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mal aérées, ou exceffivement élevées; par des hôpitaux conftruits au centre des villes où ils entretiennent la contagion; par des rues qui, mal allignées ou fans iffue, s'oppofent à la libre circulation de l'air. Elle devient une vexation tyrannique, lorfque, fervant baffement le luxe & le fafte des Grands, elle s'empare, ou par violence ou par fubtilité, de la demeure des particuliers, la détruit & éleve fur ses ruines un fuperbe logement pour leurs chevaux, leur meute, ou leurs autres animaux de toute efpece. N'eft-elle pas une calamité, lorfque des Princes, vainement magnifiques, furchargent leurs fujets d'impôts, pour conftruire à grands frais des bâtimens fomptueux, monumens orgueilleux de leur vanité & de leur infenfibilité pour la mifere publique? Ne craignent-ils point que ces édifices cimentés par la fueur & le fang du peuple, ne leur reprochent à eux & à leur poftérité, qu'ils ont changé en un monceau de pierres le pain des malheureux? Les dépenfes que l'on fait pour les bâtimens publics, furtout, lorfque l'on donne plus à la grandeur, à la magnificence qu'à l'utilité, ne font tolérables que quand elles font prifes fur le fuperflu réel d'une Nation. Eh! la Nation a-t-elle un fuperflu réel, quand un grand nombre de fes membres, gens honnêtes, utiles, laborieux, ont à peine de quoi ne pas mourir de faim, & manquent de moyens pour élever leur famille? L'Architecture enfin fe manque à elle-même, lorfqu'elle facrifie la folidité, & la noble fimplicité aux colifichets ordonnés par le luxe de mauvais goût. Voyez l'article ART, Beaux-Arts.

ARCHITECTURE

MILITAIRE,

On l'Art de fortifier les Places.

LORSQUE l'Europe entiere (& fur-tout l'Italie) étoit dans une fer

mentation générale; que l'efprit de fédition & de révolte régnoit partout, que l'on ne voyoit que des factions & des tyrans, les révolutions fréquentes & continuelles obligerent les Princes de bâtir des citadelles ou fortereffes fur les hauteurs des villes pour contenir, par ce moyen, l'efprit inquiet des habitans.

Je loue cette méthode, dit Machiavel, parce qu'elle a été en ufage chez les Anciens; mais nous avons vu auffi de notre temps Nicolas Vitelli démolir deux fortereffes de Citta-di-Caftello, pour conferver cette Place. Guibaud, Duc d'Urbin, ayant recouvré fon Duché, d'où Céfar Borgia l'avoit chaffé, rafa toutes les fortereffes de cette Province, perfuadé qu'il feroit plus difficile de la reprendre, quand il n'y auroit plus de citadelles. Les Bentivoglio firent la même chofe à Bologne, après y être retournés.

Les fortereffes font donc utiles, ou non, felon les temps, & fi d'un côté elles fervent, elles nuifent d'un autre; par exemple, le Prince qui a plus

de peur de fes peuples, que des étrangers, doit faire des fortereffes; mais celui qui craint plus les étrangers, que fes fujets, s'en doit paffer. Le château que François Sforce a bâti à Milan, a déja fait & fera plus de mal à la Maison Sforce, que tout autre défordre de cet Etat.

Il n'y a donc point, pourfuit le Secrétaire de Florence, de meilleure fortereffe, que de n'être point haï du peuple; car, fi tu es haï, quelque fortereffe que tu aies, tu n'es point en fûreté, attendu que le peuple ne prendra pas plutôt les armes, qu'il fera fecouru des étrangers.

On ne voit point que les fortereffes aient fervi à d'autres Princes de notre temps, qu'à la Comteffe de Forli, à qui la fienne, après le meurtre du Comte Jérôme, fon mari, donna le moyen d'attendre le fecours de Milan, & de recouvrer fon Etat, & ce dans une conjoncture d'affaires, où les étrangers ne pouvoient pas fecourir le peuple. Mais depuis, quand elle fut attaquée par Céfar Borgia, & que fes fujets fe joignirent avec l'étranger, elle éprouva qu'elle eût mieux fait de fe faire aimer du peuple que d'avoir des fortereffes. Je loue donc, & ceux qui en font, & ceux qui n'en font point; mais je blâmerai toujours ceux qui, s'y fiant trop, se foucieront peu d'être haïs de leurs fujets.

Ainfi raifonnoit Machiavel. Le Duc d'Urbin démolit les fortereffes de fon Duché, parce qu'étant aimé de fes fujets, il craignoit de s'en faire haïr, en leur montrant une défiance qu'il n'avoit pas ; & que d'ailleurs il ne pouvoit pas défendre ces fortereffes contre les ennemis, à moins que d'avoir une armée en campagne.

Les Bentivoglio devinrent fages aux dépens du Pape Jules II, qui, ayant fait une citadelle à Bologne, & mis un Gouverneur qui faifoit affaffiner les Bourgeois, perdit, & la fortereffe, & la ville, auffi-tôt qu'ils fe furent foulevés.

Depuis que les féditions & les révoltes ont ceffé, depuis que cet esprit d'inquiétude qui ravagea l'Italie & d'autres contrées de l'Europe, après avoir affez travaillé, s'eft mis dans une affiette tranquille, on n'a plus befoin de citadelles pour répondre de la fidélité des Villes & du Pays. Il n'en eft pas de même des fortifications pour fe garantir des ennemis, & pour affurer davantage le repos de l'Etat.

Les armées & les fortereffes font d'une utilité égale pour les Princes; car, s'ils peuvent oppofer leur armée à leurs ennemis, ils peuvent fauver cette armée fous le canon de leurs fortereffes en cas de bataille perdue, & le fiege que l'ennemi entreprend de cette fortereffe, leur donne le temps de fe refaire & de ramaffer de nouvelles forces, qu'ils peuvent encore, s'ils les amaffent à temps, employer pour faire lever le fiege à l'ennemi.

Les guerres de Flandre entre l'Empereur & la France n'avançoient prefque point, à caufe de la multitude des Places fortes; des batailles de cent mille hommes, remportées fur cent mille hommes, n'étoient fuivies que par la prise d'une où de deux Villes. La campagne d'après, l'adversaire,

ayant eu le temps de réparer fes pertes, reparoiffoit de nouveau, & l'on remettoit en difpute ce que l'on avoit décidé l'année auparavant. Dans les pays, où il y a beaucoup de places fortes, des armées qui couvrent deux milles de terrein feront la guerre trente années, & gagneront, fi elles font heureuses, pour prix de vingt batailles, dix milles de terrein. Dans des pays ouverts le fort d'un combat, ou de deux campagnes, décide de la fortune du vainqueur, & lui foumet des Royaumes entiers.

Alexandre, Céfar, Gengis-Kam, Charles XII, devoient leur gloire à ce qu'ils trouverent peu de Places fortifiées dans les Pays qu'ils conquirent; le vainqueur de l'Inde ne fit que deux fieges en fes glorieufes campagnes; l'arbitre de la Pologne n'en fit jamais davantage. Eugene, Vilars, Marlborough, Luxembourg, étoient de grands Capitaines; mais les fortereffes émoufferent en quelque façon le brillant de leurs fuccès. Les François connoiffent bien l'utilité des fortereffes, car depuis le Brabant jufqu'au Dauphiné, c'eft comme une double chaîne de Places fortifiées; la frontiere de la France du côté de l'Allemagne eft comme une gueule de lion ouverte, qui préfente deux rangées de dents menaçantes, qui a l'air de vouloir tout engloutir. Cela fuffit pour faire voir le grand ufage de l'Architecture militaire.

ARCHITECTURE

C'EST U

NAVA L E

ou l'Art de conftruire des Vaiffeaux.

'EST un problême qu'on n'a pas encore réfolu, fi l'art de conftruire les vaiffeaux a été connu avant le déluge. Il eft cependant certain que les premiers bâtimens de mer n'étoient que des radeaux, c'est-à-dire, des poutres jointes enfemble & couvertes de planches, que des animaux traînoient le long du rivage, & qu'on faifoit voguer avec de longues perches, connues aujourd'hui des marins fous le nom de gaffes; que ces radeaux changerent infenfiblement de forme, & qu'on vint enfin à bout de faire de petites barques. Les premieres furent de joncs: on fe fervit enfuite de roseaux. On en a vu même d'un feul rofeau, parce que dans ce temps-là il y avoit des pieces de rofeaux, appellés cannes, d'une groffeur fi extraordinaire, qu'en les coupant d'un nœud à l'autre, & en les divifant en deux, on avoit de petites barques toutes faites. Je crois plutôt que ces prétendus rofeaux n'étoient que des troncs d'arbres. Les Grecs appellerent les barques monoxyles. Après tous ces effais, on fe hafarda à faire un navire les habitans de l'Inde & ceux de l'Ethyopie fe fervirent de planches qu'ils affemblerent avec des liens, & fabriquerent une espece de navire qui avoit la forme d'un monoxyle. Cette forme n'étoit pas fort propre pour le fillage. C'eft auffi ce qu'on reconnut; & comme on manquoit de principes, on s'avifa de prendre pour modele les oifeaux & les poif

fons, parce que les premiers fendent l'air, & que les poiffons fe meuvent dans l'eau. Ces derniers eurent bientôt la préférence, comme cela devoit être. En les copiant on forma une poupe & une proue. La proue repréfentoit la tête du poiffon, & la poupe en étoit la queue; de forte que le premier navire étoit prefque un poiffon de bois. Pour le faire filler, on se fervit des mêmes moyens que le poiffon emploie pour fendre les eaux. Comme fa queue eft mouvante & qu'elle fert à le faire tourner, on ajouta à la poupe du navire une piece de bois mobile, pour imiter ce mouvement. On mit encore d'autres pieces de bois aux côtés, auffi mobiles, afin de le faire filler, parce qu'on favoit que les nageoires fervoient au poiffon à fendre l'eau. On eut ainfi un gouvernail & des rames.

Cette invention parut fi heureuse, qu'on ne s'attacha pendant long-temps qu'à la décorer. On mit tantôt à la proue, tantôt à la poupe la figure d'un animal, & quelquefois d'une Divinité, avec des ornemens particuliers. On changea ainfi infenfiblement la figure du premier navire, & cette figure. disparut entiérement, lorfqu'on fongea à mettre les bâtimens de mer fous la protection des Dieux. On chargea la poupe de la figure du Dieu tutélaire. C'étoit une efpece de dédicace qu'on faifoit ainfi.

Lucien a fait la defcription d'un de ces navires, qui pourra donner une idée des autres. Il avoit, dit-il, cent vingt coudées de long, vingt-neuf de hauteur, & trente de largeur. La poupe s'élevoit en rond & portoit au fommet un oifeau d'or. Il avoit à la proue une avance chargée de la figure d'Ifis. C'étoit la Déeffe tutélaire.

Dans la naiffance de l'Architecture Navale, on n'avoit point de plus grands navires; mais à mefure que la navigation prit faveur, on en conftruifit de plus confidérables. D'abord Ptolomée Philadelphe, Roi d'Egypte, s'étoit attaché à faire conftruire un grand nombre de navires. Il en avoit dans fes Ports plus de trois mille, divifés en bâtimens de charge & en navires de guerre appellés Liburnes. Ce ne fut pas là l'ambition de fon petit-fils, furnommé Philopator. Il crut fe diftinguer en en faifant conftruire un qui étoit plutôt une maifon flottante qu'un bâtiment de mer. Elle avoit deux cens quatre-vingt coudées de longueur, trente-huit de largeur & quarante de hauteur; ce qui forme quatre cens vingt pieds de long fur cinquante-fept de large. La poupe avoit cinquante-trois coudées d'élévation. Toute la hauteur étoit divifée en douze étages ou ponts. Elle avoit quarante rangs de rames de trente-huit coudées, deux gouvernails, & elle étoit décorée avec des tyrfes, de feuilles de lierre, de figures d'animaux de douze coudées de haut. Son équipage étoit, compofé de trois mille rameurs, autant de foldats & de quatre cens matelots.

Quelque prodigieux que cela foit, ce n'étoit encore qu'un effai. Un plus grand projet occupa bientôt Philopator; ce fut de faire un palais fur l'eau; car on ne peut pas appeller vaiffeau, le bâtiment que je vais décrire.

"

Il avoit fix cens pieds de long, & quatre-vingt-cinq de large, & fa poupe étoit double, Une magnifique maifon occupoit le milieu de cet efpace. Elle étoit conftruite avec du bois de cyprès & de cedre. Ses appartemens fe communiquoient par vingt portes d'un bois rare, enrichies d'ornemens en ivoire. Les falles à manger étoient richement meublées, de même que les chambres. L'art le plus recherché & le bois le plus précieux formoient leurs lambris. Des colonnes d'ordre Corinthien dont les architraves étoient d'ivoire, décoroient l'extérieur de cette maifon. Elle étoit en quelque forte adoffée à un Temple fuperbe dédié à Vénus; au milieu duquel on voyoit la ftatue en marbre de cette Déeffe. Et autour de ces deux édifices régnoit une double promenade de dix arpens de longueur. Ce vaiffeau fut nommé Talamega, ou Navis Talamifera, parce qu'il contenoit beaucoup de chambres & de lits,

Athénée, qui a décrit ainfi ce bâtiment, dit qu'il filloit par le moyen d'un mát de foixante-dix coudées; que les cordages qui le foutenoient étoient de pourpre, & que la voile étoit de fin lin. Cela fuppofe qu'on avoit inventé le mât & la voile. On ne fait point l'origine de cette invention. On a bien écrit qu'on doit la voile à Dédale, à Eole, ou à leare; mais rien n'eft plus fabuleux. On a dit quelque chofe de plus vraisembla ble. Il reftoit à en marquer Pépoque, & c'est ce qu'on n'a pu affigner. Abandonnons ce point d'hiftoire, & fuivons le fil des progrès de la conftruction des vaiffeaux.

A l'exemple de Philopator, le Roi Hieron voulut avoir un grand- navire; il en demanda le plan à Archimede, & en confia l'exécution à Architas, Corinthien; mais ce dernier ne permit pas qu'Archimede employât fes lumieres aux progrès de l'Architecture Navale; auffi la conftruction des vaiffeaux fut long-temps abandonnée à la routine. On établit dans ce même temps, par principe, que les proues aigues & les poupes étroites contribuoient beaucoup à un bon fillage; que les façons des navires deftinés à ranger les côtes, ou à paffer fur les vafes, devoient être plates; qu'il falloit qu'elles fuffent aigues lorfqu'ils étoient deftinés à tenir la mer, & que le mât, qui porte la voile, devoit être aufli long que fe vaiffeau.

Ces regles étoient affez bonnes, & Pexpérience avoit bien fervi les anciens. Il n'y a que la longueur du mât qui paroiffe avoir été déterminée au hafard, car les raifonnemens des Philofophes de ce temps-là fur la force du mât, n'étoient pas feulement faux, mais ils ne conduifoient point encore à cette conféquence, que la longueur du mât devoit être égale à celle du vaiffeau. Ariftote & fes Difciples vouloient que le point d'appui du mât fût à fon pied. C'étoit une erreur, comme le fit voir long-temps. après Baldus, qui lui fubftitua une explication défectueufe. Il prétendit que le mât eft un levier angulaire, dont la force augmente proportionnellement à l'excès de la longueur du mât fur la demi-longueur du vaiffeau. Baldus vivoit dans le dernier fiecle. Dans ce temps un marin, nommé Pierre

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