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DÉPRAVATION DE L'ORDRE. Cette expreffion collective ne préfente pas feulement l'idée de l'altération, du dérangement de l'ordre; mais encore celle de fa dégradation progreffive. Remontons un moment aux principes de l'ordre pour mieux connoître les principes de fa dépra

vation.

L'homme eft fi petit, fi foible, fi fubordonné, & la nature fi grande, fi puiffante, fi impérieufe, que, quand on fuppofe l'homme abruti par la barbarie, par l'orgueil ou par l'indépendance, au point de croire que rien n'exifte au-delà de ce qu'il voit, & de prendre les élémens & ce qui l'environne pour l'infini, on ne pourroit encore s'empêcher de fentir qu'alors même il eft forcé de reconnoître un ordre, auquel il eft affujetti par le décret de fon exiftence, & dont fes befoins le rendent fans ceffe dépendant.

Tout lui démontre en effet que, de l'ordre de nos befoins, naît l'ordre de les fatisfaire; que de celui-ci naît l'ordre du travail ;.de ce dernier l'ordre focial, dont l'objet eft le fecours & l'affiftance réciproques, & qu'on ne peut tenter de rompre cette chaîne formée fur les deffeins de la nature, fans échouer en tout ou en partie dans cette entreprise, c'est-à-dire, fans fe mettre plus ou moins en danger de périr.

Toute vertu confifte à fe tenir dans l'ordre & à lui obéir ; tout délit au contraire confifte dans le défordre & dans ses accidens.

Telle eft la fcience du bien & du mal, comprife fous l'emblême de l'arbre de vie. L'homme voulut la connoître, fe gouverner lui-même, s'expofer aux hafards d'être fon propre guide; & fon auteur prit foin de l'affervir aux befoins pour lui marquer la voie, & pour le ramener fans ceffe à l'obéiffance de l'ordre, dont dépend fa confervation maintenant encore. Si-tôt que, par le travail & fes profits, il fe trouve dans l'abondance, & qu'il en abuse, le lien focial fe relâche, le guide s'éloigne, l'homme fuit fes folles idées, perd la voie du bien, cherche le mieux, trouve le mal, & prend le pire. Voilà l'origine de la dépravation de l'ordre, voilà fa marche & les fuccès.

Quand nous difons dépravation de l'ordre, c'eft de l'ordre focial que nous entendons parler; car le grand ordre eft dans les mains du grand ordonnateur; il ne nous appartient d'en connoître que ce qui eft relatif à notre fubfiftance & à nos befoins; mais cette portion fait la loi de notre exiftence, & devient pour nous l'ordre légal-phyfique.

L'ordre légal impofé à l'humanité, eft cet ordre protecteur & favorable, qui fait naître & ditiger l'ordre focial; celui-ci n'eft autre chose que l'affociation des travaux de chaque individu pour l'avantage de tous; & cette union légale de par la nature eft ce qu'on appelle la fociété.

La fociété, ou le concours d'aides & de fecours, eft indifpenfable à l'homme, depuis l'inftant de

fa naiffance jufqu'au jour de fa mort ; & fi, dans cet intervalle, il étoit quelques heures vers le midi de fa carrière, où la préfomption de fes forces lui fit penfer qu'il peut fe fuffire à lui-même cette présomption ne ferviroit qu'à l'égarer, & à le mener à une vie miférable & dépourvue de tout juste punition d'un ingrat, dont l'enfance & le premier âge ne purent échapper à la mifère que par des avances gratuites & par la protection de la fociété.

Rendre à chacun la part qui lui eft due, eft la première loi sociale; car chacun a fes befoins, & n'a que fon travail pour y fatisfaire; & fi, par épargne fur les profits de fon travail, il a pu faire des avances à d'autres, la reprise de ces avances eft un droit naturel légal pour lui, comme la ref titution de ces avances eft un devoir naturel, égal pour celui qui les a reçues.

De-là, naiffent les droits & les devoirs récipro ques qui, par un commerce continuel d'avances & de retours, font tout le mouvement de la fociété.

Tout, en effet, porte fur des avances : il fallut & il faudra toujours travailler avant de recueillir. Les facultés que l'homme tient de la nature, & les fruits fpontanés de la terre firent toutes les premières avances. Le travail les a continuées; il les follicite & les entretient; mais le fein fécond de la terre & le bienfait conftant de la providence renouvellent journellement cet ordre de munificence; car le fein de la terre rend fix chaque année à qui lui confie deux; & cet excédent annuel qui perpétue, accroît & enrichit la fociété, eft un miracle perpétuel de nouvelles avances.

C'eft au partage de cette reftitution annuelle des avances de la culture, avec le furcroît néceffaire pour les renouveller, que doit préfider l'ordre légal focial, pour que la diftribution s'en faffe équitablement à tous ; & l'ordre légal étant conforme aux intentions de la nature, cette diftribution s'opérera d'elle-même, fi la cupidité frauduleuse ou violente n'en intercepte le cours.

L'ordre fait donc à l'homme des avances, dont la reftitution eft de droit & la continuation de devoir. L'acquittement des devoirs & l'acquêt des droits font le double objet toujours renaiffant du travail, & ce cercle continuel de droits & de devoirs, de travaux & de dépenfes, eft le noeud de la fociété, dont la propriété eft l'ame: tel est l'ordre de fon effence.

La volonté générale tend toujours à l'ordre; la volonté particulière émue & déterminée par la cupidité, dévoyée par le mauvais exemple, foutenue par l'ignorance, fuite de la prévarication tend aifément à enfreindre l'ordre; de-là la néceffité des loix pofitives qui annoncent les rites de l'ordre, & qui, par la crainte qu'inspire la fanction des peines, écartent les infracteurs.

Mais les loix n'ont point d'autorité, & font bien tôt méprisées, fi une force publique, impofante

fupérieur

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Les grands devoirs que l'ordre impofe à la force publique, qui repréfente la fouveraineté, fuppofent & néceffitent l'attribution de grands droits; & ces droits font connus, propagés & acquittés par la nature, comme toutes les autres avances, & felon les mêmes conditions. Mais, quand les fociétés prennent leur dernier accroiffement & fe complettent en raffemblant tous les arts, les profeffions, les moyens de travail & d'induftrie, à la faveur defquels les hommes cherchent à fatiffaire leurs befoins, on néglige d'ordinaire le principal pour l'acceffoire; & le brillant des arts frivoles & décorateurs tourne vers leurs productions, les defirs, l'activité & l'empreffement du plus grand nombre, au préjudice des objets de première utilité: on perd de vue, on dédaigne, on oublie la fcience importante des avances, des diftributions & des dépenfes, &, à plus forte raifon, l'ordre naturel légal & fes bafes pofées de la main de l'éternel. Chacun cherche à fe prévaloir, & s'efforce d'anticiper fur la part des autres ; tout devient ligue, & alors il n'eft plus de vraie fociété.

, par

En cet état, la force fupérieure remife entre les mains des hommes, féduite par l'artifice des paffions qui l'environnent & qui la flattent la cupidité qui l'affiège, ne reconnoît plus de bornes; elle fe perfuade que l'intérêt public fe concentre en elle feule, qu'elle doit étendre fon gouvernement fur tout, & fe mêler de tout. En conféquence, elle entreprend ou fe propofe ce que ne peut faire la rofée du ciel & la graiffe de la terre; je veux dire, de contenter tout le monde, ou de faire au moins que tout le monde fe taise & obéiffe comme s'il étoit

content.

D'un autre côté, les paffions & les cupidités partielles des hommes éloignés de ce centre de puiffance, qui par-là même ne peuvent profiter des erreurs & des foibleffes de l'autorité, voudroient lui tout difputer, méconnoiffent fes droits utiles, en lui fuppofant des devoirs univerfels, d'infaillible utilité.

Ces deux erreurs fi oppofées, &, de part & d'autre, produites par des intérêts également aveugles, portent, dans l'intérieur de la fociété, un ferment toujours corrofif, dont l'activité cachée fous les apparences d'un calme trompeur, ne peut être arrêtée que par l'explofion des querelles exEcon. polit. & diplomatique. Tom. II.

térieures; autre moyen infaillible de dépériffement. En attendant, des trèves artificieufes & perfides compofent un ordre ruineux de conventions, de droits, de privilèges, dont l'obfervation & le maintien font l'objet de l'obéiffance, comme leur infraction deftructive eft celui des vues ambitieufes de l'autorité.

La nature, cette bonne mère, appelle également à fa table ronde tous les individus de la fociété, pour recevoir à leur tour chacun fa part à la fubfiftance; mais les combats de la cupidité & la fluctuation continuelle qu'ils occafionnent, dans la foule de ceux qui en approchent, ne permettent qu'aux plus forts de s'y affeoir, & font périr chaque jour les plus foibles d'entre les convives, ainfi que l'efpoir des avantages qui devoient naître de leur population & de leurs travaux. Parlons fans figure; la lutte continuelle du pouvoir défordonné & de l'obéiffance égarée, opère dans la fociété la dépravation de l'ordre, en renverfant la diftribution des richeffes, le cours des dépenfes & celui des travaux; en favorisant les attentats de la force injufte & oppreffive contre les droits de la foibleffe; en détruifant enfin la fource des revenus, par la fpoliation des avances de la culture & par le découragement de fes agens. Cet enchaînement de défordres qui tendent toujours plus à diminuer la réproduction des fubfiftances & le nombre des mariages, empêche en mêmetemps de naître un furcroît de population, dont les travaux auroient été fuivis d'un furcroît de productions, toujours avec le même excédent deftiné à des avances futures.

Eh! le moyen qu'à travers les brouillards épais qu'élèvent tant de paffions difcordantes, on puiffe voir fe conduire, on penfe à rechercher & on retrouve les voies de la nature, les règles & les loix de l'ordre naturel, que quelques hommes fimples & ifolés peuvent bien reconnoître encore; mais que nul ne peut fuivre, fi la généralité des hommes ne s'y conforme concurremment.

l'ignorance de ces voies propices; c'eft dans les Quoi qu'il en foit, c'eft dans l'oubli & dang erreurs vexatoires & impies qui en résultent, que les détails fans nombre feroient trop longs & inuconfifte la dépravation de l'ordre, dépravation dont tiles à développer. Il fuffit de dire que toute profpérité humaine dépend de l'ordre focial légal, & favorables prefcrites par l'ordre naturel, & que c'est-à-dire, entiérement conforme aux lois fimples ciale proviennent de la dépravation de cet ordre. toute inquiétude, toute infortune & vexation fo

(Cet article eft de M. GRIVEL.)

DÉPUTATION. C'eft l'envoi de quelques perfonnes choifies d'une compagnie ou d'un corps, vers un prince ou une affemblée, pour traiter en leur nom, ou pour fuivre quelque affaire. Voyez l'article fuivant DÉPUTÉ.

L

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Les députations font plus ou moins folemnelles, fuivant la qualité des perfonnes à qui on les fait, & les affaires qui en font l'objet.

Le terme de députation ne peut être appliqué proprement à une feule perfonne envoyée auprès d'une autre, pour exécuter quelque commiffion, mais feulement lorfqu'il s'agit d'un corps. Le parlement, en Angleterre, députe un orateur & fix membres pour préfenter fes adreffes au roi. Un chapitre députe deux chanoines pour folliciter fes affaires au confeil.

En France, l'affemblée du clergé nomme des députés pour complimenter le roi. Le parlement fait auffi par députés fes remontrances au fouverain; & les pays d'états, tels que le Languedoc, la Bourgogne, l'Artois, la Flandre, la Bretagne, &c. font une députation au roi, à la fin de chaque affemblée.

aux diètes, aux parlemens & aux diverfes affemblées qui font chargées de faire les loix, ou de confentir aux impôts: trop amoureux d'une liberté complette, ils ne fongeoient pas qu'ils demandoient une chimère, & que, s'il eft poffible de rendre utiles aux peuples ces fortes de difcuffions, il faut le contenir dans des bornes raifonnables. L'exagération se réfute d'elle-même, & le paffage fuivant n'a pas besoin de remarques.

« L'attiédiffement de l'amour de la patrie, l'ac»tivité de l'intérêt privé, l'immenfité des états, » les conquêtes, l'abus du gouvernement ont » fait imaginer la voie des députés du peuple dans » l'affemblée de la nation. C'eft ce qu'en certains » pays on ofe appeller le tiers-état. Ainfi l'intérêt » particulier de deux ordres eft mis au premier » & au fecond rang; l'intérêt public n'est qu'au » troisième.

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On donne auffi le nom de députation à une forte » La fouveraineté ne peut être représentée, par d'affemblée des états de l'Empire, qui eft différente » la même raifon qu'elle ne peut être aliénée ; de celle des diètes. C'eft un congrès où les dé- » elle confifte effentiellement dans la volonté gé putés ou commiffaires des princes & états de» nérale, & la volonté ne fe représente point: l'Empire difcutent, règlent & concluent les cho- » elle eft la même, ou elle eft autre; il n'y a fes qui leur ont été envoyées par la diète; cette » point de milieu. Les députés du peuple ne font députation a lieu auffi quand l'électeur de Mayen- » donc ni ne peuvent être fes représentans, ils ne ce, au nom de l'empereur, convoque les députés >> font que fes commiffaires; ils ne peuvent rien de l'Empire, à la prière des directeurs d'un ou» conclure définitivement. Toute loi que le peude plufieurs cercles, pour arranger des affaires," ple en perfonne n'a pas ratifiée eft nulle; ce ou pour affoupir des conteftations qu'ils ne font » n'eft point une loi. Le peuple anglois penfe pas eux-mêmes en état de terminer. » être libre; il fe trompe fort, il ne l'eft que » durant l'élection des membres du parlement; » fi-tôt qu'ils font élus, il est esclave, il n'ett » rien. Dans les courts momens de fa liberté, » l'ufage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde.

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Cette députation, en ufage dans le corps germanique, fut inftituée par les états à la diète d'Augsbourg en 1555. On y nomma alors pour commiffaires perpétuels l'envoyé de l'empereur ; les députés de chaque électeur, excepté celui du » L'idée des députés eft moderne: elle nous roi de Bohême, parce qu'il ne prenoit part aux » vient du gouvernement féodal, de cet abfurde affaires de l'Empire, qu'en ce qui concernoit l'é- » gouvernement dans lequel l'efpèce humaine eft lection d'un empereur ou d'un roi des romains ; dégradée, & où le nom d'homme eft en déshonmais les chofes ont changé à cet égard depuis l'em »neur. Dans les anciennes républiques, & même pereur Jofeph. On y admet encore ceux de divers » dans les monarchies, jamais le peuple n'eut de princes, prélats & villes impériales. Chaque dé- députés: on ne connoiffoit pas ce mot-là. Il eft puté donne fon avis à part, foit qu'il foit de la » très fingulier qu'à Rome, où les tribuns étoient chambre des électeurs, ou de celle des princes. Si » fi facrés, on n'ait pas même imaginé qu'ils puf les fuffrages des deux chambres s'accordent avec » fent ufurper les fonctions du peuple ; & qu'au celui du commiffaire de l'empereur, alors on con- » milieu d'une fi grande multitude ils n'aient ja clut, &, ainfi que dans les diètes, on forme un » mais tenté de paffer de leur chef un feul plé refultat qui fe nomme conftitution; mais une feule» bifcite. Qu'on juge cependant l'embarras qu chambre qui eft d'accord avec le commiffaire de» caufoit quelquefois la foule, par ce qui arriv l'empereur, ne peut faire une conclufion, fi l'au- » du temps des gracques, où une partie des c tre eft d'un avis contraire. »toyens donnoit fon fuffrage de deffus les toits.

DÉPUTÉ, celui qui eft envoyé par une communauté quelconque.

Les députés n'étant pas miniftres publics, ne font point fous la protection du droit des gens; mais on leur doit une protection plus particulière qu'à d'autres étrangers ou citoyens, & quelques égards en confidération des communautés dont ils font les agens.

Des écrivains enthoufiaftes fe font moqués des députés qu'envoient les grandes nations aux états,

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» Où le droit & la liberté font toutes chofes » les inconvéniens ne font rien. Chez ce fage per ple, tout étoit mis à fa jufte mesure: il laiffo » faire à fes licteurs ce que fes tribuns n'euffer »ofé faire; il ne craignoit pas que fes licteu » vouluffent le représenter ».

Les députés aux affemblées publiques jouiffe de certains privilèges. Les états qui ont droit s'affembler par députés, pour délibérer fur les a faires publiques, peuvent par cela même exig

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une fûreté entière pour leurs repréfentans, & feul prince gouverne tout, felon fes volontés, tout ce qui eft néceffaise à la liberté de leurs n'ayant abfolument d'antre loi qui le domine, que fonctions. Si la perfonne des députés n'eft pas in- celle de fes caprices. Il résulte de la nature de ce violable, ceux qui les délèguent ne pourront s'af- pouvoir, qu'il paffe tout entrer dans la main de furer de leur fidélité à maintenir les droits de la celui à qui il eft confié; cette per Conne, ce vifir nation, & à défendre courageufement le bien pu- devient le defpote lui-même, & chaqu blic: ces représentans ne s'acquitteront pas di-particulier devient le vifir. L'établiffement d'un gnement de leurs commiffions, s'il eft permis de vifir découle du principe fondamental des éta les inquiéter, en les trainant en juftice pour det- defpotiques (1). Lorfque les eunuques ont affoibli tes, ou pour des délits communs. Les raifons qui le coeur & l'efprit des princes d'Orient, & fouétabliffent les immunités des ambaffadeurs font vent leur ont laiffé ignorer leur état même, on applicables ici. Les droits de la nation & la foi les tire du palais pour les placer fur le trône; ils publique mettent ces députés à couvert de toute font alors un vifir, afin de fe livrer dans leur ferviolence, & même de toute pourfuite judiciaire, rail à l'excès de leurs paffions ftupides: ainfi, plus pendant la durée de leur miffion. Cette règle s'ob- un tel prince a de peuples à gouverner, moins il ferve en tout pays, & particuliérement aux diètes penfe au gouvernement; plus les affaires font de l'Empire, au parlement d'Angleterre, & on grandes, & moins il délibère fur les affaires; ce la fuivoit jadis aux Cortès d'Espagne. Henri III, foin appartient au vifir. Celui-ci, incapable de fa roi de France, fit tuer aux états de Blois le duc place, ne peut ni repréfenter fes craintes au fultan & le cardinal de Guife: il viola la fûreté des états; fur un événement futur, ni excufer fes mauvais & lorfque fes apologistes diront que ces princes fuccès fur le caprice de la fortune. Dans un tel étoient des factieux & des rebelles, qui portoient gouvernement, le partage des hommes, comme leurs vues audacieuses jufqu'à dépouiller leur fou- des bêtes, y eft fans aucune différence, l'inftinet, verain de fa couronne, il faudroit favoir fi Henri l'obéiffance, le châtiment. En Perfe, quand le n'étoit plus en état de les faire arrêter & punir, fophi a difgracié quelqu'un, ce feroit manquer au fuivant les loix; & fi la néceffité fembloit impo- refpect, que de préfenter un placet en fa faveur ; fer la loi de fe défaire de deux princes, on re- lorfqu'il l'a condamné, on ne peut plus lui degrettera toujours qu'on ne les ait pas attaqués ail- mander grace: s'il étoit yvre, ou hors de fens leurs. On dit que le pape Sixte V, apprenant la il faudroit que l'arrêt s'exécutât tout de même; mort du duc de Guife, loua cet acte de vigueur fans cela, il fe contrediroit, & le fophi ne fauroit comme un coup d'état néceffaire; mais qu'il en- fe contredire. tra en fureur, quand on lui dit que le cardinal avoit été tué auffi: c'étoit pouffer bien loin d'orgueilleufes prétentions; & le pontife, en avouant que la néceffité avoit autorifé Henri à violer la fûreté des états & toutes les formes de la juftice, montroit une partialité ridicule dans sa colère fur le dernier point.

DESPOTE. Ce mot, dans fon acception fimple, veut dire maître & seigneur suprême; il eft fynonime de monarque.

DESPOTISME, fignifie donc, dans son sens naturel, l'autorité légitime & fouveraine d'un feul; mais l'opinion & l'ufage le font communément prendre en mauvaise part, on le confond fouvent avec le pouvoir arbitraire & la tyrannie. Voici ce qu'en dit l'ancienne Encyclopédie, en le préfentant fous ce double point de vue. Le defpotifme eft le gouvernement tyrannique, arbitraire & abfolu d'un feul. Tel eft le gouvernement de Turquie, du Mogol, du Japon, de Perfe, de prefque toute l'Afie, &c.

Le principe des états defpotiques, eft qu'un

Mais, fi dans les états defpotiques le prince eft. fait prifonnier, il eft cenfé mort; les traités qu'il fait, comme prifonnier, font nuls, fon fucceffeur ne les ratifieroit pas : en effet, comme il eft la loi, l'état & le prince, & que fi-tôt qu'il n'eft plus le prince, il n'eft rien; s'il n'étoit pas cenfé mort l'état seroit détruit. La confervation de l'état n'eft que dans la confervation du prince, ou plutôt du palais où il eft enfermé: c'eft pourquoi il fait rarement la guerre en perfonne.

Malgré tant de précautions, la fucceffion à l'empire, dans les états defpotiques, n'en eft pas plus affurée, & même, elle ne peut pas l'être; en vain feroit-il établi (2), que l'aîné fuccéderoit; le prince en peut toujours choifir un autre. Chaque prince de la famille royale ayant une égale capacité pour être élu, il arrive que celui qui monte fur le trône, fait d'abord étrangler fes frères, comme en Turquie; on les fait aveugler, comme en Perfe; on les rend fous, comme chez le Mogol: ou fi l'on ne prend point ces précautions, comme à Maroc, chaque vacance du trône eft fuivie d'une

(1) Ce n'eft pas un principe de gouvernement, mais au contraire un oubli des principes, un abus de l'autorité qui ne reconnoît ni règles ni limites, & qui tend par fon excès à fe détruire elle-même.

(Note de M. G.)

(2) Etabli! par qui? Si on en faifoit une loi, la loi feroit au-deffus du prince, & l'état ne feroit plus defpotique, dans le fens qu'on l'entend ici. Si c'étoit par la volonté feule du prince, il est évident qu'on n'es endroit aucun compte après lui. (Note de M. G.)

affreufe guerre civile. De cette manière, perfonne n'eft monarque que de fait, dans les états defpotiques.

On voit bien, que ni le droit naturel, ni le droit des gens ne font le principe de tels états, l'honneur ne l'eft pas davantage; les hommes y étant tous égaux, on ne peut pas s'y préférer aux tres; les hommes y étant tous efclaves, on ne peut s'y préférer à rien. Encore moins, chercherions-nous ici quelque étincelle de magnanimité: le prince donneroit-il ce qu'il eft bien éloigné d'avoir en partage? Il ne fe trouve chez lui, ni grandeur, ni gloire. Tout l'appui de fon gouvernement eft fondé fur la crainte qu'on a de fa vengeance; elle abat tous les courages, elle éteint jufqu'au moindre fentiment d'ambition: la religion, ou plutôt la fuperftition, fait le refte, parce que c'eft une nouvelle crainte ajoutée à la première. Dans l'empire mahométan, c'est de la religion que les peuples tirent principalement le refpect qu'ils ont pour leur prince.

Entrons dans de plus grands détails, pour mieux dévoiler la nature & les maux des gouvernemens defpotiques de l'Orient.

taralifent l'ufure, chacun augmentant le prix de fon argent, à proportion du péril qu'il a à le prêter. La misère vient de toutes parts dans un pays malheureux; tout y eft ôté, jusqu'à la reffource des emprunts. Le gouvernement ne fauroit être injufte, fans avoir des mains qui exercent fes injuftices: or, il eft impoffible que ces mains ne s'emploient pour elles-mêmes, ainfi, le péculat y eft inévitable. Dans des pays, où le prince fe déclare propriétaire des fonds, & l'héritier de fes fujets, il en résulte néceffairement l'abandon de la culture; tout eft en friche & défert. Quand les fauvages de la Louifiane veulent avoir du fruit, ils coupent l'arbre au pied. Voilà le gouvernement defpotique, dit l'auteur de l'Esprit des loix.

Dans un gouvernement defpotique de cette nature, il n'y a donc point de loix fur la propriété des terres, puifqu'elles appartiennent toutes au defpote; il n'y en a pas non plus fur les fucceffions, parce que le fouverain eft le feul fucceffeur de droit. Le négoce exclufif qu'il fait dans quelques pays, rend inutiles toutes fortes de loix fur le commerce. Comme on ne peut pas augmenter la fervitude extrême, il ne paroît point dans les D'abord, le gouvernement defpotique s'exer- pays defpotiques d'Orient de nouvelles loix en çant dans leurs états fur des peuples timides & temps de guerre, pour l'augmentation des impôts. abattus, tout y roule fur un petit nombre d'idées; Les mariages, contractés avec des filles esclaves, l'éducation s'y borne à mettre la crainte dans le font qu'il n'y a guère de loix civiles fur les dots coeur & la fervitude en pratique. Le favoir y eft & fur les avantages des filles. Dans quelques pays dangereux, l'émulation funefte: il eft également de l'Inde, on n'a pu découvrir de loix écrites. pernicieux qu'on y raisonne bien ou mal; il fuffit Le vedan & autres livres pareils, ne contiennent qu'on raifonne pour choquer ce genre de gouver-point de loix civiles. En Turquie, où l'on s'emnement; l'éducation y eft donc nulle; on ne pourroit que faire un mauvais fujet, en voulant faire un bon efclave.

Le favoir, les talens, la liberté publique, Tout eft mort fous le joug du pouvoir defpotique. Les femmes y font efclaves; & comme il eft permis d'en avoir plufieurs, mille confidérations obligent de les renfermer: comme les fouverains en prennent tout autant qu'ils veulent, ils en ont un grand nombre d'enfans, qu'ils ne peuvent guère avoir d'affection pour eux, ni ceux-ci pour leurs frères. D'ailleurs, il y a tant d'intrigues dans leur ferrail, ces lieux où l'artifice, la méchanceté, la rufe, règnent dans le filence, que le prince luimême y devenant toujours plus imbécille, n'en eft que le premier prifonnier de fon palais.

barraffe auffi peu de la fortune, que de la vie & de l'honneur des sujets, on termine promptement toutes les difputes. Le bacha fait diftribuer des coups de bâton fous la plante des pieds des plaideurs, & les renvoie chez eux.

Si les plaideurs font ainfi punis, quelle ne doit point être la rigueur des peines pour ceux qui ont commis quelque faute? Ainfi, quand nous lifons dans les hiftoires les exemples de la juftice atroce des fultans, nous fentons, avec une espèce de douleur, les maux de la nature humaine. Au Japon, c'eft pis encore; on y punit de mort prefque tous les crimes. Là, il n'eft pas queftion de corriger le coupable, mais de venger l'empereur. Un homme qui hafarde de l'argent au jeu, eft puni de mort, parce qu'il n'eft ni propriétaire, ni ufufruitier de fon bien.

Le peuple qui ne possède rien en propre, n'a C'eft un ufage établi dans les pays defpotiques, aucun attachement pour fa patrie, & n'eft lié par que l'on n'aborde perfonne au-deffus de foi, fans aucune obligation à fon maître; de forte que, fuilui faire des préfens. L'empereur du Mogol n'ad- vant la remarque de M. la Loubere, comme les met point les requêtes de fes fujets, qu'il n'en ait fiamois doivent fubir le même joug fous quelque reçu quelque chofe. Cela doit être dans un gou-prince que ce foit, ils ne prennent jamais aucune vernement, où l'on eft plein de l'idée que le fupérieur ne doit rien à l'inférieur; dans un gouvernement, où les hommes ne fe croient liés que par les châtimens que les uns exercent fur les autres.

La pauvreté & l'incertitude de la fortune y na

part à fa fortune; au moindre trouble, ils laiffent aller tranquillement la couronne à celui qui a le plus de force ou d'adreffe. Un fiamois s'expofe gaiement à la mort pour fe venger d'une injure particulière, pour fe délivrer de la vie, ou pour

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