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CLITANDRE.

Quoi! ce projet encore occupe votre esprit?
Votre niece l'ignore, ou sans doute elle en rit.
Mais pour l'exécuter quel rare stratagême?...

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Bien plus, je vous réponds du plus tendre retour.

CLITANDRE.

Le cœur de votre niece est-il fait pour l'amour?

ORPHISE.

Je connois comme vous cette ardeur vagabonde
Qui l'entraîne sans choix dans les flots du grand monde.
Je sais qu'elle est coquette, et qu'à tout l'univers
Sa vanité voudroit faire porter ses fers,
Envahir tous les cœurs, briller sans concurrence,
Déifier enfin sa beauté qu'on encense :
Si je l'accuse ici ce n'est point par humeur;
Je l'aime, et je voudrois assurer son bonheur.
Quand son époux mourut, victime de mon zele,
Retraite, amis, maison, j'ai tout quitté pour elle:
Je n'ai point revêtu l'air farouche et grondeur,
Ni d'une surveillante affecté la rigueur;
Elle m'auroit trompée, elle m'auroit haïe :
Elle ne voit en moi que sa plus tendre amie.

Sous ce titre en tous lieux j'accompagne ses pas;
J'écarte les dangers, je préviens les éclats;
Ne pouvant l'arrêter, je la suis: ma prudence
Préside à sa conduite, en bannit l'indécence;
Et, toujours occupée à régler ses desirs,
Je parois seulement partager ses plaisirs.

CLITANDRE.

Je sais jusqu'à quel point vous êtes estimable.
Mais Julie après tout n'est point si condamnable:
Tout la porte au plaisir, sa fortune, son rang.
De ses brillans défauts son âge est le plus grand;
Et, quoique du devoir elle étende la chaîne,
Elle résiste encore au torrent qui l'entraîne.
Mais
pesez vos desseins. Qui? moi, la réformer!
Je ne connois en moi rien qu'elle puisse aimer:
Je le sens à regret, mais j'ose vous le dire,
Le moindre petit-maître obtiendra plus d'empire.

ORPHISE.

Non: tous nos merveilleux près d'elle ont échoué,
Et de tous leurs assauts son orgueil s'est joué.
Contente d'entasser conquêtes sur conquêtes,
Elle a pour tous les cœurs des chaînes toujours prêtes;
Mais en les soumettant elle échappe à leurs traits,
Et du sien jusqu'ici rien n'a troublé la paix.

CLITANDRE.

L'avis est excellent; mais songez donc, madame,
Qu'en voulant allumer une imprudente flamme
Je pourrois le premier en être consumé.

Pour braver tant d'attraits suis-je assez bien armé? Veuve, et très jeune encor, riche, spirituelle, Fiere de vingt talens, aimable autant que belle, Mes yeux, long-tems fixes sur tant d'appas divers, Pourroient faire à mon cœur oublier ses travers; Je n'ose le risquer.

ORPHISE.

Je vous connois, Clitandre:
Lorsqu'à tant de beautés vous craignez de vous rendre,
Ce n'est là qu'une excuse, un honnête détour.
La vertu seule a droit d'allumer votre amour.
Jusqu'à ce jour ma niece a conservé la sienne;
Mais bientôt il n'est plus de frein qui la retienne:
Vous pensez comme moi sur cet article-là.

D'un danger si pressant, de grace,
Aidez-moi de vos soins.

arrachons-la:

CLITANDRE.

Il faut être sincere.

Ce projet qui vous flatte a trop de quoi me plaire.
Déja plus d'une fois j'ai surpris dans mon cœur
Des desirs inquiets d'obtenir ce bonheur;
Déja depuis long-tems ma raison en alarmes
Ne peut qu'avec effort résister à ses charmes :
De toutes ses erreurs peu tranquille témoin,
Je la fuis à regret, et l'admire de loin.
Ainsi, vous le voyez, l'épreuve est dangereuse.

ORPHISE.

Elle vous aimera: son sort est d'être heureuse.

CLITANDRE.

Je ris de vous entendre, et vous me ravissez
Par ce ton décisif dont vous me l'annoncez.
Et sur quoi fondez-vous un espoir qui me passe?

ORPHISE.

Oh! je vais vous le dire; écoutez-moi, de grace.
Depuis près de deux mois, habile à tout saisir,
Je conduis mon projet sans vous en avertir.
J'ai toujours remarqué que la grande folie,
Que le goût dominant de ma chere Julie
Est moins de captiver ceux qui l'aiment par choix,
Que d'asservir les cœurs soumis à d'autres lois.
Un amant, quel qu'il soit, la trouvera rebelle;
Mais qu'il en aime une autre, il devient digne d'elle,
Et pour se l'attacher il n'est feintes, détours,
Ruses dont son orgueil n'emprunte le secours.
Elle attaque, on résiste; elle presse, on lui cede;
Mais un est-il soumis, un autre lui succede.
Pour fixer ses regards sur ce que vous valez,
J'ai dit que vous aimiez; mais que vos feux voilés,
Remplissant tous les vœux d'une amante sincere,
Couvroient votre bonheur des ombres du mystere;
Que je la défiois de troubler vos plaisirs,

Quoiqu'elle vit souvent l'objet de vos desirs;

Et

que votre conquête à ses yeux interdite
Supposoit dans une autre un plus rare mérite.
Son cœur a pris l'essor, et ses émotions
Ont d'abord éclaté par mille questions,

J'ai feint de badiner; l'atteinte étoit portée:
Lorsque vous paroissiez je l'ai vue agitée,
Suivre partout vos yeux, peser tous vos discours,
Chercher avidement l'objet de vos amours,
Et toujours cependant employer tous ses charmes
Afin de vous forcer à lui rendre les armes.
D'ordinaire sur moi vos regards se perdoient,
Les siens en même tems sur moi se confondoient:
A cent petits égards votre amitié fidele
Mille fois m'a donné l'avantage sur elle;
Ses soupçons balançoient, ils se sont appuyés,
Et produisent enfin l'effet que vous voyez.

CLITANDRE.

Eh bien! si notre amour eût été véritable,
Le

moyen d'excuser ce trait abominable?

ORPHISE.

Il ne l'est point: pourquoi le prendre au sérieux?

CLITANDRE.

Elle n'en est pas moins criminelle à mes yeux.
Penseroit-elle à moi si sa maligne adresse
N'y trouvoit le plaisir d'enlever ma tendresse.
A qui?... Fort bien ! riez...

ORPHISE.

Je ris de ce courroux.
Son caractere est-il une énigme pour vous?
Sa fierté vous défie: allons, entrez en lice;
En vous faisant aimer confondez sa malice:
Entraînez, séduisez, humiliez son cœur,

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