croyoit totalement étouffé, lorfque le 24 aprèsmidi, le feu fe ranima dans trois endroits différens, & prit diverfes directions. Ce ne fut que vers la nuit que l'on parvint à arrêter le progrès des flammes; le grand seigneur, le vifir & les grands officiers de la Porte ont paffé 22 heures confécutives pendant ces deux jours d'alarmes pour encourager les efforts du peuple, des ouvriers & des janiffaires.

On fixe à Io mille le nombre des maifons détruites, fans y comprendre les mofquées, les églifes & autres édifices publics. On attribue cette catastrophe à des mécontens qui ont vou◄ lu fe verger du gouvernement. Leur fureur ne paroît pas encore affouvie, car ils cherchent à mettre le feu partout où ils peuvent, & répandent des billets féditieux dans tous les quartiers. On ignore fi quelque officier de marque a pu tremper dans le complor de ces incendiaires; mais on fçait que le grand-feigneur vient de dépofer l'aga des janiffaires & le Dscheberschibachi.

confo

On reçoit des autres provinces de l'empire des avis qui ne font pas plus lans les Albañois rebelles ont fait une nouvelle invafion en Morée; mais ils en ont été heureufement repouffés par Kurd pacha: tout fourmilie de bandes de voleurs en Romélie. Les habitans des environs d'Alep murmurent hautement des injuftices de leurs gouverneurs. Des hordes de kurdes déyaftent toujours Erzerum; & Dichanicli-Ali pacha eft en guerre ouverte avec les beegen, ou intendans de provinces.

RUSSIE.

PÉTERSBOURG (le 22 Août.) Le 18 de ce mois, on a fait en cette capitale Pinaugura

A

tion de la ftatue équeftre de Pierre le Gran. La veille, S. M. I., arrivée de Czarsko-Zelo, dîna en public dans la galerie du palais d'été, & avec elle tous les officiers du régiment des Gardes Preobragenski, duquel c'étoit la fête. Le lendemain, jour de la cérémonie, on vit rangés autour de la place où est élevé le monument, les 4 régimens des Gardes, 2 régimens d'artillerie, celui de nouveau Troitzkoi, du prince Potemkin, celui des cuiraffiers & deux autres, mis en hie autour de l'amirauté & de la place du palais jufqu'à la rue de la Grande Mi!lione. S. M. I. étant arrivée à la place en cha loupe, defcendit devant le palais du fénat, & s'y rendit à pied. Elle y fut reçue par l'effemblée des fénateurs, qui la conduifirent dans la nou velle falle magnifiquement décorée, où le procureur général lui adreffa une courte harangue, & lui préfenta la médaille d'or frappée à cette occafion. S. M. I. fe rendit enfuite au balcon qui fait face à la ftatue; & après avoir confidé. ré quelques momens la foule immenfe raffem. blée de toutes parts, elle donna le fignal de découvrir ce fuperbe monument, revêtu depuis longtems de voiles & de décorations qui, le dérobant aux regards, repréfentoient un grouppe de montagnes. A l'inftant, au fon de la mufique de tous les régimens affemblés, au bruit des tambours & des canons, la ftatue fe dévoila. S. M. I. la falua par une inclination de tête, qui fut fuivie d'un falut général; toutes les troupes, commandées par le maréchal prince de Galitzin, préfenterent les armes : les yachts mouillés fur la Néva, ornés de leurs pavillons, firent plufieurs falves de leurs canons, & une triple décharge de la moufquetterie de tous les régimens termina la cérémonie. Les quatre premieres claffes des deux fexes avoient été invitées à

cette folemnité. On leur avoit affigné dans le palais des places aux fenêtres. Il a été frappé à cette occafion des médailles d'or de différentes grandeurs. Les plus grandes, du poids de so ducats, ont été diftribuées aux perfonnes de la premiere claffe; d'autres, du poids de 40, à celles de la feconde; enfin les troifieme & quatrieme claffes en ont reçu du poids de 20 ducats. Les mêmes médailles en argent ont été données à l'étatmajor, & des jettons du même métal, de la grandeur d'un quart de rouble, à tous les basofficiers qui ont paradé à cette cérémonie. Les médailles portent d'un côté le bufte de l'impératrice, & fur le revers la ftatue de Pierre le Grand, avec cette légende: PETROI CATARINA II. A 7 heures du foir, S. M. I fe retira en chaloupe & arrivée au palais, elle retourna à Czarsko-Zelo.

On fçait aujourd'hui avec certitude que les couriers arrivés des cours de France & d'Espagne ont apporté les réponses refpectives de ces cours, relativement aux dernieres propofitions de paix, faites par les deux cours impériales, &. que les miniftres de ces puiffances méridionales en ont donné communication au vice-chancelier comte d'Ofterman, dans une conférence qu'ils ont eue le 13 de ce mois; mais jufqu'à préfent il ne transpire rien dans le public de l'énoncé de ces réponses.

Il paroît un état des forces de terre de cer empire, telles qu'elles étoient en 1778; il fuffira d'y ajouter 2 régimens de cavalerie & & d'infanterie qui ont été levés depuis cette époque.

Artillerie, non compris fes officiers, 29, 061 об hommes: cavalerie réguliere, officiers non com pris 51, 991 maîtres: infanterie réguliere, officiers non compris, 117, 747 fantaflins: chas feurs, 5, 940 hommes; infanterie particuliere,

7 bataillons, 5, 592 hommes: bataillons de garnifon 87, 779 hommes: bataillons de corvées, 84, 687 hommes: milices pour terre, 24 régimens, formant au moins 24000 hommes: cavalerie franche & troupes de frontieres, 48, 801 hommes. Ce nombre immense de guerrriers, capable d'affervir un jour trois Europés comme la nôtre, fi un Alexandre, fi un Gengis-Kan fe trouve jamais à leur tête, peut être encore augmenté de 600, ooo hommes en tems de guerre..

Rien ne peut mieux donner une idée de la poiffance de ce vafte empire, que le tableau fuivant de fes riches productions.

« La Ruffie, qui comprend à peu-près la sme. partie des terres du globe, a une variété de productions qu'on cherchercit inutilement ailleurs. Dans un grand nombre de fes provinces, il croîc beaucoup de grains. Ses contrées feptentrionales ne font pas entierement privées de cette fertili té; on recueille même du lin à Kargapol, au 61me. degré 29 minutes de latitude; &, fi le fol de Mezen, voifin du cercle polaire arctique, ne produit ni lin, ni froment, it offre du moins aux cultivateurs d'abondantes moiffons d'avoine qui fervent à l'entretien des haras établis dang les environs. Ces mêmes contrées nourriffent des troupeaux de bœufs de race hollandoise & beaucoup plus grands que l'efpece ordinaire. Le veau d'Archangel eft remarquable par fa grandeur & recherché pour la délicateffe de fa chair; il y en a qui pefent plus de 500 liv. Dès qu'on eft defcendu jufqu'au 6me. degré, on trouve des moiffons fi fupérieures aux befoins des habitans qu'une quantité confidérable de grains et employée à braffer de l'eau-de-vie. Les gouverne mens de Livonie, de Pleshof, de Smolensko, Ukraine, de la haute & de la baffe Novoro

god, de Moskow, de Belgorod, de Voroneje & de Kafan font les greniers de l'empire; après avoir reçu de ces terres fi fertiles une abondante fubfiftance & tout le grain néceffaire pour les brafferies, on cede le fuperflu des récoltes à la Suede, à l'Angleterre & à la Hollande. Partout on braffe de la biere, & c'est encore un tribut que l'on impofe à la fécondité de la terre, il faut qu'elle rapporte auffi toutes fortes de gruaux, nourriture faine pour les riches & reffource abondante pour les pauvres.... Les récoltes de chanvre, après avoir, non-feulement donné la quantité inappréciable que le peuple confomme, mais encore fuffi aux befoins de la marine & des fabiques de toiles, laiffent un fuperflu confidérable qu'achetent les étrangers. C'est le chanvre de Ruffie qui fournit à toute la marine de l'Europe, excepté celle de France, les voiles & les cordages.... Les grains ne font pas la feule richeffe de l'Ukraine. Elle produit les plus beaux fruits. Ses gras pâturages nourriffent des troupeaux nombreux; & cette province vend plus de 10 mille bœufs chaque année. On y cultive du tabac. On y recueille de la cire & du miel.... Aftrakan conferve une race de moutons d'une groffeur extraordinaire & qui donnent de fuperbes fourrures. Le même pays a des falpêtrieres confidérables; on ne vend du falpêtre aux étrangers que lorfque les magafins de la couronne en renferment une grande furabondance.... On tire des bords du Volga les œufs d'efturgeon dont les veffies d'air fervent à faire la colle de poiffon.... La province de Cazan eft couverte de valtes forêts; on en tire les plus beaux mâts & les meilleurs bois de conftruction.... D'autres provinces fourniffent quantité de chevaux légers, infatigables, qui exigent peu de foins & font fujets à peu de maladies.... Le fel des falines de