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NOVEMBRE 1786.

ON

N a donné, le 31 août, sur ce même théâtre, la première représentation des Amis du Jour, comédie en un acte, de M. de Beaunoir, connu si avantageusement par plusieurs pièces données avec succès sur nos petits théâtres du Palais-Royal et des boulevarts. La plupart des drames de M. de Beaunoir se distinguent par une moralité sensible et frappante; c'est encore le principal mérite de celui que nous avons l'honneur de vous an

noncer.

La femme d'un marchand ennobli par une charge d'échevin a cessé de voir ses égaux pour ne recevoir chez elle que des personnes au-des

sus de son état. Elle attend à dîner un commandeur, un jeune marquis et un riche financier; son mari, de son côté, s'est permis d'inviter son ancien ami Dupré, un honnête marchand de draps. Il ordonne à un de ses gens d'ajouter un couvert à la table que l'on voit dressée au fond du théâtre; ce valet n'ose obéir à son maître sans avoir pris les ordres de Madame. Celle-ci se récrie sur le choix d'un pareil convive; le mari vante en vain sa vieille et constante amitié; madame Dupin croit pouvoir compter bien plus sur

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celle du commandeur, du marquis et de M. Mondor. Pour lui apprendre à connaître des gens dont elle se croit si sùre, son mari feint d'avoir eu l'imprudence de cautionner pour mille louis un négociant qui vient de manquer; il n'a pas cette somme, et il faut qu'il la trouve à l'instant pour éviter les suites de la sentence qu'on vient d'obtenir contre lui. Sa femme le tranquillise; ses amis seront trop heureux de saisir cette occasion de l'obliger, elle n'est embarrassée que du choix. Le commandeur paraît le premier, il annonce qu'il vient d'affermer les bois de sa commanderie, et qu'il a reçu sur cette affaire un acompte de 50,000 livres; mais lorsqu'on veut lui parler de l'embarras où l'on se trouve, il se hâte de répondre que, pour ne point se brouiller avec ses amis, il a fait vou de ne jamais leur prêter un sou; pour n'être pas tenté de rompre ses engagemens, il se sauve. Le marquis, qui ne tarde pas à le remplacer, a gagné trois mille louis au jeu la nuit précédente; ainsi que le joueur de Regnard, il regarde cette somme comme un dépôt sacré dont il ne peut rien distraire, mais il offre à ses amis les bons offices de son procureur, un homme unique pour faire disparaître des créanciers importuns. Comme on n'accepte point ses offres, il boude et s'en va. Notre bourgeoise, un peu étourdie d'un pareil procédé, laisse ôter le couvert de ses deux amis. prétendus.... Dans ce moment arrive le marchand de draps; il ne répond à la confidence que lui fait son ami qu'en blâmant son imprudence, et

pa

sort plus brusquement encore qu'il n'est entré. Madame appelle à son tour le domestique pour faire ôter le couvert de M. Dupré. Elle voit raître enfin le financier; elle espère que celui-ci la vengera des refus du commandeur et du marquis, et qu'il justifiera, auprès de son mari, le fond qu'elle a cru devoir faire sur les amis de son choix; mais ce M. Mondor est dans l'usage de ne prêter que sur de bons nantissemens; il insinue qu'en proposant à son caissier des diamans, des bijoux, on le trouvera fort accommodant; luimême ne peut pas se mêler d'une parcille misère, etc. Etonnée et confuse de tant d'indignités, madame Dupin se promet bien de ne plus croire aux amis, lorsqu'on voit reparaître le bon M. Dupré qui apporte, tout essoufflé, les mille louis qu'il n'avait pas lui-même, mais qu'il a couru emprunter pour son propre compte. Pénétrée d'un procédé si généreux, instruite par son mari du motif qui lui avait fait feindre ce besoin imaginaire, elle reconnaît enfin qu'il n'est de confiance et de bonheur que dans les liaisons formées avec nos égaux.

Tel est le plan de cette bagatelle, qui a beaucoup réussi sur le théâtre des Italiens; l'auteur l'avait composée pour celui des Variétés. Il est à regretter que M. de Beaunoir n'ait tiré de ce fond très-moral qu'une espèce de proverbe; il aurait pu, à l'aide d'une action plus animée, développer davantage ses caractères, offrir, dans un jour plus neuf et plus piquant, le tableau d'un

ridicule qui n'est que trop digne assurément des honneurs de la censure dramatique.

Encore une nouveauté donnée sur le même théâtre, le 19 septembre, est l'Heureux Naufrage, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de M. Favart le fils.

Des Français, qu'une tempête a jetés sur une île habitée par des Amazones, essayent de les rendre sensibles. Les mères, inquiètes de voir ces étrangers dans leur île, tiennent conseil, mais heureusement les filles y sont appelées, et leur avis l'emporte; ainsi les Français obtiennent la permission de s'y établir, et l'on danse.

C'est encore moins le peu de fonds de cet ouvrage que l'absence absolue du genre d'esprit qu'exige le vaudeville qui en a décidé la chute. Le public ne l'a écouté jusqu'à la fin que parce que cette fin ne s'est pas fait attendre, elle arrive tout imprévue; l'auteur a eu vraiment l'adresse de ne pas donner aux spectateurs le tems de le siffler.

LETTRE de M. d'Eprémesnil à M. le marquis de Villette.

Ne me faites plus parler; Voltaire, en attaquant la mémoire de mon oncle, du meilleur citoyen, du plus patient et du plus malheureux des hommes, m'a contraint de m'expliquer. J'ai renvoyé à la providence dans mon dernier écrit. C'est elle qui vous a inspiré de me citer l'aimable,

l'éloquent, le vertueux Fénélon. Que pensez-vous qu'il eût dit de votre idole?

Je vous embrasserai sans tomber à ses pieds,
J'admire cet auteur que vous déifiez ;

Mais celui qui m'apprit le secret de mon être,
Qui m'a dit: Sois humain, meurs pour la vérité,
Et ne sépare point la raison, la gaité,

Les talens, la vertu, les lois, voilà mon maître.

Il me vient une idée. M. l'abbé Duvernet (1) me dispensera de lui répondre; mais vous,

Orateur couronné, poëte harmonieux,
Qui raillez avec grâce et qui savez tout dire,
Armez-vous de la foudre, ou prenez votre lyre,
El combattons enfin en présence des Dieux.

Je vous laise le choix des armes ; si je suis vaincu, ma défaite me sera douce. Je ne demande pas mieux que d'aimer ce que j'admire. Le voulezvous?

Non, j'ai tort, je le confesse; ne traitons pas ensemble ce douloureux sujet. Vous lui devez de l'amitié, de la reconnaissance; livrez-vous à ces doux sentimens. Il m'est triste de ne pouvoir écouter que la justice; je vous demande la vôtre pour ma cause, et pour moi votre amitié. Vous m'en donnez aujourdhui une marque bien chère; vous acquérez, Monsieur, un nouveau droit sur mon attachement et mon respect.

(1) L'auteur de la Vie de Voltaire.

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