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Réponse de M. le Marquis de Villette
M. d'Eprémesnil.

Si j'étais moins sensible, Monsieur, aux choses aimables que vous m'écrivez, j'aurais plus de courage pour vous répondre.

Je me garderai bien d'établir des comparaisons entre le premier des évêques et le premier des philosophes. L'un n'a point eu d'ennemis, l'autre ne pouvait manquer d'en avoir; l'un a fait le bien au nom d'une ancienne religion, qui était celle de son siècle et de son pays; l'autre n'a prêché et pratiqué toutes les vertus sociales qu'au nom de la seule humanité; mais la philosophie de Voltaire, cette sorte de religion nouvelle, est allé s'asseoir paisiblement sur les trônes de Berlin, de Pétersbourg, de Vienne, de presque toute l'Europe, sans apôtres et sans bourreaux. Ce n'est pas ainsi qu'avait été reçue originairement celle de Fénélon.

L'archevêque de Cambray aurait joint son aumône à celles de Voltaire, pour les malheureux protestans, et s'il avait pu disputer avec lui, c'eût été d'éloquence et de charité.

Il ne m'appartient pas de prononcer entre M. de Voltaire et Monsieur votre oncle (1); j'ai seulement dit qu'il vous était si facile de défendre l'un sans outrager l'autre. Encore une fois, Monsieur,

(1) Duval de Leyrit, partie dans le malheureux procès du comte de Lally..

vous avez trop caressé mon amour propre, pour qu'il me soit permis de traiter un pareil sujet con

tre vous.

Je n'ai pas encore lu votre réponse, que madame de Villette m'a demandée. Votre conversation lui avait inspiré le désir de connaître votre style. Pour tout ce qui vous est personnel, nous n'avons, elle et moi, qu'une même façon de penser.

SUR VOS écrits touchant Voltaire,

Que vous voulez mésestimer,

Le lecteur peut avoir un sentiment contraire;
Mais, aussi juste que sévère,

Il n'en a qu'un pour vous aimer.

Théâtre moral, ou Pièces dramatiques nouvelles, par M. le chevalier de Cubières, des Académies et Sociétés Royales de Lyon, Dijon, Marseille, Rouen, Hesse - Cassel, etc., second volume.

Ce second volume contient l'Amant GardeMalade, la Diligence de Lyon, l'Épreuve Singulière ou la Jambe de Bois, un Mélodrame dans le genre de Pygmalion, les Bracelets.

Le sujet et la composition de la première de ces pièces sont également tristes et bizarres. On y voit deux ou trois personnes empoisonnées, et l'une en meurt; cependant l'auteur appelle cela une comédie, et en voici la raison. Madame de Sévigné a dit, dans une de ses lettres, que Racine fait des comédies pour la Champmêlé; M. de Cubièrés en conclut qu'il peut donc bien don

ner ce nom aux siennes, qui ne sont pas, à beaucoup près, aussi tragiques que celles de Ra-

cine.

Le comique, dans la Diligence de Lyon, pour en paraître plus original, est porté jusqu'à la plus basse bouffonnerie. Le sujet de l'Épreuve Singulière est l'histoire de cet Anglais qui, parce que sa maîtresse avait une jambe de moins, se détermine à s'en faire couper une. Il faut laisser à l'auteur le soin d'expliquer lui-même quelles ont été ses vues dans la composition de ce sublime ouvrage. « La nation française, dit-il, serait la première de toutes les nations si les individus qui la composent avaient plus d'énergie et de » caractère. J'ai voulu renforcer l'un et l'autre >> en offrant à mes concitoyens des exemples ex»traordinaires de grandeur d'âme et de déli>>catesse et de courage...» Quel poète citoyen!

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Tous ces chefs-d'œuvre sont précédés d'un Dialogue entre l'auteur et un homme de goût. Le Journal de Paris a cru pouvoir prédire, sans malice, e, que ces deux interlocuteurs ne seraient jamais d'accord. A la galanterie française, aux grâces et à la frivolité de la muse de Dorat, M. de Cubières a prétendu associer la philosophie de Jean-Jacques, la profondeur et l'originalité du génie anglais; de toutes ces prétentions il est résulté une des combinaisons les plus étranges que puisse offrir notre littérature moderne, et ce Théâtre Morat en est un exemple vraiment

curieux.

A la Mémoire de Diderot.

O Diderot! que de jours sont écoulés déjà depuis que ton génie s'est éteint, depuis que l'obscurité de la tombe a couvert ta cendre inanimée ! et de tant d'amis à qui tu consacras tes veilles, à quitu prodiguais, et les ressources de ton talent, et les richesses de ton imagination, aucun ne s'est encore occupé à t'élever un monument digne de la reconnaissance que te doivent l'amitié, ton siècle et l'avenir.

Quel est l'homme de lettres cependant dont l'éloge puisse être plus intéressant à transmettre à la postérité? Il est vrai qu'il ne fit aucune découverte qui ait agrandi la sphère de nos connaissances, peut-être même n'a-t-il laissé après lui aucun ouvrage qui seul puisse le placer au premier rang de nos orateurs, de nos philosophes, de nos poètes; mais j'ose en appeler à tous ceux qui, capables de l'apprécier, eurent le bonheur de le connaître, en fut-il moins un des phénomènes les plus étonnans de la puissance de l'esprit et du génie ?

S'il est des hommes dont il importe à la gloire de l'esprit humain de conserver un souvenir fidèle, ce sont ceux qui eurent des droits réels à l'estime, à l'admiration publique, mais à qui des circonstances particulières, je ne sais quelle fatalité attachée à leur destinée, n'ont jamais permis de développer toute la force, toute l'étendue de leurs facultés. Quel éloge de Virgile pourrait ajouter

encore à l'idée que nous en a laissée l'Enéide? quel éloge de Racine à l'idée que nous en donne Phèdre ou Athalie? Mais combien de sages révérés de l'antiquité dont la mémoire serait perdue pour nous, si elle n'avait pas été consacrée par les hommages de leurs contemporains?

Ce n'est point ton éloge, ô Diderot, que j'ose entreprendre à peine mes faibles talens osentils se flatter de rassembler ici quelques fleurs dignes de parer ton urne funéraire; mais moi aussi j'eus souvent le bonheur d'approcher le modeste asile où tu t'étais renfermé; mais moi aussi j'ai partagé souvent les dons précieux que ton génie répandait autour de toi avec un abandon si facile et si généreux, avec une chaleur si douce et si intéressante. Ce n'est point dans de vaines louanges que s'épanchera ma reconnaissance mais j'essaierai du moins d'exprimer ce que j'ai

vu,

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ce que j'ai senti, et ceux de tes amis qui verront cette faible esquisse y trouveront peut-être quelques traits de ton image fidèlement rendus.

L'artiste qui aurait cherché l'idéal de la tête d'Aristote ou de Platon eût difficilement rencontré une tête moderne plus digne de ses études que celle de feu M. Diderot. Son front large, élevé, découvert et mollement arrondi, portait l'empreinte imposante d'un esprit vaste, lumineux et fécond. Notre grand physionomiste Lavater croit y reconnaître quelques traces d'un caractère timide, peu entreprenant, et cet aperçu, formé seulement d'après les portraits qu'il en a

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