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On doit regarder l'affemblée des Amphyctions comme la tenue des Etats-Généraux de la Grece. Les députés qui compofoient cette augufte compagnie repréfentoient le corps de la nation, avec plein pouvoir de concerter & de réfoudre ce qui leur paroîtroit être le plus avantageux à Fa caufe commune. Leur autorité ne fe bornoit pas à juger en dernier reffort les affaires publiques; elle s'étendoit encore jufqu'à lever des troupes pour forcer les rebelles à fe foumettre à l'exécution de leurs arrêts. Les trois guerres facrées entreprises en différens temps par l'ordre des Amphyctions, font une preuve éclatante de l'étendue qu'avoit leur autorité.

On tenoit à grand honneur dans la Grece d'avoir le droit de députer à cette efpece d'Etats-Généraux. La moindre marque d'infidélité à la patrie fuffifoit pour n'y point être admis. Les Lacédémoniens & les Phociens en furent exclus pour un temps. On ne pouvoit obtenir le droit d'y rentrer qu'en réparant, par des preuves éclatantes de fervices & d'attachement, la faute qu'on avoit commife.

Les grands Politiques ont de tout temps fenti que le meilleur moyen d'affurer la durée des établissemens qu'ils formoient, étoit de les lier à la religion. Dans cette vue, Amphyction chargea le Confeil, qui porta depuis fon nom, du foin de protéger le temple de Delphes, & de veilfer à la confervation des richeffes qui y étoient enfermées. Mais fon principal objet fut, comme nous le difions il n'y a qu'un moment, d'établir entre les différens Etats de la Grece le concert qui étoit néceffaire pour la confervation du corps de la nation, & de former un centre de réunion qui affurât à jamais une correfpondance réciproque entre fes différens peuples.

L'effet répondit au foin & à l'attente de ce Prince. Dès ce moment les intérêts de la patrie devinrent communs entre tous les peuples de la Grece. Les différens états, dont cette partie de l'Europe étoit compofée, ne formerent plus qu'une feule & même République union qui dans la fuite rendit les Grecs formidables aux Barbares. Ce furent les Amphyctions qui fauverent la Grece dans le temps de l'invafion de Xercès. C'eft pat le moyen de cette affociation que ces peuples ont exécuté de fi grandes actions, & fe font foutenus fi long-temps avec la plus grande diftinction. L'Europe nous offre encore des modeles d'une femblable affociation. L'Allemagne, la Hollande, & les Ligues-Suiffes formerent des Républiques compofées de plufieurs Etats.

Amphyction doit donc être regardé comme un des grands hommes que Ja Grece ait produits, & l'établiffement du Confeil des Amphy&tions, comme un très-grand chef-d'œuvre de politique. Il faut mettre dans le même rang l'inftitution des jeux Olympiques, quiconque en foit l'Auteur. On ne peut en général donner trop d'éloges aux Législateurs Grecs fur les divers moyens qu'ils avoient imaginés pour réunir & lier ce nombre infini de petits peuples & de petits Etats qui compofoient la nation Grecque.

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Je pafferai fous filence les regnes d'Erichtonius & de Pandion, pour venir à celui d'Erechtée, fous lequel les marbres placent un événement des plus mémorables de l'antiquité Grecque. C'est l'arrivée de Cérès dans la Grece époque d'autant plus célébre que c'eft à ce temps que tous les Anciens rapportent l'établiffement, ou pour mieux dire, le rétabliffement de l'Agriculture & des loix civiles dans la Grece. Je traiterai par la fuite ces deux objets dans un plus grand détail.

Le regne d'Erechtée est encore remarquable par quelques faits qui ont rapport avec l'ancienne forme de Gouvernement établie dans la Grece. Jufqu'à ce Prince, les Rois avoient toujours réuni dans leur perfonne le fceptre & le facerdoce. Erechtée en fuccédant à Pandion, fe dépouilla d'une partie de fes droits en faveur de fon frere nommé Butès. Il retint pour lui la Royauté, & donna à Butès le Pontificat de Minerve & de Neptune. C'eft le premier exemple qu'on trouve dans l'Hiftoire Grecque du partage de la puiffance féculiere & eccléfiaftique.

Erechtée régna cinquante ans; il fut tué dans une guerre qu'il avoit entreprise contre les Eleufiniens. Le fuccès cependant en fut avantageux aux Athéniens, auxquels ceux d'Eleufis furent obligés de fe foumettre. Les Athéniens avoient donné le commandement de leur armée à Jon, fils de Xuthus, & arriere petit-fils de Deucalion. Ils furent fi contens des fervices que Jon leur avoit rendus dans cette guerre, qu'ils lui confierent le foin & l'adminiftration de leur Etat. Il y a même des Auteurs qui ont dit qu'à la mort d'Erechtée fon ayeul maternel, il monta fur le trône. Nous ne trouvons cependant point le nom de ce Prince dans aucune des liftes des Rois d'Athenes. Mais il eft certain que Jon jouit d'une très-grande autorité. Il fut le premier qui introduifit dans la Grece l'ufage de féparer en différentes claffes, les différentes profeffions auxquels les citoyens s'adonnent dans un Etat. Il diftribua tout le peuple d'Athenes en quatre claf fes. L'une renfermoït les laboureurs, l'autre les artifans, la troisieme étoit compofée des miniftres de la Religion, les gens de guerre formoient la quatrieme.

Avant de finir ce qui concerne le regne d'Erechtée, je crois devoir faire remarquer que fous ce Prince, l'Attique étoit déja fi peuplée, que ne pouvant fuffire à la fubfiftance de tous fes habitans, les Athéniens furent obligés d'envoyer différentes colonies dans le Péloponefe, & dans l'Ifle d'Eubée.

Depuis Erechtée jufqu'à Théfée, l'hiftoire d'Athenes n'offre rien de remarquable ni d'intéreffant. Le fiecle de Théfée eft celui des anciens Hé ros de la Grece. Ce Prince a été, fans contredit, un des plus fameux & des plus diftingués; mais ce ne font pas fes exploits qui nous doivent occuper préfentement. Nous n'avons à rendre compte que de fon administration & des changemens qu'il fit dans le gouvernement d'Athenes.

On a vu précédemment que Cécrops II avoit fondé douze principales habitations dans l'Attique. Les habitans de ces Bourgades vivoient entiérement féparés les uns des autres chaque canton avoit fa juridiction & fa police particuliere, indépendante même du Souverain. Cet arrangement faifoit que chaque Bourgade formoit, pour ainfi dire, un corps ifolé & féparé dans l'Etat; il n'étoit pas aifé d'en raffembler les habitans, & de les réunir lorfqu'il étoit queftion de délibérer fur la fûreté & l'intérêt de la cause commune. De plus, ils étoient affez ordinairement en guerre les uns contre les autres, fouvent même contre leur Souverain.

Le premier ufage que Théfée fit de fon autorité, fut de remédier à un pareil abus. Ayant fçu joindre à propos la prudence à la fermeté, il caffa tous les Magiftrats & toutes les Affemblées particulieres de chaque canton: il fit même démolir dans tous les bourgs les falles où l'on tenoit les Confeils, & les édifices où l'on rendoit la Juftice. Depuis cette réforme tous les habitans de l'Attique furent foumis à la juridiction du Magiftrat d'Athenes. Toute la force & l'autorité politiques fe trouverent réunies dans cette Capitale. Ainfi quand il étoit queftion de prendre une réfolution générale, les habitans de la campagne étoient obligés de quitter leurs bourgs, & de fe rendre à Athenes. Les affemblées de la nation ne fe tenoient plus que dans cette ville qui devint par ce moyen le centre du gouvernement, auquel participoit, par un droit égal, quiconque portoit le nom d'Athéniens. Car les habitans de la campagne avoient le même droit aux fuffrages que les habitans de la ville; & c'eft dans ce fens qu'on doit dire que tous les Athéniens étoient réellement citoyens d'une même ville.

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Pour augmenter & peupler fa Capitale, Théfée invita tous les gens de la campagne à s'y rendre en leur offrant les mêmes droits & les mêmes privileges que ceux dont jouiffoient les citoyens; mais en même temps pour empêcher que cette foule de peuple ramaffée de toutes parts, ne portât la confufion & le défordre dans fon nouvel établiffement, il crut devoir diftinguer les habitans d'Athenes en trois claffes. On a déja vu qu'anciennement fous le regne d'Erechtée, on avoit partagé en quatre claffes tous les Athéniens: Théfée crut n'en devoir faire que trois les nobles, les laboureurs & les artifans. Le principal but de Théfée, avoit été d'établir une parfaite égalité dans l'Etat. Dans cette vue, il accorda aux nobles le privilege d'offrir les facrifices, de rendre la juftice, & de connoître de tout ce qui concernoit la religion & la police. Par ce moyen Théfée rendit la nobleffe auffi puiffante que les deux autres Etats. Ces der niers l'emportoient par le nombre, le befoin qu'on avoit d'eux, & l'uti lité dont ils étoient: mais les honneurs & les dignités dont la nobleffe étoit en poffeffion, lui donnoient une confidération que n'avoient ni les laboureurs ni les artifans.

Cette diftribution des Citoyens d'un Etat en différentes claffes, relati

vement aux différentes poffeffions, étoit le goût dominant des anciens peuples. Nous avons vu qu'elle avoit lieu en Egypte. Les Colonies qui pafferent de ce pays dans la Grece, apporterent avec elles cette politique. Il n'eft donc pas étonnant qu'elle y ait eu lieu. Je n'infifterai point ici fur les inconvéniens qui devoient naître d'une maxime fi dangereufe; j'en parlerai ailleurs.

Telle fut la nouvelle forme de Gouvernement que Théfée établit dans fon Royaume. 11 rendit Athenes la Capitale, & fi l'on peut dire, la Métropole de fes Etats. Dès-lors ce Prince jetta les fondemens de la grandeur où dans la fuite cette ville eft parvenue. Il peut à jufte titre en être regardé comme te fecond fondateur.

Thélée fut au refte le premier Prince qui favorifa le Gouvernement populaire. Il ufa très-modérément de la puiffance fouveraine, gouvernant fes peuples avec beaucoup de juftice & d'équité. Malgré toutes ces grandes qualités, il ne put cependant éviter les traits de l'envie attachée à fécuter le mérite des grands hommes. Il fut banni de cette même ville qui étoit fon ouvrage. Ce qu'il y eut de plus remarquable, c'est que ce fut par la voie de l'Oftracifime, que lui-même avoit établi.

per

Je ne dirai rien des Rois qui occuperent le trône d'Athenes après Théfée. Nous pafferons à Codrus en qui finit le Gouvernement Monarchique. Une réponse de l'Oracle détermina ce Prince à fe facrifier pour le falut de fon Royaume. Voici, quelle en fut l'occafion..

Le retour des Héraclides dans le Péloponefe, avoit jetté cette Province dans le dernier trouble & la plus grande confufion. Ses habitans chaffés de leurs anciennes demeures, avoient été contraints d'aller chercher un afyle de différent côté. Les Ioniens, entre autres, s'étoient adreffés aux Athéniens. Mélanthus qui régnoit à Athenes, leur avoit donné retraite. Cette nouvelle Colonie rendit l'Attique plus floriffante que jamais. Les Héraclides virent d'un œil jaloux cette augmentation de puiffance. Ils déclarerent la guerre aux Athéniens. Mélanthus alors étoit mort, & Codrus lui avoit fuccédé. C'étoit l'ufage autrefois de n'entreprendre aucune expédition fans s'adreffer auparavant à l'Oracle. On le confulta donc, la réponse fut que les Héraclides feroient vainqueurs s'ils ne tuoient point le Roi des Athéniens. En conféquence ils firent publier une défenfe expreffe de toucher au Roi d'Athenes. Codrus apprend cette nouvelle. L'amour que fon peuple avoit pour lui, le faifoit garder à vue. Pour échapper à la vigilance de fes gardes, il fe déguife en payfan, entre dans le camp des ennemis, cherche querelle à un foldat, & le bleffe. Le foldat fe jette fur lui & le tue. Cette nouvelle fe répand. Codrus eft reconnu. Les Héraclides s'imaginant, d'après la réponse de l'Oracle, que les Athéniens feroient victoFieux, fe retirerent fans rendre le combat.

Après la mort de Codrus, les Athéniens voulurent lui donner un fucceffeur. Mais n'en trouyant point qui approchât de fon mérite, ils aboli

rent la royauté. Par cet événement, le Gouvernement d'Athenes devint Républicain, de Monarchique qu'il étoit auparavant.

République d'Athenes.

QUOIQUE les Athéniens aient été, comme tous les autres Etats de

la Grece, originairement gouvernés par des Rois, jamais peuple n'a eu plus de penchant pour la Démocratie. Le pouvoir de leurs Rois, reftreint prefque au commandement des armées, difparoiffoit pendant la paix. Plutarque obferve que dans le dénombrement qu'Homere fait des forces de la Grece au fiege de Troye, les Athéniens font les feuls auxquels ce Poëte donne le nom de peuple. Cependant ils étoient encore foumis à des Rois. Homere a voulu fans doute, par cette diftinction, faire connoître le penchant que les Athéniens avoient pour la Démocratie, & donner à entendre que la principale autorité réfidoit dans le peuple. Le différend qui, à la mort de Codrus, s'éleva entre fes enfans, fournit aux Athéniens, ennuyés du Gouvernement Monarchique, un prétexte pour l'abolir.

Codrus, ce Prince qui fe facrifia fi généreufement pour fon peuple, avoit laiffé deux enfans, Médon & Nilée. Médon étoit l'ainé, & devoit en cette qualité fuccéder à la Couronne; mais Nilée s'y oppofa, fous prétexte que Médon étant boîteux, une pareille difformité dégradoit la Majefté du trône. Les Athéniens remirent la décifion de ce différend à l'Oracle de Delphes. La Pythie prononça en faveur de Médon, & lui adjugea la Couronne.

Cette décifion qui confirmoit le droit de Médon, auroit dû lever tous les obftacles; mais ou le peuple n'y eut point d'égard, ou, ce qui eft plus vraisemblable, la réponse de l'Oracle renfermoir quelque fens ambigu que les Athéniens interpréterent felon la difpofition où ils étoient d'abolir la royauté. Quoi qu'il en foit, ils prirent de-là occafion de changer la forme de leur Gouvernement, & de fupprimer l'autorité royale. Jupiter fut déclaré feul Monarque d'Athenes. On choifit, pour gouverner l'Etat, des Magiftrats auxquels on donna le nom d'Archontes. Médon n'eut d'autre. avantage que d'être honoré de cette dignité. Les premiers Archontes furent perpétuels. Celui qui étoit revêtu de cette charge, la gardoit pendant toute la vie.

Cette forme de Gouvernement fubfifta pendant 331 ans. Mais l'Archontat perpétuel parut au peuple d'Athenes, amateur exceflif d'une liberté fans bornes, une image trop vive de la royauté. Réfolus d'en abolir jusqu'à l'ombre même, les Athéniens réduifirent l'exercice de l'Archontat à dix années.

Ce retranchement ne les tranquillifa pas encore. La jaloufie & l'inquié-. tude naturelle des Athéniens leur fit trouver trop long & trop dangereux cet espace de dix années. Dans la vue de reffaifir plus fouvent l'autorité qu'il ne confioit qu'à regret à fes Magiftrats, ce peuple ombrageux jugea

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