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tre côté des rochers au-milieu de la mer & à l'abri des vagués étoient destinés à des opérations qui demandoient un air marin. Des gouffres rapides & des cataractes leur fourniffoient les moyens d'exécuter de violens mouvemens; ils employoient auffi pour cela une grande quantité de machines qui recevoient, qui multiplioient, qui fortifioient les vents.

Ils avoient également des puits & des fontaines artificielles par lefquelles ils imitoient la nature, non-feulement dans la maniere dont elle fait fourdre les eaux de la terre, mais auffi dans les propriétés qu'elle leur donne; & par des teintures de vitriol, de foufre, d'acier, d'airain, de plomb, de nitre & d'autres minéraux, ils faifoient des bains qui approchoient des naturels. Ils avoient des foffes & des endroits particuliers où l'eau courante attiroit à foi avec beaucoup plus de force les corps qu'on y mettoit infufer, que quand l'infufion. ne fe faifoit que dans des vafes & des

terrines.

· Des édifices vaftes & fpacieux leur fervoient à imiter & à repréfenter en quelque forte ce qui fe fait dans l'air, comme la grêle, la neige &c. Ils y formoient même des pluies artificielles fans eau avec d'autres matieres compofées. Dans ces édifices, ils avoient des appartemens appellés : Chambres de fanté. L'air qu'ils renfermoient, recevoit à leur gré, la vertu & l'impreffion, qu'ils jugeoient à propos de leur communiquer, pour procurer la guérifon d'un grand nombre de maux ou conferver la fanté. On y voyoit de beaux & grands bains, dont les eaux différemment composées, étoient autant de fpécifiques pour reftaurer le corps humain trop defféché, foit pour fortifier les nerfs & les parties nobles, foit pour augmenter l'hu mide radical, foit enfin pour chaffer une infinité de maladies.

Les arbres & les arbriffeaux de quelques-uns de leurs jardins ne portoient que des fruits propres à faire plufieurs fortes de boiffons différentes du vin; ils effayoient toutes les manieres dont on peut enter les arbres, tant ceux qui font fauvages que ceux qui ne le font pas, & ces expérien ces produifoient plufieurs effets utiles.

De vaftes enclos & de grands parcs étoient destinés à élever toute forte d'oifeaux & de bêtes, non pas par rareté & par curiofité fimplement, mais pour faire des diffections & des expériences anatomiques qui puffent donner de nouvelles lumieres par rapport au corps humain. Leurs découvertes fur ces animaux fembloient tenir du prodige. Ils avoient remarqué, par exemple, que plufieurs continuoient de vivre, après avoir perdu quelques-unes des parties que nous nommons vitales; que d'autres, morts felon les apparen ces, reffufcitoient enfuite. Ces généreux favans avoient eu le courage d'éprouver fur eux toutes fortes de poifons, afin de prendre de plus juftes mefures pour la confection des antidotes dont les Médecins & les Chirurgiens fe fervent, ou pour préferver ou pour guérir les hommes. Parmi les animaux renfermés dans l'enceinte de leur maifon, il y en avoit qu'ils tendoient plus féconds, & auxquels ils faifoient produire un plus grand Tome VI.

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nombre de petits; ils accouploient ensemble les animaux de différentes efpeces, ce qui leur en produifoit de nouvelles. Avec des matieres corrompues, ils faifoient naître des ferpens, des vers, des poiffons dont quelques-uns formoient des efpeces autrefois inconnues.

On pouvoit juger des richeffes de la maifon de Salomon par le nombre de laboratoires de chimie & d'apoticaireries qu'elle renfermoit. On y confervoit des remedes qui n'avoient leur perfection & qui n'achevoient de fermenter qu'après un certain nombre d'années. Quant à ce qui regardoit les opérations de Pharmacie, non-feulement ils favoient ménager le feu, faire les diftillations & les féparations les plus curieufes, & décharger les liqueurs de ce qu'elles ont de groffier, en les faifant paffer au travers du linge, de la laine, du bois ou même de quelqu'autre corps compacte; mais ils excelloient encore dans l'art d'affembler les ingrédiens, qu'ils réduifoient en une maffe, avec des proportions fi juftes, foit pour la quantité, foit pour la qualité, qu'il fembloit que leurs remedes compofés étoient plutôt l'ouvrage de la nature pure & fimple, que les effets de l'industrie humaine. Une grande quantité de fourneaux proportionnés à tous les degrés de chaleur, la rendoient tantôt vive & foudaine, tantôt forte & durable. Il y en avoit pour les chaleurs douces & modérées, pour les inégales & les tranquilles, pour les humides & les feches. Ils avoient fur-tout un fecret merveilleux pour imiter la chaleur du foleil par l'ac tion inégale, périodique & comme circulaire qu'ils donnoient à leurs feux.

Dans des maifons établies uniquement pour la perfpective, ces fages & habiles Académiciens faifoient des expériences fur les couleurs, & les repréfentoient toutes par le moyen de quelques corps diaphanes qui n'étoient pas colorés eux-mêmes. Ces couleurs étoient fimples & conftantes, bien différentes des couleurs changeantes de l'arc-en-ciel que l'on voit au travers d'un prifme ou de quelqu'autre corps tranfparent. Par ces expérien ces la lumiere réjailliffoit à une diftance prodigieufe, & ils favoient lui donner tant de force & d'éclat, qu'elle découvroit à la vue jufqu'aux traits les plus déliés. On eut dit qu'ils difpofoient de toutes les diftances comme il leur plaifoit, puifqu'ils avoient l'art d'approcher des yeux les objets les plus éloignés & d'en reculer les plus voifins. Ils repréfentoient des arcsen-ciel artificiels, des couronnes, des cercles, des vibrations, des trépidations de lumiere. Enfin ils faifoient voir toutes fortes de réflexions & de réfractions, & toutes les multiplications d'objets qui fe peuvent opérer. . Ils avoient encore des édifices remplis de machines & d'inftrumens propres à produire tous les mouvemens imaginables. Ils effayoient de les rendre plus aifés & plus forts par la multiplication des roues & par d'autres moyens; & ils avoient des forces mouvantes beaucoup plus efficaces que nos canons & nos coulevrines.

Il feroit infini de rapporter ici les différens objets auxquels s'occupoien>

ces,

les membres de la maifon de Salomon; toutes nos Académies, réduites en une feule compagnie, ne feroient encore qu'une image imparfaite de cette fociété nombreuse. Chaque membre avoit fes fonctions & fes emplois particuliers. Les uns étoient nommés pour voyager dans les pays étrangers, cachant leur patrie fous le nom de quelqu'autre Royaume, dont ils fe difoient originaires. D'autres s'appliquoient à recueillir toutes les expérien→ & d'autres à faire de nouvelles découvertes, n'ayant là-deffus d'autre regle que leur propre prudence. Les uns étoient deftinés à examiner les expériences des autres, & à en tirer de nouvelles inventions, pour l'ufage de la vie, & pour la théorie & la pratique des fciences; à former des démonftrations évidentes de toutes les caufes, & des remarques utiles, à la Divination; ceux-ci étoient uniquement occupés à la recherche de quelque nouvelle lumiere, & à pénétrer toujours plus avant dans la connoiffance de la nature. Ils profitoient de ce que les autres avoient déja découvert; & à la faveur des anciennes expériences, ils entreprenoient d'en inventer de plus relevées, & d'une plus grande conféquence. Enfin, ceux-là faifoient leur unique occupation, de réduire en obfervations importantes & en axiomes, toutes les découvertes que l'on a faites dans la nature par le fecours des expériences.

Le nombre des Académiciens étoit fixé, mais les éleves ne rempliffoient pas fi exactement les places vacantes, qu'on ne les donnât quelquefois à d'autres. Sans cela ils euffent été privés de plufieurs perfonnes de mérite, que la qualité de novices n'eut point accommodés, foit à cause de leur âge, foit à caufe de leur érudition. Ils avoient même introduit une inégalité de condition parmi les éleves, en accordant des penfions à quelques-uns. Ces penfions n'étoient pas communes, & quand on en donnoit, c'étoit par maniere de récompenfe. Ceux-là feuls les méritoient, qui, par quelqu'ouvrage utile à l'Etat, montroient qu'ils avoient foigneufement imité la nature, qu'ils en favoient interpréter les énigmes.

&

Outre la maifon de Salomon, il y avoit dans Benfalem, une autre fociété, appellée la compagnie des faits, des années & des effigies. Cette compagnie étoit fi ancienne, qu'on ignoroit l'époque de fon origine. Elle étoit compofée de dix-huit membres, auxquels l'Etat donnoit des appointemens très-raifonnables; leur fonction étoit de remarquer exactement tout ce qui arrivoit de confidérable dans l'Ifle, & d'en rendre un compte fidele dans leur affemblée. C'étoient ceux qui compofoient l'Hiftoire du Royaume ; & quoique le Sénat fut dépofitaire de tous les titres de la Couronne, la compagnie en avoit des copies authentiques, qu'elle avoit foin d'inférer dans fon ouvrage. On ne lui cachoit rien de tout ce qui fe paffoit, & on lui en découvroit les vrais motifs. La vérité feule préfidoit à leurs travaux, la flatterie ni la médifance n'y avoient aucune part.

Dans cette Académie, il y avoit une place d'obfervateur, toujours remplie par un étranger, laquelle confiftoit à étudier la conduite des Rois, &

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à en parler fans paffion. Les Souverains mêmes étoient charmés que l'on confiât cet emploi à des étrangers fages & éclairés, plutôt qu'aux originaires du pays, puifque plufieurs Monarques de l'Europe confioient avec fuccès leur vie même à des Gardes étrangeres.

Telles font en abrégé les principales obfervations que nos Navigateurs Anglois firent pendant leur féjour dans la Nouvelle Atlantide. Ils regarderent à jufte titre ce pays, comme l'Afyle de la paix, de la tranquillité, de l'innocence, & de toutes les vertus, tant fociales, que morales. Quoiqu'ils fuffent enchantés des manieres honnêtes, & affables des habitans, l'amour de leur patrie l'emporta fur les agrémens dont ils auroient pu jouir le refte de leur vie dans cette Ifle fortunée.

Vraisemblablement la mort furprit le Chancelier Bacon, avant qu'il pût mettre la derniere main à cet Opufcule, puifqu'il n'eft point achevé dans le Manufcrit, qui fe trouva parmi fes papiers, lors de fon décès. Ce grand homme avoit fans doute formé le deffein de faire établir en Angleterre une fociété, qui pût réunir feule tous les avantages que procurent les diverfes académies fondées dans toute l'étendue de l'Europe. L'Atlantide demeurée imparfaite, comme nous venons de le dire, a été traduite en François, continuée & achevée par un Auteur qui a entrepris de faire voir que le projet académique de Bacon, avoit été heureufement exécuté en France, au moyen de l'établiffement fait à Paris de trois célébres Acadé mies par le Roi Louis XIV.

ATRA BILAIRE, adj.

C'EST un caractere farouche qui eft un très-grand vice; c'est une impreffion des fens qui conduit aux plus grands crimes; c'eft un délire qui opere fouvent l'homicide & le fuicide; il conduit encore à l'abandon de foi-même. C'est le caractere des pédans, des fombres dévots; c'est encore le caractere qui forme les imbécilles & les fanatiques. Les ames baffes font fufceptibles de ce vice; les ames crédules, faciles, en font encore fufceptibles; ce caractere méchant eft l'ennemi du genre humain & de foi-même; il rend l'homme incapable & indigne d'aucune des fonctions de la Magiftrature & du Miniftere.

ATTACHE, f. f.

ATTACHEMENT,

L'ATTACHE

f. m.

'ATTACHEMENT eft une paffion honnête & modérée : on a de l'Attachement à fon devoir; on en a pour un ami, pour fa famille pour une femme d'honneur qu'on eftime. Le mot d'Attache convient mieux lorfqu'il eft queftion d'une paffion moins approuvée ou pouffée à l'excès: on a de l'Attache au jeu; on en a pour une maîtreffe, quelquefois même pour un petit animal. Le mot de dévouement eft d'ufage pour marquer une parfaite difpofition à obéir en tout on eft dévoué à fon Prince, à fon Maitre, à fon Bienfaiteur, à une Dame qui a acquis fur nous un empire abfolu. Les deux premiers expriment de la fenfibilité & de la tendreffe; ils entrent fouvent dans le langage du cœur. Le dernier marque de la docilité & du refpect; il appartient au langage du courtisan.

On dit de l'Attachement, qu'il eft fincere; de l'Attache, qu'elle eft forte; & du dévouement, qu'il eft fans réserve. L'un nous unit à ce que nous estimons. L'autre nous lie à ce que nous aimons. Le troisieme enfin nous foumet à la volonté de ceux que nous défirons fervir.

Les mœurs de notre fiecle ont banni des loix de l'amitié tout Attachement contraire aux intérêts. On n'oferoit pas non plus, fans rougir, faire paroître beaucoup d'Attache en amour; mais on craindroit de n'y pas paroître heureux. La paffion la plus délicate du temps, eft de fe dévouer aux perfonnes dont on attend fa fortune.

La vie ne fauroit être gracieufe fans quelque Attachement. Une forte Attache fait également fentir des plaifirs vifs & des chagrins piquans. II eft difficile de plaire aux Princes fans un entier dévouement à toutes leurs volontés.

L'ATTENTION

ATTENTION, f. f.

'ATTENTION eft une opération de notre ame qui s'attachant à con fidérer un objet, s'en occupe de maniere à en acquérir une idée distincte une connoiffance parfaite. Un Juge doit donner une attention toute particuliere à ce que difent les parties ou leurs Avocats pour leur défenfe. Un Magiftrat prépofé à la police d'une Ville doit être attentif à tout ce qui s'y paffe. En un mot tout ce qui concerne l'administration publique mérite la plus férieuse attention. Mais fur-tout ne fermez pas l'oreille aux plaintes de l'innocence opprimée,

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