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COMÉDIES FRANÇOISE & ITALIENNE.

E Public eft le Juge né, le premier Juge des talens on ne fçauroit contefter cette vérité, mais on peut mettre en question, fi le premier Juge des Arts & des Artiftes doit en être le Bourreau. On le croiroit à la manière indécente & groflière, à l'habitude barbare que nos Parterres contractent depuis quelque temps, & au ton d'irrévérence avec lequel ils écoutent, accueillent ou repouffent arbitrairement les Ouvrages qu'on repréfente fous leurs yeux. Nous avons déjà obfervé plufieurs fois que le goût du Théatre étant devenu une manie générale, la plupart de ceux qui fe conftituent, dans nos Spectacles, les Juges de l'Art dramatique, font dépourvus des connoiffances néceffaires pour fixer juftement le fort des Pièces de théatre; que la liberté qu'on accorde aux fpectateurs dégénère fouvent en une licence répréhensible, & qu'il eft à craindre qu'une trop longue indulgence n'accoutume une jeuneffe indifciplinée, fans principes & fans éducation (1), à des excès qui ne peuvent entraîner que

(1) Il fe trouve toujours des gens honnêtes dans nos Parterres, mais c'eft le petit nombre, principalement dans les Parterres debout. Des Artifans de la plus baffe claffe, des Perruquiers, des Coiffeurs de femme, des gens fans aveu; voilà ce qui les compofe le plus ordinairement; voilà les Juges des talens.

les plus fâcheux inconvéniens. Les circonftances fe réuniffent pour nous convaincre que nos obfervations étoient fondées, & nous croyons devoir revenir fur ce que nous avons déjà imprimé plufieurs fois. C'est l'amour des Arts, du bien & de l'ordre, qui nous a guidés jusqu'ici dans nos réflexions fur les Parterres ; c'eft encore le même fentiment qui nous guide, & nous ne craignons pas qu'il nous égare.

On a voulu repréfenter au Théatre François, le Mardi 18 Décembre, une Co-. médie en cinq actes & en vers, intitulée les Rivaux. Cette Pièce, imitée de l'Anglois de M. Sheridan, a effuyé les plus grands défagrémens dès le milieu du premier acte; a peine a-t-on écouté le fecond, & à la feconde fcène du troisième, un Acteur a été obligé de demander au Public s'il lui plaifoit que l'on continuât ou que l'on cefsât la représentation; à quoi il a été répondu de la façon la plus négative. Nous ne dirons pas ce que nous avons penfé des deux premiers actes des Rivaux, que nous avons à peine entendus au milieu des fifflets & des huées; nous oferons même avancer que, dans la difpofition où fe trouvoient les efprits, il eft heureux pour l'Auteur de la Pièce qu'on ait laiffé fa représentation à moitié, car tout annonçoit l'humeur & le projet déterminé de repouffer fon Ouvrage : mais nous demanderons fi l'Auteur des Rivaux doit fe croire jugé, s'il a pu l'être en effet par des Spectateurs en proie au ca

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price, à la folie, au plaifir de nuire, à la cabale, & à la prévention; nous demanderons fi quelques vers négligés & même ridicules peuvent fullire pour motiver le dégoût de ces prétendus connoiffeurs qui fourmillent aujourd'hui dans les Spectacles, qui raisonnent, qui tranchent, & qui font le fort des Pièces que la plupart du temps ils feroient incapables de lire d'une manière même fupportable? Qu'est-ce donc que cette façon de juger hâtive, expéditive & cruelle, qui devient aujourd'hui familière à nos jeunes gens, & quelle idée doit donner de leur délicateffe & de leur raison, la volupté barbare qu'ils mettent à humilier ceux qui travaillent pour leurs plaifirs? C'eft dans les mours publiques, dans l'obfervation plus ou moins exacte des bienféances, de l'honnêteté, & du refpect civil, qu'on diftingue l'état préfent du caractère d'une nation. Que dira-t-on de la nôtre, fi on la juge fur fa conduite habituelle dans nos Spectacles? Si quelques centaines d'étourdis, ou de fots en cabale, ne repréfentent pas la nation, il eft au moins certain qu'ils y tiennent & qu'ils la déshonorent; que l'on mette donc un frein à leurs excès, il en eft bien temps.

Le 26 du même mois, à la Comédie Italienne, la première repréfentation du Prifonnier Anglois a éprouvé un fort plus fàcheux que celui des Rivaux. Jamais la mutinerie, la fureur de nuire, la rage de la perfécution, n'ont éclaté d'une manière plus

fenfible & plus fcandaleufe. C'étoit peu pour la foule de mutins affemblés, & dont les têtes s'étoient portées tout à coup au plus haut degré d'exaltation, d'avoir chagriné deux Auteurs eftimables il leur manquoit de donner aux Acteurs une partic de l'humiliation qu'ils fe plaifoient à répandre fur tout ce qui les entouroit. Ils ont fuppofé à des Comédiens troublés & inquiets, des torts qu'ils n'avoient point; ils ont multiplié les cris, les fifflets, les huées, les injures, les perfonnalités, & cette incroyable fcène s'eft renouvelée le lendemain 27 (1). Et c'est à Paris, au fein de la Capitale de la France, chez une nation qu'on appelle gaie, polie, douce & aimable, que de pareilles fureurs fe manifeftent fouvent depuis trois ans ! Nous avions prévu une partie de ces événemens; nous avions, à plufieurs reprifes, invité MM. les Comédiens Italiens à affeoir leur Parterre, à faire, pour y parvenir, les facrifices néceffaires, bien fürs que d'ailleurs ils en retrouveroient le prix; on ne nous a point écoutés; il faut efpérer qu'enfin une fatale expérience ouvrira les yeux fur la néceffité de fuivre notre avis, qui eft, nous pouvons l'affurer, celui de tous les gens honnêtes & de tous

(1) On a porté l'indécence jufqu'à jeter fur le théatre des pièces de menue monnoie, des boutons d'habit, des morceaux d'orange. Quatre Coiffeurs de femme fe vantoient, le Jeudi 27, au Café de la Comédie Italienne du tapage qu'ils avoient fait, & regrettoient de n'en avoir pas fait davantage.

ceux qui aiment l'ordre & le repos publics. Il eft certain que les Parterres aflis peuvent n'être pas plus favorables aux Auteurs que les Parterres debout; celui de la Comédie Françoife en fait foi: mais au moins la cabale ne peut pas fe mafquer dans les premiers auffi facilement que dans les autres; le flux & le reflux de la foule ne peuven: pas y faciliter l'évafion des mutins & des chefs de parti; au moins l'homme honnête, qui ne s'y rend que dans l'intention de jouir du plaifir du fpectacle, peut-il facilement échapper au chagrin d'être confondu avec les tapageurs, à la crainte d'y courir le rifque de fa liberté, peut-être de fa vie; & tous ces avantages font affez grands, pour valoir la peine d'être remarqués. Il faut encore ajouter qu'en redoublant de févérité dans la police intérieure des Spectacles, en portant fur les habitués des Parterres un coup d'œil exact & attentif, il eft plus facile aux perfonnes chargées de maintenir l'ordre public, de démêler les mal-intentionnés dans les Par→ terres affis, que dans les Parterres debout, & il eft bien à défirer que l'on veuille apporter dans toutes nos Salles ce redoublement de févérité que nous avons déjà invoqué, que nous invoquons encore, parce qu'il eft néceffaire, indifpenfable, parce fans lui, l'Art dramatique, le courage des Auteurs, le talent des Comédiens, l'honnêteté publique, & le refpect dû aux bienféances, tout eft perdu fans refsource,

que,

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