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Ils invoquaient la liberté avec laquelle saint Pierre Damien parlait au pape Nicolas II: «De nos jours, lui écrivait ce docteur, dans des circonstances bien plus difficiles, l'Église romaine, selon son ancienne coutume, ne manque pas de soumettre à une sérieuse discussion toute espèce de question de discipline ecclésiastique qui se présente; mais lorsqu'il s'agit de la dissolution du clergé, la crainte de provoquer les insultes des séculiers lui ferme la bouche. Cette réserve de la part des docteurs de l'Église, surtout dans une matière qui excite les plaintes de tout le peuple, est très répréhensible. Si du moins il s'agissait d'un mal occulte, le silence serait peut-être tolérable; mais, ô scandale affreux! cette peste audacieuse ne connaît plus de bornes....... Qu'on omette donc, par je ne sais quelle honte, de traiter en synode ce dont tout le monde s'entretient publiquement, afin que non seulement les coupables ne soient pas flétris, selon leurs mérites, mais pour que ceux encore qui devraient être les vengeurs de l'honneur de l'Église soient regardés comme les complices du désordre. »>

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La situation par bonheur n'était pas la même qu'au temps de saint Pierre Damien. Je n'avais ni ses vertus ni ses talents; on me conseillait d'y suppléer par une franchise qui, dans ce cas exceptionnel, devenait une nécessité.

Ces deux sentiments, exprimés par des hommes d'une rare sagesse et d'une probité plus rare encore, firent naître dans mon esprit des doutes et des incertitudes. Le pour et le contre se balançaient; je restai longtemps combattu entre le désir et la crainte; enfin la pensée d'accomplir un grand acte de justice l'emporta sur toutes les considérations.

Un pape, des cardinaux, des évêques, des prélats, des religieux, des ministres et des ambassadeurs se trouvaient malheureusement engagés dans la question.

Ils y avaient compromis leurs noms et la dignité de leur caractère. Je ne crus pas possible de me résigner à une injustice raisonnée envers les innocents pour amnistier plus longtemps.des coupables que leurs complices proposent encore comme des modèles de probité et de vertu.

Nous vivons dans un temps où le génie, la pensée et l'esprit trahissent leur mission civilisatrice pour réhabiliter le crime. Du sein de tous les partis il s'élève des hommes qui, afin de conquérir à leurs noms une popularité éphémère, s'improvisent les adorateurs des intelligences perverses et les panégyristes des sanglantes journées. On entreprend comme à forfait la déification du vice et l'apothéose des passions mauvaises. On a des larmes pour l'assassin, pour le spoliateur qui se drape dans un manteau patriotique. On l'admire, on le poétise, et c'est la victime qu'on accuse. On chante des harmonies en l'honneur de la guillotine. Le bourreau sera magnifique de dévouement et de nationalité; le martyr, en échange de sa résignation, ne doit recueillir que l'anathème de l'histoire. Brennus, en prononçant son terrible væ victis! ne s'adressait qu'à des ennemis toujours armés et encore redoutables. Aujourd'hui le: malheur aux vaincus! tombe sur tous les sentiment honnêtes, sur toutes les probités qui ne consentent pas à se laisser corrompre pour flatter les masses.

Les artisans de désordres sociaux, les coupables que l'ambition précipita dans le meurtre, les sophistes qui le professèrent à la tribune, les orateurs qui le firent passer dans la loi et qui transformèrent cette même loi en une prostituée gorgée de sang et de débauches civiques, tout cela, par une fatale aberration d'esprit, ou par une mystérieuse disposition de la Providence, se trouve adulé au moment même où l'on ébranle les bases de la société. C'est au nom de l'intelligence et de la liberté, principes éternellement bénis par les hommes, que,

dans la préméditation d'un style romanesque, on descend à l'apologie de la démoralisation révolutionnaire et de l'idée spoliatrice. On bafoue les notions du juste. La destruction devient une doctrine après avoir été une orgie, et on immortalise la méchanceté humaine en sanctionnant ses fureurs. On prétend que c'est au progrès moral, à la perfection, à la fraternité que l'on veut arriver, et l'on fait des livres pour légitimer l'extermination. On exhume des chants de gloire pour ceux qui se plongèrent dans ces longues ivresses du mal; on invente des paroles de mépris ou de honte pour ceux qui moururent enveloppés dans leur vertu.

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En courtisant ainsi les mauvais instincts des multitudes, en forçant son esprit à saluer l'avénement de l'athéisme dans l'histoire, on peut, il est vrai, acquérir à son nom une triste, une dangereuse célébrité; mais ce n'est pas ainsi que nos devanciers procédaient. Ce ne sera point à cette école que j'irai chercher mes modèles. Je ne fabrique pas de l'histoire avec des rêves d'imagination; je la médite sur les autographes de ceux qui l'ont faite je l'écris sans crainte et sans haine, parcequ'elle est l'expression d'une vérité aussi exacte, aussi démontrée qu'une solution de géométrie.

Il ne m'appartient pas de prévoir quel sera le sort de ce livre. Il froissera sans doute beaucoup de préjugés ; il soulèvera peut-être des passions qui ne voudront pas se condamner à l'aveu de leurs erreurs; il blessera des susceptibilités que je respecte; il amenera dans le cœur ou sur les lèvres de quelques hommes dévoués comme moi au Siége Apostolique des paroles de blâme ou de reproche. Ce n'est point la réhabilitation des Jésuites que je proclame; les Jésuites ici ne sont que l'accessoire. Il y a eu une déplorable iniquité commise; c'est cette iniquité qu'il faut dévoiler sans se préoccuper des résultats. Le monde regorge d'écrivains qui ont le génie du mal,

il ne nous reste à nous que l'audace dans la vérité. Le moment est venu de la dire à tous.

Elle sera triste et pour la chaire de saint Pierre, et pour le Sacré Collége, et pour l'univers catholique; mais au fond de ces amertumes que je partage, il y aura des enseignements qui ne seront pas perdus. Ces enseignements, sortis du Conclave et des chancelleries, doivent amener une nouvelle ère. Il n'est plus possible, en effet, que Rome soit faible ou timide, lorsqu'elle entendra la voix des diplomates signalant ses complaisances comme un symptôme de décomposition et se réjouissant entre eux de leur victoire, parceque cette victoire est l'aurore du triomphe sur notre mère la sainte Église romaine.

Ces aveux, que Don Manuel de Roda laisse échapper dans l'enivrement du succès, se renouvelleraient encore si un pape marchait sur les traces de Clément XIV. II n'est pas besoin de dicter leur devoir aux vicaires de Jésus-Christ. Ils le comprennent, ils savent le remplir dans une mesure pleine de dignité et de sagesse. Venir le leur rappeler serait donc une tentative au moins inutile. Je me renferme dans le cercle que je me suis tracé. Je n'ai pas à m'occuper du dogme, de la morale et de la doctrine, toutes choses sur lesquelles l'Église a la mis→ sion, a le droit de veiller. Je reste dans l'appréciation d'un fait historique. Je discute, je raconte sur pièces originales des événements qui ont eu une portée immense et qui tendaient à détourner de ses voies la justice humaine. C'est la tâche de tout écrivain, disons mieux c'est une obligation de conscience imposée à tout honnête homme que je remplis.

Sans doute il est cruel pour un catholique de prendre des princes de l'Église en flagrant délit de mensonge et de vénalité, plus cruel encore de voir un souverain Pontife résister timidement à l'iniquité qu'il encouragea par son ambition et s'annihiler sur le trône, quand il fit

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tout pour y monter. Mais un pareil spectacle, qui ne sera plus donné sans doute, n'inspire-t-il pas un sentiment de douleur que l'histoire ne peut s'empêcher de recueillir? Le crime du prêtre suprême n'est-il pas égal à ceux de tout le peuple?. Ne les dépasse-t-il point aux yeux du juge éternel? Et s'il en est ainsi; ne faut-il pas, après avoir fait une large part aux misères de l'humanité, aux bonnes intentions trahies par la force des événements, aux calculs mêmes d'une prudence trop mondaine, rentrer dans le positif des choses, puis sans sortir des bornes du respect que l'on doit toujours et partout à la dignité du Père commun des fidèles, ne devra-t-on jamais blâmer les atteintes portées aux droits imprescriptibles de la justice?

Tant que la Société de Jésus n'eut qu'à lutter contre l'instinctive cruauté des Sauvages, contre les haines périodiques des Huguenots, des Universités et des Jansénistes, on la vit s'opposer aux attaques et souvent même jeter dans le camp ennemi la division ou la honte. Fortedu principe d'autorité qu'elle proclamait sous tous les modes de gouvernement, elle avait jusqu'alors, à quelques rares exceptions près, trouyé dans les chefs des peuples un constant appui, une intelligente protection qui tournait à l'avantage des nations et des princes. De Rome, le centre de la catholicité, elle régnait par le martyre ou par l'humilité, par les services rendus à l'éducation ou par la gloire littéraire. Le Saint-Siége la présentait dans ses batailles théologiques comme l'avantgarde et la phalange sacrée de l'Église; mais, au contact d'une nouvelle école qui sapait les trônes en flattant les rois, qui détruisait la morale en calomniant la vertu et en glorifiant le vice, les Monarques avaient vu se glisser dans leurs âmes un sentiment de crainte et d'égoïsme. Endormis sur le trône, ils voulaient vivre heureux, sans songer que ce bonheur viager serait la mort.

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