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& à celui de fon Souverain, à entretenir la plus parfaite intelligence entre les deux Princes pour leur intérêt réciproque & le bonheur des Nations qu'ils gouvernent. Ces proteftations qui doivent partir d'un cœur vrai, & animé par l'amour de l'humanité, termineront fon difcours. Il eft d'un usage affez général que l'Ambaffadeur parle dans fa propre langue; il fuivra en cela l'étiquette qu'il ne doit pas ignorer.

Il eft de la grandeur d'un Prince que fa langue foit connue par-tout. Les Romains eurent toujours un grand foin d'obferver ce principe, & ce fut un des moyens dont ils fe fervirent pour étendre la langue Latine par tout le monde, & fur-tout dans les provinces qui leur étoient foumifes. Ils ne faifoient point de réponse en une autre langue; les capitulations & les traités étoient toujours écrits en Latin. Il y a aujourd'hui des ufages reçus dans les différentes cours pour les Traités, Lettres de Créance, & autres Actes dont nous parlons à leurs Articles. (Voyez fur-tout LETTRE DE CRÉANCE, au mot CRÉANCE.)

Les Athéniens reprirent Tymagoras, leur Ambaffadeur, pour avoir fait fa légation au Roi de Perfe en une autre langue que la Grecque.

L'Ambaffadeur ne doit pas demander de trop fréquentes Audiences au Souverain. Ce feroit fe rendre importun avec d'autant moins de raison qu'il n'y a point d'affaires qu'il ne puiffe traiter avec le Miniftre des affaires étrangeres, ou tel autre qui lui a éte défigné à cet effet.

Il eft d'ufage en plufieurs Cours de l'Europe, de donner un feftin aux nouveaux Miniftres publics le jour de leur Audience, ou de leur envoyer quelques rafraichiffemens; ou de leur faire des honneurs particuliers, comme de faire battre aux champs lorfqu'ils approchent des corps-de-garde, de faire jouer les eaux des jardins pour eux, ainfi que cela fe pratique à Versailles, &c. Le Miniftre peut & doit même exiger, à cet égard, les mêmes prérogatives qui ont été accordées à fes prédéceffeurs, fi les circonftances font encore les mêmes, & fi fon caractere eft égal au leur. Dans toutes ces cérémonies, où tous les yeux font attachés fur lui, il doit conferver un maintien modefte, & fe garder de prendre pour fa perfonne les diftinctions que l'on fait à fon caractere. Il eft convenable auffi qu'il fe montre généreux envers les concierges, jardiniers, officiers de bouche, domeftiques & autres fubalternes de la Cour, qui s'attendent à quelques libéralités de fa part. Il doit fuivre l'ufage qu'il trouve établi, & ne rien

innover.

Cérémonial des Audiences que donne le Pape aux Miniftres Publics. 1.LE

E Pape ne donne Audience dans le Confiftoire qu'aux Ambaffadeurs d'Obedience. L'Ambaffadeur s'y tient debout, pendant qu'un Orateur prononce la harangue en préfence du Pape & des Cardinaux.

II. Les Ambaffadeurs des Têtes Couronnées, & ceux de Venife, font

admis à ces Audiences, dans la Salle Royale du Vatican; les Ambaffadeurs des autres Princes, dans la Salle Ducale; & quelques autres, dans la Chambre du Pape, où il ne va pas affez de Cardinaux, pour faire fer qu'ils forment un Confiftoire.

III. Au fortir de l'audience, l'Ambaffadeur d'Obédience de la Chape du Pape, & dine avec lui.

pen

porte la queue IV. La Cour de Rome ne donne pas les autres audiences dans le Confiftoire, fi ce n'eft dans des occafions très-importantes.

V. Aux audiences particulieres des Ambaffadeurs des Couronnes & de Venife, le Pape eft affis dans une chaife de velours cramoifi, à franges d'or & d'argent; il a fous fes pieds un tapis d'écarlate, & l'Ambaffadeur eft vis-à-vis du Pape fur un tabouret. Les Ambaffadeurs des autres Princes se tiennent debout. Le Pape, après avoir été affis un moment au commencement de l'audience, fe tient quelquefois debout auffi, la main appuyée fur la table. Quelquefois, il fe promene avec l'Ambaffadeur qui

l'entretient.

VI. C'eft un ufage, immémorial à Rome, de ne point donner d'audience la Semaine Sainte.

Les Particuliers, admis à l'audience du Pape, lui baifent les pieds. Les Ambaffadeurs des Princes Catholiques lui donnent auffi cette marque de respect. Ceux des Princes Proteftans, Schifmàtiques, &c. ne le lui doivent pas. Voyez l'Art. ADORATION du Pape.

SI

Audience du Sultan.

I l'on confidere l'étendue immenfe de l'Empire des Turcs, fes forces, les peuples qui y font foumis, la fucceffion des Sultans au Trône de Conftantin le grand, le nombre des Provinces que les Mahomets & les Solimans ont encore ajoutées à l'Empire Grec pour en compofer l'Ottoman, il eft certain qu'on ne peut s'empêcher de confidérer le Sultan comme un Empereur très-formidable. Auffi les Rois de l'Europe lui cédentils le rang, & font toutes fortes d'honneurs & de diftinctions à fes Ambaffadeurs. Mais plus le Sultan eft grand, plus il importe aux Puiffances Chrétiennes de fe faire refpecter à fa Cour par un extérieur impofant; & un Miniftre envoyé à la Porte doit toujours être fur le qui vive à l'égard du Cérémonial.

En 1492, un Derviche ayant approché Bajazet II, fous prétexte de lui demander l'aumône, tira un hangiar, efpece de petit poignard que les . Turcs, & fur-tout les Janiffaires portent à la ceinture, & en bleffa le Sultan pendant que ce Prince mettoit la main à la poche pour affifter ce malheureux. La bleffure étoit légere, & le Derviche fut tué fur le champ par la garde. Bajazet ordonna que nul étranger ne pourroit déformais approcher le Grand-Seigneur, que cet étranger ne fût défarmé, & que certains

officiers ne lui tinffent les bras & les mains. La loi portée par ce Prince s'obferve à l'égard des Ambaffadeurs, lorfqu'ils vont à l'Audience du Grand-Seigneur. Ils n'approchent du trône qu'au milieu de deux Chiaoux qui le tiennent par deffous les bras; & lorfqu'ils fe retirent, ils font reconduits de la même maniere jufques hors de l'appartement du Sultan. Telle eft l'origine d'un ufage fans-doute injurieux & indécent, dont pourtant quelques Ambaffadeurs à la Porte ont parlé dans leurs dépêches comme d'un traitement honorable, parce qu'ils en ignoroient ou en diffimuloient la caufe, & dont d'autres ont cherché à s'affranchir par de généreux efforts, comme d'une Cérémonie humiliante & capable d'avilir leur caractere.

Gilles de Noailles, Evêque de Dacqs, envoyé en Ambaffade vers le Grand-Seigneur, fut conduit à l'Audience par deux Bachas, ou plutôt par deux Bach-Chiaoux qui à l'entrée de l'appartement du Sultan le prirent par les bras, fuivant l'ufage. M. de Noailles fe débarraffa d'eux, en leur difant qu'étant Ambaffadeur d'un Grand-Prince, il ne souffriroit pas d'être conduit comme un efclave; & s'étant préfenté devant le Grand-Seigneur, il ne lui rendit pas d'autres honneurs que ceux que l'on rend en Europe aux têtes couronnées (a). M. de Férioles, dont nous parlerons plus bas, ne fut pas traité auffi favorablement, comme on le verra.

Un Ambaffadeur de l'Empereur Charles-Quint fe tira avec esprit d'une incivilité qu'on lui fit dans une Audience qu'il eut du même Sultan. Il étoit debout depuis long-temps, & comme il craignoit qu'on ne l'y laissat plus qu'il ne convenoit, il prend fon manteau & s'affied deffus. L'Audience finie, il laiffe fon manteau où il l'avoit mis, & fe retire. On l'avertit de reprendre fon manteau, mais il répondit que l'Ambaffadeur de l'Empereur n'avoit pas acccoutumé de porter lui-même son siege. (b)

Ce qui arriva à M. de Férioles, Ambassadeur de France, à fon Audience à la Porte, en 2700.

LE Janvier 1700, Mr. de Férioles, Ambaffadeur de France à la

Porte, fe rendit de grand matin à la Marine, accompagné des Gentilshommes de fa Maifon & de fa Nation. Il avoit donné de fi bons ordres que tout fon cortege fut affemblé dès le point du jour, qui fut très-beau. Lorfqu'il fut paffé à Conftantinople avec toute fa fuite, il y trouva le Chiaoux Baffi, 40 Chevaux, 80 Janiffaires & 5 Cavaliers, que la Porte y avoit envoyés, fans compter 60 Chevaux que l'Ambassadeur y fit trouver par fes ordres.

Ces Janiffaires marcherent deux à deux en tête il y en avoit fix de

:

(a) De la maniere de négocier avec les Souverains, par CALLIERES, Part. II. p. 83 & 84. (b) Là même.

l'Ambaffadeur;

l'Ambaffadeur; fon Maître-d'hôtel à cheval, fix Valets de chambre à pied, & une partie de fa Maifon. Vingt-cinq Valets de pied, vêtus d'une magnifique livrée, précédoient à pied les Dragomans ou Interpretes, à cheval, Les Gentilshommes, plus richement vêtus les uns que les autres, marchoient avec tant d'éclat & en fi bon ordre, que les Turcs, dont les places & les rues étoient toutes remplies, étoient charmés de cette Cavalcade.

Le Chancelier marchoit devant les Chiaoux, dont le Chef voulut avoir la droite fur l'Ambaffadeur; mais voyant qu'il ne pouvoit en venir à bout, il aima mieux paffer devant à la fuite de fes Chiaoux. L'Ambaffadeur avoit fix Eftafiers autour de fon cheval proprement vêtus à la Turque. Quatre Capitaines marchoient deux à deux avec les Officiers & les Gardes-Marines, dont le nombre avoit été fixé à trente. Toute la Nation le fuivoit à cheval. Deforte qu'il y eut plus de 300 hommes très-bien montés, car la Nation avoit fes chevaux, & 100 hommes à pied, dont la marche fut très-bien réglée vers les murs de la Porte du Serrail, qui eft affez apparente. Il y avoit un concours de peuple extraordinaire ; & comme il falloit y monter par une hauteur, les Turcs eurent un plaifir extrême de voir venir de loin, ce Cortege.

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Quand on eut gagné la premiere porte du Serrail, on traverfa à cheval une longue cour ou l'on mit pied à terre. On en paffa une feconde à pied pour aller au Divan, qui eft à gauche des appartemens du Grand-Seigneur. Plufieurs Officiers de la Porte dans leurs habits de pompe, un long bâton d'argent à la main, vinrent recevoir l'Ambaffadeur à la feconde porte. A peine eut-on paffé cette feconde cour, qui eft environnée de galeries, & dont le chemin eft bordé de barrieres, que 4000 Janiffaires qu'on y avoit fait trouver pour cette Audience, coururent à perte d'haleine vers le chemin, où l'on avoit jetté quantité de pain, & d'écuelles pleines de riz. On fut agréablement furpris de cette irruption imprévue, qui se fit d'abord qu'on eût paffé.

On avança vers la Salle du Divan, qui eft le lieu où les Miniftres s'affemblent pour y juger des différends des parties. Ce lieu eft de plein pied, joignant une galerie, qui environne les Bâtimens du Grand-Seigneur. Sa voûte eft toute dorée, & remplie de caracteres Turcs. Il y en a une autre, qui n'en eft féparée que par des barreaux de bois; c'eft où les Officiers fubalternes s'affeient fur des tapis contre terre. Le bas de la Salle du Divan eft couvert d'un tapis. Il y a trois bancs couverts d'étoffe de foie. Celui du milieu fur lequel le Grand-Vifir eft affis, eft couvert d'un tapis de velours cramoifi bordé d'or. Au milieu, fur la tête du Grand-Visir, il y a une petite fenêtre quarrée en forme de jaloufie, d'où le Grand-Seigneur entend & voit tout ce qui fe paffe dans le Confeil. A la droite du Grand-Vifir, il y avoit trois Vifirs à trois queues, dont le premier & le troisieme étoient beau-freres du Sultan. A la gauche étoient les deux Juges Tome VI,

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d'Europe & d'Afie. Le premier de ces Juges avoit un turban vert différent des autres par fon exceffive grandeur. Ce Juge defcend de Mahomet. Le fecond avoit auffi un turban de la même façon, excepté qu'il étoit blanc. Sur les bancs des deux côtés étoient les Tréforiers d'une part, & fon Lieutenant tenoit la place de celui qui paraphe, & qui étoit abfent à caufe d'une indifpofition. Le Grand-Vilir avoit un turban de cérémonie comme les autres Spahis & Officiers, vêtu d'une vefte blanche doublée de martre zibeline, qui étoit bordée d'un fatin vert, & il avoit une groffe émeraude au doigt. Les trois Spahis qui font Visirs, avoient une veste verte, doublée de zibeline, par-deffus une vefte de fatin blanc. Les autres en avoient de couleur de gris de lin & rouge. Les Turcs ont une gravité dans leurs vêtemens, qui joint à un grand filence qu'on garde dans les cérémonies, impofe un refpect tout particulier. Auffi-tôt que l'Ambaffadeur fut entré par la porte de la cour, le Grand-Vifir entra dans le même temps. L'Ambaffadeur étoit fur le tabouret qui étoit à la droite du Visir. Mauro Cordato, qui avoit été deux fois Plénipotentiaire, & qui faifoit l'office de premier Dragoman de la Porte par furvivance, étoit debout à côté de l'Ambaffadeur, qu'il entretenoit, pendant que le Grand-Vifir donnoit Audience à quelques Turcs, qui plaidoient eux-mêmes leurs caufes.

On renvoya les affaires aux Cadifleskers, qui, quoique fubalternes, jugent & décident tous les différends, fuivant la coutume du Pays.

Après quelques jugemens rendus, il fallut diner. On ne fit pas grande façon. On apporta quatre tables devant les Vifirs, & les Officiers qui traitoient. L'Ambaffadeur mangea feul avec le Grand-Vifir, & s'affit directement devant lui au-deffous de la jaloufie d'où le Grand-Seigneur eut le loifir de confidérer cette cérémonie. Mauro Cordato lui fervoit de Dragoman pendant le dîner. L'Ambaffadeur lava dans un baffin d'argent, & le GrandVifir lava en même-temps dans un baffin de cuivre, car les Turcs ne fe fervent point de vaiffelle d'argent. La table étoit en forme de baffin d'argent creux, foutenu par un pied de bois. On fervit plufieurs plats de porcelaine d'un grand préparatif de ragoûts, accommodés à la Turque, & on en changea fouvent. Quoiqu'ils ne fuffent pas fort appétiffans, l'Ambaffadeur fit honneur à la table du Vifir, & goûta de tout par complaifance. On fervit enfuite quantité de confitures dans des porcelaines, dont le jus étoit fort ambré & abondant. Les Turcs l'aiment plus que le fruit, & le boivent à la place de vin. On fervit cependant du forbet, qui fut trouvé très-bon, & dont on fut obligé de faire, comme les Turcs, qui en font leur boiffon ordinaire.

Quinze Officiers & gens diftingués de la fuite de l'Anibaffadeur mangerent aux autres tables avec les Vifirs & Officiers, qui en faifoient les honneurs.

D'abord après le diner, on fit entrer dans la Salle du Divan un miroir, qui faifoit partie des préfens magnifiques que l'Ambaffadeur vouloit faire

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