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Fin de la République d'Athenes.

PYSISTRATE fut le premier qui porta atteinte à fa liberté, la premiere

année de la 57e. Olympiade. Cet homme, que l'ambition rendit injufte, avoit d'ailleurs de bonnes qualités dans l'ufage qu'il fit de fa puiffance, il montra du refpect pour les Loix établies. Détrôné deux fois, il fut remonter fur le Trône; il s'y étoit placé par la rufe, il s'y maintint par fon humanité. Il aima les lettres & il paffe pour avoir fondé le premier une Bibliotheque publique à Athenes. Il finit fes jours en paix & tranfmit à fes enfans la fouveraineté qu'il avoit ufurpée & qu'ils ne garderent que dix-huit ans; après lefquels les Athéniens recouvrerent leur liberté. Cette République effuya auffi une crife violente par la guerre que lui fit Darius, fils d'Hyftafpe, Roi de Perfe; la victoire qu'ils eurent le bonheur de remporter à Marathon, les tira de ce danger. Cette entreprise de la part des Perfes ne fut que comme le prélude de celle de Xercès qui arma contre les Grecs des troupes formidables par mer & par terre. Athenes eut beaucoup à fouffrir dans cette guerre ; fes habitans fe virent réduits à abandonner la ville, à envoyer leurs femmes & leurs enfans à Trezene & à embarquer fur leurs vaiffeaux tout ce qu'il y avoit d'hommes capables de porter les armes. L'armée de Xercès s'empara de la ville fans peine : mais un petit nombre de braves Citoyens, qui s'étoient retirés dans la citadelle, s'y défendirent jufqu'à la mort. Xercès, s'en étant rendu maître, la fit brûler avec la ville. La victoire des Grecs à Salamine obligea ce Prince de quitter la Grece ; & dès-lors les chofes commencerent à changer de face: les troupes qu'il avoit laiffées, furent défaites par les Athéniens & les Lacédémoniens.

Les Athéniens coururent enfuite un grand danger dans la guerre qu'ils firent obligés de foutenir contre d'autres Etats de la Grece, particuliérement contre les Lacédémoniens, & dans la guerre du Péloponese. Périclès étoit à la tête des affaires, quand cette funefte divifion s'éleva; la peste, dans ces trifles circonftances, détruifit auffi une infinité d'habitans. La guerre, que les Athéniens porterent en Sicile par les confeils d'Alcibiade, fut extrêmement ruineufe pour eux; affoiblis par les pertes qu'ils y firent, leur ville fut affiégée & prife par Lyfandre, chef des Lacédémoniens; il y établit trente Tyrans, mais elle recouvra cependant fa liberté peu de temps après. Conon, un de fes Citoyens, en rétablit les murailles. Les Athéniens eurent encore beaucoup à fouffrir des troubles que Philippe & Alexandre exciterent dans la Grece; leur ville fut prise par Antipater. Caffandre, autre Général d'Alexandre-le-Grand, s'en rendit enfuite le maître, & y établit pour Gouverneur Démétrius de Phalere, fous le Gouvernement duquel ils jouirent de la tranquillité. Un autre Démétrius, nommé Polyórcete, s'en rendit maître enfuite, & y rétablit le Gouvernement démocratique. Peu après. alle fe révolta contre lui; il s'en rendit maître par la force & lui par

donna par politique. Elle tomba enfuite fous la puiffance d'Antigonus Gonates. Philippe de Macédoine voulut la foumettre, mais il ne réuffit pas dans fon entreprise. Archelaus, l'un des Généraux de Mithridate, la prit. Un Citoyen d'Athenes, nommé. Ariftion, à qui Archelaüs avoit confié quelques troupes, s'empara de toute l'autorité, & exerça dans cette ville une cruelle tyrannie. Elle fut enfuite affiégée par Sylla & prife d'affaut après un long fiege très-cruel.

La Grece fut alors dépendante des Romains, fans être cependant tout4-fait privée de fa liberté. Athenes fubfifta encore long-temps avec une forte d'éclat, non comme République guerriere, mais comme le siege des Beaux-Arts. Les Grands de Rome y envoyoient leurs enfans pour achever leur éducation. Cicéron même y envoya fon fils pour étudier fous Cratipe; & Horace fe félicite d'y avoir féjourné : Adjecere bonæ paulò plus artis Athena.

Après la chûte de l'Empire Romain, Athenes, devenue la proie d'un peuple ennemi des Sciences, tomba dans la barbarie. Elle fut prise par les Turcs en 1455, reprife par les Vénitiens en 1464 & en 1687; mais ces derniers furent contraints de l'abandonner, & elle eft reftée aux Turcs. Tous ces accidens ont fi fort diminué de fon ancienne fplendeur, qu'elle eft devenue, pour ainfi dire, un fimple village. On trouve cependant, foit dans l'intérieur, foit aux environs, plufieurs reftes de fon ancienne magnificence qui prouvent le degré de perfection auquel l'Architecture & la Sculpture avoient été portées dans cette ville. Elle a encore environ huit à dix mille habitans dont les trois quarts font des Chrétiens Orientaux qui y ont plufieurs Eglifes & Chapelles avec un Métropolitain qui y fait fa réfidence. Les Turcs y ont cinq Mofquées dont il y en a une qui étoit anciennement le temple de Minerve qu'on appelloit Panchenion.

Les deux rivieres de l'Iliffe & de l'Eridan, qui arrofent la plaine fur laquelle Athenes eft fituée, font peu confidérables aujourd'hui, parce que la premiere a été partagée en plufieurs canaux pour arrofer les plantations d'olivier, tellement qu'elle fe réduira à la fin prefqu'à rien; la derniere fe perd tout-à-fait, parce qu'on la conduit fur les champs.

Nous ne parlerons point ici des grands hommes que cette ville a produits pour faire l'histoire de leur vie, mais pour nous borner uniquement à une fimple indication de ceux qui y ont figuré le plus avantageufement. Pififtrate, qui s'empara du Gouvernement d'Athenes, quoiqu'en cela il fe rendît coupable d'injuftice, fut, à certains égards, un grand homme : l'ambition l'aveugla; fon bon naturel l'empêcha d'abufer de fon pouvoir. Miltiades & Themiftocles furent tout-à-fa-fois de grands Capitaines & de grands Hommes-d'Etat. Ariftide brilla par fa droiture, par fon amour pour la patrie & montra autant de courage que tout autre, pour fa défenfe. Cimon fe diftingua d'une maniere tout-à-fait glorieufe. Péricles fut, par la perfuafion, fe rendre en quelque forte maître de la République: il n'a laiffe

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aucun écrit qui témoigne de fes talens, mais fes actions rendent très-croyable tout ce qui s'eft dit de fon éloquence. Conon s'eft rendu célébre par fon amour pour la patrie. Démofthene paffe pour un modele achevé dans l'art oratoire. Alcibiade a réuni tous les talens: la nature lui avoit, pour ainsi dire, prodigué tous fes dons; & l'on peut dire de lui qu'il n'eut point d'égal dans la vertu Socrate s'étoit donné beaucoup de foin à lui former l'efprit & le cœur. Platon a rendu fon nom immortel. Thucydide, Xenophon entre les Hiftoriens; Euripide, Sophocle, Ariftophane, Efchyle parmi les Poëtes fe firent une grande réputation. Il en refte encore bien d'autres, mais dont il feroit trop long de rapporter ici les noms.

D'ailleurs, toute l'hiftoire de ce peuple montre qu'il avoit naturellement du génie & qu'il parvenoit aifément aux grands talens. Il y avoit parmi eux beaucoup de lumieres & de goût : ils jugeoient bien des ouvrages d'efprit. L'influence que les Orateurs avoient dans les affaires de la République, montre combien les Athéniens étoient admirateurs de l'éloquence; ils recherchoient la pureté du langage avec un foin infini; le peuple même avoit une extrême délicateffe à cet égard. Chacun entendoit les intérêts de la République; le peuple même n'y étoit point ignorant. Naturellement bons & humains, la bienfaisance des Athéniens s'étendoit jufqu'aux bêtes-mêmes : la fondation qu'ils firent pour un mulet qui avoit beaucoup travaillé aux ouvrages publics, en eft une preuve. Quelquefois, cependant, légers & inconftans, ils oublierent les bienfaits qu'ils avoient reçus, & payerent d'ingratitude ceux qui les avoient le mieux fervis: ceci, à la vérité, peut s'excufer par leur amour pour la liberté ; ils en étoient jaloux à un tel point qu'un fimple foupçon les faifoit agir violemment. L'Oftracisme, pratiqué contre les plus dignes Citoyens, eft un exemple de ce que l'on vient de dire les Athéniens aimoient le plaifir, mais l'amour du plaifir cédoit tou jours à l'amour de la patrie qu'ils défendirent en plufieurs occafions avec la plus grande valeur. De fi grandes qualités ne fe rencontrent gueres que dans des pays de liberté; ce qui prouve que cet efprit de liberté eft abfolument l'ame du courage, le reffort de la profpérité & la bafe des Em pires. Les trônes s'écroulent, les villes tombent en ruine, les hommes lan guiffent, & les champs fe couvrent de ronces & d'épines dès qu'un Prince ne veut plus que des efclaves pour fujets,

:

S. II.

Gouvernement d'Athenes. Conftitution de l'Etat. Divifion du Peuple.

A

THENES fut d'abord gouvernée par des Rois, enfuite par des Ar chontes perpétuels, puis par des Archontes décennaux, enfin par des Ar Chontes annuels. Ce n'eft pas Solon, qui le premier y établit le Gouverne

:

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ment populaire Théfée (a), bien avant lui, en avoit déja tracé le plan & commencé le projet. Après avoir réuni en une feule ville les douze bourgs qui compofoient ordinairement l'Attique, il en partagea les habitants en trois corps: celui des nobles & des riches à qui il confia le foin des chofes de la Religion, & toutes les charges, celui des laboureurs, & celui des artifans. Athenes, à proprement parler, ne devint un Etat populaire que lorfqu'on y nomma neuf Archontes, dont l'autorité n'étoit que pour un an, au lieu qu'auparavant elle en duroit dix, & ce ne fut encore que plufieurs années après, que Solon, par la fageffe de fes Loix, fixa & régla la forme de ce Gouvernement.

Le grand principe de ce Législateur fut d'établir entre les citoyens, autant qu'il le pourroit, une forte d'égalité qu'il regardoit, avec raifon, comme le fondement & le point effentiel de la liberté. Il réfolut donc de laiffer les charges & dignités entre les mains des riches, comme elles y avoient été jufques-là, mais de donner auffi aux pauvres quelque part au Gouvernement dont ils étoient exclus.

Il fit une estimation des biens de chaque particulier; il forma de ceux qui avoient des revenus plus ou moins confidérables trois claffes (b), dans lesquelles feules on choififfoit les Magiftrats & les Commandans. Tous les autres, qui étoient au-deffous de ces trois claffes, qui ne poffédoient rien ou fort peu de chofe, étoient compris fous le nom d'artisans, d'ouvriers travaillans de leurs mains: Solon ne leur permit d'avoir aucune charge, & leur accorda feulement le droit d'opiner dans les affemblées, & de juger dans les tribunaux; avantage beaucoup plus important qu'il ne parut d'abord, & qui donnoit au fimple peuple une grande autorité. Comme la mesure des revenus régloit l'ordre des claffes, quand les revenus augmentoient, on pouvoit paffer dans une claffe fupérieure.

On étoit du nombre des citoyens par la naiffance ou par l'adoption; pour être citoyen naturel d'Athenes, il falloit être né de pere & de mere libres & Athéniens. Le peuple pouvoit donner aux étrangers le droit de

de

(a) Théfée, dixieme Roi d'Athenes, qui réunit tous les bourgs de l'Attique, auparavant indépendans les uns des autres, & en forma un feul corps de République. Ainsi, ce qui étoit des bourgs proprement dits avant qu'Athenes formât une feule ville, vint, après la réunion, ce que nous appellons quartiers, qui conferverent toujours le nom de bourgs. Il y eut par la fuite un grand nombre de bourgs hors d'Athenes dont le territoire s'étendit confidérablement : les citoyens étoient du bourg où ils avoient des fonds de terre. On verra ci-après la conjecture que nous avons hafardée au fujet des bourgs.

(b) Ceux qui avoient de revenu annuel cinq cens mesures, tant en grains qu'en chofes liquides, furent mis dans la premiere claffe. La feconde claffe fut de ceux qui en avoient trois cens, & qui pouvoient nourrir un cheval de guerre on les appella les Chevaliers. Ceux qui n'en avoient que deux cens, firent la troifieme. Tous les autres citoyens qui étoient au-deffous de ces trois claffes, furent compris fous le nom de Thétes, c'est-à-dire, de mercenaires, ou plutôt d'ouvriers travaillans de leurs mains.

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cité, & ceux qui l'avoient obtenu, jouiffoient des mêmes privileges que les citoyens naturels, à peu de chofe près. Lorfque les jeunes gens avoient atteint l'âge de vingt ans, ils étoient infcrits fur la lifte des citoyens après avoir prêté ferment, & ce n'étoit qu'en vertu de cet acte public & folemnel qu'ils devenoient membres de l'Etat.

Tout le peuple d'abord avoit été divifé en quatre tribus: il le fut dans la fuite en dix; chaque tribu étoit divifée en trois parties, appellées tiers de tribu. Elles occupoient chacune une partie d'Athenes, & de plus contenoient au-dehors quelques autres villes ou bourgs; les bourgs renfermés dans les tribus & partagés entre elles, étoient appellés pagi : ils montoient au nombre de cent foixante-quatorze. Un Athénien, en fignant dans les actes, mettoit après fon nom celui de fon pere & celui de fon bourg; par exemple, Efchine, fils d'Atromete, de Cothoche (a). Les dix tribus empruntoient leurs noms de dix Héros du pays.

EN

Autorité du Peuple.

N conféquence des établiffemens de Solon, le peuple à Athenes avoit une grande part & une grande autorité dans le Gouvernement: on pouvoit appeller à fon tribunal de tous les jugemens; il avoit le droit d'abolir les Loix anciennes, & d'en établir de nouvelles; en un mot, toutes les affaires importantes, concernant la paix ou la guerre, fe décidoient dans les affemblées du peuple. Or afin que les décifions s'y fiffent avec plus de fageffe & de maturité, Solon avoit établi un confeil compofé de quatre cens fénateurs, cent de chacune des tribus, qui étoient pour lors au nombre de quatre; ce confeil préparoit, & pour ainfi dire, dirigeoit les affaires qui devoient être portées devant le peuple, Un nommé Clifthene, environ cent années après Solon, ayant porté le nombre des tribus jusqu'à dix, augmenta auffi celui des Sénateurs, & le fit monter à cinq cens chaque tribu en fourniffant cinquante; c'eft ce qui s'appelloit le Confeil ou le Sénat des cinq-cens.

CE

Sénat des cinq - cens,

E fénat s'affembloit tous les jours, excepté ceux qui étoient occupés

(a) Voici ce que je penfe par rapport aux bourgs; c'est une conjecture que ja hafarde, Comme tous les citoyens, ceux qui avoient des fonds de terre, ainfi que ceux qui n'en ayoient pas, étoient inferits dans un bourg, il y a toute apparence qu'originairement on étoit du bourg où l'on avoit des fonds de terre, & que ceux qui n'en avoient pas, qui n'avoient qu'un fimple domicile à Athenes, étoient du bourg qui occupoit une partie du fol de la ville avant qu'elle fût bâtie, mais que par la fuite les fils furent du bourg de leurs peres, foit qu'ils vendiffent les fonds qui leur avoient été laiffés, foit qu'ils en acquiffent, n'en ayant jamais eu, foit qu'ils en poffédaffent de nouveaux, ou d'autres que ceux qui eroient dans leur famille,

par

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