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nement fubfiftoit toujours, il laiffa aux Magiftrats leurs charges avec les privileges extérieurs qui y étoient attachés; mais il fe réferva la décifion des principales affaires.

Quant au Sénat, il le remplit de fes créatures, & en augmenta le nombre jufqu'à mille. Il aidoit ceux qui n'étoient pas en état de foutenir leur dignité; mais il prenoit dans le tréfor public l'argent qu'il leur faifoit diftribuer, & affectoit beaucoup de refpect pour le corps entier, pendant qu'il le dépouilloit de fon autorité.

Se voyant enfin débarraffé des affaires & de l'agitation où l'avoient jetté les guerres civiles, il fe rappella toutes fes cruautés, toutes les horreurs des profcriptions. Il fongea que Sylla, auffi cruel que lui, avoit échappé à la vengeance des Romains, en leur rendant la liberté. Il voyoit d'un autre côté que Céfar, doux, humain, affable, pour avoir voulu conferver la fouveraine puiffance, avoit été affaffiné au milieu du Sénat; la peur qui l'avoit fuivi au-milieu des combats, s'empara de lui avec bien plus de raifon dans la tranquillité des réflexions. La crainte d'un défaftre femblable à celui de fon oncle, lui fit venir l'idée d'abdiquer, comme avoit fait Sylla; mais l'ambition fufpendoit un fi noble deffein. Dans fon incertitude, il confulta Agrippa & Mécénas fes deux favoris.

Agrippa, le plus grand homme de guerre de fon âge depuis la mort d'Antoine, s'égaloit à Céfar, fi Céfar n'étoit que fimple Citoyen, & devenoit l'homme de la République, & non celui du Prince. Il confeilla donc à Octavien d'abdiquer le fouverain pouvoir.

Mécénas, dont les principales qualités étoient celles d'un courtifan habile, devenoit inutile dans une République; il conseilla à l'Empereur de garder fon autorité.

Il y joignit des avis fages pour fa fûreté. Augufte, que nous appellerons déformais ainfi (car ce fut vers ce temps-là que le peuple & le Sénat lui conférerent ce nom) Augufte, dis-je, préféra ce parti qui flattoit fon

ambition.

Il partagea le foin des Provinces avec le Sénat; mais il lui donna tou tes celles qui étoient tranquilles, & fe réserva celles où il y avoit des troupes. Et pour en avoir à fes ordres, il commença par contenter fes foldats, & il difperfa ceux qui lui étoient les plus attachés dans toute l'Italie en trente-deux Colonies, enforte qu'il pouvoit les raffembler aisément en cas de befoin.

Il garda autour de Rome douze cohortes, qui faifoient environ dix mille hommes; c'est ce qu'on appella depuis les cohortes Prétoriennes.

Outre cela il eut foin d'avoir toujours en mer deux puiffantes flottes, l'une dans le Golfe Adriatique, & l'autre dans la Méditerranée.

Lorfqu'il eût pris toutes ces précautions, il tendit un piege aux Romains, en leur offrant d'abdiquer l'Empire, s'ils jugeoient fon abdication utile à la République.

Tome VI.

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On refpiroit après la liberté, mais on connoiffoit Augufte. Les gens fages craignirent l'artifice; le nombre des efclaves étoit devenu le plus fort, & on prit le parti de le conjurer de retenir le commandement fouverain. Ainfi il voulut perfuader que fon autorité étoit légitime, & qu'il ne la devoit qu'au confentement univerfel. Il déclara cependant qu'il ne l'acceptoit que pour dix ans, & il voulut que le Sénat en fit un décret; mais il trouva le moyen de faire renouveller ce décret jufqu'à la fin de fa vie.

Enfin fon defpotifme vint à un tel point, que dans fon dixieme Confulat, le Sénat eut la baffeffe de lui conférer le droit illimité de n'avoir d'autres loix que fa volonté.

Il fut obligé quelque temps après de faire un voyage dans les Gaules, & enfuite dans l'Espagne, pour faire la guerre aux Cantabres & aux Lufitains, qui ne pouvoient fouffrir de joug; mais il fe tint à Terragonė, pendant qu'Antiftius, fon Lieutenant, acheva de vaincre ces peuples.

De retour à Rome, & au milieu des fêtes dont il amufoit le peuple, Murena & Capion confpirerent contre lui. La femme de Mécénas qu'il aimoit, intercéda pour Murena, qui étoit fon frere. Les larmes de fa maîtreffe furent moins fortes, que le plaifir qu'il eut de fe venger. Murena fut mis à mort.

Voyant l'Empire dans la tranquillité la plus profonde, les ennemis de l'Etat vaincus par fes Lieutenans, & le Sénat & le peuple tenus en respect par fes foldats, il voulut encore flatter fa vanité en fe montrant à tous fes fujets, & recevant leurs hommages, mais le crédit d'Agrippa l'inquiétoit ; les fervices qu'on rend aux Princes, font des crimes chez les Tyrans. Ce ferviteur fidele lui devint fi fufpect, qu'il eût envie de s'en défaire. Mécénas para le coup il lui confeilla d'en faire fon gendre, pour fe l'attacher davantage, & Agrippa époufa Julie, que l'Empereur avoit eue de Scribonie fa premiere femme.

Enfuite il parcourut toutes les Provinces de l'Afie, où il eut occafion de marquer fa févérité, en dépouillant de leurs biens les Villes qui, malgré elles, avoient pris le parti de Brutus & d'Antoine.

Lorfqu'il vit les dix premieres années de fa puiffance abfolue prêtes à expirer, il trouva des raifons de la prolonger encore pour cinq ans. Mais craignant que cette démarche n'animât contre lui le refte des zélés Républicains, il ne parut plus en public, fans avoir fous fa robe une cuiraffe. Et pour ôter aux Romains toute efpérance de liberté, il partagea en quelque façon la puiffance fouveraine avec Agrippa qu'il avoit fait fon gendre, en lui faifant conférer les prérogatives du Tribunat. Ainfi il faifoit entendre aux Romains, que s'ils attentoient fur fa perfonne, il trouveroit un vengeur dans celle de fon favori, qui étoit également chéri du peuple & des foldats.

Il fit alors une nouvelle réforme dans le Sénat; mais il faifit cette occafion pour fe défaire du refte des Républicains qui lui étoient fufpects.

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Depuis ce temps, Augufte marqua une crainte extrême d'être affaffiné n'admettant perfonne en fa préfence qu'avec précaution, & ne permettant aux Sénateurs de l'aborder qu'un à la fois.

Cette précaution fit imaginer aux Peres confcripts de proposer au timide Empereur de veiller tour-à-tour, jour & nuit, à la porte de fon apparte ment. Antiftius Labeo, homme d'efprit, pendant qu'on délibéroit là-deffus, fit femblant de dormir, & même ronfla quelques momens; puis paroiffant fe réveiller tout-d'un-coup: Meffieurs, dit-il, ne comptez pas fur moi pour la garde de l'Empereur; je fuis homme à m'endormir, je l'incommoderois furement plus que je ne lui ferois utile. Les Sénateurs ne purent s'empê cher de rire, & l'Empereur honteux de fa timidité, laiffa là cette affaire. Cependant l'année féculaire arriva; c'étoit une espece de Jubilé, où il ne s'agiffoit pas de prieres & de religion; mais c'étoit une fête que l'on cé lébroit tous les cent ans depuis la création de Rome. Augufte en prit l'occafion d'amufer le peuple par de nouveaux divertiffemens, & fur-tout par des comédies; mais les Comédiens, par une espece de zele Républicain, prenoient quelquefois des libertés. Augufte en avoit chaffé un, qu'il rappella à la follicitation de Mécénas. Le Comédien, au lieu de remercier Î'Empereur, lui dit qu'il étoit de fon intérêt que les Citoyens fuffent divertis par des gens de fa profeffion, pour les empêcher de réfléchir fur leur efclavage.

Sous le Confulat de Domitius Enobarbus & de Cornelius Scipion, il alla en Gaule pour appaifer quelques troubles caufés par les Traitans de cette Province. Le peuple lui demanda juftice des concuffions infupportables de Licinius; mais Licinius eut l'habileté de remettre une partie de fes tréfors entre les mains d'Augufte, lui difant qu'il ne les avoit amaffés que pour les lui rendre. Ce Licinius fut trouvé innocent.

Pour rendre fon voyage plus agréable, il avoit amené avec lui Terentia, femme de Mécénas. Cette conduite fcandalifa les Romains, qui fe plaignoient tout haut que celui qui avoit fait des loix contre l'adultere étoit le premier qui ofoit les enfreindre d'une façon fi publique.

Ces murmures le retinrent trois ans hors de la capitale, pendant qu'Agrippa & les autres Généraux gagnoient des batailles & repouffoient les ennemis de l'Etat. Il revint enfin à Rome recevoir les complimens qu'on lui prodigua pour les fuccès de fes Lieutenans.

Il perdit alors Agrippa fon gendre, fon ami, celui à qui il étoit redevable de fa gloire & de fon élévation; mais la fortune qui le conduifoit toujours, répara bientôt ce malheur, par les exploits de Tibere & de Drufus, tous deux fils de Livie.

Il perdit auffi quelque temps après Mécénas, qui lui avoit rendu des fervices importans par fes bons confeils. Ce grand homme, qui malgré l'amour qu'il avoit pour fa femme, fouffroit fes liaifons avec Augufte, a donné un exemple qui n'a été que trop fuivi: mais un autre exemple qui ne l'a

point été, & qui ne le fera peut-être jamais, c'eft que pendant qu'il facrifioit fon propre honneur aux plaisirs de fon maître, il employoit la liberté la plus vive pour l'empêcher de fe déshonorer dans les affaires effentielles.

Un jour que l'Empereur étant affis fur fon Tribunal, alloit condamner des Citoyens Romains à la mort, Mécénas ne pouvant approcher à cause de la foule, lui jetta fes tablettes. Augufte y trouva ces paroles écrites: Leve-toi, Bourreau. Il en eut tant de confufion, qu'il defcendit auffi-tôt, & pardonna aux criminels.

Privé du fecours de fes deux favoris, il eut encore le malheur de perdre Drufus, l'aîné des fils de Livie, l'idole des foldats, & la terreur des Germains. Ce grand homme aspiroit à l'honneur de rendre la liberté à la République. Il en avoit marqué fes fentimens un peu trop librement dans une lettre qu'il écrivoit à fon frere Tibere, & que celui-ci remit entre les mains d'Augufte. La maladie de Drufus fuivit de près cette lettre, & les foupçons, peut-être bien fondés, ne manquerent pas d'être répandus dans Rome, & de faire regretter davantage la perte qu'on faifoit..

Augufte vit auffi mourir Caïus & Lucius, fes deux petits-fils, que Julie fa fille avoit eus d'Agrippa. On foupçonna Livie d'avoir eu part à toutes: ces morts, & même à celle d'Agrippa & de Marcellus, fils d'Octavie.

Livie, alors maîtreffe entiere de fon mari, fit revenir Tibere fon fils, qui s'étoit exilé volontairement, & qui depuis sept ans étoit absent de la Cour.

Alors Augufte fut entiérement dominé par fa femme. Pour Tibere, il étoit occupé avec le jeune Germanicus, fils de Drufus, à repouffer les. Germains qu'on pouvoit vaincre, mais qu'on ne pouvoit dompter. Après. plufieurs victoires, ils revinrent à Rome. Les troupes fe fentirent bientôt de leur retraite. Varus qui étoit refté en Germanie, révolta par fa mauvaise conduite & par fes exactions, les Germains alliés ou foumis; ils le furprirent & maffacrerent trois légions qu'il commandoit.

Quoique cette affaire fe fut paffée loin de Rome, la frayeur d'Augufte. fut fi grande, qu'il crut voir les ennemis aux portes de la Ville, & qu'il. obligea tous les jeunes Romains à s'enrôler, fous peine de mort contre ceux qui refuferoient d'obéir.

Ce Prince que fa vieilleffe, & non la raison, avoit rendu dévot, crut que les Dieux étoient irrités : il en fut d'autant plus perfuadé, qu'il arriva dans le même temps différens prodiges.

Il fortit du feu de la terre en divers endroits. Un effaim de cigales. parut au deffus de la Ville, & fut difperfé par des hirondelles; mais Tibere diffipa ce grand trouble en preffant Arminius, l'auteur de ce defaftre, jufques dans fes derniers retranchemens.

Augufte accablé par fon grand âge, & ne pouvant foutenir feul le poids des affaires, comme il avoit fait à l'aide d'Agrippa & de Mécénas s'affocia Tibere comme collegue; mais il eut l'attention, comme il avoit

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Foujours fait, de faire croire que le peuple le lui avoit demandé, car le décret commençoit ainfi à la réquifition du peuple de Rome, nous, &c.. Sentant fes forces diminuer de jour en jour, il crut que l'air fain de la Campagne lui donneroit quelque foulagement. Il alla à Capoue, de-làà Naples, où il fur attaqué d'une diarrhée qui le fit réfoudre de retourner à Rome; mais fon mal augmentant pendant le voyage, il fut obligé de s'arrêter à Nole, & d'y garder le lit.

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Voyant la mort de près, il la regarda avec plus d'intrépidité qu'il n'avoit fait pendant toute fa. vie, & mourut, tranquillement entre les bras de Livie & de fes amis.

Quelques Auteurs ont affuré que Livie avoit avancé les jours de fon. mari par des figues empoisonnées, craignant qu'il ne nommât pour fucceffeur fon petit-fils Agrippa..

Nous avons vu dans le cours de cette hiftoire, comment Augufte fut conduit à la fouveraine puiffance.

Panfa & Hirtius, qui l'aiderent au fiege de Modene, commencerent à le: faire craindre d'Antoine..

L'éloquence de Cicéron mit le Sénat de fon parti contre ce même Triumvir. Antoine eut feul l'honneur de la victoire remportée à Philippes.. Agrippa lui aida à vaincre Lucius au fiege de Pérouse.

Le même Agrippa abattit enfin le parti de Pompée, qui avoit tou-jours été fupérieur à Augufte, tant qu'Augufte avoit voulu commander lui-même.

Enfin la foibleffe d'Antoine, qui fuivit Cléopâtre dans fa fuite, lui donna un fuccès qu'il n'auroit pas dû attendre, fi Antoine fe fut reffouvenu dans ce moment qu'il avoit été le compagnon de Céfar..

Aufli on peut dire que le génie de Céfar dompta la fortune, & que la fortune feule éleva Augufte.

Il ne fut pas difficile alors à ce Romain, riche dès dépouilles de tout l'Empire, qu'il diftribuoit à deux cens mille hommes qui attendoient tout de lui, il ne lui fut pas difficile, dis-je, de devenir le tyran de fa patrie. - Nous avons vu fa politique & les cruautés qu'il exerça, pour détruire tous ceux qu'il pouvoit craindre. Voyons-les plus en détail: examinons. Ses cruautés, lorfqu'il fut feul maître..

Ses débauches infâmes.

Son caractere, & fes foibleffes dans le temps même où il étoit le plus tranquille & le plus affuré fur le trône qu'il avoit ufurpé..

Ses cruautés..

Un jour, comme il haranguoit le peuple, il apperçut un Citoyen Ro-main qui écrivoit fur des tablettes quelques traits de fa harangue qui le frappoient; il le prit pour un efpion, & le fit enterrer tout vif..

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