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Il fit mourir Proclus, un de fes affranchis, parce qu'il avoit des intrigues avec des femmes mariées.

11 fit caffer les jambes à un autre de fes Affranchis, qui avoit reçu de l'argent pour révéler un fecret.

Quoiqu'il eût ordonné par un décret, que le jugement des confpirations feroit renvoyé au Sénat, il fit punir, avec la derniere rigueur, celles qui furent tramées contre lui, fans laiffer même aux Accufés le droit de fe défendre. C'est ainfi que périrent Egnatius Rufus, Marcus Genitus, Plantius Rufus, Fannius, Cæpion, Murena, contre l'avis de Mécénas, qui lui avoit confeillé de laiffer agir le Sénat.

Marcus Lépidus, fils du Triumvir, fut mis à mort fur un fimple foupçon, de même que Toranus qui avoit été fon Tuteur.

Pour avoir plu à Julie, il en coûta la vie à Antoine, fils du Triumvir, & prefqu'à tous ceux qu'elle avoit honorés de fes faveurs.

Le reproche que lui fit Mécénas, prouve bien que la cruauté étoit en lui un penchant naturel. On a vanté fa clémence pour Cinna, mais ce fut l'ouvrage de Livie fa femme, qui le dominoit. Ainfi ce fut par foibleffe & par obéiffance qu'il fit une belle action.

Débauches.

Marc-Antoine & Lucius fon frere lui reprocherent que fon adoption par Jules-Céfar, étoit une récompenfe honteufe. Que même, pour une pareille infamie, il avoit reçu une fomme confidérable d'Aulus Hirtius.

Il enleva Livie à Tibere Néron, & l'époufa, quoique groffe de fon premier mari. Ce crime fut, peut-être, une des meilleures actions politiques qu'il fit en fa vie. Cette femme foutint fa foibleffe, & réprima plus d'une fois fa cruauté.

On rapporte qu'au milieu d'un repas, il prit une femme en présence de fon mari, l'emmena dans une chambre prochaine, & quelque temps après la ramena le visage en feu & la coiffure toute dérangée.

On dit encore qu'il employoit fes amis pour engager les meres à lui céder leurs plus belles filles, qu'on amenoit devant lui, & qu'il visitoit tou

tes nues.

L'impiété fe mêloit à fes débauches, On faifoit des contes affez vifs d'un fouper qu'il tenoit fort fecret, & qu'on appelloit le fouper des douze Dieux. Les conviés étoient couchés en habit de Dieux & de Déeffes & lui en Apollon. Là on égayoit le repas, en renouvellant les adulteres dont la fable nous a fait le détail.

Plus il avançoit en âge, plus il étoit envieux de l'honneur des jeunes filles, que Livie lui faifoit chercher de tous côtés. Enfin le bruit de fes débauches étoit fi public, qu'un jour en plein fpectacle tous les yeux fe tournerent vers lui, lorfqu'on entendit ce vers d'une piece de Théâtre : Vois cet efféminé qui gouverne le monde.

Il n'est pas étonnant qu'un exemple pareil ait porté le défordre dans fa propre famille, & cependant il punit les deux Julies, fa fille & fa petitefille, des mêmes vices qu'il fe permettoit.

La vieilleffe même ne le corrigea pas. Il aimoit publiquement une Dame de fa Cour. Le mari fit ce qu'il put pour diffimuler fon affront. Enfin il fit part de fon chagrin à Athénagore, qui avoit été précepteur de Tibere, & dont Augufte faifoit cas. Un jour que l'Empereur envoyoit fa litiere à cette Dame; (car il n'étoit plus en état d'aller voir fes maîtreffes), Athénagore qui étoit par hafard avec le mari, empêcha qu'on n'avertît la femme, & trouva le moyen de fe revêtir de fes habits. Il se plaça dans la litiere qui fut portée jufqu'à l'appartement de l'Empereur. On peut juger de l'étonnement de ce Prince timide, lorfqu'au lieu de fa maîtreffe, il vit fortir tout-à-coup un homme l'épée à la main. Athénagore fe fit connoître auffi-tôt. Vous voyez, lui dit-il, à quels dangers vous expofe une paffion qui convient fi peu à votre âge. Augufte avoit eu trop de peur : il refpectoit cet homme. Il fentit les conféquences de fon avis; ainfi il le prit en bonne part, mais l'hiftoire ne nous dit point qu'il en ait profité. Je finirai cet article par un trait d'Aurelius Victor. Inter duodecim Catamitos totidemque puellas accumbere folitus erat.

Son caractere, fes foibleffes, & autres particularités.

Alexandre fe difoit fils de Jupiter; mais il ne fut pas affez infenfé pour fouffrir de fon vivant des temples, des autels, des prêtres. C'eft pourtant ce qui arriva à Augufte. Sa vanité fut plus forte que les remontrances de Cecilius Balbus, qui lui difoit que le vrai moyen de fe diftinguer des autres hommes, étoit de punir la baffe flatterie; & qu'il ferviroit les Dieux en refufant de le paroître.

Il pouffa l'aveuglement jufqu'à faire auffi déifier fa femme de fon vivant. Cependant ce Dieu craignoit de fe trouver feul fans lumiere, & vouloit en ce cas que quelqu'un l'accompagnât toujours.

Il avoit peur du tonnerre & des éclairs. Quelque part qu'il allât, il portoit au tour de lui la peau d'un veau marin, qu'il regardoit comme un préservatif affuré.

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Il étoit fuperftitieux, & croyoit aux fonges. Si par hafard on lui chauffoit le pied gauche avant le droit, il regardoit cela comme un mauvais augure. Il croyoit aux jours heureux ou malheureux.

Il étoit jaloux même de fes amis, pefoit jufqu'à leurs paroles, & marquoit fon reffentiment quand ils ne lui parloient pas avec le refpe& qu'il croyoit lui être dû

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Il obligeoit ceux qui fe parloient bas à table, de lui communiquer ce qu'ils fe difoient.

Ses foupçons & fes craintes fe montrent dans une ordonnance qu'il fit

publier contre les écrits fatyriques. Il vouloit que leurs Auteurs fuffent traités comme coupables de haute trahifon : ce qui étoit bien contraire aux loix de la République, où on ne puniffoit que les actions & où les paroles étoient libres.

On en trouve encore des preuves dans une loi qu'il établit. Le témoignage des esclaves contre leurs maîtres, n'avoit jamais été reçu. Il le rendit valide par un décret; mais pour éluder la loi ancienne, il ordonna que ceux qui auroient à fervir de témoins, feroient vendus à l'Empereur ou au public; -moyennant cela ils étoient cenfés ne point dépofer contre leurs maîtres. Cette loi & quelques autres de cette nature, excitoient quelquefois des murmures, mais l'adroit Empereur donnoit des jeux & des fpectacles, & le peuple étoit calmé.

Lorfqu'il devint vieux, la peur de la mort lui fit imaginer un Edit nouveau, dans lequel il étoit défendu à tout Aftrologue de faire aucune prédiction au fujet de la mort de qui que ce fût.

Il étoit naturellement dur & vindicatif.

Agrippa avoit embelli Rome peut-être autant qu'Augufte avoit fait. Il fit faire entr'autres des aqueducs, qui conduifoient l'eau du Tibre dans la Ville & dans toutes les maifons des particuliers. Cet édifice fi utile, occafionna un mot dur que dit l'Empereur. Le peuple murmuroit fur la cherté du vin. De quoi fe plaignent-ils, dit Augufte, mon gendre a pris foin qu'ils ne mouruffent point de foif.

Dans les fpectacles qu'il donnoit, il avoit quelquefois la dureté d'obliger les Chevaliers Romains à faire des rôles de comédiens & de gladia

teurs.

Il laiffa l'Empire à Tibere, qu'il n'eftimoit point; car les Officiers de fa chambre rapporterent qu'un jour que Tibere venoit de fortir; il lâcha ces paroles malheureux le peuple qui vivra fous cette pefante machoire.

Cependant il l'adopta. Les uns ont dit qu'il le fit, n'ofant résister aux follicitations de fa femme. Les autres ont prétendu que ce fut par l'ambition barbare de fe faire regretter en laiffant un Succeffeur plus méchant que lui.

Quant à fa vengeance, elle étoit fouvent méditée. Il fe fit, comme on a vu, un honneur de brûler dans la place publique les lettres de quelques zélés Républicains; mais il les avoit lues, & il trouva le moyen de faire périr dans la fuite leurs auteurs fous différens prétextes.

Son ambition alla jufqu'après fa mort; car il avoit marqué dans fon teftament les honneurs qu'il falloit lui rendre, & la maniere dont on devoit faire la cérémonie de fes obfeques.

Il aimoit le jeu de dez; & après avoir joué en particulier, il alloit continuer fon jeu en place publique, & lorfqu'on étoit las de ce divertis fement, on contrefaifoit le chien ou le vieillard.

On prétend qu'il avoit les réparties vives & agréables; mais on ajoute

que

que fes réponses lui étoient dictées par Mécénas, le plus bel efprit de l'Empire.

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S'il protégea les beaux arts, c'étoit pour plaire à fon favori qui avoit confenti au déshonneur de fa femme & audien, pour jouir de toute fa faveur, & la poftérité même l'a fi bien reconnu, qu'elle n'a point accordé. à Augufte, mais à Mécénas, le titre honorable de protecteur des Lettres. - Il eft vrai qu'il compofa plufieurs ouvrages, car tout le monde écrivoit dans ce fiecle-là; c'étoit une manie comme dans le nôtre. Mais la postérité qui a confervé les Commentaires de Céfar, n'a pas jugé à propos de fairepaffer jufqu'à nous les écrits d'Augufte. Se feroient-ils perdus, s'ils avoient été bons?

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Il paroît qu'il donnoit dans le pédantifme; car il affectoit fi fort de bien parler, que quand il avoit quelque chofe de férieux à dire, même en particulier, même à Livie, il l'écrivoit auparavant. Il pouffa, dit-on, la Angularité, jufqu'à ôter fon emploi au Lieutenant d'un Conful, pour avoir manqué à l'orthographe.

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Il fe fit un honneur d'orner la Ville de Rome de fuperbes édifices, & il amufa le peuple par des fpectacles & par des largeffes; outre que c'étoit politique en lui, Agrippa en fit autant ainfi c'étoit peut-être plus par jaloufie que par magnificence. Au refte, cette attention n'étoit pas apparemment fi fort eftimée de fon tems, puifqu'on difoit de lui qu'il étoit plus propre à être Edile ou Magiftrat de Police, qu'à être Empereur.

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Après ce portrait qui n'eft pas avantageux, j'ofe m'inferire en faux contre ce mot de l'antiquité, Augufto felicior, PLUS HEUREUX QU'AUGUSTE & je crois pouvoir avancer qu'il n'y a gueres eu de Prince plus malheureux que lui.

Si on ne voit que fes projets, & l'avantage qu'il eût de fonder un, Empire, on a raifon; mais c'eft décider comme le peuple, qui ne voit que les dehors. Pour juger du bonheur d'un homme, il faut le voir dans lui-même.

Dans les tems où la fougue de la jeuneffe & où fon ambition l'empêchoient de fe connoîtré, quels défagrémens n'eût-il point? Quand il fut à la tête de fes armées, il fentit fon infuffifance, il fut toujours vaincu, & il dut à autrui toutes les victoires qu'il remporta...

Mais lorsqu'il fut tranquille ufurpateur, il commença à rentrer en luimême; les craintes, les chagrins le fuivirent jufqu'au tombeau. On en a déja vu des preuves; en voici encore..

Dans les élections qui fe faifoient des Senateurs, il préfidoit l'épée au côté, armé d'une cotte de mailles! fous fa robe, & environné de dix de fes plus braves amis; & lorfqu'un Sénateur. fe préfentoit devant lui, il le faifoit fouiller & vifiter foigneufement.

Il voulut plus d'une fois abdiquer. Les frayeurs de la mort lui faifant imaginer qu'il étoit plus doux de vivre retiré comme Sylla, que de mourir Tome VI.

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maître de l'univers, comme avoit fait Jules-Céfar: il ne fe réfolut à garder l'Empire, que par les follicitations de Mécénas & de Livie, qui avoient intérêt à foutenir fa foibleffe. J'ai fait remarquer plus haut, jufqu'à quel point elle avoit été portée. Un Prince en cet état, peut-il être un moment heureux ?

Il le fut encore bien moins dans fa famille: il n'eut point d'enfans de Livie pour lui fuccéder; Julie feule lui reftoit, & il l'avoit eue de Scribonie. Il fa mit auprès de l'Impératrice, mais Livie n'eut aucun foin de fa jeuneffe, & la laiffa fe livrer à toutes fes paffions, afin que devenant indigne de l'amour de fon pere, toute fa tendreffe fe tournât vers Tibere & Drufus; & elle y réuffit.

Cette Julie, la Meffaline de fon âge, ne concevoit pas qu'il y eût la moindre indécence dans les débauches les plus criminelles ; & lorfqu'on lui repréfentoit que les bêtes mêmes n'avoient qu'une faifon pour fe livrer à l'amour, paffé lequel temps elles vivoient dans la continence: c'est que ce font des bêtes, répondoit-elle.

Augufte ne fut que le dernier jufqu'à quel point étoient portés les déréglemens de l'impudique Julie. Il eut l'imprudence de les rendre authentiques, en écrivant au Sénat une lettre, où il déclaroit lui-même fon déshonneur. Il s'en repentit depuis, & avoua qu'il n'auroit pas commis une pareille indifcrétion, fi Agrippa & Mécénas euffent été encore en vie.

Ce feul trait marque affez de quelle utilité lui avoient été ces deux grands hommes dans les opérations de fon regne. Il lui arriva ce qui eft fouvent arrivé aux Princes orgueilleux, de croire qu'après avoir bien gouverné à l'aide de leurs Miniftres, ils étoient en état de gouverner feuls, quand les bons Miniftres leur manquoient; mais il commençoit à être dompté par fa femme, qui peut-être lui avoit confeillé d'écrire cette lettre, ou qui du moins étoit bien-aise de dégrader le fang de fon mari, pour élever fur fes ruines fes propres enfans.

Il fentit à la fin fon efclavage; car il dit un jour, au rapport de Suétone: Plút-à-Dieu qu'il m'eût été permis d'étre fans femme, & de mourir Jans enfans. Il vouloit parler des deux Julies, mere & fille, & de l'imbécile Agrippa, fon petit-fils, qui lui reftoient alors.

Il avoit eu encore deux fils de Julie & d'Agrippa fon gendre, Caïus & Lucius, qui moururent jeunes, non fans foupçon que Livie avoit avancé leurs jours.

Il auroit eu quelque confolation dans fes malheurs domeftiques, fi Marcellus, fils de fa fœur Octavie, eut vécu. Marcellus, les délices de Rome, tomba malade. Ses Médecins lui confeilloient les bains de Bayes qui étoient chauds. Le Médecin de Livie décida pour les bains froids; l'infortuné Empereur prit ce dernier parti; Marcellus mourut.

Le malheur de ce Prince le fuivit après fa mort, ou plutôt la providence dérangea toutes les idées d'ambition qu'il voulut étendre jusqu'après

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