صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

« Finalement, je prie et conjure quiconque verra ces miennes déclarations et protestations de les rendre publiques dans tout l'univers autant qu'il le pourra; je l'en prie et conjure par tous les titres d'humanité, de justice, de charité chrétienne qui peuvent persuader à chacun l'accomplissement de ce mien désir et volonté.

« LAURENT RICCI, de ma propre main. »

C'était le 19 novembre 1775 que le Général de l'Institut lisait au fond de son cachot ce testament de douleur, d'innocence et de charité; cinq jours après il expira sans songer, sans espérer peut-être que la vérité parviendrait à avoir son heure. En mourant, il pouvait s'écrier comme l'Ecclésiaste (1): « J'ai vu sous le soleil l'impiété à la place du jugement et l'iniquité à la place de la justice, et j'ai dit dans mon cœur : Dieu jugera le juste et l'impie, et alors arrivera le temps de toute chose.»>

Ce temps est arrivé. Le successeur de Clément XIV sur la chaire apostolique le devança néanmoins. Il n'avait pu encore manifester son respect pour ce vieillard en lui ouvrant les portes du château Saint-Ange; il voulut du moins que de magnifiques obsèques témoignassent de ses regrets et de son équité. Dans la pensée de Pie VI, ce fut une preuve de ses sentiments à l'égard des Jésuites, et une solennelle quoique imparfaite réparation (2). Le

(1) Ecclesiaste, cap. 3, v. 16 et 17.

(2) Le cardinal Calini, vieillard âgé de quatre-vingt-quatre ans et qui avait passé toute sa vie à Rome dans les emplois les plus élevés, a laissé un document plein d'importance sur ce sujet. Le 31 mars 1780, il eut pour la dernière fois son audience du souverain Pontife. Avant de prendre congé du Pape pour aller finir ses jours à Brescia, sa patrie, il exprime ainsi ses sentiments; c'est dans un acte, pour ainsi dire testamentaire, écrit de sa main et signé de son nom que le 1er avril 1780 le cardinal a consigné ses paroles et celles de Pie VI.

«... Je dis ceci à Votre Sainteté pour lui faire voir combien quelquesuns sont loin de lui dire la vérité quand il s'agit des Jésuites. Pour les

corps de Ricci fut porté à l'Église du Gesù par ordre du Souverain Pontife. On l'inhuma à côté des chefs qui l'avaient précédé dans la Compagnie.

Tandis que la mort enlevait à quelques mois d'inter

attaquer et les inculper, l'on foule aux pieds toutes les lois. Il est certain que cet Ordre a été détruit sans être cité deyant aucun tribunal, et par conséquent sans être défendu, et les faits du Cardinal Malvezzi à Bologne, et ceux d'autres Cardinaux ici et à Rome et à Frascati pour préluder à son abolition, comme ceux qui l'accompagnèrent et qui la suivirent, font le déshonneur du Saint-Siége, et même, je le dirai librement, font le déshonneur de l'humanité.-Votre Sainteté connaît l'innocence du chef, du corps et des membres. Vous avez eu sous les yeux les procès faits dans les temps de rigueur. Le P. Ricci était un homme vénérable bien connu de Votre Sainteté. Toutes ces choses réunies doivent être un dur éperon pour stimuler Votre Sainteté et l'engager à faire toutes les tentatives possibles pour arracher du Siége apostolique ce masque d'infamies, en restituant à l'innocence l'honneur qu'on lui a dérobé, en rendant à l'Eglise et à l'éducation un Ordre tant estimé de l'une et de l'autre.

« Voilà en substance ce que le Cardinal Calini dit au Pape dans cette audience. En cette circonstance, le Pape montra son grand amour pour la vérité et pour la justice. Il dit que la destruction des Jésuites avait été un vrai mystère d'iniquité; que tout ce qui s'était fait avait été fait injustement et en dehors des règles voulues; qu'il connaissait le mal causé à l'Eglise en abolissant l'Ordre des Jésuïtes ; que pour ce qui le regarde il était prêt à le rétablir; que la chose n'était pas impossible; qu'il serait même le premier à entrer dans cette voie, et qu'il le ferait de grand cœur si le moindre passage pour y pénétrer se présentait ; que Clément XIV était devenu fou non seulement après cette suppressión, mais encore avant. A nous, il convient, ajouta-t-il, d'agir avec ménagement. Les ambassadeurs nous font passer auprès de leurs cours pour un des partisans de la Compagnie. Il convient que nous concédions certaines choses peu favorables aux Jésuites pour ne pas attirer sur eux de plus grands maux. Prions Dieu qu'il nous fasse connaître le chemin pour arriver à ce que nous désirons. Ce retablissement n'est pas impossible, parceque la destruction a été faite injustement el sans règles.

« Moi, soussigné, atteste que tout ce que contient cette feuille est la substance de la longue conversation que j'ai eue avec Sa Sainteté Pie VI dans la matinée du samedi in albis 1780 quand je fus admis à l'audience du Saint-Père, afin de prendre congé de lui avant mon départ pour Brescia, ma patrie. >>

valle Laurent Ganganelli et Laurent Ricci, le Pape qui anéantit la Société de Jésus et le dernier chef de cette Société, le Bref d'extinction traversait les mers; il portait le deuil et le désespoir au sein de toutes les Chrẻtientés nouvelles. Les PP. Castiglioné et Goggeils, héri tiers à la Chine de la savante génération des Verbiest, des Parenpin et des Gaubil, avaient échappé à ce dernier malheur. Joseph Castiglione expirait à soixante-dix ans, comblé des témoignages de l'affection impériale, et, faveur inouïe ! ce Jésuite vit même l'Empereur composer et écrire son éloge, que le prince lui adressait accompagné de riches présents. Goggeils, moins bien traité, fut plus utile aux Chinois. Avant de mourir, il fit dresser une sorte de cadran qui simplifiait les observations astronomiques. En 1773, deux jeunes Pères partaient d'Europe pour les remplacer; cinq autres arrivaient en même temps au Tonquin. Au mois de novembre 1773, un vaísseau français déposait au rivage de Canton quatre Jésuites, un peintre, un médecin et deux mathématiciens. Sur le point de quitter Paris, l'archevêque Christophe de Beaumont leur annonça le coup de foudre qui allait frapper la Compagnie. Ils ne crurent pas que ces craintes, quoique fondées, fussent un motif suffisant pour enfreindre le commandement de leur Général, et ils se mirent en route, afin de glorifier jusqu'au bout l'obéissance volontaire. Ces Jésuites étaient étrangers à la France; mais déjà le gouvernement de Louis XV lui-même, sentant le poids du reproche que l'Europe savante était en droit de lui adresser, cherchait par tous les moyens possibles à ménager aux sciences et aux lettres de dignes correspondants en Asie. Il avait proscrit les Jésuites; depuis neuf ans il sollicitait du Saint-Siége leur anéantissement, et, par une inconséquence au moins singulière, il honorait ces Missionnaires en se chargeant de les transporter à ses frais sur le territoire de la Chine. Les officiers du

Roi de Portugal s'offraient à Canton pour les présenter au chef du Céleste Empire. Quatre navires impériaux arrivent au port; ils doivent conduire les Jésuites à la cour; mais alors le Bref leur est notifié par l'évêque de Macao. C'était la créature de Pombal; une pitié dérisoire se joignit à la calomnie. Dans l'alternative où les plongeaient le décret du Pape supprimant la Société de Jésus et l'appel de l'Empereur de Chine qui leur ouvrait ses États, les Jésuites hésitèrent. Christophe de Murr, dans son Journal (1), a conservé des preuves authentiques de cette hésitation. Un Missionnaire, Tyrolien d'origine, écrivait :

« Après trois jours passés au milieu des angoisses et des larmes, nous balancions les inconvénients contradictoires de toute détermination possible. L'Empereur nous commandait de nous rendre à Péking; et refuser une grâce impériale, c'est en Chine un crime de lèse-majesté. D'autre part, le Bref du Souverain Pontife nous défendait d'y entrer comme Religieux. Le moindre atermoiement dans l'accomplissement de ses volontés eût été condamné en Europe. Nous prîmes la résolution de mourir plutôt que de souiller la Compagnie par une opposition au Pape en des circonstances aussi critiques. Permettez-moi de vous rappeler ici cette calomnie depuis longtemps répandue, que les Jésuites se font ouvrir les portes de la Chine plutôt pour y devenir mandarins que pour y être apôtres. Nous, les derniers de tous, nous étions designés pour le mandarinat aussitôt après notre arrivée à Péking, mais il ne nous était pas possible d'y prêcher en même temps l'Évangile : nous avons pris le parti de regagner l'Europe. »

Ces quatre Jésuites obéissaient au-delà des mers avec le respect que montrèrent leurs frères d'Europe; mais

(4) Journal de Christophe de Murr, t. iv, p. 231 et suivantes.

cette obéissance compromettait aux yeux de l'Empereur de la Chine l'Évêque et le Gouverneur de Macao. Ces derniers songent à se débarrasser des Jésuites en les envoyant à Pombal, qui avait toujours pour eux des chaînes et des souffrances. Les Chinois furent plus humains que ces Catholiques; ils obtinrent la liberté des quatre Missionnaires, et ils les abandonnèrent dans l'île de Vam-Lu. « Nous n'eûmes qu'une nuit, ajoute la lettre déjà citée du Jésuite tyrolien, pour profiter d'une dernière ressource; c'était la générosité de quelques capitaines de vaisseaux français qui faisaient voile pour l'Europe. Ils furent sensibles à nos prières; ils ne voulurent pas nous laisser exposés sans aucun secours humain au fond des Indes. Que n'ai-je des paroles assez éloquentes pour louer dignement la nation française ! Elle s'est acquis des droits à l'éternelle reconnaissance de quatre pauvres Missionnaires; par le plus grand des bienfaits, elle les a tirés de la plus profonde des misères. Distribués dans quatre bâtiments, nous commençâmes un exil de trois mois sur mer; et nous, dont les yeux étaient restés secs en quittant l'Europe, nous versions des larmes amères en disant un dernier adieu à ce rivage où nous avions cru trouver une autre patrie. »

L'histoire de ces quatre Jésuites, recueillie par un Protestant, c'est l'histoire de tous leurs frères dans l'apostolat. La même plainte, aussi touchante, mais aussi résignée, retentit au fond de l'Amérique et sur les continents indiens. Clément XIV a d'un trait de plume brisé leur passé et leur avenir; ils se soumettent sans murmure. Le Bref Dominus ac Redemptor les réduit à l'indigence; cette indigence n'altère pas leur foi, elle n'amortit point leur charité. Quand la première nouvelle de la destruction de l'Ordre parvint en Chine, le P. de Hallerstein, président du tribunal des mathématiques, et deux autres Jésuites, expirèrent de douleur sous le coup

« السابقةمتابعة »