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prit de parti que les succès de Chimène et de Didon semblaient avoir désarmé.

Vie de M. Turgot, avec cette épigraphe :

Secta fuit servare modum, finemque tenere,
Naturamque sequi, patriæque impendere vitam;
Non sibi, sed toti genitum se credere mundo.

LUCAN.

Un volume in-8o, à Londres, 1786, c'est-à-dire à Amsterdam.

Les Mémoires sur la vie de M. Turgot, qui parurent il y a quelques années, et dont nous avons eu l'honneur de vous rendre compte dans le tems, sont de M. Dupont, l'auteur de la Phisiocratie des Éphémérides du citoyen, etc. La nouvelle Vie de M. Turgot est de M. le marquis de Condorcet; l'avantage qu'a le plus évidemment ce dernier ouvrage sur le premier, c'est qu'il n'est qu'en un volume, l'autre en a deux. Un autre avantage qui doit encore le faire distinguer, c'est un style et plus ferme et plús pur; on en peut juger par ce début, qui nous a paru plein de noblesse et d'intérêt : «Dans cette foule de ministres qui tiennent pendant quelques instans entre leurs mains le » destin des peuples, il en est bien peu qui soient dignes de fixer les regards de la postérité. S'ils » n'ont eu que les principes ou les préjugés de » leur siècle, qu'importe le nom de l'homme qui >> a fait ce que mille autres à sa place eussent fait

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» comme lui.... Mais si dans ce nombre il se ren» contre un homme à qui la nature ait donné une >> raison supérieure avec des principes ou des » vertus qui n'étaient qu'à lui, et dont le génie ait » devancé son siècle assez pour en être méconnu, » alors l'histoire d'un tel homme peut intéresser » tous les âges et toutes les nations, son exemple » peut être long-tems utile, et peut donner à des » vérités importantes cette autorité nécessaire quelquefois à la raison même. Tel fut le ministre » dont j'entreprends d'écrire l'histoire. »>

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La vie publique et particulière de ce ministre n'occupe qu'une très-petite partie de l'ouvrage de M. de Condorcet. Après nous avoir appris que la famille de M. Turgot est une des plus anciennes de la Normandie, que son nom signifie le dieu Thor, dans la langue de ces conquérans du Nord qui ravagèrent nos provinces pendant la décadence de la race de Charlemagne; après nous avoir rappelé quelques traits assez peu intéressans de son enfance et de sa première éducation, on se borne presque uniquement à nous donner l'analyse de ses études, des écrits qu'il composa lorsqu'il fit sa licence en Sorbonne, de ceux qu'il composa depuis dans son intendance de Limoges et au contrôle général; on termine ce précis par l'histoire plus étendue de tous ses grands projets de réforme et d'administration. Loin d'aucun esprit de critique ou de satire, il est difficile de remarquer sans étonnement le peu de différence qu'il y a des idées de M. Turgot au séminaire à

celles qu'il a déployées depuis dans le ministère. Une constance si merveilleuse fait au moins l'éloge le plus rare de la justice et de la pureté de ses intentions: et mihi res, disait Horace, non me rebus subjungere conor; c'était la devise de l'esprit de M. Turgot, et surtout celle de son système. Il pensait que tout devait être soumis à l'empire d'une bonne logique, saus en excepter ni les préjugés, ni les circonstances, ni les passions, quelque invincible que soit quelquefois leur influence.

L'envie a souvent reproché à M. Necker de n'avoir fait qu'exécuter les plans conçus par M. Turgot. Pour être le plus violent des ennemis de M. Necker, M. de Condorcet n'en a pas élé moins blessé de cette injustice; il semble surtout avoir pris à tâche de la repousser en exposant, dans le plus grand détail, le projet de M. Turgot sur les administrations provinciales. En comparant cet exposé avec le mémoire de M. Necker sur le même objet, il est aisé de voir le peu de rapport qu'il y a entre ces deux plans; l'un est d'un homme vertueux, l'autre d'un homme d'État ; le premier d'un philosophe qui ne voyait aucune difficulté à refondre tout-à-coup le gouvernement de France, l'autre d'un ministre qui, en ayant saisi tous les ressorts, avait calculé avec la plus grande justesse le degré de perfection dont on pouvait les rendre susceptibles; et ce qui pourra sans doute étonner beaucoup de lecteurs français, c'est que le premier de ces plans était du maître des requêtes, et l'autre du citoyen de Genève.

La manière dont M. de Condorcet justifie les torts reprochés à M. Turgot est spécieuse sans doute, mais elle est en même tems assez naïve pour laisser entrevoir ce qu'il y eut dans ces reproches de juste et de vrai.

<<< Tous les sentimens de M. Turgot étaient une suite de ses opinions.... Sa haine était franche et irréconciliable; il prétendait même que les honnêtes gens étaient les seuls qui ne se réconciliassent jamais, et que les fripons savaient nuire ou se venger, mais ne savaient point haïr.... Il paraissait minutieux, et c'était parce qu'il avait tout embrassé dans ses vastes combinaisons que tout était devenu important à ses yeux par des liaisons que lui seul souvent avait su apercevoir. On le croyait susceptible de prévention, parce qu'il ne jugeait que d'après lui-même, et que l'opinion commune n'avait sur lui aucun empire. On lui croyait de l'orgueil, parce qu'il ne cachait ni le sentiment de sa force, ni la conviction ferme de ses opinions, et que, sentant combien elles étaient liées entre elles, il ne voulait ni les abandonner dans la conversation, ni en défendre séparément quelque partie isolée, etc. » Tous ces traits ne Tous ces traits ne décèlent-ils pas une tête, un caractère à système, un esprit qui, ne combinant jamais que ses propres idées, ignorait l'art de les lier avec celles des autres, de les combiner avec l'ascendant impérieux des circons tances, avec la nécessité même des choses, qui ne change point au gré de nos calculs, et que nous ne pouvons soumettre à l'autorité de nos opinions,

quelque raisonnables qu'elles soient, ou du moins quelque ferme que puisse être à cet égard notre conviction?

Nous ne devons point terminer cet article sans observer, pour la satisfaction des puissances intéressées, et surtout pour la tranquillité de leur conscience, que la vertu de M. Turgol ne se serait fait aucun scrupule de la destruction de l'empire Ottoman. « C'est ainsi, lui fait dire son panégyriste, c'est ainsi que la destruction de l'empire Ottoman serait un bien réel pour toutes les nations de l'Europe, en ouvrant au commerce des routes nouvelles, en détruisant le monopole de celui de l'Inde; et un bien pour l'humanité entière, en entraînant l'abolition de l'esclavage des nègres, et parce que dépouiller un peuple oppresseur ennemi de ses propres sujets, ce n'est point attaquer, mais venger les droits communs de l'humanité. »

Il semble, en effet, qu'il y aurait bien de l'humeur aux puissances naturellement les plus disposées à conquérir la Turquie de s'y refuser encore, si nous n'y mettions point d'autres conditions que de pouvoir nous débarrasser bientôt après de nos nègres, et par la même raison, suivant toute apparence, du produit de nos colonies, de ce revenu maudit de plus de cent vingt millions.... Oh! puissante politique!

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