صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني
[ocr errors]

annuel, foit en argent, en bétail ou en bled, &
ils font en outre affujettis aux corvées. Le roi Fré-
déric IV rendit, le 21 février 1702, une ordon- |
nance, par laquelle il exempta de la mortaille tous
ceux qui étoient nés depuis le 25 août 1699,
c'eft-à-dire, depuis l'époque où il étoit monté fur
le trône. Mais, par l'établissement d'une milice
nationale, tous les payfans font redevenus ferfs
ou mortaillables; car, dès qu'un jeune homme
eft arrivé à l'âge de neuf ans, il n'ofe quitter le
domaine où il eft né; & depuis 18 ans jufqu'à
quarante, il eft obligé de le faire enrôler dans les
troupes du pays. Aucun foldat n'ofe s'établir ni
prendre de ferine, ailleurs que dans la terre où
il fe trouve infcrit. Lorfqu'il a fini fon fervice mi-
litaire, & qu'il ne veut point recevoir de ferme,
le propriétaire de la terre à qui il appartient peut
le céder au régiment des gardes, ou à tel autre
régiment qu'il juge à propos; le même proprié-
taire peut demander le congé d'un foldat qui veut
s'établir, en mettant à fa place un autre sujet;
& lorfqu'un payfan quitte la terre fans paffe-port,
il eft pourfuivi comme transfuge.

La nobleffe jouit en général des droits fuivans:
favoir, du droit de chaffe & de pêche, de pa-
tronage, (en vertu duquel elle nomme les curés
& perçoit les revenus eccléfiaftiques); celui de
faire des fideicommis; celui de varech ou de
trouvaille, lorfque le véritable propriétaire de
Ja chofe perdue ne fe préfente pas dans un
an & jour. Les gentilshommes, quand il s'agit
de leur honneur ou de leur vie, doivent être ci-
tés au tribunal fuprême du roi ; & s'il eft
queftion de faifir leurs biens pour dettes, le juge
provincial inftruit ces fortes de caufes. Les privi-
lèges de la nobleffe de Slefwick feront indiqués
ailleurs. Toutes les perfonnes qui ont un rang ou
une dignité, jouiffent d'une espèce de nobleffe
perfonnelle. Le roi Chriftian V introduifit le pre-
mier le titre de comte & de baron féodal. Les
nobles de cette claffe, outre les priviléges dont
nous venons de parler, jouiffent de plufieurs au-
tres droits: ils peuvent établir des majorats dans
leur famille; leurs teftamens, pour être valables,
n'ont pas befoin de la confirmation du roi ; ils
ont le droit de patronage fur tous les bénéfices,
& ils perçoivent au moins la dixième partie des biens.
foumis à la dixme. Le principal manoir du baron,
dont dépendent 100 arpens de terres, ou, ce
qui revient au même, dont l'étendue eft de cent
tonnes de grain dur; & celui du comte, d'où
dépendent 300 arpens, font exempts de toute
contribution, exceptée celle qu'on appelle taille
des princeffes. Les baronies & les comtés ne peu-
vent être hypothéqués pour dettes, & leur pof-
feffeur ne fauroit les aliéner, fans le confen-
tement de l'héritier préfomptif, & fans la per-
mifion du roi. La confifcation n'a lieu à l'é-
gard de ces terres que pour crime de lèze-maiefté;
& en ce cas, elles retombent à la plus prochaine

res,

ligne. Les comtes en particulier ont la propriété des mines & des tréfors trouvés dans leurs terres ; ils jouiffent du droit de jurisdiction fur leurs domeftiques, & lorfqu'ils bâtiffent des maisons à Copenhague, ils font exempts des rentes fonciè du logement des gens de guerre, & de dif férens autres impôts. Ces maifons paffent à l'ainé auffi-bien que la comté. La chancellerie donne aux comtes le titre de très-illuftres (hoch-undwohlgebohrn), & aux barons celui d'illuftres (wohlgebohrn); & lorfque les comtes font compris dans la première claffe fur la lifte des rangs, on les appelle excellences ou hochgrüfliche excellenz.

SECTION I Ve.

Obfervations fur l'agriculture, les manufactures, la navigation & le commerce du Danemarck.

Agriculture. L'agriculture pourroit être d'un produit plus confidérable qu'elle ne l'a été jusqu'à préfent; mais les payfans auroient befoin d'inftructions & d'encouragement. On évalue le produit annuel du royaume du Danemarck feul à 8,361,700 tonnes de froment, feigle, orge, avoine, bled, farrafin, pois, vefces & fèves. Quand la récolte eft bonne, les danois peuvent exporter beaucoup de grains. L'exportation la plus confidérable & la plus utile fe fait vers les parties méridionales de la Norwège, où l'on n'ofe acheter que du bled de Danemarck, quoique les habitans foient dans le cas de s'en procurer ailleurs & à meilleur compte. Les ifles de Fionie, de Laaland (qui eft la plus fertile de toutes), de Langland & le Jutland en fourniffent la plus grande quantité; celle de Sélande produit du malt; celle de Fionie du bled farrafin; le Jutland & le duché de Sleswick beaucoup de boeufs de chevaux & de cochons : les chevaux du Slef wick font plus grands que ceux des ifles. Quelques provinces exportent des pois ; d'autres, principalement l'ifle de Falfter, des fruits; l'ifle de Laaland de la manne; celle de Fionie de l'hydromel; quelques provinces, & en particulier celles d'Eyderstedt font un grand commerce de fromages & de beure.

On voyoit peu de inanufactures en Danemarck au dernier fiècle. Frédéric IV & Chriftian VI commencèrent à en établir. Frédéric V les multiplia & les perfectionna. On trouve aujourd'hui à Copenhague beaucoup d'artiftes, & l'industrie a fait des progrès dans le refte du royaume. On y fait de la toile de voiles, de la toile ordinaire, de la batifte, des dentelles, du papier, du tabac à fumer & du tabac en poudre, des étoffes de coton & demi-coton, du fucre raffiné, des terres colorées, des pipes de terre, de la porcelaine de la fayence, du vitriol, de l'alun, du favon, des galons d'or & d'argent, toutes espèces d'ouvrages d'orfevrerie, de cuivre, de laiton, de fer

& d'acier. La fauffe dorure, qu'a inventée Stenum, approche beaucoup de la dorure véritable par fon éclat & fa durée. Les manufactures d'armes fuffisent pour fournir l'armée danoife. Les préparations des cuirs fe perfectionnent de jour en jour les gands de Rander & d'Odenfée ont de la réputation. On fabrique également des draps de différentes qualités, des étoffes, des tapis des étoffes, des tapis peints & imprimés, des bas tricotés & faits au métier, des chapeaux, &c. des étoffes de foie, de pluche, de velours: la manufacture la plus confidérable eft la manufacture royale de foie établie à Copenhague. Il y en a une autre où l'on fabrique beaucoup de toiles peintes. L'introduction des marchandifes étrangères et défendue; & dès 1736 l'ufage des bijoux, des étoffes d'or & d'argent, ainsi que des dentelles étrangères, a été interdit. En 1738, le roi fit établir à la bourfe u grand magafin où les manufacturiers apportent les marchandifes dont ils ne trouvent point le débit, & dont le prix leur eft payé comptant; ces marchandifes font enfuite livrées à crédit aux marchands cet établiffement eft fujet à beaucoup d'inconvéniens; mais ce n'eft pas ici le lieu de les indiquer.

[ocr errors]

Commerce. Le Danemarck eft fitué très-avantageufement pour le commerce; il femble destiné à être l'entrepôt de la mer Baltique. Autrefois les villes anféatiques faifoient feules le commerce de ce royaume; mais les anglois & fur-tout les hollandois ne tardèrent pas à le leur enlever. Les danois commencèrent, fous le règne de Chriftian III, à faire leur commerce par eux-mêmes. Chriftian IV les favorifa autant qu'il luf fut poffible, & fous Chriftian V ils fortirent de leurs ports avec leurs propres vaiffeaux. Cependant c'eft Frédéric IV qui eft véritablement le fondateur du commerce danois; Christian VI le foutint, & Frédéric V le porta à fa perfection.

[ocr errors]

Dans l'état actuel des chofes, les exportations font affez bornées : les plus confidérables fe réduifent pour les provinces du continent de l'Allemagne, à cinq ou fix mille bœufs, à trois ou quatre mille chevaux propres à la cavalerie à quelque feigle & à de menus grains, qui font vendus aux fuédois & aux holiandois. Depuis quelques années, le Danemarck confomme le froment que la Fionie & l'Aaland envoyoient autrefois à l'étranger. Ces deux ifles, ainfi que la Séelande, ne vendent plus guè es que ces magnifiques attehages, fi chers à tous ceux qui aiment les beaux chevaux. La Norwège fournit au commerce, du hareng, des bois, des mâtures, du goudron & du fer. Il fort des pelleteries de la Laponie & du Groenland. On tire de l'Ilande de la morue, de Phuile de baleine, de chien & de veau marin, du foufre, & ce voluptueux duvet connu fous le nom d'édiedon,

Pour entrer dans des détails qui font toujours utiles dans ces fortes de matières, nous dirons,

[ocr errors]

d'après Bufching, que les danois exportent an nuellement 548,496 tonnes de feigle d'orge, d'avoine, de pois, de fèves, de bled farrafin; de la manne, de millet, de lentilles, de pavot, de moutarde, de cumin, de fruits verds & fecs; de l'eau-de-vie de grain, (environ 32,000 ancres), de la bierre, du pain, des cochons du Jutland (environ 10,000) du lard, de la viande, du beurre, du fromage, du fuif, de la cire, du miel, de l'hydromel, des peaux, de la laine, des foies de cochons, des crins, des plumes, des draps, des gands de Rander, des dentelles, des cordes, des ouvrages de fer blanc, de cuivre & de fer, de la toile & du treillis, de la farine & des bas du Jutland, des peaux de moutons, de la laine filée, de la toile à voiles, des chapeaux, des pierres de taille, de la fayence, de la poterie de gray, des coffres, des meubles de différentes efpèces, des fouliers, des pantouffles, du fucre, du firop, des toiles peintes, &c. Suivant le calcul fait en 1759 par le vicechancelier Pontoppidan, le produit de ces den rées & marchandifes exportées & des accifes va à 2,533,271 écus, & la valeur des marchandifes qui entrent à 2,477,445 écus danois, de manière que l'exportation paffe l'importation de 55,826 écus; par conféquent le commerce de Danemarck eft prefque dans un équilibre parfait.

Parmi les productions du Danemarck, il y en a fort peu qui puiffent fervir de matière première dans les manufactures. On n'y trouve pas en affez grande quantité les foies, les laines, le lin, le chanvre, le caftor, ou les autres matières néceffaires aux grandes fabriques. Il faut ajouter que les danois ne font pas naturelleinent industrieux, & qu'ils fe contentent d'élever leurs beftiaux, de vaquer à l'économie rurale, de faire la pêche & d'aller en mer on concevra aifément la raifon pourquoi les manufactures y font fort négligées. Ainfi tout le commerce qui s'y fait en draps, en etoffes de laine & de foie, en chapeaux, bas dorures, toiles, &c. eft paffif; c'est-à-dire, que le Danemarck tire ces marchandises des pays étrangers, & les paye en argent ou en lettres de change fur la Hollande ou fur Hambourg, qui eft la caiffe publique des danois. Il en eft de même des vins, huiles, eaux-de-vie, fruits & autres productions que la nature a refufées aux contrées du nord; mais les états du Danemarck ont, d'un au tre côté, un commerce actif qu'on vient d'indiquer tout-à-l'heure. Non-feulement les ports de Copenhague, de Bergen en Norwège, & les autres ports de la mer Baltique & de la mer du Nord font toujours remplis de navires marchands des principales nations commerçantes, mais il y a auffi beaucoup de vaiffeaux appartenans aux fujets du roi de Danemarck, qui parcourent toutes les mers du monde. On voit, par exemple, Bergen des négocians qui tous les mois font lan cer à l'eau un nouveau vaiffeau, qu'ils nommens:

baleine, qui fe fait le long des côtes de cette mer; elle a la traite des nègres pour les ifles danoifes de l'Amérique, & elle eft intéreffée pour 200 actions dans le commerce du Levant, Au refte, le fonds de cette compagnie eft de mille actions, dont chacune étoit au commencement de 300 écus, & qui en 1750 ont été portées jufqu'à 500.

Le commerce du Lévant fe fait fous la direction de la compagnie génerale, dont nous venons de parler. Pour la foutenir, on a établi cinq cens actions, dont chacune eft de cinq cents écus.

La banque des affignations de change & d'emprunt, dont nous avons déja dit un mot, a été établie le 29 octobre 1736. Les billets de banque font de ico, de so, de 10 écus, & ont le même cours que l'argent comptant dans tous les états du roi, ainfi que dans tous les bureaux de recette. Cette banque prête auffi fur gages, moyennant 4 pour cent d'intérêts; ( c'est ce que l'on nomme Lombard, Mont-de-piété ). L'emprunt ne peut paffer cent écus, mais il peut être moindre. En 1760, on a augmenté le nombre des actions.

ordinairement du mois de l'année où il a été ache-commerce du Groënland & pour la pêche de la vé, comme le Janvier, le Février, &c. & qu'ils envoient dans les pays méridionaux, où ils le vendent fouvent avec fa cargaifon. La facilité que donne la Norwège pour la construction de ces bâtimens, fait que le propriétaire & l'acheteur étranger y trouvent l'un & l'autre leur compte. Le commerce du Danemarck avec l'Islande est affez important; & ce qui l'eft bien davantage, ce font les établiffemens qu'ont fait les danois dans les indes orientales & occidentales. Nous en parlerons dans les fections fuivantes. La compagnie des Indes, établie à Copenhague, envoie tous les ans plufieurs vaiffeaux à Tranquebar, où eft le dépôt principal & le centre du commerce de l'Afie; elle trafique auffi à la Chine & dans les contrées comprises dans les conceffions accordées au Danemarck, Ces vaiffeaux rapportent du thé, des porcelaines, des gourgourans & toutes fortes d'étoffes de foie, des meubles, &c. La compa gnie en fait des ventes publiques, où abondent les hambourgeois & les négocians des autres vil les commerçantes. La voie la plus courte pour transporter ces marchandises en Allemagne, eft celle de Kiel. On prétend que, dans les premières années, les actions de cette compagnie ont rendu jufqu'à quatre-vingt pour cent de dividende. Les danois font auffi quelque commerce à la côte de Guinée; ils tranfportent des nègres à l'ifle Saint-Thomas en Amérique, & ils les y vendent aux efpagnols; mais cet article eft peu confidérable. Pour faciliter le commerce, on a établi à Copenhague une banque, qu'il ne faut pas comparer à celles d'Amiterdam, de Venife ou de Hambourg. Il eft impoffible qu'une banque obtienne un grand crédit dans les gouvernemens abfolus où le fouverain eft toujours le maître de difpofer, fur-tout dans des cas de néceffité, des capitaux qui s'y trouvent placés. Dans les républiques, cette difpofition des capitaux dépend du peuple & d'une multitude de magiftrats, qui ne fouffriroient jamais qu'on touchât à des fonds dont dépendent le falut & la profpérité de l'état. On ne fauroit donc envifager la banque de Copenhague que comme une espèce de Lombard ou, tout au plus, comme une petite caiffe publique pour la commodité des paiemens intérieurs. Les grands paiemens à l'étranger fe font par la voie de Hambourg, comme nous l'avons déja dit.

[ocr errors]

La compagnie royale des Indes orientales, dont les premières lettres d'établiffement ont été expédiées en 1616, eft la plus confidérable des affociations de commerce qu'on trouve en Danemarck.

La compagnie générale de commerce, établie en 1747, a pour objet principal le tranfport en France, en Espagne, en Portugal & en Italie des marchandifes des pays fitués aux bords de la mer Baltique; elle a un privilège exclufif pour le

Navigation. La navigation eft affez active en Danemarck. La pêche des harengs, de la morue & d'autres poiffons produit une pépinière de matelots. Le trajet continuel que les danois font en Iflande, entretient auffi leur marine. Les norwégiens font prefque continuellement en mer, & depuis que le commerce des Indes orientales a pris faveur en Danemarck, la navigation s'accroît tous les jours. Le roi entretient une grande flotte capable de la protéger, & dont nous parlerons plus bas.

On a commencé en 1777 le canal de Slefwick. & de Holftein, qui doit joindre les deux mers pour éviter un long & dangereux détour. Un million de rixdales est destiné à cet objet. On comptoit 2053 vaiffeaux, en 1771, dans les divers ports du royaume : ce nombre paroît avoir augmenté dépuis.

SECTION V.

Remorques fur les établissemens de commerce, & les colonies que les danois poffedent en Afie, en Afrique & en Amérique.

C'est en 1618 que les danois formèrent aux Indes leur premier établiffement. La circonftance étoit favorable pour fonder un grand commerce. Les portugais, opprimés par un joug étranger, ne faifoient que de foibles efforts pour la confervation de leurs poffeffions. Les efpagnols n'envoyoient des vaiffeaux qu'aux Moluques & aux Philippines. Les hollandois ne travailloient qu'à fe rendre maîtres des épiceries. Les anglois fe reffentoient des troubles de leur patrie, même aux Indes. Toutes ces puiffances voyoient avec cha

[blocks in formation]

Il arriva de-là que les danois, malgré la modicité de leur premier fonds qui ne paffoit pas 853,263 livres, firent des affaires affez confidérables dans toutes les parties de l'Inde. Malheureufement la compagnie de Hollande prit une fupériorité affez décidée, pour les exclure des marchés où ils avoient traité avec le plus d'avantage; &, par un malheur plus grand encore, les diffenfions qui bouleverfèrent le nord de l'Europe, ne permirent pas à la métropole de cette nouvelle colonie de s'occuper d'intérêts fi éloignés. Les danois de Tranquebar tombèrent infenfiblement dans le mépris, & des naturels du pays qui n'eftiment les hommes qu'en proportion de leur richeffe, & des nations rivales, dont ils ne purent foutenir la concurrence. Cet état d'impuiffance les découragea. La compagnie remit fon privilège, & céda fes établissemens au gouvernement, pour le dédommager des fommes qui lui étoient dues.

Une nouvelle fociété s'éleva en 1670 fur les débris de l'ancienne. Chriftiern V lui fit un préfent en navires ou autres effets, qui fut eftimé 310,828 livres, & les intéreffés fournirent 732,600 liv. Cette feconde entreprise, formée fans fonds fuffifans, fut encore plus malheureufe que la première. Après un petit nombre d'expéditions, le comptoir de Tranquebar fut abandonné lui-même. Il n'avoit, pour fournir à fa fubfiftance, à celle de fa foible garnifon, que fon petit territoire, & deux bâtimens qu'il frétoit aux négocians du pays. Ces reffources même lui manquèrent quelquefois, & il fe vit réduit, pour ne pas mourir de faim, à engager trois des quatre baftions qui formoient fa fortereffe. A peine le mettoit - on en état d'expédier tous les trois ou quatre ans un vaisseau pour l'Europe, avec une cargaison médiocre.

La pitié paroiffoit le feul fentiment qu'une fituation fi défefpérée pût infpirer. Cependant la jaloufie qui ne dort jamais, & l'avarice qui s'allarme de tout, fufcitèrent aux danois une guerre odieufe. Le rajah de Tanjaour, qui leur avoit coupé plufieurs fois la communication avec fon territoire, les attaqua en 1689 dans Tranquebar même, à l'inftigation des hollandois. Ce prince étoit fur le point de prendre la place après fix mois de fiège, lorfqu'elle fut fecourue & délivrée par les anglois. Cet événement n'eut ni ne pouFit avoir des fuites importantes. La compagnie danoife continua à languir. Son dépériffement de venoit même tous les jours plus grand. Elle expira en 1730, mais après avoir manqué à ses engage

mens.

De fes cendres naquit, deux ans après, nouvelle fociété. Les faveurs qu'on lui prodigua pour la mettre en état de négocier avec économie, avec liberté, fent la preuve de l'importance que le gouvernement attachoit à ce commerce.

Son privilège exclufif devoit durer quarante ans. Ce qui fervoit à l'armement, à l'équipement de fes vaiffeaux, étoit exempt de toute impofition. Les ouvriers du pays qu'elle employoit, ceux qu'elle faifoit venir des pays étrangers, n'étoient point affujettis aux réglemens des corps de métier, qui enchaînoient l'induftrie en Danemarck comme dans le rette de l'Europe. On la difpenfoit de fe fervir de papier timbré dans fes affaires. Sa jurifdiction étoit entière fur fes employés ; & les fentences de fes directeurs n'étoient pas fujettes à révision, à moins qu'elles ne prononçaffent des peines capitales. Pour écarter jufqu'à l'ombre de la contrainte, le fouverain facrifia le droit qu'il pouvoit avoir de fe mêler de l'adminiftration comme principal intéreffé. Il renonça à toute influence dans le choix des officiers civils ou militaires, & ne fe réferva que la confirmation du gouverneur de Tranquebar. Il s'engagea même à ratifier toutes les conventions politiques qu'on jugeroit à propos de faire avec les puiffances de l'Afie.

Pour prix de tant de faveurs, le gouvernement n'exigea qu'un pour cent fur toutes les marchandifes des Indes & de la Chine qui feroient exportées, & deux & demi pour cent fur celles qui fe confommeroient dans le royaume.

L'octroi dont on vient de voir les conditions n'eut pas été plutot accordé, qu'il fallut fonger à trouver des intéreffés. L'opération étoit délicate. Le commerce des Indes avoit été alors fi malheureux, que les riches citoyens devoient avoir une répugnance invincible à y engager leur fortune. Une idée nouvelle changea la difpofition des efprits. On diftingua deux espèces de fonds. Le premier, appellé conftant, fut deftiné à l'acquifition de tous les effets que l'ancienne compagnie avoit en Europe & en Afie. On donna le nom de roulant à l'autre, parce qu'il étoit réglé tous les ans fur le nombre & la cargaifon des navires qui feroient expédiés. Chaque actionnaire avoit la liberté de s'intéreffer ou de ne pas s'intéreffer à ces armemens, qui étoient liquidés à la fin de chaque voyage. Par cet arrangement, la compagnie fut permanente par fon fonds conftant, & annuelle par le fonds roulant.

Il paroiffoit difficile de régler les frais que devoit fupporter chacun des deux intérêts. Tour s'arrangea plus aifément qu'on ne l'avoit espéré. Il fut arrêté que le fonds roulant ne feroit que les dépenfes néceffaires pour l'achat, l'équipement, la cargaifon des navires. Tout le refte devoit regarder le fonds conftant qui, pour fe dédommager, préleveroit dix pour cent fur toutes les marchandifes des Indes qui fe vendroient en Europe, & de plus cinq pour cent fur tout ce qui partiroit de Tranquebar.

Le capital de la nouvelle compagnie fut de 3,240,000 liv. partagé en 1600 actions de 2025 liv. chacune.

Avec ces fonds, toujours en activité, les affo- | ciés expédièrent, durant les quarante années de leur octroi, cent huit bâtimens, La charge de ces navires monta en argent à 87,333,637 liv. & en marchandises à 10,580,094 livres, ce qui faifoit en tout 97,913,731 liv. Leurs retours furent vendus 188,939,673 liv. Le Danemarck n'en confomma que pour 35,450,262 livres. Il en fut donc exporté pour 153,489,411 liv. Qu'on faffe une nouvelle divifion, & il fe trouvera que les ventes annuelles fe font élevées à la for.me de 4,723,491 1. que le pays n'en a confommé tous les ans que pour 886,250 livres, & que les étrangers en ont enlevé pour 3,837,235 liv.

Les répartitions furent très-irrégulières, tout le temps que dura le privilège. Elles auroient été plus confidérables, fi une partie des bénéfices n'eût été mife régulièrement en augmentation de commerce. Par cette conduite fage & réfléchie les heureux affociés réuffirent à tripler leurs capitaux. Ces fonds auroient encore groffi de deux millions, fi le ministère n'eût engagé, en 1754, la direction à ériger une ftatue au roi Frédéric V.

Lorsque le privilège de la compagnie expira le 12 avril 1772, il lui fut accordé un nouvel octroi, mais pour vingt ans feulement. On mit même quelques reftriétions aux faveurs dont elle avoit joui.

A l'exception du commerce de la Chine, qui refte toujours exclufif, les mers des Indes font ouvertes à tous les citoyens, & à l'étranger qui voudra s'intéreffer dans leurs entreprises. Mais pour jouir de cette liberté, il faut n'employer que des navires conftruits dans quelqu'un des ports du royaume ; embarquer dans chaque vaiffeau pour 13,500 liv. au moins de marchandifes de manufactures nationales; payer à la compagnie 67 liv. 10 fols par laft, ou deux pour cent de la valeur de la cargaifon au départ, & huit pour cent au retour. Les particuliers peuvent également négocier d'Inde en Inde, moyennant un droit d'entrée de quatre pour cent pour les productions d'Afie, & de deux pour cent pour celles d'Europe, dans tous les établiffemens danois. Si, comme on n'en fauroit douter, la cour de Copenhague n'a fait ces arrangemens que pour donner la vie à fes comptoirs, l'expérience a dû convaincre qu'elle a été trompée.

La compagnie étoit autrefois exempte des droits établis fur ce qui fert à la conftruction, à l'approvifionnement des vaiffeaux. On l'a privée d'une franchife qui entraînoit trop d'inconvéniens. Elle reçoit, en dédommagement, 67 liv. 10 fols par Jaft, & 13 liv. 10 f. pour chacune des perfonnes qui forment l'équipage de fes bâtimens. On loblige, d'un autre côté, à exporter fur chacun de fes navires, expédiés pour l'Inde, 13,500 liv. de marchandifes fabriquées dans le royaume, &

18,000 liv. fur chacun des navires destinés pour la Chine.

Les droits, anciennement différens pour les productions de l'Afie qui fe confommoient en Danemarck, ou qui paffaient à l'étranger, font actuellement les mêmes. Toutes, fans égard pour leur deftination, doivent deux pour cent. Le gouvernement a voulu auffi refter l'arbitre des frais de douane que les foieries & les cafés, destinés pour l'état, feroient obligés de fupporter. Cette réferve a pour but l'intérêt des illes de l'Amérique & des manufactures nationales.

Le roi a renoncé à l'ufage où il étoit de placer tous les ans, dans le commerce de la compagnie, la fomme d'environ cent mille liv. dont il lui revenoit communément un profit de vingt pour cent. Pour le dédommager de ce facrifice, il fera verfé dans fa caiffe particulière 22,500 liv. lorfque ce corps n'expédiera qu'un vaiffeau; 36,000 livres lorfqu'il en fera partir deux, & 45,000 livres lorfqu'il y en aura trois ou un plus grand

nombre.

[ocr errors]

Sous l'ancien régime, il fuffifoit d'être propriétaire d'une action, pour avoir droit de fuffrage dans les affemblées générales. Pour trois actions, on avoit deux voix; trois pour cinq, & ainfi dans la même proportion jufqu'à douze voix, nombre qu'on ne pouvoit jamais paffer, quel que fût l'intérêt qu'on eût dans les fonds de la compagnie : mais il étoit permis de voter pour les abfens ou les étrangers, pourvu qu'on portât leur procuration. Il arriva de-là qu'un petit nombre de négocians, domiciliés à Copenhague, fe rendoient les maîtres de toutes les délibérations. On a remédié à ce défordre, en réduifant à trois le nombre des voix qu'on pourroit avoir, foit pour foimême, foit par commiffion.

Telles font les vues nouvelles qui diftinguent le nouvel octroi de ceux qui l'avoient précédé. L'exemple du miniftère a influé fur la conduite des intereffés, qui ont fait auffi quelques changemens remarquables dans leur administration.

La diftinction du fonds conflant & du fonds roulant réduifoit la compagnie à un état précaire, puifqu'on étoit libre de retirer, après chaque voyage, le dernier qui fervoit de base aux opérations. Pour donner au corps une meilleure conftitution ces deux intérêts ont été confondus. Déformais les actionnaires ne pourront, jufqu'a la fin de l'octroi, revendiquer aucune portion de leur capital. Ceux d'entr'eux qui, pour quelque raison que ce puiffe être, voudront diminuer leurs rifques, feront réduits à vendre leurs actions comme cela fe pratique par-tout ailleurs.

A l'expiration du dernier octroi, la compagnie avoit un fonds de 11,906,059 livres, partagé en feize cens actions d'environ 7,425 liv. chacune. Le prix de l'action étoit évidemment trop for dans une région où les fortunes font fi bornées On a remédié à cet inconvénient, en divifan

« السابقةمتابعة »