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ceffaires à la vie, comme les taxes mifes dans la Grande-Bretagne fur la drèche, la bière, le favon, le cuir, la chandelle, &c. font néceffairement hauffer le prix du travail, & conféquemment celui de toutes les marchandifes. Ce furhauffement général du prix de toutes les marchandises en conféquence de celui du prix du travail, eft un cas différent de celui d'une marchandife particulière, dont le prix monte par la taxe particulière qu'on impofe immédiatement fur elle. Il en diffère à deux égards.

1o. On peut toujours favoir exactement de combien peut monter le prix d'une telle marchandife par la taxe dont on la charge; mais on ne peut jamais favoir avec la moindre exactitude à quel point le furhauffement général de toutes les marchandifes qui font le fruit du travail, affectera le prix de chacune en particulier; & par conféquent il n'y a pas moyen de proportionner avec exactitude à ce furhauffement de prix la taxe fur chaque marchandise étrangère.

2o. Les taxes fur les chofes néceffaires à la vie ont fur le bien-être du peuple à-peu-près le même effet qu'un fol pauvre & un mauvais climat. Elles rendent les vivres plus chers, tout comme ils le feroient s'il falloit un travail & une dépenfe extraordinaires pour les tirer de la terre. Dans une difette naturelle provenant du fol & du climat, il feroit abfurde de diriger les gens dans la manière dont ils doivent employer leurs capitaux & leur induftrie. Ce feroit une égale abfurdité que de prétendre le faire dans une difette artificielle provenant de ces fortes de taxes. Les laiffer s'arranger comme ils pourront, accommoder leur induftrie à leur fituation, & chercher les emplois du travail & des fonds dans lefquels ils peuvent, malgré la dureté de leur fituation, fe procurer quelque avantage dans le commerce du dedans ou du dehors, c'est évidemment ce qu'il y a pour lors de mieux à faire pour eux. Si on leur met une nouvelle taxe, parce qu'ils font déja furchargés de taxes; fi parce qu'ils payent déja trop cher les chofes néceffaires à la vie, on leur fait payer auffi trop cher la plus grande partie des autres marchandifes, ne prend-on pas la voie la plus abfurde pour les indemnifer?

Lorfque ces fortes de taxes parviennent à un certain excès, elles font une malédiction égale à la ftérilité de la terre & à l'inclémence du ciel; & c'eft pourtant dans les pays les plus riches & les plus induftrieux, qu'elles font le plus généralement impofées. Des pays moins heureux ne pourroient foutenir un fi grand défordre. Comme les corps les plus vigoureux font les feuls qui vivent & fe portent bien avec un régime mal fain, de même il n'y a que les nations douées des plus grands avantages naturels & acquis dans toutes fortes d'induftrie, qui puiffent fubfifter & profpérer avec le fardeau d'un grand nombre de

taxes. La Hollande eft le pays de l'Europe où il y en a le plus ; & par des circonftances particulières, elle continue de profpérer, non par le moyen de ces charges, comme on l'a fuppofé avec la plus grande abfurdité, mais en dépic d'elles.

Comme il y a deux cas où il fera généralement avantageux d'impofer l'induftrie étrangère pour encourager l'induftrie domeftique, il y en a deux autres qui demandent une déliberation réfléchie & on ne peut trop examiner jufqu'où il eft à propos de continuer la libre importation de certaines marchandifes étrangères ; & jufqu'où & de quelle manière il eft à propos de rétablir l'importation libre, après qu'elle a été interrompue quel.

que temps.

Il importe de voir jusqu'où il est à propos de continuer l'importation libre de certaines marchan difes étrangères, fi une autre nation empêche, par de gros droits ou des prohibitions, qu'on n'importe chez elle le produit de certaines de nos manufactures. La vengeance dicte alors naturellement de rendre la pareille, & d'établir les mêmes droits & prohibitions fur l'importation qu'ils feroient chez nous du produit de quelques-unes ou de toutes leurs manufactures. Auffi les nations ne manquent-elles guère d'avoir recours à ces repréfailles. Les françois ont été particuliérement ardens à favorifer leurs manufactures, en mettant des entraves à l'importation des marchandifes étrangères qui pouvoient entrer en concurrence avec les leurs. C'étoit une grande partie de la politique de M. Colbert qui, malgré fes grands talens, paroît avoir été trompé par les fophifmes des marchands & des manufacturiers, qui ne ceffent de demander le monopole contre leurs concitoyens. On croit aujourd'hui, en France, que toutes les opérations de ce genre n'ont pas fait de bien à ce pays. Ce miniftre, par le tarif de 1667, impofa de fort gros droits fur les marchandifes d'un grand nombre de manufactu res étrangères. Sur fon refus de les modérer en faveur des hollandois, ils défendirent en 1671 l'importation des vins, des eaux-de-vie, & de tout ce que fabriquoient les manufactures de France. La guerre de 1672 paroît avoir été en partie occafionnée par cette difpute de commerce. La querelle fut terminée en 1678 par la paix de Nimegue. Quelques-uns de ces droits furent modérés en faveur des hollandois, qui en revanche, levèrent leur prohibition. Ce fut vers le même temps que les françois & les anglois commencèrent à opprimer mutuellement l'induftrie les uns des autres par de femblables droits & prohibitions. L'efprit d'hoftilité, qui a toujours fubfifté depuis entre les deux nations, n'a pas permis de les modérer de part ni d'autre, jufqu'au traité de commerce de 1786. En 1697> les anglois défendirent l'importation de la dentelle qui fe fait en Flandre. Le gouvernement de ce

pays, qui étoit alors fous la domination de l'Efpagne, défendit, de fon côté, l'importation des laines angloifes. En 1700, la défense d'importer de la dentelle en Angleterre fut levée, à condition que l'importation des laines angloifes feroit en Flandre fur le même pied qu'elle étoit aupa

ravant.

Il peut y avoir une bonne politique à ufer de cette espèce de repréfailles, quand il y a une probabilité qu'elles feront révoquer les gros droits & les prohibitions dont on fe plaint. Ce qu'on recouvrera d'étendue dans le marché du dehors, fera généralement plus que fuffifant pour compenfer l'inconvénient paffager de payer plus cher certaines marchandifes pendant un court efpace de temps. Mais ces fortes de repréfailles produiront-elles la révocation dont il s'agit? C'eft un point dont la décifion appartient peut-être moins à la fcience du législateur, dont les délibérations doivent toujours étre dirigées par des principes généraux qui ne varient jamais, qu'à l'adreffe de l'homme d'état ou du politique, dont les confeils fe règlent felon les viciffitudes ou les variations momentanées qui arrivent dans les affaires. S'il n'y a pas de probabilité que ces repréfailles faffent lever les impofitions & les défenfes, il paroît que c'est une mauvaise méthode que de réparer un tort fait à certaines claffes de nos concitoyens en faifant nous-mêmes un autre tort à ces claffes & à prefque toutes les autres. Quand nos voifins ferment leurs portes à quelques-unes de nos fabriques, nous fermons les nôtres non-feulement à ce qui fe fait de pareil chez eux, ce qui feul ne les toucheroit pas beaucoup, mais encore à d'autres produits de leur induftrie. Cette vengeance peut fans doute donner de l'encouragement à quelque claffe particulière de nos ouvriers, &, en excluant certains de leurs rivaux, les mettre en état d'augmenter le prix de ce qu'ils font & vendent chez nous. Cependant les ouvriers qui ont fouffert de la prohibition de nos voisins, n'y gagneront rien; au contraire, ils y perdront eux & prefque toutes les autres claffes de citoyens, puifque par-là ils feront obligés de payer certaines marchandifes plus cher qu'ils ne les payoient auparavant. Une loi de cette nature impofe donc une taxe réelle fur tout le pays, non en faveur de cette claffe d'ouvriers à qui la prohibition de nos voifins porte préjudice, mais en faveur de quelqu'autre claffe.

Il y a auffi quelquefois matière à délibérer juf qu'où & de quelle manière il convient de rétablir la libre importation des marchandifes étrangères, après qu'elle a été interrompue pendant quelque temps. Ce fecond cas a lieu, quand des manufactures particulières, au moyen des gros droits & des prohibitions fur toutes les marchandifes étrangères qui pouvoient entrer en concurrence avec elles, fe font étendues au point d'employer une grande multitude de bras. Dans

ce cas, l'humanité peut exiger que la liberté ne foit rendue au commerce que peu-à-peu, lentement & avec beaucoup de réferve & de circonfpection. Si on fupprimoit tout d'un coup & tout à la fois ces forts droits & ces prohibitions, il viendroit peut-être bientôt dans le pays une f grande quantité de marchandises étrangères de la même espèce & moins chères, que plusieurs milliers de fujets fe verroient tout-à-coup privés de leur emploi ordinaire & des moyens de fubfifter. Il en résulteroit fans doute un grand défordre; mais qui feroit pourtant, felon toute apparence, beaucoup moindre qu'on ne l'imagine communément ce que je prouve par les deux raifons fui

vantes.

1o. Toutes ces manufactures, dont le produit paffe communément en partie chez l'étranger fans qu'il y ait de gratification attachée à l'exportation, ne peuvent guère fe reffentir de la plus libre importation des marchandises étrangè res. Il faut que leurs productions fe vendent hors du pays, auffi bon marché que toutes les étrangères des mêmes efpèces & qualités, & conféquemment il faut qu'elles fe vendent meilleur marché dans le pays même. Elles feroient donc encore en poffeffion du marché intérieur ;.& quand certaines perfonnes du beau monde auroient la fantaisie de préférer les marchandises étrangères, précisément parce qu'elles font étrangères, à celles du pays qui font de même espèce, quoique meilleures & moins chères, cette folie, par la nature des chofes, feroit toujours fi rare & s'étendroit fi peu, qu'elle ne pourroit faire aucune impreffion fenfible fur l'emploi général des ouvriers. Mais il n'y a aucune gratification attachée à l'exportation qui fe fait annuellement d'une grande partie des manufactures de laine, des cuirs tannés & de la quincaillerie de la GrandeBretagne; & ce font ces manufactures qui emploient le plus de bras. La manufacture de foie feroit peut-être celle qui fouffriroit le plus de cette liberté du commerce; celle de toile enfuite, quoique beaucoup moins.

2o. De ce qu'un grand nombre de gens perdroient leur moyen ordinaire de fubfiftance, par le rétablissement de la liberté du commerce, il ne s'enfuit nullement qu'ils feroient privés de tout moyen de travailler & de fubfifter. Par la réduction des armées de terre & de mer, à la fin de la guerre de 1756, il y eut en Angleterre plus de cent mille, tant foldats que matelots, à qui on retira leur emploi ordinaire, & ce nombre égale ce qu'on emploie de gens dans les plus grandes manufactures. Sans doute qu'ils en fouffrirent quelque dommage; mais, en les congé diant, on ne leur ôta point tout moyen de travailler & de gagner leur vie. La plus grande partie des matelots s'attacha probablement au fervice des vaiffeaux marchands à mesure qu'elle en trouva l'occafion; & en attendant, les foldats & cur

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riers, que par le licencîment des foldats. Les manufacturiers anglois ont fans doute un grand mérite par rapport à leur pays; mais ils ne peuvent en avoir plus que ceux qui le défendent de leur fang, & ils ne méritent pas d'en être mieux traités.

S'attendre que la liberté du commerce foit jamais rétablie entiérement dans la Grande-Bretagne, ce feroit une bonhomie auffi abfurde que de compter d'y voir jamais réalifer l'Oceana ou l'Utopie. Non-feulement les préjugés, mais, ce qui eft bien plus infurmontable, les intérêts particuliers de plufieurs individus s'y opposent irréfiftiblement. Si les officiers d'une armée s'oppofoient à toute réduction des troupes avec autant de zèle & d'unanimité, que les maîtres manufacturiers en ont pour s'élever contre toute loi tendante à multiplier leurs rivaux dans le marché intérieur ; fi les premiers animoient leurs foldats comme les autres enflamment leurs ouvriers, pour les foulever & les déchaîner contre toute propofition d'un pareil réglement, il n'y auroit pas moins de danger à réduire une armée, qu'il n'y en a eu derniérement à vouloir diminuer à quelque égard le monopole que nos manufacturiers ont obtenu contre leurs concitoyens. Ce monopole a tellement groffi le nombre des monopoleurs, que, femblables à un déluge de troupes fur pied, ils font devenus formidables au gouvernement, & ont intimidé plufieurs fois la légiflation. Le membre du parlement, qui vient à l'appui de toute propofition faite pour fortifier le monopole, eft für d'acquérir non-feulement la réputation de bien entendre le commerce, mais de la faveur & du crédit dans un ordre d'hommes, à qui leur multitude & leurs richesses donnent une grande importance. S'il s'y oppofe, au contraire, & qu'il ait de plus affez d'autorité pour les traverfer, ni la probité la plus reconnue, ni le plus haut rang, ni les plus grands fervices rendus au public, ne peuvent le inettre à l'abri de la détraction & des calomnies les plus infâmes, des infultes perfonnelles, & quelquefois du danger réel que produit le déchainement des monopoleurs furieux & trompés dans leurs efpé

furent abforbés dans la grande maffe du peuple, où ils s'adonnèrent à beaucoup de différentes occupations. Non-feulement l'état n'éprouva aucune convulfion, mais il n'arriva pas même de défordre fenfible après un fi grand changement dans la fi tuation de plus de cent mille hommes, tous rompus dans l'ufage des armes, & la plupart accoutumés à la rapine & au pillage. On ne s'apperçut pas que le nombre des vagabonds fût nulle part augmenté fenfiblement ; &, autant que j'ai pu l'apprendre, le falaire même du travail ne baiffa dans aucune profeffion, fi ce n'eft dans celle des matelots au fervice de la marine marchande. Mais fi l'on compare les habitudes d'un foldat avec celles d'un manufacturier quelconque, on trouvera que celles du dernier tendent moins à le rendre inhabile à un nouveau métier, que celles du premier à le rendre incapable d'en exercer aucun. Le manufacturier a toujours été accoutumé à ne compter pour fa fubfiftance que fur fon travail feul, au lieu que le foldat l'a toujours attendue de fa paie. L'application & l'induftrie ont été le partage de l'un, la fainéantife & la diffipation celui de l'autre. Or il eft beaucoup plus facile de changer la direction de l'induftrie, & de la tourner d'une espèce de travail à une autre, que d'amener l'oifiveté & la diffipation à s'occuper. D'ailleurs la plupart des manufactures fe reffemblent affez, pour qu'un ouvrier n'ait pas grande peine à paffer de l'une à l'autre. La plus grande partie de ces ouvriers font auffi employés accidentellement aux travaux de la campagne. Les fonds qui les mettoient auparavant en action dans une manufacture particulière demeurant encore dans le pays, ferviront à occuper le même nombre de bras à quelqu'autre chofe. Le capital du pays reftant le même on demandera la même ou à-peu-près la même quantité de travail. Peu importe qu'il ne fe faffe pas dans les memes endroits, & qu'il n'ait pas les mêmes objets. Il eft vrai que les foldats & les matelots licenciés ont la liberté d'exercer tel métier qu'ils voudront dans toutes les villes & tous les lieux de la GrandeBretagne & de l'Irlande. Qu'on rende à tous les fujets de fa majesté britannique la même liberté naturelle d'exercer telle efpèce d'industrie qu'il leur plaira, & par-tout où bon leur femblera Si on ouvroit fubitement le marché intérieur à dans les trois royaumes; qu'on caffe les privilè la concurrence des étrangers, le maître particuges exclufifs des corporations, & qu'on aboliffe lier d'une manufacture, qui feroit obligé d'ale ftatut de l'apprentiffage, deux inftitutions qui bandonner fon commerce, en fouffriroit fans doute font de véritables breches faites au droit naturel; confidérablement. Il pourroit peut-être trouver qu'on y ajoute auffi la révocation de la loi des aifément un autre emploi à cette partie de for établissemens, & qu'un pauvre ouvrier qui ne capital, qui lui fervoit à acheter les matières & trouve plus rien à faire dans un certain métier, à payer fes ouvriers; mais il ne pourroit guères ou dans un certain endroit, cherche impunément fe garantir d'une groffe perte dans la difpofition de quoi gagner fa vie autrement, ou dans un qu'il feroit de l'autre partie de fon capital, fixée autre endroit ; qu'il ne craigne plus d'être pour-dans fes atteliers & dans les inftrumens fervans fuivi cu renvoyé, alors ni le public ni les individus ne feront guère plus léfés par la diffolution accidentelle de quelques claffes de manufactu

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rances.

à fa fabrique. Un ménagement équitable pour fon intérêt demanderoit donc que ces torres de changemens ne fe fiffent pas brufquement, mais

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lentement, graduellement, & après de longs |
avertiffemens. La légiflation, fuppofé qu'elle puiffe
jamais être dirigée, non par les clameurs impor-
tunes de l'intérêt perfonnel, mais par une vue
étendue de ce qu'exige le bien général; la lé-
giflation, dis-je, doit peut-être donner par la mê-
me raifon une attention particulière à ne point
établir de nouveaux monopoles de ce genre, &
à ne pas étendre plus loin ceux qui fubfiftent déja.
Tout nouveau réglement de cette nature intro-
duit plus ou moins un défordre réel dans la conf-
titution de l'état, auquel il fera difficile de
remédier enfuite fans occafionner un autre dé-

fordre.

C'est par des vues politiques, plutôt que par des vues de commerce, qu'on a fouvent défendu ou affujetti à de gros droits l'importation des articles provenant des manufactures étrangères; c'eft par de femblables vues qu'on maintient ce régime dans plufieurs gouvernemens. On croit mettre des obftacles à la profpérité de la nation voifine & à la force de cet état ; on croit diminuer fes richeffes, & cette erreur n'eft pas moins palpable; malgré ces prohibitions, l'industrie du peuple auquel on veut nuire, s'exerce d'une manière auffi utile à la profpérité nationale; & quant à la force d'un état, il eft bien reconnu qu'on peut fuppléer aux métaux avec du courage; qu'un peuple fimple dans fes moeurs & d'une fortune bornée eft plus redoutable qu'un peuple amolli par la fortune. Les politiques favent bien que la pation voifine qu'on affujettit à des prohibitions & à des gênes, ufe de repréfailles & vous impofe les mêmes prohibitions & les mêmes gênes, & qu'ils partagent ainfi les maux dont ils font la caufe; mais lorfque la nation eft puiffante, ils penfent qu'elle peut, fans inconvénient, partager ce mal; & c'eft avec ces grands principes fur les reffources inépuifables que les nations opulentes, après avoir brillé d'un éclat trompeur, fe ruinent & éprouvent des bouleversemens terribles.

fion & la diftribution naturelle du travail dans la fociété.

On peut en dire autant des reftitutions à la réexportation des marchandifes étrangères importées. Dans la Grande-Bretagne, la partie du droit fur l'importation qu'on reftitue, eit en général de beaucoup la plus forte la moitié des droits impofés par ce qu'on appelle l'ancien fubfide, y eft univerfellement rendue, excepté fur les marchandifes exportées aux plantations britanniques, & fouvent le tout ou une partie de ceux impofés par les derniers fubfides & impôts. Les reftitutions furent accordées originairement pour encourager le commerce de tranfport, qu'on regarl'argent dans le pays, parce que les étrangers doit comme le plus propre à faire venir l'or & payent fouvent la cargaifon des vaiffeaux en ard'encouragement particulier, & quoique le motif gent. Mais quoique ce commerce ne mérite pas de l'inftitution ait été peut-être bien fou, l'infdans ce commerce de tranfport plus du capital titution paroît affez fage. Elle ne peut introduire du pays, qu'il n'en auroit tiré naturellement s'il n'y avoit pas eu de droits fur l'importation; elle empêche feulement que ce commerce ne foit abfolument exclu par ces droits. Quoiqu'il ne mémais le laiffer libre comme tous les autres. Il est rite aucune préférence, il ne faut pas l'exclure, une reffource néceffaire pour les capitaux qui ne peuvent trouver d'emploi, ni dans l'agriculture & les manufactures du pays, ni dans fon commerce étranger de confommation.

Le revenu des douanes, bien loin de fouffrir de ces reftitutions, en profite par la partie des droits qu'elles ne rendent pas fi on n'en ôtoit rien, les marchandises étrangères fur lesquelles il fe paye, ne pourroient guère être exportées, ni conféquemment importées, faute d'un marché pour les vendre les droits dont on retient une partie, ne feroient donc jamais payés.

:

Ces raifons paroiffent fuffifantes pour justifier les Draw-backs anglois, & les juftifieroient quand ils feroient du total des droits pour l'exportation qui fe feroit, tant du produit de l'induftrie nationale que des marchandises étrangères ; à la vé rité, le revenu de l'accife en fouffriroit un peu, & les douanes beaucoup plus ; mais un tel réglement rétabliroit mieux la balance naturelle de l'industrie, & la division & distribution naturelle du travail, toujours plus ou moins dérangées par ces fortes de droits.

La reftitution des droits, au moment de l'importation, paroît très-raifonnable. En rendant au négociant qui exporte le tout ou une partie de l'accife, ou d'un autre droit impofé fur l'induftrie domestique, on ne peut jamais occafionner l'exportation d'une plus grande quantité de marchandifes qu'on n'en auroit exporté fans l'impôt. Cette reftitution ne tend pas à tourner, vers aucun emploi particulier, une plus grande portion du capital que celle qui s'y feroit tournée d'elle-même, mais feulement à empêcher qu'il en foit rien détourné à d'autres emplois; il tend non à renverser la balance qui s'établit naturellement entre les divers emplois de la fociété mais à empêcher que le droit impofé ne la ren-lonies angloifes d'Amérique, n'occafionnera pas verfe; non à détruire, mais à conferver ce qu'il eft prefque toujours utile de conferver, la divi

Ces raifons cependant ne juftifieront que les draw-backs fur l'exportation des marchandises aux pays abfolument étrangers, & non à ceux où les marchands & les manufacturiers anglois font le monopole: par exemple, une reftitution des droits à l'exportation des marchandifes d'Europe aux co

toujours une exportation plus confidérable que celle qu'on y auroit faite, tous les droits reftans,

Comme

Comme ils y jouiffent du monopole, il pourroit arriver fouvent qu'ils y en portaffent la même quantité: ainfi les reftitutions de droits peuvent être fouvent en pure perte pour l'excife & les douanes, fans rien changer à l'état du commerce, ni le rendre en aucune manière plus étendu qu'il ne feroit. Il eft clair que les reititutions de droits ne font utiles que dans les cas où les mar-chandifes pour l'exportation defquelles on les accorde, font réellement exportées chez l'étranger, & ne rentrent pas clandeftinement dans le pays. On fait l'abus qu'on a fait en Angleterre de ces reftitutions de droits, particuliérement de celles fur le tabac, combien elles ont occafionné de fraudes également préjudiciables au fifc, & à ceux qui font le commerce de bonne-foi.

il ne

Nous terminerons ce morceau par une remarque importante; c'eft fur-tout pour fe procurer une balance favorable de commerce qu'on a gêné les importations. Après toute l'inquiétude qu'on s'eft donnée fur ce fujet, après les vaines tentatives de prefque toutes les nations commerçantes, pour tourner cette balance en leur faveur, paroît pas qu'aucune nation de l'Europe ait été appauvrie par cette caufe: au contraire, en proportion que chaque pays, chaque ville a ouvert Les ports au lieu d'être ruinés par la liberté du commerce, ainfi qu'on devoit s'y attendre d'après les principes de ce systême, ils fe font en richis: je dis en proportion; car il y a peu de villes en Europe, qui, à certains égards, méritent le nom de ports francs, & il n'y a pas un feul pays où le commerce étranger foit libre. La Hollande approche peut-être le plus de ce caractère, quoi qu'elle en foit encore bien éloignée, & il est reconnu que la Hollande tire non-feulement toute fa richeffe, mais même une grande partie de fa fubfiftance réceffaire, du commerce étranger.

Il y a véritablement une autre balance, déja expliquée ci-devant, très-différente de la balance du commerce, & qui, felon qu'elle vient à être favorable ou défavorable, occafionne néceffairement la profpérité ou la décadence d'une nation. C'eft la balance du produit annuel & de la confommation car fi la valeur échangeable du pro

duit annuel excède celle de la confommation annuelle, le capital de la fociété doit augmenter annuellement, en proportion de cet excédant. La fociété, dans ce cas, vit de fon revenu; & ce qu'elle épargne fur ce revenu, eft naturellement ajouté à fon capital, & employé de manière que le produit annuel en devient encore plus grand. Si au contraire, la valeur échangeable du produit annuel eft au- deffous de la confommation annuelle, il faut que le capital de la fociété diminue annuellement, en proportion de ce deficit. Sa dépenfe excède alors fon revenu, & prend néceffairement fur fon capital. Son capital, par conféquent, doit néceffairement décheoir, & avec lui la valeur échangeable du produit annuel de

fon induftrie.

La balance du produit & de la confommation eft très différente de ce qu'on appelle la balance du commerce: elle peut s'établir dans une nation qui n'auroit point de commerce étranger, mais qui feroit abfolument féparée du refte du monde elle peut avoir lieu fur tout le globe terreftre, dont la richeffe, la population & les Progrès peuvent croître ou décroître par degrés. La balance du produit & de la confommation peut être conftamment en faveur d'une nation quoique ce qu'on appelle la balance du commerce foit généralement contr'elle. Une nation peut importer pour une plus grande valeur qu'elle n'exporte, peut-être un demi-fiècle de fuite : l'or & l'argent qui lui viennent durant tout ce temps, peuvent être envoyés, fur le champ, hors du pays; fa monnoie circulante peut tomber graduelfement, & différentes fortes de papier-monnoie en prendre la place: enfin les dettes même qu'elle contracte chez les principales nations avec lefquelles elle commerce, peuvent aller toujours en croiffant; & cependant il peut fe faire que fa richeffe réelle, que la valeur échangeable du produit de fes terres & de fon travail aient augmenté, durant ce même efpace de temps, en beaucoup plus grande proportion : l'état des colonies de l'Amérique feptentrionale & le commerce qu'elles faifoient avec la Grande-Bretagne avant les derniers troubles, font une preuve que cette fuppo fition n'eft nullement impoffible.

FIN du fecond Volume.

Econ. polit. & diplomatique, Tom. II.

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