صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

royale et d'humilier les grands qui ne se faisaient pas les esclaves de ses caprices. Pour mener à bonne fin cette double entreprise, sa politique ne recula devant aucun moyen. Les plus extrêmes étaient ceux qui entraient le mieux dans les ardeurs de son caractère : il n'épargna ni la corruption ni l'intimidation. Il tourmenta les gentilshommes, qui étaient hostiles à sa personne ou à ses idées. Il ne pouvait pas s'élever à leur rang; dans son orgueil de parvenu, il voulut les faire descendre plus bas que le point d'où il était parti. Afin de se faire accueillir par la haute noblesse, il la dégrada ou la proscrivit. A ce ministre, ne sachant même pas être modéré dans le bien qu'il concevait, des hommes dont toute l'intelligence put se résumer en une obéissance passive étaient de première nécessité. Il plaça ses créatures ou ses parents à la tête de la hiérarchie administrative; il réduisit le Roi à n'être qu'une machine à contre-seing, il l'isola de toute influence catholique ou monarchique, il lui gangréna le cœur, il étouffa ses principes religieux, il ouvrit l'entrée des Universités aux Jansénistes et aux Protestants; puis, lorsqu'il eut établi son omnipotence, on le vit marcher à grands pas à la réalisation de ses projets. Le 19 septembre 1757, il avait fait enlever du palais les PP. Moreira, Costa et Oliveira. Il écrivait le même jour aux Infants don Antoine et don Emmanuel, oncles du monarque, qu'ils eussent à se choisir d'autres confesseurs que les PP. Campo et Aranjuès. Il interdisait aux Jésuites de venir à la cour, et, par des mesures arbitraires, il s'efforçait de les constituer en rebellion, ou tout au moins en mécontentement. Les Jésuites baissèrent la tête et se turent. A la vue de ces hostilités, le

la ville de Porto pour l'établissement de la compagnie qui livrait aux Anglais le monopole des vins. Il est même de tradition dans le monde diplomatique, à Lisbonne, que ces rodomontades du marquis étaient parfois concertées, avec le cabinet de Londres pour servir de voile à des complaisances. »

P. Henriquez, Provincial de Lisbonne, se contente d'enjoindre à ses frères de l'Institut de garder le silence; le Général leur ordonne de ne pas relever le gant qu'on leur jette; les Jésuites obéissent. La malveillance et l'outrage acquéraient ainsi droit d'impunité; l'attitude des Pères enhardit Pombal (1). Tout se dressait en Portugal contre la Société, et, au lieu de se défendre, elle ne songeait qu'à faire respecter la verge qui allait la frapper.

Sur ces entrefaites, le bref de Benoît-XIV fut notifié par le cardinal Saldanha au Provincial de la Compagnie. Le Pape était mourant; son trépas prévu remettait en question ce qui avait été arraché à sa faiblesse; Pombal crut qu'en brusquant les événements il leur donnerait la sanction de la chose accomplie. Saldanha mit l'autorité dont il était investi à la merci du ministre. Au terme des lois ecclésiastiques, les commissions des nonces ou des visiteurs apostoliques expirent par la mort du Pape, pour tous les lieux où le bref n'a point été signifié de son vivant. La province du Brésil se trouvait dans ce cas. Saldanha entretient Pombal de ses scrupules; Pombal les lève par un arrêt du conseil. L'irrégularité canonique était flagrante; Saldanha passe outre, et, le 15 mai, treize jours après avoir reçu le bref, il déclare dans un mandement que les Jésuites s'occupent d'un commerce prohibé par les lois de l'Église. En l'espace de treize

(1) Scholl raconte, à la page 52 du trente-troisième volume de son Cours d'histoire des Etats européens : « Le 3 février 1757, Pombal publia, sous la forme d'un manifeste, la diatribe intitulée : Précis de la conduite et des dernières actions des Jésuites en Portugal et à la cour de Lisbonne. C'était un récit entièremeut passionné de tout ce qui était arrivé en Amérique depuis les premiers établissements que les Jésuites avaient formés dans l'intérieur de ce vaste pays. La calomnie était si manifeste qué le Provincial et ensuite le général de l'Ordre jugèrent convenable d'abandonner cette fable à son sort, sans daigner la réfuter. »»

jours, le réformateur avait embrassé les faits et gestes de l'Institut dans les quatre parties du monde; il les condamnait à son tribunal sans avoir entendu leur défense. Le ministre, dans sa polémique ou dans ses édits, accusait les Jésuites d'enfreindre les canons; le cardinal, dans son mandement, les déclarait convaincus de transactions coupables. Ce mandement n'avait pas seulement le tort de la précipitation, il devenait injuste parceque le négoce auquel se livraient les procureurs des Missions était autorisé par le bon sens, par les souverains pontifes et par les monarques..

Mais alors il ne s'agissait ni d'équité ni de droit. La force et l'astuce se coalisaient pour détruire; l'ambition et l'impéritie se donnaient la main pour seconder la violence. Les registres des Pères, leurs livres de comptes et de correspondance, leurs magasins, tout fut ouvert, tout fut saisi. On fit le dénombrement de leurs biens et de leurs revenus; on constata l'état des dettes et des obligations dont chaque maison était grevée; on remonta jusqu'à l'origine de la Société; on ne découvrit aucune trace d'un négoce illicite. La vérité apparaissait sur un point, le ministre l'ensevelit dans la poussière de ses archives, et il chercha une autre voie. Le 7 juin 1758, le cardinal-patriarche de Lisbonne, Joseph-Emmanuel, dont Saldanha convoitait le siége, interdit les Jésuites dans toute l'étendue de son diocèse. On avait intimidé. ce vieillard moribond en faisant intervenir la volonté du Roi. Il expira peu de jours après, et Saldanha fut appelé à lui succéder.

Dans le même moment le Conclave faisait asseoir 'sur la chaire de saint Pierre le cardinal Rezzonico, qui prit le nom de Clément XIII. Élu le 6 juillet 1758, le nouveau Pape sentait vivement le besoin de relever aux yeux des puissances séculières la dignité de la tiare. C'était un de ces prêtres de haute vertu et de grand cœur, tels que

l'Église en a tant vus à sa tête. En face de la philosophie tour à tour sceptique et railleuse du dix-huitième siècle, au spectacle plein de tristesse que l'incurie des Rois offrait à l'Europe, Clément XIII ne pensa pas que le seul moyen de sauver la Catholicité fût d'attiédir le zèle et de protester timidement contre les excès de l'intelligence qui devaient enfanter des révolutions. Modéré, parcequ'il se jugeait fort de l'autorité de sa foi, et ne reculant jamais devant l'accomplissement d'un devoir, ce Pontife allait soulever contre lui-toutes les passions. Il était équitable et bienfaisant, le père de son peuple (1) et le chef courageux de l'Église militante. On ne lui épargna ni la calomnie ni l'injure. Il arrivait à une époque où la vieille société européenne se dissolvait plutôt par l'impéritie des princes et par la corruption des grands que par les agressions auxquelles elle se trouvait en butte: On n'attaquait plus le Catholicisme par l'hérésie, on le minait par le doute ou par la licence des mœurs. On ne cherchait plus à renverser les trônes en soufflant au cœur des nations des désirs d'affranchissement ou de pillage; on avilissait la royauté en la berçant de cruelles flatteries, on l'endormait dans les bras de la volupté en apprenant aux peuples à lui préparer un sanglant réveil. Clément XIII ne consentit pas à être le muet témoin ou le complice de ces hontes. L'Ordre de

(1) L'astronome François de Lalande, dans son Voyage en Italie, t. vi, page 452, parle de Clément XIII en ces termes : « Le Pape, dit-il en traitant la question du desséchement des marais Pontins, le désirait personnellement. Lorsque je rendis compte à Sa Sainteté de cette partie de mon voyage, elle y prit un intérêt marqué et me demanda avec empressement cè que je pensais de la possibilité et des avantages de ce projet. Je les lui exposai en détail; mais ayant pris la liberté d'ajouter que ce serait une époque de gloire pour son règne, le religieux pontife interrompit ce discours profane, et, joignant les mains vers le ciel, il me dit, presque les larmes aux yeux « Ce n'est pas la gloire qui nous touche, c'est le bien de nos peuples que nous cherchons. »>

Jésus était le point de mire des ennemis de l'Église, le Pape se déclara le protecteur des Jésuites. La situation était difficile, car de tous côtés il surgissait un écueil. Tout se faisait, hostile au pouvoir, le pouvoir lui-même ; et, dans ce chaos, la voix de la raison ne s'élevait que pour retomber étouffée sous le rire moqueur des uns ou sous la phraséologie des autres.

Rome avait un nouveau Pontife; le 21 mai 1758 la Compagnie s'était donné un nouveau chef. A peine installé sur le siége apostolique, Clément XIII voit, le 31 juillet 1758, Laurent Ricci, Général des Jésuites, s'agenouiller au pied de son trône et remettre entre ses mains le mémoire suivant :

« Très saint Père,

« Le Général de la Compagnie de Jésus, prosterné devant Votre Sainteté, vous représente humblement l'extrême accablement et les malheurs qu'éprouve son Ordre par les révolutions connues du Portugal. Car, en attribuant les crimes les plus graves à ceux de ces religieux qui sont fixés dans les possessions de Sa Majesté très fidèle, on a obtenu de Benoît XIV, d'heureuse mémoire, un bref qui crée Son Éminence le cardinal Saldanha visiteur et réformateur, et lui attribue les pouvoirs les plus étendus. Ce bref a non seulement été publié en Portugal, mais encore réimprimé dans toute l'Italie. En conséquence, l'éminentissime Visiteur a publié un déeret où on déclare tous ces religieux coupables de faire le commerce. De plus, Son Eminence le cardinal-patriarche, n'ayant aucun égard à la constitution Superna de Clément X, qui défend aux évêques d'ôter à toute communauté religieuse à la fois les pouvoirs de confesser sans en avoir consulté le Saint-Siége, inconsulta Sede Apostolica, a interdit de la confession et de la prédication tous les religieux de la Compagnie qui

« السابقةمتابعة »