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nistes avaient trop d'ennemis pour ne rencontrer que des auxiliaires. Quant aux philosophes, presque également éloignés des deux partis, ils ne souhaitaient pas la destruction de l'institut, parce qu'ils voulaient encore bien moins le triomphe du Parlement de Paris et la résurrection de Port-Royal. Il n'y eut donc pas en France, quoiqu'on ait soutenu plus tard le contraire, un parti pris d'avance contre les jésuites; il n'y eut point de conspiration ministérielle; le duc de Choiseul ne leur suscita point d'ennemis dans le midi de l'Europe; il ne chercha point de prêtenom pour un complot dont il ne fut point l'instigateur. Ce n'est pas la France, ce ne sont ni ses écrivains ni ses hommes d'État qui eurent le tort ou l'honneur de proscrire le jésuitisme. La philosophie elle-même ne peut en être que très - indirectement accusée. Il y a plus, cet événement s'accomplit en dehors de son influence. Les hommes qui les premiers attaquèrent les jésuites n'étaient point les adeptes de la philosophie française; ses maximes leur étaient étrangères. Des causes toutes locales, toutes particulières, toutes personnelles atteignirent la Société dans son pouvoir, si longtemps incontesté; et, pour comble d'étonnement, ce corps si vaste, dont les bras s'étendaient, comme on l'a dit souvent, jusqu'à des régions naguère inexplorées, cette colonie universelle de Rome, si redoutable à tous, parfois même à sa métropole, cette Société de Jésus enfin, si brillante, si solide en apparence, reçut sa première blessure,

non de quelque grande puissance, non sur un des principaux théâtres de l'Europe, mais à l'une de ses extrémités, dans une de ses monarchies les plus isolées et les plus affaiblies.

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C'est du Portugal que partit le coup. Est-ce de là qu'on devait l'attendre? Non, si on pense à la puissance de l'ordre, qui, dans ce pays, dominait tout le monarque et le peuple, le trône et l'autel. Oui, si on considère ce qu'une telle situation avait d'excessif, et par conséquent de peu durable; si on se rappelle surtout les circonstances qui, soit fortuitement, soit par un lien logi. que, quoique secret, se rattachent à l'introduction des jésuites à la cour de Portugal. Sans doute ils avaient rendu à ce royaume quelques services partiels, ils lui avaient conquis des sujets nouveaux et utiles; à la Chine et dans les Indes, ils avaient jeté sur le nom Portugais l'éclat d'une prédication consacrée par le martyre. L'établissement de la Société n'en coïncide pas moins avec le déclin de la monarchie portugaise. Pour le malheur du Portugal, les jésuites et l'influence étrangère y entrèrent en même temps. Cette décadence ne fut point lente et progressive, mais rapide et instantanée. Contre le témoignage de presque tous les historiens, nous n'avons garde de l'attribuer aux jésuites; nous constatons seulement qu'il fut triste pour eux d'en avoir été les témoins actifs. A tort ou à raison, la responsabilité des événements retourne à ceux qui exercent le pouvoir, et,

on ne peut le nier, le pouvoir leur a appartenu en Portugal, sans interruption ni lacune, dans toute cette période de deux cents ans (1540 à 1750).

Du XIVe siècle au xvre, le Portugal présente le phénomène d'une population faible, mais vivace, qui, par l'inspiration du courage, le génie de l'aventure, par un mélange de l'entraînement chevaleresque et du calcul commercial, par une sorte de compromis entre le passé et l'avenir, entre le moyen âge et les temps modernes, s'élève subitement à la richesse, à la renommée, à la puissance, puis, arrivée à ce faîte, en redescend toutà-coup, repoussée par le ressort qui l'avait fait monter si vite et si haut. C'est alors que les jésuites paraissent à Lisbonne. En 1540, ils sont présentés à Jean III. Dès ce moment, tout s'arrête. A peine reçus, ils dominent. L'inquisition elle-même les voit venir avec jalousie; elle leur oppose quelque résistance, mais en vain : l'inquisition leur cède et les adopte. Ils demandent le libre exercice de l'enseignement; l'université de Coimbre succombe. D'abord ils partagent avec elle ses bâtiments; au bout de sept ans, ils l'en chassent. La superstitieuse jeunesse de dom Sébastien, le règne du cardinal-roi signalent à la fois l'agonie de la monarchie portugaise et le triomphe des jésuites. Ils reçoivent les Espagnols à bras ouverts; plus tard, leur expulsion les afflige, mais ils ne tardent pas à s'imposer à la nouvelle dynastie. Ils gouvernent sous le nom de deux reines, la veuve de

Jean IV et la femme d'Alphonse VI, remariée à son beaufrère du vivant de son premier mari, qu'elle détrône et qu'elle enchaîne sur un rocher. Sous Jean V, leur domination est à son apogée; ils règnent, et le Portugal épuisé, haletant, tombe, pour ne plus se relever, entre les mains protectrices de l'Angleterre.

Le Nouveau-Monde ouvrit aux jésuites une carrière plus glorieuse. Malgré les objections qu'ils est possible de faire à leur établisssement dans le Paraguay, il faut convenir qu'ils y donnèrent un noble exemple. On vit une poignée d'hommes désarmés porter la foi et la civilisation au milieu de peuplades sauvages. Ce spectacle a frappé tous les yeux; les jésuites ne peuvent reprocher à personne d'en avoir méconnu la singulière beauté. La philosophie elle-même leur a accordé un suffrage que leurs écrivains sont bien loin d'avoir dédaigné, car ils l'ont rappelé sans cesse et le reproduisent encore tous les jours. Nous n'ignorons pas ce qu'il y avait, sinon de tyrannique, du moins de très-absolu, dans ce gouvernement : nous savons que l'homme ne pouvait y être heureux qu'à la condition de rester toujours enfant; mais, mieux instruits encore que nos devanciers par les révolutions subséquentes de ces contrées lointai

témoins de l'atroce dictature de je ne sais quel docteur fantastique qui a remplacé les pères dans le Paraguay, nous devons applaudir hautement à une domination qui, pouvant être à la fois despotique et cruelle,

s'est bornée à rester douce, quoique arbitraire. Il n'én est pas moins vrai que la position des jésuites en Amérique était un désordre politique. Un lien les tenait attachés en apparence aux deux monarchies péninsulaires, mais de fait, ils étaient souverains; de là leur chute inévitable dès que l'une des deux cours viendrait à se rappeler ses droits. Cela devait arriver tôt ou tard et arriva en effet. Dans l'année 1753, par un traité entre les rois d'Espagne et de Portugal, il y eut un échange mutuel de réductions ou provinces: on y stipula que les habitants abandonneraient les territoires cédés, et qu'ils changeraient de patrie pour ne pas changer de prince. Ces malheureuses tribus résistèrent, les jésuites appuyèrent leur résistance. Depuis, ils ont nié obstinément la part qu'ils prirent à la détermination des naturels; mais, lorsque l'on compare la docilité paisible de cette population à l'activité illimitée de ses vrais maîtres, peut-on douter de l'emploi qu'ils en firent? D'ailleurs les jésuites ont tort d'appliquer à ce fait le système de dénégation dont leurs écrivains font un constant usage. Avec plus de franchise et de hauteur d'âme, ils avoueraient leur opposition à une mesure si oppressive: ils se féliciteraient d'avoir mis généreusement obstacle à une transmigration violente. Le mode d'apologie qu'ils ont adopté les a toujours portés à tout nier dans l'intérêt du moment, même les actes courageux et honorables. Au reste, en leur rendant sur ce point particulier, une justice qu'ils n'ac

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