. Il y éleva un autel à Minerve. L'on y voyoit auffi deux efpeces de maffes d'argent taillées en fieges, fur lesquelles on faifoit affeoir l'accufateur & l'acculé. L'une de ces deux maffes étoit confacrée à l'injure & l'autre à l'impudence. Cette ébauche de culte fut perfectionnée par Epimenides, qui fit élever à ces divinités allégoriques, des autels dans les formes, & bientôt après un temple, dont Ciceron parle dans fon fecond livre des Loix. Ce temple répondoit à celui qu'Orefte avoit bâti aux Furies, qui, en l'amenant à Athenes, lui avoient procuré la protection de Minerve. Epimenides en renouvella la dédicace, & le confacra de nouveau aux Euménides ou aux Déeffes féveres, comme on les appelloit à Athenes. On fe croyoit perdu fans reffource & livré à tous les malheurs enfemble, quand on avoit eu la hardieffe d'appuyer un parjure du nom facré de ces redoutables Déeffes.

Les myftiques du paganisme fe figuroient que les Euménides n'avoient un temple fi près de l'Aréopage, que pour infpirer les Juges, & leur fauver, par une affiftance continuelle, les méprifes qui auroient pu échapper à leur fragilité. Pour intéreffer davantage ces divinités terribles à bien fervir l'Areopage, on avoit grand foin de leur culte, & le fénat leur nommoit lui-même des facrificateurs. Démofthene l'avoit été, & trouvoit fort extraordinaire, qu'on ofât intenter une accufation contre un homme à qui la République avoit confié un emploi de cette importance.

Il étoit naturel d'affocier aux Euménides les divinités qui partageoient avec elles le fouverain empire des morts. Epimenides fit placer dans leur temple les ftatues de Fluton, de Mercure & de la terre. Elles étoient toutes d'une forme agréable, felon Paufanias. Chacune d'elles étoit placée sur un autel, où facrifioient en actions de graces ceux des citoyens ou des étrangers, que l'Areopage avoit renvoyés abfous.

Mais ce n'étoit pas à la feule reconnoiffance que les Déeffes féveres devoient tout l'encens, qui fumoit fur leurs autels. L'incertitude superstitieuse où l'on étoit du parti qu'elles pourroient prendre fur le compte des accufés, leur faifoit prodiguer les offrandes; & on n'épargnoit rien pour leur infpirer la clémence qu'on vouloit qu'elles fiffent paffer jufques dans l'efprit des Juges.

Le tombeau d'Edipe faifoit encore un des ornemens de l'Aréopage. 11 étoit placé dans l'enceinte extérieure de cet édifice, aussi-bien qu'un vaisfeau deftiné à relever la pompe des jeux publics.

Quelque précieux que dût être à l'Aréopage tout cet appareil de Religion , par l'impreffion de refpect & d'effroi, qu'il devoit exciter dans la multitude, il ne craignit point de facrifier à la commodité tout l'avantage qu'il pouvoit tirer de ces autels & de ces temples qui l'environnoient de toutes parts.

Le fénat s'affembloit, comme je l'ai dit, dans une efpece de falle, bâtie fur le fommet d'une colline. Les vieillards, courbés fous le poids des années, ne la montoient qu'avec peine. Cependant comme ils ne s'y rendoient d'abord que les trois derniers jours de chaque mois, ils fupportoient avec patience ce que leur coûtoit une fituation fi incommode. Mais les affaires fe multiplierent au point, qu'ils furent obligés d'ajoûter aux trois premieres féances une quatrieme, qu'ils placerent au feptieme jour du mois, & à laquelle fuccéda bientôt une affemblée de tous les jours. Ils étoient fi réguliers à la tenir, que les fêtes les plus folemnelles ne purent l'interrompre, que fous l'archontat de Cephifodore, qui la troifieme année de la 105. olympiade, fit un décret, par lequel il étoit ordonné aux Aréopagites de célébrer, à l'exemple des autres Tribunaux, les fêtes apaturiennes, qui duroient cinq jours.

Un exercice à la fois fi affidu & fr pénible, fit fentir aux Areopagites toute l'incommodité de la fituation de leur tribunal, & les détermina à le tranfporter dans la ville, qu'on appelle le portique Royal. C'étoit une place expofée à toutes les injures de l'air. Quand les juges, qui s'y rendoient en grand filence, étoient réunis, on les enfermoit dans une espece d'enceinte tracée par un fil, ou plutôt une corde, qu'on faifoit couler tout

autour.

Pour que rien ne pût partager l'attention qu'ils devoient aux affaires, ils ne jugeoient que pendant la nuit, dans la vue, dit Lucien, de n'être occupés que des raifons, & point du tout de la figure de ceux qui parfoient. Delà, ce que nous lifons dans Athénée, que perfonne ne connoiffoit ni le nombre, ni le vifage des Areopagites. Au refte, l'ufage où ils étoient de juger en plein air, ne leur étoit pas particulier. Tous les tribunaux en ufoient ainfi, quand il étoit queftion de meurtre; & cela pour deux raifons: 1. pour épargner aux juges, protecteurs nés de l'innocence, le défagrément de fe trouver dans l'endroit même où les coupables portaient des mains fouillées de crimes; 2°. de peur que l'accufateur & l'accufé ne fuffent fous un même toit,

Quand l'affemblée étoit formée, un héraut faifoit faire filence & ordonnoit au peuple de fe retirer. Minerve, dans Efchyle, parlant à ce héraut, dit: » que la trompette, animée par ton fouffle, porte au peuple un fon » éclatant; je veux qu'un profond filence regne dans ce tribunal, & qu'on » n'y entende que mes loix.

Dès que le peuple étoit écarté, on entamoit l'inftruction des affaires; & comme la moindre préférence auroit paru à ces juges fcrupuleux une in

juftice criante, les caufes fur lefquelles on devoit prononcer fe tiroient au fort. On en faifoit une espece de lotterie; & le même hafard qui les avoit amenées, les diftribuoit encore à un certain nombre de juges, plus ou moins grand, felon la qualité & l'importance des affaires dont on leur confioit la décision.

Nous avons dit que, dans les premiers temps, les parties expofoient elles-mêmes avec fimplicité le fait dont il étoit queftion, parce que l'éloquence des Avocats paffoit pour un talent dangereux, qui n'étoit propre qu'à répandre fur le crime les couleurs de l'innocence, que cependant, la févérité de l'Aréopage fur ce point s'adoucit dans la fuite; & on laiffa d'abord aux accufés & bientôt aux accufateurs même, la liberté d'attaquer & de fe défendre par la bouche de ceux qui faifoient profeffion d'employer pour les autres, le talent de parler avec plus de précifion.

Sextus Empyricus ne paroît pas avoir fait affez d'attention à la différence des temps, quand il dit qu'on ne fouffroit point dans l'Areopage que les cliens empruntaffent la voix des patrons. Ce qui l'a trompé fans doute fur cela, c'est l'usage inviolable, où ce tribunal fut toujours, de bannir des plaidoyers tout ce qui pouvoit exciter de trop grands mouvemens dans les juges. Lucien, dans fon Anacharfis, nous indique à la fois, l'erreur de ce Philofophe & la fource de fes méprises. Quand le Sénat, dit Lucien, » eft affemblé, les Juges s'affeyent pour connoître du meurtre volontaire, » ou de l'incendie. Alors on donne la liberté de parler aux parties ou aux » Avocats qui plaident pour elles. Quelque longs qu'ils foient à déduire » leurs raifons, on les écoute avec patience, à moins qu'ils ne s'écartent » du fond de la question. Car en ce cas, on les fait taire par un héraut » qui a ordre d'impofer filence à tous ceux dont il paroît que le but est » de furprendre l'admiration ou la pitié des Juges, par des figures ten» dres & brillantes. En effet, ajoûte-t-il, ces graves fénateurs regardent » tous les charmes de l'éloquence, comme autant de voiles impofteurs » qu'on jette fur les chofes mêmes, pour en dérober la nature aux yeux » trop attentifs. «<

Quand on recueilloit les fuffrages, chacun donnoit le fien en filence. C'étoit une espece de petit caillou, qu'on prenoit avec le pouce, l'index & le doigt du milieu, & qu'on alloit mettre dans l'une des deux urnes qui étoient dans l'endroit de l'affemblée le plus retiré. Elles étoient l'une devant l'autre la premiere s'appelloit l'urne de la mort, la feconde, l'urne de la miféricorde. Celle de la mort étoit d'airain, & s'appelloit propre ; celle de la miféricorde étoit de bois, & fe nommoit impropre. Les Juges -portoient d'ordinaire leur calcul & le jettoient dans l'urne; mais pour s'affurer plus exactement, que chacun avoit donné fa voix, le héraut prenoit -les deux urnes, l'une après l'autre, & les préfentoit fucceffivement à tous les fénateurs, en leur ordonnant au nom de la république, de ne différer pas davantage d'abfoudre ou de condamner.

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