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L'Assemblée presse l'acceptation de la loi du serment.

roi.

M. de Boisgelin.

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Réponse évasive du

Nouvelles instances de l'Assemblée. - Le roi demande des conseils à Lettre de ce prélat. Le roi menacé accorde la sanction. L'abbé Grégoire et d'autres prêtres prêtent le serment. Serment restrictif proposé par l'évêque de Clermont, et rejeté par l'Assemblée. Barnave presse l'exécution de la loi du serment. Efforts inutiles de Cazalès pour obtenir un délai. La prestation du serment fixée au 4 janvier. Séance du 4 janvier, ignominieuse pour l'Assemblée nationale, glorieuse pour le clergé de France.

Pendant la discussion sur les différents articles de la constitution civile du clergé, on prenait des dispositions pour célébrer une grande fête commémorative de la victoire de la Bastille: c'était la consécration de la révolte. Mais on voulut auparavant établir une parfaite égalité entre les citoyens, et abolir les armoiries et tous les titres de noblesse: question bien plus importante qu'on ne pensait, et que l'Assemblée constituante a traitée avec une extrême légèreté. L'égalité des conditions est aussi impossible que l'égalité de la fortune. Dans l'État le plus démocratique, il y aura toujours trois sortes d'inégalités : celle du mérite, de la fortune, et de la naissance. L'homme qui a rendu de grands services à la patrie sera toujours au-dessus de celui qui lui est inutile; l'homme qui appartient à une famille illustre ou honnête sera au-dessus de celui qui a pour père un repris de justice; l'homme qui a de la fortune, ou du moins qui a quelque chose, sera au-dessus de celui qui n'a rien. Qu'on fasse tout ce qu'on voudra, on ne parviendra jamais à effacer ces distinctions. La France avait des enfants nobles qui depuis longtemps faisaient sa gloire, et qui donnaient à la nation l'exemple de cette politesse et de ces mœurs douces, tant admirées des étrangers. Ils tenaient leurs titres de leurs ancêtres, et les regardaient comme leur plus précieux héritage. Ils servaient de rempart à la royauté et d'intermédiaires entre le roi et le peuple. La nuit du 4 août (1789) les avait dépouillés de leurs priviléges et les avait rendus égaux devant la loi; mais selon les vœux de la France, exprimés dans les cahiers des électeurs, l'institution était restée debout, comme devant servir de stimulant à tous ceux qui voudraient bien servir la patrie; car la carrrière de la noblesse avait été ouverte à tout le monde. Le roi, plus profond politique que les représentants, tenait beau

coup à la conservation de l'ordre. Il avait prononcé, dans son discours du 4 février, ces remarquables paroles :

« Tout ce qui rappelle à une nation l'ancienneté et la continuité des services d'une race honorée, est une distinction qué rien ne peut détruire; et comme elle s'unit aux devoirs de la reconnaissance, ceux qui, dans toutes les classes de la société, aspirent à servir efficacement leur patrie, et ceux qui ont déjà eu le bonheur d'y réussir, ont un intérêt à respecter cette transmission de titres ou de souvenirs, le plus beau de tous les héritages qu'on puisse faire passer à ses enfants. >>

Mais les députés qui avaient paru goûter ces réflexions, en applaudissant le discours, n'en tinrent aucun compte; ils proposèrent l'abolition des titres, et, ce qu'il y a de plus étonnant, ils furent aidés en cela par plusieurs députés distingués de la noblesse. L'abbé Maury, qui était d'une basse extraction, se crut obligé, dans l'intérêt de l'État, de défendre les titres contre ceux qui les portaient. Il établit, par l'histoire, que la noblesse purement honorifique était une nécessité sociale; que tous les peuples, dans tous les temps, l'avaient admise, et que là où elle n'existait pas dans la loi, elle existait dans l'opinion. Puis, découvrant le véritable motif de ses adversaires, membres de la noblesse, il s'écria : « Ne pourrait-on pas dire à ceux qui de<< mandent avec acharnement toutes ces innovations, ce que « quelqu'un répondit à un philosophe orgueilleux : Tu foules à tes pieds le faste, mais avec plus de faste encore (1)? »

Le discours de l'abbé Maury n'eut aucun succès : les titres, les armoiries, et tous les honneurs qui y étaient rattachés, furent abolis, au grand dépit de la noblesse, qui fut plus peinée de la suppression des titres que des autres pertes qu'elle avait subies depuis la révolution. Ce fut une grande faute politique, car il n'y a pas de pouvoir solide dans l'Etat, lorsqu'il n'y a pas de corps intermédiaire entre le roi et le peuple : c'était également une injustice, car le titre est un héritage de famille, le plus précieux de tous, comme le disait Louis XVI, qu'on ne peut enlever sans porter atteinte au droit de propriété. Le roi, ne voulant mettre aucune opposition aux travaux de l'Assemblée,

(1) Moniteur, séance du 19 juin 1790.

sanctionnaa la suppression des titres, malgré les avis de la Fayette et d'autres seigneurs (1)..

La fête appelée celle de la Fédération était fixée au 14 juillet, jour anniversaire de la prise de la Bastille, et devait se célébrer au Champ-de-Mars. Comme on craignait de ne pas être prêt pour le jour fixé, la municipalité fit un appel au zèle patriotique des habitants. Ce ne fut pas en vain, car aussitôt une foule de personnes de tout rang, de tout sexe et de tout âge, se portèrent au Champ-de-Mars pour aider les ouvriers à hâter les préparatifs ce fut dans cette circonstance que furent élevés de chaque côté des talus tels qu'ils existent encore aujourd'hui (2). Toute la France devait participer à cette fête par des représentants, qui étaient au nombre de onze mille pour les armées de terre et de mer, et de dix-huit mille pour les gardes nationales du royaume, non compris celle de Paris, qui devait y paraître au grand complet. Les vainqueurs de la Bastille avaient demandé et obtenu une place d'honneur. Un baron prussien, nommé Cloots, connu depuis longtemps par son exaltation philosophique, voulut y réprésenter le genre humain. Le 19 juin 1790, il s'était présenté à l'Assemblée, accompagné d'un certain nombre d'Anglais, de Prussiens, de Siciliens, d'Allemands, de Suédois, d'Américains, d'Arabes, de Chaldéens.....; du moins ils portaient le costume de ces diverses nations, car plusieurs étaient des ouvriers de Paris qu'on avait enrôlés pour cette circonstance, et affublés d'habillements pris chez les loueurs de costumes du carnaval. Admis à l'Assemblée avec son bizarre cortége, Cloots parla beaucoup de la liberté et du bonheur des Français, de l'oppression et de l'infortune que les tyrans faisaient peser sur les autres peuples de l'Europe. Il ne manqua pas d'exprimer l'espérance de voir tous les peuples, le genre humain tout entier, participer un jour aux bienfaits de la déclaration des droits de l'homme (3). Il demanda pour lui et ses compagnons une place au Champde-Mars, où ils élèveront le bonnet de la liberté, en signe de la délivrance prochaine de leurs malheureux concitoyens. L'Assemblée, à l'exception du côté droit, prit cette demande au sérieux, et le genre humain eut la permission de paraître au Champ-de

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Mars, où on lui assigna une place d'honneur. Ce fut à cette occasion qu'on décida de faire disparaître les quatre figures enchaînées qui étaient au bas de la statue de Louis XIV, à la place des Victoires. L'évêque de Dijon, indigné de tant de destructions, s'approcha du bureau, et y déposa sa démission.

Ce Cloots, né en Prusse, héritier d'une grande fortune, avait été élevé à Paris, où il continua de séjourner. Il fit connaissance avec les philosophes, adopta leurs doctrines, et en tira les dernières conséquences. Avec un esprit vif et une imagination délirante, il avait étudié les philosophes anciens, consulté les nouveaux dans divers voyages faits en Angleterre, en Allemagne, en Italie, et en d'autres contrées de l'Europe. Revenu à Paris, il se mit en tête de réformer tous les peuples et tous les États, et se donna le titre de l'Orateur du genre humain. Après l'ouverture des états généraux, il assiégeait sans cesse les autorités de l'Assemblée nationale de ses pétitions, de ses félicitations et de ses discours, qui eussent quelquefois produit un bon effet, dit-on, si l'auteur ne s'était pas rendu ridicule par son titre d'Orateur du genre humain, dont il signait toujours ses écrits. Les idées de Cloots se développèrent à mesure que la révolution faisait des progrès; à chaque nouvelle phase, il devenait plus hardi. Après la journée du 10 août (1792), il attaqua tous les rois et tous les peuples de la terre: il se déclara même l'adversaire de Dieu, et prêcha hautement l'athéisme, qui devait être le dogme de la république universelle, qu'il voulait établir dans tout l'univers, et pour la fondation de laquelle il offrait une partie de sa fortune. Élu député à la Convention dans le département de l'Oise par l'intrigue des émissaires de Paris, il donna un nouvel essor à son impiété et à sa haine contre les rois. Il proposa à l'Assemblée de mettre à prix la tête du roi de Prusse et celle du duc de Brunswick, et exalta l'action d'Anckastroëm, assassin du roi de Suède. Il n'eut pas honte de défendre avec ardeur les assassins de septembre, dont le parti modéré de la Convention avait demandé la punition; il vota la mort de Louis XVI avec empressement, et ajouta : « Je condamne pareillement à mort l'infâme « Frédéric-Guillaume. » Conformément à son impiété, il fit hommage à la Convention d'un discours où il proposait d'ériger une statue en l'honneur de J. Meslier, curé champenois, qui avait renoncé à son état, et abjuré la religion dont il était le ministre.

La Convention accepta son discours, en ordonna l'impression et l'envoi à tous les départements, selon le vœu de son auteur: c'était avouer ses doctrines, qui, du reste, n'étaient que les conséquences des principes de l'Assemblée. Cependant Robespierre, le trouvant trop exalté, le fit exclure de la Convention, sous prétexte qu'il ne pouvait pas être bon sans-culotte avec 100,000 livres de rente, et qu'il rendait les Français odieux aux autres nations, par son système de république universelle et de son affreux athéisme. Cloots, après avoir tant crié contre la tyrannie d'en haut, tomba sous la main d'une autre tyrannie bien plus redoutable, celle d'en bas, qui le condamna à mort. Ce fut le 24 mars 1794; il subit son supplice avec fermeté, appelant de son jugement à celui du genre humain, ce qui était digne de ses antécédents (1).

La fête du 14 juillet est une des plus belles et des plus joyeuses que Paris ait jamais vues. On était enthousiasme de la nouvelle constitution, on ignorait ses défauts, ou on se les dissimulait soigneusement; l'immense majorité des Français s'y était ralliée, à l'exemple de celle de l'Assemblée; on en attendait le bonheur de la France. On se porta donc en foule au Champ-de-Mars, où régnèrent une joie et un enthousiasme qu'il serait impossible de décrire. Les députations des départements s'étaient réunies à la Bastille, pour se diriger ensuite processionnellement vers le Champ-de-Mars. Le roi les avait reçues la veille, et leur avait adressé des paroles dignes de saint Louis :

<< Redites à vos concitoyens que j'aurais voulu parler à tous comme je vous parle ici; redites-leur que le roi est leur père, leur frère, leur ami; qu'il ne peut être heureux que par leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberté, riche que de leur prospérité, souffrant que de leurs maux. Faites surtout entendre les paroles ou plutôt les sentiments de mon cœur, dans les humbles chaumières et dans les réduits des infortunés; dites-leur que, si je ne puis me transporter avec eux dans leur asile, je veux y être par mes affections et par les lois protectrices des faibles, veiller pour eux, vivre pour eux, mourir, s'il le faut, pour eux (1). »

Ces députations, sorties de la place de la Bastille, et jointes,

(1) Biog. univ., art. Cloots. (2) Mém. de la Fayette, t. III.

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