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affez magnifiques au dehors & au dedans pour attirer l'attention, fi d'ailleurs il y regne en même-temps quelque défaut fenfible de jugement; fi l'on y apperçoit, par exemple, des parties ridicules, baroques, ou extravagantes.

Il devroit être défendu à tout Artifte d'exercer fon Art avant d'avoir donné, outre les preuves de fon habileté, des preuves toutes particulieres de fon jugement & de la droiture de fes intentions.

Le Législateur doit être convaincu qu'il eft très-important, non-feulement que les édifices & les monumens publics, mais auffi que tout objet vifible travaillé par les Arts même mécaniques, porte l'empreinte du bon goût, de la même maniere que l'on doit veiller à ce que, non-feulement l'argent monnoyé, mais encore la vaiffelle ait la marque de fon vrai titre. Un Magiftrat fage ne fe contente pas de profiter de l'influence des Beaux-Arts pour rendre plus énergiques & plus avantageufes aux Citoyens les réjouiffances, les Fêtes publiques, & les Cérémonies folemnelles; il a foin même que chaque fête domeftique, chaque ufage privé conduise au 'même but, & par la même voie.

Mais ce qui mérite une attention plus diftinguée de la part de ceux aux foins de qui le bonheur des Citoyens eft confié, c'est la langue, cet inftrument le plus important & le plus univerfel dans nos principales opérations. Rien ne préjudicie plus à toute une Nation qu'un langage barbare, dur, incapable de bien rendre la délicateffe des fentimens & la fineffe des penfées. La raifon & le goût fe forment & s'étendent dans la même proportion dans laquelle la langue fe perfectionne, puifqu'au fond le langage n'eft autre chofe que la raifon & le goût transformés en fignes matériels. Cela étant ainfi, comment pourroit-on abandonner au hafard une chofe de cette importance? Comment pourroit-on, ce qui feroit pire encore, l'abandonner aux caprices de chaque particulier, & même à ceux des cervelles les plus extravagantes? (a)

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S'il eft vrai que l'établiffement de la célébre Académie des quarante à Paris, n'ait eu pour objet que d'étendre la renommée de la France en perfectionnant la langue de cette Nation; on peut dire que le Fondateus

(a) La négligence des Souverains d'Allemagne fur ce chapitre eft incroyable. Le moyen Te plus efficace pour élever l'homme au-deflus des animaux, fe trouve précisément être celui dont on fait le moins de cas. L'homme le plus inepte peut, à fa volonté & felon fes caprices, parler à toute une Nation un langage abfurde & barbare dans des Gazettes, des Almanachs, des Feuilles périodiques, des Livres & des Sermons; c'est-à-dire, qu'il peut tourner en poifon, ce qui doit faire la nourriture journaliere & commune de tous. Enfin, on a fi peu fenti l'importance de tout ceci, & l'on eft à cet égard, dans une indifférence fi parfaite, que, même dans les Edits & les Ordonnances ou la Majefté des Rois fe fait entendre à des Peuples entiers, à tous ceux dont ils font les Peres & les Con ducteurs, on ne trouve le plus fouvent qu'un jargon rempli d'incongruités, & dans lequel on chercheroit vainement le plus petit veftige de goût & de réflexion.

de cette Académie n'a yu que le côté le moins intéreffant de cette inftitution. Il y avoit plus à en recueillir que de la renommée; & l'on devoit s'y propofer pour but, non d'obtenir un éclat paffager, mais d'étendre & de fortifier la raifon & le goût parmi tous les ordres des Citoyens.

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Prefque tous les Arts réuniffent leurs effets dans les fpectacles, qui feuls fourniffent le plus excellent de tous les moyens que l'on peut imaginer pour donner de l'élévation aux fentimens ; & qui néanmoins, parun abus déplorable, contribuent fouvent le plus à la corruption du bon goût & des bonnes mœurs. Ne devroit-il donc pas y avoir des loix pénales contre ceux qui alterent les Arts, comme on en a promulgué contre ceux qui alterent les monnoies? Et comment les Beaux-Arts pourront-ils parvenir à leur véritable deftination, s'il eft permis à toute tête folle de les prostituer.?

Puifque les Beaux-Arts doivent, felon leur effence & leur nature, fervir de moyens pour accroître & affurer le bonheur des hommes; il faut néceffairement que leur influence, & par conféquent qu'eux-mêmes péné→ trent jufqu'à l'humble cabane du moindre des Citoyens il faut que le foin d'en diriger l'ufage & d'en déterminer l'emploi, entre dans le fyftême politique,& foit un des objets effentiels de l'adminiftration de l'Etat : il faut donc auffi que l'on confacre, que l'on affigne à cet objet une partie des tréfors que l'induftrie & l'épargne d'un peuple laborieux fournit chaque année au Souverain pour fubvenir aux dépenfes publiques.

Ce que nous venons de dire ne paroîtra fans doute pas fort évident à plus d'un prétendu politique, & même bien des Philofophes ne regardefont les projets dont nous donnons ici la premiere idée, que comme autant de chimeres. Ces projets ne feront en effet autre chofe, nous en conviendrons les premiers, tant que l'on regardera comme facrés, juftes, & invariables, les principes fur lefquels pofe l'efprit de la plupart de nos inftitutions politiques. Par-tout où l'on confidérera comme l'affaire capitale de l'Etat, les richeffes pécuniaires au dedans & ce qu'on appelle la puiffance au dehors, ainfi que tout ce qui contribue à augmenter ces deux chofes, nous fommes d'avis qu'on banniffe les Beaux-Arts; & nous joignons notre voix à celle du Poëte Romain, pour crier aux Adminiftrateurs publics. . . . .

O cives! cives! quærenda pecunia primum eft;
Virtus poft nummos.

Il ne fera pas inutile d'expofer ici en peu de mots le fort qu'ont eu les Beaux-Arts, & de tracer l'efquiffe de l'état où ils font, afin de la comparer au tableau idéal que nous venons d'en faire.

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Du fort des Beaux-Arts & de leur état actuel.

L'ON fe tromperoit fi l'on s'imaginoit que l'origine des Beaux-Arts eft femblable à celle de diverfes inventions méchaniques, qui ont été trou̟vées, ou par un heureux hafard, ou par les recherches méthodiques de quelques hommes de génie, & qui enfuite ont paffé du lieu de leur naiffance dans d'autres Contrées. Non, les Beaux-Arts font des plantes indigenes, qui ne demandent qu'une culture aifée pour germer par-tout où la raifon s'eft un peu développée. Mais, femblables en cela aux productions de la terre, ils prennent des formes différentes felon le climat qui les fait éclore, & felon les foins que l'on donne à leur culture. Dans des Contrées fauvages, ils reftent toujours fans apparence & n'acquierent que peu de qualité.

En voyant qu'aujourd'hui la musique, la danfe, l'éloquence, & la poéfie font connues chez tous les peuples qui ont eu affez d'intelligence pour fortir de leur premiere barbarie, on doit conclure qu'il en a été de même dans tous les fiecles antérieurs, depuis l'inftant où les hommes parvinrent à faire ufage de la réflexion. Pour confidérer les Beaux-Arts dans leur berceau & fous leur forme la plus groffiere, il n'eft donc pas néceffaire de remonter jufqu'à l'obfcure antiquité. Les Arts ont été chez les Egyptiens & chez les Grecs les plus anciens, ce qu'ils font à présent chez les Hurons; & quiconque a obfervé le caractere de l'homme, connoît affez la pente que nous avons tous à polir & à orner les objets qui agiffent fur nos fens. On conçoit fans peine comment le génie de l'homme a pu être amené par des conjonctures naturelles & fortuites à produire fes plus groffiers & premiers effais dans chaque branche de l'Art; c'eft fur quoi d'ailleurs nous ne pouvons pas nous étendre ici, où nous nous bornons à des généralités.

Chez plufieurs Nations qui n'ont eu entr'elles aucune communication ni directe, ni indirecte, on retrouve non-feulement les branches principales des Beaux-Arts, au moins dans leur premier germe, mais encore des rejetons particuliers qui en dérivent. Les Chinois ont, comme on fait, leurs comédies & leurs tragédies: & même les anciens habitans du Pérou avoient ces deux efpeces de drames, puifqu'ils employoient l'une à représenter les actions de leurs Incas, & l'autre à mettre fur la fcene les événemens de la vie commune. Les Grecs, que l'orgueil national rendoit très-grands exagérateurs, s'attribuoient l'invention de tous les Arts; mais Macrobe, un de leurs plus judicieux écrivains, nous avertit de nous méfier d'eux fur les faits qui appartiennent à leur haute antiquité. Il obferve très-judicieusement que les anciens rédacteurs de leur hiftoire, ont été entraînés dans un grand nombre d'erreurs par les fables qui avoient cours parmi le peuple. Il est naturel de penfer que les Grecs, qui fe nourriffoient encore de glands

lorfque d'autres Nations étoient déja floriffantes, n'auront pas été les pre

miers à cultiver les Arts.

Quoique nous foyons perfuadés qu'on peut trouver le premier germe des Beaux-Arts chez toutes les Nations, il y a cependant encore fi loin depuis les premiers effais qui font dûs à la nature groffiere, jufqu'à l'époque feulement où la pratique des Beaux-Arts commença à devenir méthodique, où les Artiftes commencerent à les exercer comme des Arts qui s'enfeignoient, qu'on eft encore en droit de demander quel eft le peuple qui le premier a franchi ce pas difficile. Mais nous avons trop peu de relations fur l'origine, les conftitutions, & les Arts des peuples les plus anciens pour pouvoir fatisfaire à cette question. On regarde communément, mais fans en avoir une certitude complette, les Caldéens, & felon d'autres, les Egyptiens comme les premiers qui aient exercé, avec quelque méthode, les diverfes branches des Arts qui appartiennent au deffin. Ce qu'il y a de certain, c'eft que chez ces peuples, ainfi que chez les Etrufques, les Beaux-Arts floriffoient déja dans des temps où ce que l'hiftoire a de bien conftaté, ne répand encore qu'une très-foible lumiere fur l'état des Nations. Les Arts qui tiennent au deffin, avoient déja pris racine dans la Caldée du temps d'Abraham, & l'Architecture floriffoit en Egypte du temps de Séfoftris, contemporain de Moife, légiflateur des Juifs.

On ne fauroit déterminer avec précifion jufqu'où ces peuples avoient porté les Beaux-Arts avant les Grecs. Les Egyptiens & les Perfes ont eu des édifices & des jardins qui furpaffoient, au moins en étendue & en magnificence extérieure, tout ce que la Grece a eu depuis dans le même genre. La Nation Judaïque peut auffi produire d'excellens morceaux d'éloquence & de poéfie antérieurs à ceux des Grecs.

La Grece, proprement dite, paroît n'avoir connu les Beaux-Arts que par le moyen des Colonies qu'elle avoit envoyées dans l'Italie & dans l'Ionie. L'Ionie les avoit fans doute reçus des Caldéens fes voifins, & les peuples de la Grande-Grece les tenoient de l'Etrurie. Statuas Thufci primùm in Italia invenerunt, dit Caffiodore. Les ruines de Paftum, qui font des reftes de la plus antique Architecture des Grecs, feniblent tenir du goût Egyptien; & l'on trouve dans les écrits des anciens plufieurs paffages qui prouvent que d'un côté c'eft par l'Occident, & de l'autre par l'Orient, & même par le Septentrion, que la poéfie la poéfie a paffé dans la Grece.

Quoique les Arts, pris à cette feconde époque où nous les confidérons ici, ne fuffent d'abord chez les Grecs que des plantes exotiques, ils y acquirent néanmoins bientôt, graces à cet heureux climat & à l'admirable génie de ceux qui les y cultiverent, une beauté & un goût qu'ils n'ont eu nulle part ailleurs foit avant, foit après cette tranfplantation. La Grece a poffédé & a fu conferver, pendant des fiecles entiers, toutes les branches des beaux-Arts dans leur plus grande beauté & dans l'état le plus floriffant. On peut même prouver par niille exemples, qu'ils y ont été pendant

quelque temps confacré à leur véritable deflination. La Grece peut donc à jufte titre paffer pour être la patrie des Arts.

Quand les Grecs, ce peuple fi diftingué par tous les dons de l'efprit & du cœur, eurent perdu leur liberté, & qu'ils furent affujettis aux Romains, les Arts perdirent leur éclat. Le génie des Romains, qui, après la décadence des Républiques Grecques, furent durant quelque temps les maitres du monde, étoit trop groflier pour conferver leur luftre aux Arts quoiqu'on eût tranfplanté chez eux les ouvrages & les Artiftes de la

Grece.

Les Romains n'eurent jamais au même degré que les Grecs, cette tranquillité d'ame qui laiffe agir la raifon de l'homme : le défir de dominer agita toujours leur efprit, & abforba, fi j'ofe m'exprimer ainfi, tous les autres ingrédients de leur génie. La culture des Arts n'entra point dans le plan qu'ils s'étoient propofé, aufli fut-elle abandonnée au hafard. Les Mufes ne furent jamais appellées à Rome; elles n'y eurent qu'un afyle, qui leur fut accordé comme à des étrangeres fugitives.

Il femble pourtant qu'Augufte les ait fait entrer dans fon plan de Gouvernement: mais la fermentation inteftine qu'excitoit dans les efprits l'amour de la liberté, qu'on n'ofoit pas faire paroître, ne laiffoit pas à ces temps-là affez de tranquillité pour rendre les Beaux-Arts à la beauté qu'ils avoient eue chez les Grecs: ce qui reftoit encore de force d'efprit étoit dirigé vers un tout autre objet que vers la culture du génie. Le parti dominant avoit affez à faire de maintenir fon autorité par tout ce que la force ouverte pouvoit fournir de moyens plus prompts & plus efficaces. Ceux qui s'indignoient de fe voir opprimés, ne pouvoient s'occuper qu'à fapper fourdement le pouvoir qui les accabloit; & le troifieme parti, fpectateur de cette dangereufe fermentation au milieu de laquelle il fe trouvoit cherchoit dans cette pofition, critique à fe ménager autant de tranquillité que les conjonctures pouvoient lui en laiffer: c'eft entre les mains de ce dernier parti que fe trouvoit le génie des Arts, & on en fit un trafic. Ceux qui avoient en main une autorité mal affermie, dirigerent les travaux des Artiftes de la maniere la plus propre à rendre la tyrannie aimable; & par leur ordre & leurs foins, la partie du peuple qui n'étoit que paffive, fut diftraite de l'idée de fon ancienne liberté, & tournée vers les divertiffemens publics. L'effet qui en devoit néceffairement réfulter, c'eft que les Arts fe virent, non-feulement détournés de leur véritable but, mais encore dépravés dans les principes fur lefquels leur perfection eft établie.

Dès-lors, les Arts fe dégraderent toujours plus, & tomberent enfin dans l'état d'aviliffement où ils ont croupi durant une longue fuite de fiecles, & d'où ils n'ont encore pu fe relever entiérement.

A la vérité, ils fleurirent en apparence dans tout le cours de cette décadence. La méchanique de chaque Art fe conferva dans les atteliers des

Artistes,

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