صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

fois & fe concentre dans cet objet. Pour acquérir, conferver & augmenter ses richeffes, l'Avare n'épargne ni peines ni travaux, ni veilles ni fatigues; il s'expofe à toutes fortes de dangers, à celui de la mort même; c'eft beaucoup s'il eft retenu par les regles de la juftice, & fi après avoir fa crifié à fa paffion fon repos & fa fanté, il ne lui facrifie pas encore fa réputation de probité, & la paix de fa confcience. Toujours avide dans l'acquifition, inquiet dans la poffeffion, il ne peut que très-difficilement prendre fon parti dans la perte, & c'eft fur-tout en ce point que l'Avarice: fe montre ordinairement à découvert.

On reconnoît auffi l'Avare à l'ufage qu'il fait de fes richeffes à cet égard les Avares different beaucoup entr'eux. Les uns n'aiment que les richeffes, & les aiment pour elles-mêmes; l'or & l'argent font pour eux les feuls biens réels; les plaifirs, les agrémens, les commodités qu'on peut fe procurer par leur moyen, ne les touchent point; toute leur félicité confiste à amasser, & à augmenter leurs tréfors. Ce font les Avares du caractere le plus bas & le plus vil, les plus funeftes à la fociété, puifqu'ils pervertiffent l'ufage de l'argent deftiné à circuler parmi fes membres, pour fervir de reffort à l'induftrie & au travail.

Il eft d'autres Avares qui ne font tels que parce qu'ils font ambitieux ou fenfuels. Ils aiment les richeffes parce qu'ils y attachent une idée de dignité & de grandeur, parce qu'ils les envifagent comme un moyen de parvenir aux honneurs, d'obtenir la prééminence fur les autres, ou d'affurer l'élévation & le crédit de leur famille & en perpétuer le luftre dans la fuite des générations; ou ils s'affectionnent aux richeffes, comme à un moyen de fatisfaire leur goût pour le plaifir, le luxe, l'apparat, & les dépenfes brillantes. Les Avares de cette claffe ne font point Avares dans le détail comme ceux de la précédente; ils peuvent même être honorables, généreux, bienfaifans; & loin de donner dans une craffe parfimonie, il arrive souvent au contraire, qu'ils tombent dans la prodigalité. Mais ils font Avares en grand, dans la paffion qu'ils ont pour les richeffes, dans l'ardeur qu'ils témoignent pour en amaffer, & dans la douleur qu'ils éprou vent lorfqu'ils viennent à effuyer quelque perte. Il y a chez eux, il est vrai, moins de baffeffe; leur Avarice n'eft pas à beaucoup près auffi funefte à la fociété ; mais il y a toujours cependant un fond vicieux, & qui peut leur devenir fatal. D'ailleurs ils font, comme les autres Avares, dans une extrême défiance des événemens, & ils prennent auffi des précautions exceffives contre les inftabilités de la fortune.

L'Avarice au refte produit chez les différentes perfonnes, des effets tout contraires. Les uns facrifient tous leurs biens actuels à des efpérances éloignées & incertaines; d'autres méprifent les plus grands avantages lorfqu'ils ne les voient que dans le lointain, & préferent de petits intérêts préfens ou prochains. Chez les uns, cette paffion abforbe toutes les autres; chez d'autres elle s'allie à l'ambition, à l'amour du plaifir ou du luxe,

à la prodigalité, qui en font comme le principe & le reffort. Dans d'autres elle eft toujours en conflit avec celles-ci, & fait de l'ame de l'Avare. un théâtre perpétuel de combats entre des paffions dont les directions fe croifent. L'Avarice enfin gagne le deffus chez le vieillard dans lequel elle se foutient dans toute fa force, pendant que le feu des autres pallions fe ralentit & s'éteint.

Un coup-d'œil jetté fur le tableau que nous venons de tracer de l'Avarice, fuffira pour faire comprendre combien ce vice eft en lui-même déraisonnable, abfurde, puéril, bas & aviliffant; funefte à la Société dans laquelle il empêche la circulation aifée des efpeces, du commerce & des offices d'humanité; pernicieufe à l'Avare lui-même qu'elle prive du contentement, du repos & des douceurs de la vie, qu'elle expofe à mille foucis & embarras & fur-tout aux chagrins les plus cuifans, lorfqu'il vient à perdre fes richeffes ou à les abandonner à la mort. L'avarice enfin lui eft encore plus fatale du côté de la vertu, par les tentations auxquelles elle l'expofe qui mettent fon falut dans le plus grand danger.

C'est dans la caufe même de l'Avarice que nous devons chercher la raifon de ce qu'elle eft le plus incorrigible de tous les vices. Depuis les temps les plus reculés, jufqu'à nos jours, à peine pourra-t-on nommer un Moraliste ou un Philofophe, qui n'aient lancé quelques traits contre les Avares mais les exemples de ceux que leurs leçons ont corrigés, font bien plus rares.

Ce qu'on peut dire de mieux pour excufer l'Avarice, c'eft que, généralement parlant, il n'y a que les petits génies a que les petits génies qui en foient infectés: cette paffion monftrueufe eft la derniere reffource où toutes les autres paffions font éteintes, & qui cependant ne peuvent demeurer entiérement oilifs; auffi eft-elle parfaitement affortie à leur petiteffe de génie, & au foible degré de leur activité. Que l'on jette un coup-d'œil fur un Avare, on le verra regorger de biens, relativement à fa fituation; fe paffer de tout ce qui peut raifonnablement lui convenir, & très-fouvent du néceffaire même; tirer de fes amis, de ceux même dont il efpere le plus, tout ce qu'il peut, fans fe relâcher jamais à fon tour d'une obole; conftamment en difpute, en chicane, en procès, dont les frais vont infiniment au delà de l'objet du différend; ne jouiffant jamais des douceurs de la fociété, parce qu'il en craint les frais; vivant uniquement à lui feul & pour lui feul; & hélas! quelle vie mene-t-il? une vie remplie d'un défir rongeant qu'il ne fatisfera jamais. Il parvient à la fin au bout de la carriere, il rentre nud dans le fein de la terre comme il en eft forti; & un enfant mal élevé, parce que fon pere a regretté la dépense de son éducation un parent fans fentiment, que l'avarice du défunt a entiérement étouffé, s'empare du bien ramaffé, & dans quelques années le diffipe. Eft-ce penfer en homme; eft-ce fe connoître foi-même; eft-ce fentir la grandeur de

fon ame?...

[ocr errors]

Il faut bien que l'Avarice foit un vice des petits génies, car il n'y a point de vice qui parvienne moins à fon but que l'Avarice. Pour amaffer du bien, il faut favoir en perdre à temps; il faut rifquer toujours, & fouvent même fur une probabilité du moindre degré. Or perdre & rifquer, font deux qualités entiérement oppofées au caractere de l'Avare. Il ne calcule que fur le préfent; fes idées ne s'étendent pas plus loin; ce font des hommes de fimple perception; ils ne fentent, ils ne fe repréfentent que l'argent actuel qu'ils débourfent; celui que ce déboursement peut leur procurer, eft trop éloigné pour eux, pour le voir même confufément; la fphere de leur génie ne s'étend pas fi loin. Tout rifque eft pour eux une perte certaine; parce qu'ils ne fentent que le fond à rifquer; le profit que ce fond leur procureroit fort probablement, n'eft pas encore entre leurs mains: & on a beau raisonner, on a beau calculer, on a beau leur en applanir les difficultés, en diffiper les craintes; leur génie eft trop borné pour fentir la force des raifonnemens les plus folides, des calculs les plus clairs; ainfi malgré l'envie exceffive d'augmenter leurs biens, ilsen rejettent les vrais moyens : & ce n'eft qu'en fe privant des commodités tes plus néceffaires à la vie & à la confervation d'eux-mêmes, qu'ils en ramaffent. Etranges victimes de la plus monftrueufe des paffions! Si l'on fe bornoit à raifonner dans fon cabinet, on regarderoit les Avares comme des êtres phyfiquement au moins impoffibles. Mais que le cabinet eft trompeur, lorfqu'il s'agit de connoître les hommes tels qu'ils font ! Je n'ai qu'à fortir de ma chambre pour m'en convaincre, au delà même des bornes de l'évidence, fi on pouvoit les furpaffer. L'on a dit qu'il y a autant de différence entre certains hommes & certains hommes, qu'entre certains hommes & certaines bêtes; c'eft parler bien modeftement : contenons-nous auffi dans les mêmes bornes.

[ocr errors]

A VARIES, f. f. pl.

n'y a rien dans le commerce maritime, qui foit plus fufceptible de difficultés & de conteftations entre les Négocians, que la matiere des Avaries & celle des affurances; & comme il eft encore plus du devoir d'une fage légiflation de prévenir les procès que de les bien juger, elle doit porter fa plus grande attention fur les objets les plus capables d'en faire naître. Nous ne connoiffons rien de plus inftructif fur l'une & l'autre matiere, que les usages de France, fur-tout l'Ordonnance de la marine de 1681 avec le commentaire de Mr. Valin, & les Ordonnances de la Hollande de 1551, 1563 & 1570, les coutumes d'Amfterdam, de Rotterdam, & Middelbourg, avec les commentaires de Mr. Glinftra, fur cette derniere,

& les ouvrages de Mrs. Wishuis & Weitsen, auxquels on peut ajouter le célébre Bynckershoeck.

Quoiqu'il femble qu'on ne devroit point citer des ufages fur des matieres réglées par des loix, parce que la loi fait taire l'ufage; nous fommes obligés ici de nous décider par les ufages. Les loix n'ont pas prévû tous les befoins du commerce, & les Négocians ont été obligés très - fouvent de fuppléer, par des ufages fondés fur l'équité naturelle & fur l'intérêt général du commerce, au défaut des loix, ou au filence de la loi.

On entend par Avaries, les accidens qui arrivent aux vaiffeaux & aux marchandises de leurs cargaifons, depuis leur chargement & départ, jufqu'à leur arrivée.

On diftingue de trois fortes d'Avaries; de fimples ou particulieres, de groffes ou communes & de petites.

Les fimples Avaries confiftent dans les dépenfes extraordinaires qui font faites par le bâtiment feul, ou pour les marchandises feulement; & le dommage qui leur arrive en particulier, doit être fupporté & payé par la chofe qui a fouffert le dommage ou caufé la dépenfe.

On met du nombre des fimples Avaries la perte des cables, des ancres, des voiles, des cordages & des mâts, arrivée par la tempête ou autre accident de mer; on confidere de même le dommage des marchandifes causé par la faute du maître ou de l'équipage. Toutes ces Avaries doivent tomber fur le maître, le navire & le fret : & les dommages arrivés aux marchandises par leur vice propre, doivent tomber fur le propriétaire des marchandises. La nourriture & le loyer des matelots, lorfque le navire est arrêté en voyage par ordre d'un Souverain, font auffi réputés fimples Avaries, lorfque le vaiffeau eft frété au voyage, & non au mois ; & c'eft le vaiffeau feul qui les doit fupporter.

Les groffes ou communes Avaries font les dépenfes extraordinaires faites, & le dommage fouffert, pour le bien & le falut commun des marchandifes & d'un vaiffeau; telles que les chofes données par compofition à des pirates pour le rachat du navire & des marchandifes: il en eft de même de la rançon, qui cependant peut fouffrir de grandes difficultés dans de certains cas. Les chofes jettées à la mer; les cables & mâts rompus & coupés; les ancres & autres effets abandonnés pour le bien commun du navire & des marchandises, font de même de groffes Avaries. Toutes ces groffes Avaries doivent être fupportées au fol la livre, tant par le vaiffeau, que par toutes les marchandifes de fon chargement.

[ocr errors]

Les petites Avaries font les frais de lamanage, touage, pilotage, foit pour entrer dans les ports, havres & rivieres, foit pour en fortir. Elles doivent être fupportées, un tiers par le navire, & les deux autres tiers par les marchandifes. On ne met point au rang des Avaries, les droits de congé, vifite, rapport, balife, &c. C'eft ainfi que font réglées les Avaries par l'Ordonnance de la marine de France de 1681. Tit. VII. du Liv. III,

L'ufage du commerce de Hollande a établi des principes fort clairs & fort fimples pour reconnoître la nature des Avaries, qu'il eft extrêmement important de bien diftinguer. Les groffes Avaries font caractérisées par trois

conditions.

La premiere eft, que le danger de perdre le navire & la cargaison soit

évident.

La feconde, que le maître ait pris l'avis des officiers & de l'équipage, pour fauver le navire & fa charge.

La troifieme, que le navire & la cargaifon foient fauvés par l'Avarie qu'on a faite. Les Avaries caufées aux marchandises reftées à bord, par jet que l'on a fait des autres, font auffi groffes Avaries.

le

La nourriture & le loyer de l'équipage d'un navire arrêté en voyage par ordre d'un Souverain, font réputés groffes Avaries par la loi de France, fi le vaiffeau eft loué par mois ; & s'il eft loué au voyage, doivent être portés par le vaiffeau feul comme Avaries fimples.

ils

On n'a point admis généralement ailleurs cette diftinction. Que les frais d'arrêt de Prince foient occafionnés à un vaiffeau loué par mois ou pour le voyage, ces frais ont toujours une caufe égale, qui eft la volonté du Souverain, & ces frais font toujours groffes Avaries. On fait une autre diftinction qui paroit bien jufte, qui confifte à rejetter cette Avarie fur les mar chandifes feules qui ont donné lieu à l'arrêt du Prince, s'il y en a de tel

les dans le navire.

On diftingue encore à l'égard des frais, ceux qui font faits par une relàche forcée pour entrer dans un port, dans un havre, dans une riviere, par la néceffité de fauver le navire d'un naufrage. Ces frais font réputés groffes Avaries.

Lorfque des pirates, au lieu de rançonner un navire, y entrent & y prennent ce qui leur plaît, tout ce qui eft ainfi pris, n'entre point en Avaries & la perte ne tombe que fur les propriétaires des chofes prifes.

Sur tous ces principes ces principes on n'a guere de difficultés pour connoître & s'affurer des différentes fortes d'Avaries. Il y en a davantage pour régler le montant de ce que le navire & chaque article de marchandises doivent -contribuer à la groffe Avarie. Il faut régler les prix de tout ce qui eft ar rivé à bon port, & en même temps celui des marchandises jettées à la mer ou avariées. Chacun eftime différemment fon lot: les propriétaires des marchandifes jettées ou avariées, les eftiment le plus qu'ils peuvent, pour obtenir davantage, & les propriétaires des navires & des marchan difes fauvées diminuent le plus qu'il eft poffible la valeur de leurs mar chandises, pour contribuer moins. Lorfque les propriétaires font respecti vement de bonne foi, le réglement des Avaries devient une opération fimple, jufte & facile. La valeur des marchandifes fauvées devroit toujours être comptée fur le pied du cours de la place où elles ont été delivrées, dé duction faite des droits d'entrée, de décharge & du fret: il arrive cepen

« السابقةمتابعة »