صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

bre et au suicide. Circonvenu par tant de corruptions avouées ou secrètes, il ne se trouvait encouragé que pour faire le mal. Une trame habilement ourdie avait essayé de séduire la probité du secrétaire de la chancellerie; cette trame fut déjouée. Le 30 mars le conseil d'État annula l'édit supposé, et on lit dans ses registres : « Sa Majesté a estimé ne devoir pas laisser subsister la signification d'un arrêt qui n'a jamais été rendu, et il est de sa justice de faire punir sévèrement ceux qui seront convaincus d'avoir eu part à la fabrication du prétendu arrêt et de l'avoir imprimě, vendu, débité ou autrement distribué en public. »

A Brest, à Paris, on accusait les Jésuites de vol et d'homicide. Vers la même époque la Provence retentissait d'inculpations non moins délicates contre l'honneur d'un père de la Compagnie. Jean-Baptiste Girard, recteur du Séminaire royal de la Marine, à Toulon, était un prêtre pieux, mais crédule. Il fut trompé par les enthousiasmes d'une jeune fille portant au plus haut degré la passion d'une célébrité de dévote. Catherine La Cadière feignait des extases. Elle avait reçu les stigmates comme sainte Catherine de Sienne. Elle écrivait des lettres brûlantes de la plus haute spiritualité, comme une nouvelle sainte Thérèse, et le P. Girard prêtait une oreille docile à ces récits de visionnaire. Sa foi fut si entière qu'il ne soupçonna que deux ans après l'erreur dans laquelle cette jeune fille le faisait tomber. Par une candeur inexcusable le Jésuite s'était fourvoyé dans un labyrinthe de mysticisme non sans péril pour le directeur et pour la pénitente. Il fit retraite, et dans une lettre aussi convenable que sage (1) il engagea La Cadière à choisir un autre confesseur. Cet abandon froissa l'irritable vanité de la jeune illuminée. Il dérangeait les calculs de ses deux

(4) Cette lettre a été produite au procès de La Cadière, dont on ́a eu l'art de former six volumes in-12.

frères, qui rédigeaient sa correspondance, et qui, quoique prêtres, cherchaient à abuser de la crédulité d'un autre prêtre. Catherine était repoussée par un Jésuite: elle dut nécessairement chercher sa vengeance chez les Jansénistes. Elle s'adressa à un Carme nommé le P. Nicolas, fervent disciple de Quesnel. C'était le temps des convulsions et des miracles du cimetière de SaintMédard. Les Philosophes commençaient à ne plus croire en Dieu; les sectateurs du diacre Pâris acceptaient plus facilement que l'Évangile toutes les merveilleuses absurdités s'improvisant à son tombeau. La mode était aux possessions: La Cadière feint d'être possédée du démon. Le P. Girard a exercé contre elle tant de sortiléges et d'enchantements qu'elle s'avoue infanticide: Le crime se mêlait à l'imposture religieuse. Le Janséniste comprit que sa secte tirerait bon parti de cette femme, entraînée par la vengeance jusqu'au sacrifice de son honneur. La cause est portée devant la grand'chambre du Parlement d'Aix. Catherine, soumise à une minutieuse instruction, se trouve en face de magistrats que ses visions n'éblouissent guère. Aujourd'hui elle accuse le Jésuite, le lendemain elle rétracte ses dires. Girard pour elle est tantôt un homme de mœurs exemplaires et de solide piété, tantôt un ange déchu. Dans cette confusion de récits, le Parlement hésitait. La correspondance de Girard avec La Cadière fit cesser ses doutes. La conviction de ce Jésuite s'y révélait à chaque mot: on l'y trouvait toujours simple et crédule, mais aussi toujours chaste et pieux.

Cet étrange procès était un coup de partie pour les ennemis de la Société de Jésus; on l'exploita de toutes les manières. Le pamphlet et la chanson, le raisonnement et l'injure, la défiance janséniste et le sarcasme philosophique, tout fut mis en jeu. On annonça même que le P. Girard avait été brûlé vif à Aix, comme sorcier et

quiétiste. On s'efforça de tenir en haleine toutes les pássions. Enfin ce dramé, qui a fait ebuler tant, de flots d'encre, se termina le 40 octobre 1731 par un arrêt ainsi conçu: « Dit a esté que la cour, faisant droit sur toutes les fins et conclusions des parties, a déchargé et décharge ledit J. B. Girard des accusations et crimes à lui imputés, l'a mis et met sur iceux hors de cour et de procès. >>

[ocr errors]

Les Jansénistes n'étaient plus dangereux, ils avaient perdu leurs hommes de génie : personne ne remplaçait cette génération des Arnauld, de Pascal, de Sacy et dé Nicole. L'intrigue succédait au talent, l'hypocrisie à la foi. L'autel élevé par des mains puissantes s'affaissait sous le ridicule. Les Jansénistes ne pouvaient plus rien par eux-mêmes, ils crurent qu'ils seraient plus heureux en se donnant un Jésuite pour complice de leurs miracles. En 1732, au moment où le procès de La Cadière finissait, comme tout finit en France, par la lassitude, les Jansénistes inventèrent que le P. Chamillard était mort à Paris en appelant de la bulle Unigenitus. L'appel était la parole sacramentelle de l'époque, le mot d'ordre soufflé aux factions. Au dire des Sectaires, dont les gazettes étaient les porte-voix, un combat s'était livré sur le cercueil de Chamillard, que se disputaient les deux opinions, et la cause du Jansénisme avait enfin triomphe. Le P. Chamillard, mort en odeur de sainteté hérétique, avait été déposé dans une cave; de là, il exhalait un tel parfum, que son intercession avait la vertu de guérir toutes les maladies du corps et de l'esprit. Il y a des gens qui ont pour principe de croire à l'impossible. Un enfant de Loyola, devenu disciple de Jansénius, était quelque chose de si étrange, que tous les adeptes s'empressèrent d'y ajouter foi; mais le P. Chamillard, qui n'était ni mort ni partisan de l'Augustinus, ressuscita tout à coup, et, le 15 février 1732, il écrivit une lettre

se terminant ainsi : « Il est évident, par ce qui vient d'arriver à mon égard, que si les Jésuites voulaient se rendre appelants de la constitution, dès lors ils deviendraient tous de grands hommes et des hommes à miracles, au jugement de ceux qui sont aujourd'hui si acharnés à les décrier, comme je le suis devenu un moment sur le bruit de mon prétendu appel. Mais nous n'achetons pas à ce prix les éloges des novateurs. Nous nous croyons honorés par leurs outrages, quand nous faisons réflexion que ceux qui nous déchirent si cruellement dans leurs discours et dans leurs libelles sont les mêmes qui blasphèment avec tant d'impiété contre ce qu'il y a de plus respectable et de plus sacré dans l'Église et dans l'État. ».

[ocr errors]

Ce que le Jésuite disait en 1732 sera vrai tant qu'il y aura des partis dans le monde. Il mettait le doigt sur la plaie vive de toutes les oppositions; cela n'arrêta point les Jansénistes dans leurs attaques. L'Ordre de Jésus était en butte à tous les coups. Mille accusations du genre de celles que nous avons retracées se renouvelaient dans les royaumes catholiques. La paix et le bonheur semblaient devoir partout renaître, si enfin la proscription atteignait l'Institut de saint Ignace, seul obstacle à la conciliation des esprits. Protestants, Encyclopédistes, Universitaires, membres du Parlement ou sectateurs du Jansénisme, tous sortis de camps și divers, se réunissaient dans une pensée commune; chacun s'apprêtait à écraser les Jésuites pour préparer le triomphe de sa cause. Un événement inattendu donna prise à toutes les espérances, et offrit une réalité à toutes les accusations; cet événement fut la banqueroute du P. Lavaletté.

[ocr errors]

CHAPITRE II.

[ocr errors]

-

[ocr errors]

--

Encouragement

Le P. de La

Sa décla

Cause de la destruction des Jésuites en France. Opinion des écrivains protestants Louis XV et Voltaire roi. - Coalition des Parlements, des Jansenistes et des Philosophes contre la Société. Les docteurs de l'économie politique. - Imputations dont on charge les Jésuites. Les confesseurs de la famille royale. - Portrait de Louis XV. Attentat de Damiens. Madame de Pompadour veut faire amnistier sa vie passée par un Jésuite. Le P. de Sacy et la Marquise. Elle négocie à Rome.Sa lettre confidentielle. Le P. de Lavalette à la Martinique. - Il est dénoncé pour fait de négoce. L'intendant de la Martinique prend sa défense. que lui donne le ministre de la marine. - De retour aux Antilles, Lavalette achète des terres à la Dominique. Ses travaux et ses emprunts. Son commerce dans les ports de Hollande. Les corsaires anglais capturent ses vaisseaux. Les traites du P. Lavalette sont protestées. Les Jésuites ne s'accordent pas sur les moyens d'apaiser ce scandale. - Ils sont condamnés à payer solidairement. - Question de solidarité. Ils en appellent des tribunaux consulaires au Parlement. - Les visiteur nommés pour la Martinique. Accidents qui les retiennent. Marche parvient enfin aux Antilles. Il juge et condamne Lavalette. ration. Les créanciers au Parlement. Le maréchal de Belle-Isle et le duc de Choiseul. Caractère de ce dernier. - Sa lettre à Louis XVI sur les Jésuites. la question de faillite, le Parlement remonte aux Constitutions de l'Ordre. Congrégations supprimées. - Arrêt du 8 mai 1761.- Le Conseil du roi et le Parlement nomment, chacun de son côté, une commission pour l'examen de l'Institut. Chauvelin et Lepelletier Saint-Fargeau. Rapport de Chauvelin. Le roi ordonne de surseoir. Le Parlement élude l'ordre. Le Parlement reçoit le procureur général appelant de toutes les bulles, brefs, en faveur des Jésuites. — Arrêts. sur arrêts. Les Jésuites ne se défendent pas. Louis XV consulte les évêques de France sur l'Institut. Leur réponse. Cinq voix de minorité demandent quelques modifications. Les Jésuites font une déclaration; ils adhèrent à l'enseignement des quatre articles de 1682. - - Concession inutile. Le roi annule toutes les procédures entamées. Pamphlets contre la Société de Jésus. · Assertions. Les Jésuites expulsés de leurs colléges. - Assemblées extraordinaires du clergé de France. L'assemblée se prononce en faveur des Jésuites. - Sa lettre au roi. Voltaire et d'Alembert. Les Parlements de province. La Chalotais, Dudon et Monclar, procureurs généraux de Rennes, de Bordeaux et d'Aix. Leurs comptes-rendus. Situation des Parlements de province.

[ocr errors]
[blocks in formation]

la minorité. Le président d'Éguilles et ses mémoires inédits. - Le Parlement de Paris prononce son arrêt de destruction de la Compagnie. Les cours souveraines de Franche-Comté, d'Alsace, de Flandre et d'Artois ainsi que la Lorraine s'opposent à l'expulsion des Jésuites. Confiscation des biens de la Société. Pension faite aux Jésuites. — Jugement que portent les Protestants sur cet arrêt. - Proscription des Jésuites. Causes de la proscription. -Schoel et La Mennais. Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, et sa pastorale sur les Jésuites. Colère du Parlement. Christophe de Beaumont cité à la barré. Sa pastorale brûlée par la main du bourreau. Les Jésuites forcés d'opter entre l'apostasie et l'exil. Cinq sur sur quatre mille. — Lettre des confesseurs de la famille royale à Louis XV -Sa réponse. Le dauphin au Conseil. - Édit du roi qui restreint les arrêts du Parlement. Clément XIII et la bulle Apostolicum. — Les Jésuites en Espagne.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« السابقةمتابعة »