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avoir reffenti ces mouvemens tendres & délicats, auxquels la Poéfie a été redevable dans la fuite d'une grande partie de fes beautés.

Si, laiffant les conjectures, on veut confulter l'Hiftoire fur l'origine de la Poésie, on n'y trouve aucun fait propre à l'éclaircir. On y voit feulement que dès les temps les plus reculés la Poéfie a été employée chez tous les Peuples à conferver le fouvenir des événemens mémorables. Il faudroit donc d'après ce fait, qui eft inconteftable, affigner aux premieres productions poétiques une origine bien différente de toutes celles qu'on a imaginées jufqu'à préfent. Alors ne pourroit-on pas foupçonner que cette efpece de langage doit fa naiffance à l'amour-propre qui, dans tous les pays & dans tous les fiecles, s'eft étudié à faire valoir & à exalter les faits qui pouvoient flatter fa vanité. Il emploie volontiers à cet effet l'exagération & les figures hyperboliques, les termes & les tours les plus ampoulés. Il s'efforce, fi l'on peut dire, d'agrandir les objets par l'emphase des expreffions, par la hardieffe des images & par l'abus des métaphores. Tous les Peuples ont été atteints de cette manie. Il n'y en a point qui n'ait cherché à relever les événemens qui l'intéreffoient. Les chansons des Sauvages, qu'on peut bien regarder comme des efpeces de Poéfies, ne contiennent que les louanges & les exploits de leur Nation, qu'ils exagerent toujours autant qu'il leur eft poffible. Les habitans des Iles Marianes qu'on doit mettre au rang des Peuples les plus bornés & les plus ignorans, fe croyoient, avant la venue des Européens, la feule & unique Nation de l'univers. Les fictions de leurs Poéfies les confirmoient dans cette prétention ridicule. Ils étoient charmés de ces fables abfurdes qui flattoient leur orgueil, paffion dominante de ces Barbares. Il fera donc arrivé dès les premiers temps, qu'au lieu de raconter les faits fimplement, & tels qu'ils s'étoient paffés, quelques génies inventifs fe feront appliqués à chercher des termes & des tours particuliers pour compofer leurs narrations. Cette maniere de s'exprimer, & ce ftyle au-deffus du langage ordinaire aura plû, parce qu'il flattoit l'amour-propre des peuples & leur vanité. La coutume l'aura confacré. C'eft ainfi qu'infenfiblement la Poéfie aura pû se former. L'usage enfuite s'en fera étendu à tous les objets dont les hommes fe fentoient affectés vivement.

Peut-être auffi que fans avoir recours à l'amour-propre, on pourroit attribuer la naiffance de la Poéfie, à l'effort qu'on aura fait pour représen-, ter d'une façon énergique, des événemens qui avoient laiffé de fortes traces dans l'ame des Spectateurs, & fait des impreffions très-vives fur leur imagination. On pourroit même en chercher la fource dans ces contentemens indicibles qu'on reffent à la vue des périls éminens auxquels on a eu le bonheur d'échapper. On veut alors faire éclater fa joie, & il n'y a point de termes trop forts ni trop expreffifs, pour énoncer & peindre les transports dont on eft animé dans ces inftans.

La reconnoiffance peut encore avoir beaucoup contribué à former & à

nourrir le langage extraordinaire de la Poéfie. On manque fouvent d'expreffion pour rendre graces d'un bienfait fignalé. L'ame fe tourmente & s'épuife à trouver des phrafes capables de marquer dignement la force & la vivacité des fentimens dont elle eft pénétrée envers fon bienfaiteur. Le plus ancien monument de Poéfie qui nous foit refté de l'Antiquité, le Cantique compofé par Moïfe après le paffage de la Mer-Rouge, renferme tous ces caracteres. Il paroît avoir été également destiné à conferver le fouvenir d'un événement fi flatteur pour la Nation Juive, & à remercier Dieu de la protection fignalée qu'il venoit d'accorder à fon peuple en cette occafion. Il réfulte de toutes ces réflexions, qu'on ne peut rien dire de précis ni d'affuré fur la véritable origine de la Poéfie : inutilement voudroiton lui en affigner une qui ait été commune & générale à tous les peuples: trop de raisons s'y oppofent.

A l'égard de la Mufique, on peut dire que le chant eft naturel à l'homme. Tous les peuples, même les plus groffiers & les plus fauvages, chantent. La difficulté a été de réduire à une méthode réglée & fuivie les différentes modifications de la voix. Il eft, dit-on, à préfumer que la variété & l'agrément du chant des oifeaux, aura fervi de modele aux premiers inventeurs de la mélodie, d'autant mieux que par inftinct nous fommes portés à l'imitation. On aura donc effayé de former avec la voix diverfes inflexions, qui euffent entre elles une forte de connexion & de rapport suivi. Il fut facile enfuite d'arranger des paroles fous ces différens fons. Mais ces premieres productions ne repréfentoient que bien foiblement cette prodigieufe variété qu'on diftingue dans le ramage des oifeaux. Pour en rapprocher de plus près, il a fallu imaginer les moyens de fuppléer à ce qui nous manque du côté de l'organe. On emprunta pour cet effet le fecours de certains corps naturellement fonores & harmonieux. On étudia l'art de les faire raifonner convenablement, & d'en tirer des modulations agréables & variées. C'eft ainfi que par différentes tentatives, les premiers hommes fe feront procuré les inftrumens à vent & à corde.

Quoi qu'il en foit de toutes ces conjectures dont je fuis peu fatisfait, il eft certain que l'invention du Chant & de la Mufique inftrumentale, remonte aux fiècles les plus reculés. On vient de voir que du tems de Laban, l'ufage étoit déja établi, de reconduire les étrangers avec des chants d'allégreffe & au fon des inftrumens; mais ce qu'on doit particuliérement remarquer, c'eft que les chanfons font de tous les pays & de tous les fiecles. Les Nations les plus barbares & les plus groffieres ont, comme je l'ai déja dit, quelque idée du Chant. On fait qu'il y a eu, chez tous les peuples connus, des efpeces de Poëmes qu'on chantoit, lefquels ont servi originairement à conferver la tradition hiftorique de tous les événemens. Ces chanfons que les peres avoient foin d'apprendre à leurs enfans, tenoient alors lieu de Livres & d'Annales.

Je crois pouvoir appliquer a la Danfe, ce que j'ai dit de la Poéfie &

de la Mufique. L'ancienneté & l'univerfalité de ces divertiffemens, font également attestées par tous les Ecrivains. Il n'y a point de peuple qui n'ait eu fes danfes particulieres. On en retrouve l'ufage jufques chez les peuples les plus barbares, & chez les Nations les moins civilifées. Ajoutons qu'anciennement la danfe faifoit partie des cérémonies confacrées au culte de la Divinité. Je ne m'étendrai point au furplus fur l'origine, ni fur l'époque d'un divertiffement fi naturel à l'homme. Le corps fe reffent toujours des impreffions de l'ame. Il témoigne la part qu'il y prend par fes mouvemens, fes geftes & fes attitudes. Il n'a donc été queftion que de régler les différens mouvemens du corps, en les affujettiffant à une certaine cadence marquée & mefurée. C'est un Art qu'on aura promptement & facilement inventé.

La Poesie, la Mufique & la Danfe, ont fait pendant bien des fiecles les principaux, pour ne pas dire les feuls amusemens des anciens peuples. On y peut joindre les feftins, dont l'ufage a été commun à tous les fiecles & à toutes les Nations. Dès les premiers temps, il y avoit des occafions marquées pour des repas d'apparat & de réjouiffance. L'Ecriture dit qu'Abraham fit un grand feftin le jour qu'il fevra Ifaac. Laban invita un grand nombre de fes amis au repas préparé pour les noces de fa fille avec Jacob.

Je ne fais fi l'on doit mettre la chaffe au nombre des amusemens que les premiers hommes pouvoient prendre. Nous ne regardons aujourd'hui cet exercice, que comme un plaifir & un délaffement. Il n'en étoit pas de même dans les fiecles reculés. La chaffe alors, étoit plutôt une occupation férieuse qu'un divertiffement. La terre dévaftée par le déluge, refta long-temps déferte & inhabitée dans fa plus grande partie. Les bêtes farouches fe multiplierent, & mirent bientôt en danger la vie, non-feulement des beftiaux, mais auffi celle des hommes. Les premieres peuplades ne tarderent pas à fe trouver dans la néceffité de leur faire une guerre continuelle & attentive. C'eft par cette raifon, que les premiers Fondateurs d'Empires font repréfentés comme de grands chaffeurs. Ce talent étoit alors auffi eftimable, qu'il peut paroître aujourd'hui indifférent. On alloit donc à la chaffe, moins par goût, que par néceffité, & je crois pouvoir douter qu'on s'en fit un fimple amusement.

Malgré la grande fimplicité des mœurs, qu'on fuppofe communément avoir régné dans ces premiers âges, on a déja pû remarquer, que dès le temps d'Abraham le luxe n'étoit pas inconnu à plufieurs peuples de l'Afie. Ils avoient différens bijoux & des vafes d'or & d'argent. Il eft quef tion du temps d'Ifaac, non-feulement d'habits précieux, mais même de vêtemens parfumés tels étoient ceux d'Efau, que Rebecca fit prendre à Jacob. L'ufage des fenteurs & des parfums, s'eft donc introduit chez les peuples de l'Orient, dès la plus haute antiquité; & on peut juger d'après ces faits, qu'ils connoiffoient d'autres recherches & d'autres voluptés

:

dont

dont Moïfe, fans doute; n'a pas eu occafion de nous inftruire. Ainfi les mœurs de ces Nations n'étoient pas alors auffi fimples qu'on voudroit fou-vent nous le perfuader.

Difons encore que la chafteté ne paroît pas avoir été leur vertu favorite. Sans parler des abominations qui attirerent le courroux du Ciel für les habitans de Sodome & de Gomorrhe, dès-lors il y avoit des femmes publiques qui s'abandonnoient à tout le monde indifféremment, moyennant une certaine rétribution. L'aventure de Juda avec Thamar fa bellefille, en fournit des preuves plus que fuffifantes. Nous voyons en effet que Thamar, pour mieux en impofer à Juda, fut fe porter dans le carrefour d'un grand chemin par lequel ce Patriarche devoit paffer. Cette place, dit Moïfe, & l'attitude dans laquelle elle fe tenoit, perfuaderent à Juda que c'étoit une femme publique, & leur marché fut conclu en conféquence moyennant un chevreau qu'il lui promit, & les gages qu'il donna pour affurance de fa parole. La réponse que firent les habitans de ce lieu au berger que Juda envoya enfuite porter à cette femme le prix de fes faveurs, prouve bien que ces fortes d'aventures devoient être alors fort communes & fort fréquentes: » Nous n'avons point vû, lui dirent-ils, » de femme débauchée affife dans ce carrefour. « Il falloit donc qu'il y en eût dès-lors un affez grand nombre, & qu'on les reconnût pour telles à certains caracteres reçus & ufités. Nous apprennons d'ailleurs, par le Sanchoniaton, que la corruption des mœurs étoit portée aux plus grands excès dans les premiers fiecles.

Nous ne nous étendrons pas davantage ici fur les mœurs des premiers habitans de l'Afie. Nous aurons occafion d'entrer dans des détails particuliers, en parlant des différentes Nations particulieres qui peuplerent les diverfes Contrées de cette grande & belle partie de notre Globe. C'eft alors auffi que nous parlerons des anciennes Monarchies Afiatiques, de leurs Loix & de leur forme de Gouvernement. Voyez ASSYRIE, BABYLONE, &c.

ASSASSIN, f. m.

ON nomme Affaffin tout homme qui en tue un autre de dessein

prémédité.

Cet horrible égarement de la raifon, cet excès d'inhumanité qui porte un homme à détruire impitoyablement, & de fang froid fon femblable, fous quelque forme que l'on fe le repréfente, eft un crime au premier chef, contre le droit naturel univerfel. L'action en eft fi atroce, que tout homme qui en eft coupable, mérite d'être regardé comme une bête fé roce. Je ne ferai point ici de diftinction fur les manieres dont fe fait un Tome V I.

Tt

affaffinat; je n'entrerai point dans les détails politiques qui juftifient l'action de cent mille hommes, plus ou moins, qui en vont égorger un pareil nombre de fang froid, & même quelquefois en mufique; je me contenterai d'exposer le tableau effrayant de l'homme barbare, plongeant un poignard dans le fein de l'homme expirant, & je demanderai à l'homme fpectateur, où eft en ce moment l'homme? où eft fa raison fi néceffaire? où eft la fûreté fi importante pour tous? où eft enfin cet instinct chéri, cette vertu de la nature qui nous faifant chérir notre conservation à nousmêmes, nous apprend en même temps que cette même confervation dépend de celle d'autrui, & que l'exemple affreux de la barbarie que nous ofons commettre, fervira un jour à faire retomber fur nous le contre-coup de notre cruauté? O homme, fous quelque climat que tu fois né, ouvre les yeux, vois ton femblable & crains de le détruire!

Je donnerai pour exemple d'un Affaffinat bien perfide & bien caractérifé, celui que commit l'Empereur Valentinien III, en la perfonne d'Ætius, Gouverneur des Gaules. Ce brave Général, après avoir vaincu Théodoric, défait les Francs, & remporté trois grandes victoires fur Gondicaire, Roi des Bourguignons, & une autre fur Attila, Roi des Huns, dont l'armée de près de fept cens mille hommes, fut totalement mise en déroute, vint à Rome apporter fes lauriers aux pieds de Valentinien. Ce Prince perfide, jaloux des éloges que le peuple donnoit à Etius, le tua de fa main & condamna à différens fupplices tous fes amis. L'Affaffinat de ce grand homme, dit un auteur, fut regardé comme une calamité publique. Un courtifan à qui l'Empereur demandoit fon fentiment fur ce meurtre, eut le courage de lui répondre Vous vous étes coupé la main droite avec le glaive que vous teniez de la gauche. Voilà comme un homme aveuglé par l'orgueil oublia tous fes devoirs d'homme, de prince & de citoyen pour faire regretter à l'humanité de l'avoir vu naître.

L'état de la politique chez les anciens, étoit tel qu'il y avoit un certain droit des gens, une opinion établie dans toutes les républiques de la Grece & de l'Italie, qui faifoit regarder comme un homme vertueux, Faffatfin de celui qui avoit ufurpé la fouveraine Puiffance. A Rome, furtout depuis l'expulfion des Rois, la Loi étoit précife, & les exemples reçus; la Republique armoit le bras de chaque Citoyen, le faifoit Magiftrat pour ce moment. Confiderat. fur les cauf. de la grand. des Rom. C. xj p. 121.

On demande s'il eft permis de faire affaffiner un ennemi. Grotius diftingue entre les Affaffins ceux qui violent par là, leurs engagemens exprès ou tacites, comme font les fujets à l'égard de leur prince; les foldats étrangers, à l'égard de celui au fervice duquel ils fe font enrôlés; les vaffaux à l'égard de leur Seigneur; les réfugiés ou les transfuges à l'égard de celui qui les a reçus, & les Affaffins qui n'ont aucun engagement avec celui qu'ils vont tuer. Rien n'empêche, dit-il, qu'on n'emploie ces derniers : mais

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