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au Grand-Seigneur. Le Vifir demanda fi ce préfent venoit de la part du Roi. En effet ce miroir étoit d'une beauté & d'une grandeur extraordinaire, & toute l'affemblée le regarda avec admiration. L'Ambaffadeur répondit que ce préfent venoit de fa part. Après qu'on l'eut fait voir en face de la jaloufie, où le Sultan put le confidérer à loifir, on le fit porter vers la Salle du Grand-Vifir, où étoient les autres préfens.

Le Chiaoux Baffi avec un grand Maître de Cérémonie, avec leurs bâtons à la main, vinrent recevoir la lettre que le Grand-Vifir écrivoit au Sultan, pour demander Audience pour l'Ambaffadeur. C'eft ainfi que l'on fait les affaires de la Porte, où l'on écrit & l'on fait réponse par lettre. Les deux Officiers rapporterent la réponse du Sultan, & la remirent au GrandVifir en lui touchant le bas de fa robe avec la main. Le Vifir baifa la lettre & la porta à fon front; & après l'avoir lue, il fit avertir l'Ambaffadeur de paffer dans la cour, pour y recevoir les quatre Caftans qu'on lui diftribua & à fa fuite. Il y avoit un banc couvert d'écarlate proche de la porte de la Salle d'Audience. Il s'y affit en attendant que le Grand-Vifir eût paffé aux appartemens du Sultan. Quoiqu'il fit un très-grand froid, il fut obligé d'y refter plus d'une heure, à caufe des converfations qui furvinrent. Jufques alors la Cérémonie s'étoit paffée avec tous les agrémens & tous les honneurs qu'un Ambaffadeur put jamais en espérer; mais le Baffi, piqué de n'avoir pas eu la droite en venant du Port, dit à Mauro Cordato que l'Ambaffadeur ne pouvoit point voir le Sultan avec des armes. Que c'étoit contre la coutume, & qu'il falloit lui dire de les ôter. Mauro Cordato, Grec de nation, qui avoit des mefures à garder avec les Turcs, dont il étoit le premier Interprete, voulut s'en plaindre au Vifir; mais il fut obligé de dire à l'Ambaffadeur qu'il ne pouvoit voir le Sultan avec fon épée. L'Ambaffadeur lui répondit qu'il étoit furpris de la difficulté qu'on lui faifoit, & que c'étoit l'ufage. Que Mr. Trumball, Ambaffadeur d'Angleterre, avoit eu fon Audience du Sultan l'épée au côté, auffi-bien que Mr. Colliers le pere. Que l'exemple de Caftagnieres, (connu enfuite fous le nom de Marquis de Château-neuf, Ambafladeur de France en Hollande après la Paix d'Utrecht) étoit trop récent pour l'avoir fi-tôt oublié (*), & qu'ainfi il ne pourroit voir le Sultan fans épée, qui étoit fon principal ornement. Mauro Cordato se trouva fort intrigué dans cette conférence, qui dura plus d'une groffe heure, & qu'il affecta de faire à l'oreille de l'Ambaffadeur qui parla toujours Latin, avec un fi haut ton de voix, que la Nation & les Officiers, qui étoient à ses côtés, l'entendirent diftinctement. Mauro Cordato protefta en affurant que Mr. Caftagnieres avoit déguifé la vérité. L'Ambaffadeur lui répondit qu'un Miniftre de l'Empereur de France n'étoit pas capable de lui

(*) Ces exemples prouvent que l'étiquette fur ce point n'eft pas, ou du moins n'étoit pas encore bien réglé à la Porte.

pas

en impofer; qu'il l'avoit écrit au Roi, & qu'étant homme d'honneur ii étoit plus croyable qu'eux qui difoient le contraire, & qui n'avoient pu affifter à fon Audience. Mauro Cordato commença de fe troubler, & fut parler au Grand-Vifir, pour lui expofer les raifons & la vigueur avec laquelle l'Ambaffadeur foutenoit fa prétention. Mais il revint, la larme à l'œil, accompagné des anciens Maîtres de Cérémonie, des Capigis Baffis pour l'affurer de la part du Grand-Vifir que fi cela s'étoit fait, on ne s'en étoit apperçu. L'Ambaffadeur répondit qu'ils n'avoient qu'à fermer les yeux & ne pas regarder fon épée. Il l'affura, de la part du Grand-Visir, qu'il pouvoit entrer fans épée, que le Sultan en écriroit au Roi pour le difculper. L'Ambaffadeur lui répondit qu'il n'étoit pas befoin de demander excufe d'une faute qu'il ne vouloit pas commettre. Mauro Cordato lui dit que le GrandVifir offroit de lui donner un Certificat, figné de fa main & des Grands de l'Empire, pour l'affurer qu'aucun Ambaffadeur ne verroit jamais le Sultan l'épée au côté, non plus que celui de l'Empereur. Mais l'Ambaffadeur ne voulant point préjudicier aux droits des Ambaffadeurs, répondit à Mauro Cordato qu'il pouvoit dire de fa part au Vifir, qu'étant le premier Ambaffadeur à la Porte, il tâcheroit toujours de faire des loix avantageuses pour les autres, & de ne pas en faire qui puffent détruire leurs honneurs & leurs prérogatives. Le Grand-Vifir envoya dire pour réponse à l'Ambaffadeur, qu'il ne verroit pas le Sultan; mais il répondit avec un air doux & accompagné de grandeur, qu'il étoit fâché de ne pas avoir cet avantage, & qu'il ne pouvoit acheter l'honneur de voir Sa Hauteffe par la proftitution de la gloire de fon Prince, & de la dignité du caractere dont il l'avoit honoré. Enfin, après avoir mis la justice de fon côté, & avoir apporté les meilleures raifons du monde pour convaincre leur entêtement, il protesta publiquement qu'on pouvoit lui ôter la vie, mais non pas fon épée, à laquelle fon honneur étoit attaché. Il représenta même qu'ils devoient lui laiffer la liberté de fon habillement, puifqu'on ne trouvoit pas à redire au leur; qu'il ne croyoit pas qu'ils puffent foupçonner un homme qui repréfente la perfonne d'un fi grand Prince, capable d'aucun mauvais deffein; qu'ils ne pouvoient lui faire l'affront de le défarmer. 11 fuppofa même que file Roi de France devoit voir le Grand-Seigneur, on ne l'obligeroit pas à fuivre les maximes Turques, non plus que le Grand-Seigneur les Francoifes, s'il voyoit l'Empereur de France, & que faifant vifiter le GrandSeigneur par fon Ambaffadeur qui repréfente fa perfonne, on avoit tort de le traiter avec cette févérité. Jamais on n'a parlé avec plus de jufteffe, que parla alors l'Ambaffadeur, où tout autre auroit réfléchi plus d'une fois fur fes réponses pour combattre la fierté indomptable de ces opiniâtres. Il parla modérément, mais avec tant de préfence d'efprit & de courage, que Mauro Cordato ne pouvant le faire réfoudre à quitter fon épée, en pleura de douleur. Comme il eft né dans les Terres de la Porte, & qu'il en connoît mieux le génie que tout autre, il prévoyoit que les fuites de ce

différend pouvoient lui être défavantageufes, & qu'il pourroit en être la victime, auffi-bien que le Chiaoux Bafli qui y avoit donné lieu; il conjura l'Ambaffadeur par fon ancienne amitié de paffer par-deflus cette formalité. L'Ambaffadeur lui répondit qu'il l'eftimoit fort, mais qu'il ne pouvoit ternir la gloire de fon Prince, ni fon propre honneur pour l'amitié d'un particulier. Mauro Cordato le pria de conférer avec les Capitaines & Officiers des Vaiffeaux du Roi pour favoir leurs fentimens. L'Ambaffadeur lui répondit que les ordres du Roi étoient fi clairs, qu'ils n'avoient befoin d'autre interprete que celui auquel ils avoient été confiés. Enfin il pouffa la chofe fi loin qu'il dit à l'Ambaffadeur que ce jour feroit terrible, & qu'il allumoit un feu difficile à éteindre. L'Ambaffadeur lui dit que ces menaces ne l'épouvantoient pas, ayant la juftice de fon côté, que fi ce feu s'allumoit une fois, ce feroit tant pis pour le plus foible, & qu'il favoit bien de quoi il vouloit parler. A la fin l'Ambaffadeur craignant qu'on ne rapportât pas ces raisons au jufte, il demanda à les expliquer au Visir, qui refufa de l'entendre. Il lui envoya cependant les Capigis Baffis & tous les Officiers de la Porte, pour l'affurer que ce n'étoit point l'ufage d'entrer avec des armes. L'Aga des Janiffaires, qui eft un des premiers employés de la Porte, & qui commande la milice de l'Empire, vint lui-même représenter à l'Ambaffadeur qu'il ne pouvoit voir le Sultan avec des armes, que le Grand-Vifir même ne le pouvoit, & qu'ainfi il ne devoit pas faire cette difficulté. Il fut furpris d'entendre les bonnes raifons que l'Ambaffadeur lui apporta, & de voir la fermeté avec laquelle il foutenoit fes intérêts. L'Ambaffadeur lui dit qu'il y avoit de la différence d'un Sujet à un Ambaffadeur. Tous les premiers de la Porte étoient préfens à cette converfation qui fe paffa toujours fur le banc au milieu de la cour. Toute la Nation & les Officiers de Marine étoient aux côtés de l'Ambaffadeur fans armes au milieu de 400 Janiffaires & beaucoup d'Officiers du Serrail, tous gens fans aucune éducation ni politeffe. Tous les Officiers de la Porte voulurent l'éprouver; mais leur ayant repréfenté qu'il demandoit une chofe d'ufage & de juftice, fur laquelle il ne pouvoit fe relâcher fans s'attirer la difgrace de fon Maître & l'indignation de tout le monde, le Vifir voulut obtenir par fupercherie & par violence ce qu'il n'avoit pu gagner par des raisons fans fondement. Il paffa du Divan aux appartemens du Sultan, traversa la cour, falua l'Ambaffadeur, qui étoit fur le banc, en attendant leur réponfe, & le fit avertir de venir à l'Audience. L'Ambaffadeur ne l'accepta que fur le pied qu'il avoit demandé, & s'informa, avant que de fe lever du banc, fi le tout étoit réglé, & on l'affura qu'oui. Il y fut avec quinze hommes qui étoient deftinés pour l'accompagner. A peine eut-il paffé la premiere porte qu'il entra en défiance. Il fe mit fur fes gardes, car il s'apperçut que de quinze perfonnes qui devoient le fuivre, les Capigis Baffis n'en avoient laiffe paffer que fix. Il mit la main gauche fur la garde de fon épée, qu'il avoit couverte de fon juftaucorps, & quand il vit deux Capigis qui venaient

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le prendre fous les bras fuivant la coutume, il leur fit dire par Fonton fon Interprete, qu'ils ne le preffaffent pas trop quand il feroit la révérence au Grand-Seigneur. A peine cet Interprete eut-il achevé de parler, qu'un autre Capigi vint à lui par devant, & lui porta fes deux mains fur les côtés pour lui arracher fon épée. Il ne put en venir à bout, & reçut un grand coup de poing dans le vifage, & un coup de genou dans l'eftomac, qui le fit reculer quatre pas. L'Ambaffadeur dit d'un ton de voix fort élevé qu'on ne devoit pas ainfi violer le Droit des Gens, & s'adreffant à Mauro Cordato, qui étoit plus mort que vif, il lui demanda s'ils étoient ennemis.

Les Capigis qui avoient voulu le défarmer, revinrent à la charge; mais l'Ambaffadeur s'étant débarraffé de deux qui le tenoient fous les bras, fe mit à la tête des Officiers qui étoient derriere lui, & ayant porté la main fur la garde de fon épée, réfolut de percer celui qui voudroit l'approcher. Auffi-tôt le Chef des Eunuques blancs vint de la part du Grand-Seigneur, qui entendoit ce tumulte, & cria de la porte de la Chambre d'Audience qu'on ne fit point de violence à l'Ambaffadeur. On preffa fort les Officiers qui étoient à fa fuite, & on voulut les tâter pour voir s'ils étoient défarmés. Le Chef des Eunuques blancs dit à l'Ambaffadeur que s'il vouloit entrer fans épée, il feroit le bien venu; à quoi l'Ambaffadeur ayant répondu qu'il ne le pouvoit ni ne le vouloit, l'autre lui dit qu'il pouvoit donc s'en retourner. Volontiers, lui repliqua l'Ambaffadeur, & il fortit fur le champ. Tous ceux qui étoient dans la cour crurent que l'Audience étoit finie; mais on en fut détrompé, lorfqu'on vit l'Ambaffadeur remettre trèsfoigneufement les Caftans qu'on lui avoit donnés. Tous les gens de fa fuite en firent de même. On envoya appeller l'Interprete de l'Ambaffadeur pour lui dire de remporter le préfent, qu'il fit rapporter d'abord au Palais de France. Depuis que l'Empire Ottoman fubfifte on n'avoit jamais ouï dire qu'on eût fait laiffer les préfens du Sultan, ainfi que l'on fit les Caftans.

On crut d'abord que l'Ambaffadeur & fa fuite feroient obligés de s'en retourner à pied, mais on trouva les chevaux de la Porte, & les autres amenés par l'ordre de l'Ambaffadeur. Il fallut pourtant attendre quelque temps, pour laiffer paffer les Janiffaires, qui coururent recevoir leur folde vers leur Aga, qui paffa enfuite avec des habits de la derniere magnificence. On gagna la Marine dans le même ordre avec lequel on étoit venu. Les Vaiffeaux du Roi faluerent l'Ambaffadeur à fon retour. Ils étoient prêts de faluer le Grand-Seigneur d'une falve royale, mais il y eut ordre de n'en rien faire. On fut obligé de paffer terre à terre pour gagner le port, où l'Ambaffadeur monta à cheval pour aller à fa Maifon de campagne.

Il eft à remarquer, qu'environ cinq ou fix femaines après, le Baile ou Ambaffadeur de Venise à la Porte, eut Audience du Sultan fans épée. Il en fut de-même quelque tems après avec le Comte d'Ottinguen, Ambafladeur de l'Empereur, qui alla auffi à l'Audience du Grand-Seigneur fans épée.

La loi portée par Bajazet II ne devroit point regarder les Ambassadeurs

des Princes étrangers; & il eft à préfumer qu'elle ne les regardoit point dans l'efprit du Sultan qui la porta.

A

AUDIENCIER, f. m.

UDIENCIER fe dit d'un Huiffier préfent à l'Audience pour appeller les caufes, faire faire filence, garder les portes, recevoir & exécuter les ordres du Juge. Il en fera parlé pius amplement à l'article HUISSIER. Nous ne traiterons ici que des Grands Audienciers de France & des Audienciers, attachés aux petites Chancelleries.

Les premiers font des Officiers, établis en la grande Chancellerie pour y rapporter toutes les lettres qu'on veut faire fceller du fceau Royal. Ce font les premiers Officiers de la Chancellerie après M. le Chancelier, M. le Garde des Sceaux & les grands Rapporteurs. Leur inftitution eft très-ancienne. Ils font quatre qui fervent chacun trois mois de l'année. Celui qui eft de fervice, reçoit les lettres de la main du Référendaire & les préfente au Chancelier ou Garde des Sceaux pour être fcellées par le Scelleur; il les retire, les remet aux perfonnes pour lesquelles elles font deftinées, & perçoit par fes Clercs les droits & émolumens du fceau, dont il rend compte à la Chambre des Comptes.

Les grands Audienciers jouiffent des mêmes honneurs, privileges & prérogatives que les Secrétaires du Roi du grand College. L'Edit d'Henri II, du mois de Janvier 1551, leur donne le titre de Conseillers, Notaires & Secrétaires de la Maifon & Couronne de France. Auffi fe permettoient-ils anciennement de dreffer eux-mêmes, & de figner les lettres qu'ils préfentoient au fceau; mais un Arrêt du Confeil du 17 Juin 1681 a reftreint leur droit à cet égard; ils ne peuvent plus en préfenter qu'elles ne foient accompagnées d'un certificat des Secrétaires du Roi, atteftant que ceux-ci les ont dreffées & que la groffe en eft écrite par leurs Commis.

D'après l'Edit d'Henri II & par un Arrêt du Parlement du 7 Septembre 1596, c'eft aux grands Audienciers à faire le partage & la diftribution des bourses entre les Secrétaires du Roi. Un Edit de Louis XIV, du mois de Décembre 1697, leur attribue à eux-mêmes la faculté d'avoir entr'eux une bourfe d'honoraires.

Une Déclaration du Roi, du 17 Septembre 1598, leur permet de réfigner leur office après vingt années de fervice & leur conferve la jouiffance de leurs privileges. Leurs veuves en jouiffent de même pendant le temps de leur viduité.

Par un Arrêt du Confeil du 25 Juin 1585, il eft dit que les GrandsAudienciers feront exempts des droits de contrôle, de dépens & de greffe; & comme par l'Edit de Mars 1704, portant création de quarante Secré

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