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Toujours digne de plaire, et de vous enflammer.
Elle respire encore, et c'est pour vous aimer.

Mélanide?

LE MARQUIS.

THÉODON.

Oui; la mort n'a point tranché sa vie. Depuis qu'entre vos bras elle vous fut ravie Elle n'a point cessé d'aimer, et d'espérer.

LE MARQUIS.

Ah! de grace, un moment laissez-moi respirer.
De tous les coups du sort ce n'est pas là le moindre.
Mais où falloit-il donc aller pour la rejoindre?
Qu'ai-je à me reprocher? Où n'ai-je point erré?
Au fond de quel désert n'ai-je point pénétré?
Quel charme nous rendoit l'un à l'autre invisibles?
Il est donc pour l'amour des lieux inaccessibles?
Partout, mais vainement, j'avois porté mes pas,
Lorsque de toutes parts on m'apprit son trépas.
THÉODON.

Monsieur, on vous trompoit.

LE MARQUIS.

Mais son silence même

M'a toujours confirmé dans cette erreur extrême. Ah! devoit-elle ainsi me laisser si long-tems Déplorer des malheurs que j'ai crus trop constans?

THÉODON.

Ne lui reprochez rien.

LE MARQUIS.

Sur les moindres nouvelles,

Soyez sûr

que

l'amour m'auroit donné des ailes.

THÉODON.

Eh! ne lui faites point ce reproche indiscret:
Ses lettres ont été soustraites en secret;
Avec trop de rigueur elle étoit observée.

LE MARQUIS.

Eh! comment donc, monsieur, l'avez-vous retrouvée?
THÉODON.

Elle n'est plus en proie au courroux trop réel
D'une mere inflexible et d'un pere cruel;
Et c'est depuis trois mois qu'avec leur destinée
Leur tyrannie affreuse est enfin terminée.

LE MARQUIS.

Ah! Mélanide, hélas! quel moment prenez-vous
Pour venir réclamer le coeur de votre époux?
Malgré moi, malgré lui, l'amour vous a trahie:
Je ne l'ai plus ce cœur; il est à Rosalie.

Ce n'est point sans combat qu'il s'est enfin rendu:
Je l'ai trop disputé, je l'ai trop défendu

Pour oser espérer de pouvoir le reprendre;
Il est trop tard.

THÉODON.

Comment! Et qu'osez-vous m'apprendre?

LE MARQUIS.

Que je crains de céder à la fatalité

Qui pourroit m'entraîner à l'infidélité!

THÉODON.

Cette fatalité n'est autre que vous-même.
Vous craignez de céder! Quelle foiblesse extrême!

Mais il faut excuser un premier mouvement;
Vos esprits ont été frappés trop vivement:
Vous y penserez mieux.

LE MARQUIS.

Eclatez sans contrainte;

De reproches sans nombre accablez-moi sans crainte: Les plus sanglans de tous sont ceux que je me fais. THÉODON.

Eh! croyez-vous par-là vos devoirs satisfaits?

LE MARQUIS.

Ma ressource est du moins d'être plus excusable.

THÉODON.

Ah! ciel! cette ressource indigne et méprisable N'est pas faite pour vous. Malheur à qui s'en sert! Hélas! presque toujours c'est elle qui nous perd. Sans faire un seul effort, vous vous laissez abattre! de triompher, vous n'oseriez combattre!

De peur

LE MARQUIS.

Mes efforts pourroient bien devenir superflus.

THÉODON.

Ah! vous devez sentir qu'il en coûte bien plus
A trahir son devoir qu'à vaincre sa foiblesse.

LE MARQUIS.

Vous n'avez ni mon cœur, ni le trait qui le blesse.

THÉODON.

Non; mais j'ai, comme ami, votre gloire à sauver:
C'est un bien assez cher pour vous le conserver.
Etouffez un amour qui n'est plus légitime.

Le penchant doit finir où commence le crime.

LE MARQUIS.

Le crime, dites-vous?

THÉODON.

Le mot m'est échappé.

Je ne m'en dédis point, quoiqu'il vous ait frappé.
Je vois quelles raisons votre amour vous prépare.
Vous allez m'alléguer qu'un arrêt vous sépare.
Pouvez-vous à présent revendiquer des lois
Que vous ne trouviez pas si justes autrefois?
Soyez vrai ; j'interroge ici votre droiture:
Vous êtes-vous cru libre après cette rupture?
Pourquoi donc Mélanide a-t-elle si long-tems
Nourri dans votre sein les feux les plus constans?
Vous n'aurez donc été fidele qu'à son ombre?
Quoi! sitôt qu'elle sort de la nuit la plus sombre,
Vous objectez l'arrêt qui vous a séparés?
Ce n'est plus lui, c'est vous qui la déshonorez.
Quel prix réservez-vous à l'amour le plus tendre?
Quelle horreur sur vos jours est prête à se répandre?
Vous n'aurez donc été qu'un lâche suborneur?

LE MARQUIS.

Cet amour excessif qui maîtrise mon cœur
N'a jamais dans le vôtre altéré la sagesse.
On censure aisément quand on est sans foiblesse.
Souvenez-vous du moins, si je me suis rendu,
Que ce n'a pas été sans m'être défendu;
Ma résolution, incertaine et flottante,

Ne pouvoit se fixer, ni remplir votre attente;
Mon amour indécis me laissoit en suspens.
Vous ne pouviez prévoir ce fatal contre-tems:
Mais qui dois-je accuser, si j'en suis la victime?
A qui dois-je ma perte? A vous, qui, vers l'abyme
Pressant toujours mes pas par la crainte enchaînés,
Enfin jusques au fond les avez entraînés.
Pensez-vous que je puisse, au gré de votre zele,
Me relever d'abord d'une chûte mortelle?
Ne le présumons pas: j'y vois trop peu de jour;
La pente qui m'aidoit sert d'obstacle au retour.
Cependant quel que soit cet amour si funeste,
J'armerai contre lui la vertu qui me reste.

THÉODON.

J'en dois tout espérer.

LE MARQUIS.

Vous m'avez pénétré;

Dans toutes vos raisons mon esprit est entré: Mais le cœur n'est jamais si facile à convaincre; Je ne sais si le mien pourra se laisser vaincre.

THÉODON.

Ne vous arrêtez pas à de foibles essais.

LE MARQUIS.

Je réponds des efforts, et non pas du succès.

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