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la question est si l'abolition reste valide ou non. Pour moi, je prononce, sans crainte de me tromper, que le bref qui la détruit est nul, non valide et inique, et que, en conséquence, la Compagnie de Jésus n'est pas détruite. Ce que j'avance ici est appuyé sur quantité de preuves dont je me contente d'alléguer une partie.

« Votre Sainteté le sait aussi bien que messeigneurs les Cardinaux, et la chose n'est que trop éclatante, au grand scandale du monde, Clément XIV a offert de luimême et promis aux ennemis des Jésuites ce bref d'abolition tandis qu'il n'était encore que personne privée, et avant qu'il ait pu avoir toutes les connaissances qui regardent cette grande affaire. Depuis, étant Pape, il ne lui a jamais agréé de donner à ce bref une forme authentique et telle que les canons la requièrent.

« Une faction d'hommes actuellement en dissension avec Rome, et dont tout le but était de troubler et de renverser l'Église de Jésus-Christ, a négocié la signature de ce bref, et l'a enfin extorquée d'un homme déjà trop lié par ses promesses pour oser se dédire et se refuser à une telle injustice.

« Dans cet infâme trafic, on a fait au chef de l'Église une violence ouverte; on l'a flatté par de fausses promesses et intimidé par de honteuses menaces.

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« On ne découvre dans ce bref nulle marque d'au

passeport à des paroles odieuses ou cruelles. Les uns ont vu dans Ganganelli le plus indulgent et le plus aimable des vicaires de Jésus-Christ; les autres, un criminel que son ambition avait perdu, et que ses moqueuses railleries ont déshonoré. Son caractère, ses mesures administratives, sa facilité à détruire l'ancienne hiérarchie monastique, ont permis au roman de le déifier; les mêmes raisons le firent trop rabaisser par les vrais Catholiques. Clément XIV ne fut ni un saint ni un coupable, mais un homme faible, qui, pour parvenir au pontificat suprême, s'appuya sur des moyens trop humains et qui fut trahi par eux. La faute de Ganganelli est dans son élection; il l'expia sur le trône.

thenticité; il est destitué de toutes les formalités canoniques indispensablement requises dans toute sentence définitive. Ajoutez qu'il n'est adressé à personne, quoiqu'on le donne pour une lettre en forme de bref. Il est à croire que ce rusé Pape a oublié à dessein toutes les formalités, pour que son bref, qu'il n'a souscrit que malgré lui, parût nul à chacun,

« Dans le jugement définitif et l'exécution du bref, on n'a observé aucune loi, ni divine, ni ecclésiastique, ni civile; au contraire, on y viole les lois les plus sacrées que le Souverain Pontife jure d'observer.

<< Les fondements sur lesquels le bref s'appuie ne sont autre chose que des accusations faciles à détruire, de honteuses calomnies, de fausses imputations.

<<< Le bref se contredit: ici il affirme ce qu'il nie ailleurs; ici il accorde ce qu'il refuse peu après.

<< Quant aux vœux, tant solennels que simples, Clément XIV s'attribue, d'un côté, un pouvoir tel qu'aucun Pape [ne s'est jamais attribué; d'un autre côté, par des expressions ambiguës et indécises, il laisse des doutes et des anxiétés sur des points qui devraient êtré le plus clairement déterminés.

« Si l'on considère les motifs de destruction que le ́bref allègue, en en faisant l'application aux autres Ordres religieux, quel Ordre, sous les mêmes prétextes, n'aurait pas à craindre une semblable dissolution? On peut donc le regarder comme un bref tout préparé pour la destruction générale de tous les Ordres religieux.

«Il contredit et annule, autant qu'il peut, beaucoup de bulles et de constitutions du Saint-Siége, reçues et reconnues par toute l'Église, sans en donner le motif.

Une si téméraire condamnation des décisions de tant de Pontifes prédécesseurs de Ganganelli peut-elle être supportée par le Saint-Siége?

<« Ce braf x causé un scandale si grand et si général

dans l'Église qu'il n'y a guère que les impies, les hérétiques, les mauvais Catholiques et les libertins qui en aient triomphé.

« Ces raisons suffisent pour prouver que ce bref est nul et de nulle valeur, et par conséquent que la prétendue suppression des Jésuites est injuste et n'a produit nul effet. La Compagnie de Jésus subsistant donc encore, le siége apostolique, pour la faire paraître de nouveau sur la terre, n'a qu'à le vouloir et parler : aussi je suis dans la persuasion que Votre Sainteté le fera, car je raisonne ainsi :

« Une Société dont les membres tendent à une même fin, qui n'est autre que la gloire de Dieu, qui, pour y arriver, se servent des moyens qu'emploie la Compagnie, qui se conforment aux règles prescrites par l'Institut, qui s'entretiennent dans l'esprit de la Compagnie, une telle Société, quels que soient son nom, son habit, est très nécessaire à l'Église dans ce siècle de la plus affreuse dépravation. Une telle Société n'eût-elle jamais existé, il faudrait l'établir aujourd'hui. L'Église, attaquée au seizième siècle par des ennemis furieux, s'est louée des grands services qu'elle a tirés de la Compagnie fondée par saint Ignace. A la vue de la défection du dix-huitième siècle, l'Église voudra-t-elle se priver des services que cette même Compagnie est encore en état de lui rendre? Le Saint-Siége eut-il jamais plus besoin de généreux défenseurs que dans ce dernier temps, où l'impiété et l'irréligion font les derniers efforts pour en ébranler les fondements? Ces secours, combinés par une Société entière, sont d'autant plus nécessaires que des particuliers, libres de tout engagement, sans avoir été formés sous des lois telles que celles de la Compagnie, sans avoir pris son esprit, ne sont pas capables d'entreprendre et de soutenir les mêmes travaux. »

L'impression que le bref de Clément XIV produisit

dans la Catholicité est exprimée par ces deux manifestes, qui réunissent Paris et Rome dans le même sentiment. Le bref, daté du 21 juillet, aurait dû être promulgué le même jour; la cour de Vienne en retarda la publication, parcequ'elle craignait que les biens des Jésuites ne tombassent entre les mains du Clergé. Joseph II désirait prendre des mesures pour se les approprier. Ce retard favorisait les incertitudes du Pape : il aurait voulu l'éterniser; mais Florida-Blanca ne lui en donna pas le pouvoir. Clément accordait sa confiance au Prélat Macedonio : l'Espagne le mit dans ses intérêts. De concert avec l'Ambassadeur et le P. Buontempi, on résolut de livrer un dernier assaut à la volonté chancelante du Souverain Pontife. Cet assaut fut décisif, et le 16 août 1773 le bref parut. Clément XIV avait nommé une commission pour le faire exécuter. Les Cardinaux André Corsini, Caraffa, Marefoschi, Zelada et Casali la composèrent. Alfani, Macedonio et d'autres prélats ou jurisconsultes leur furent adjoints. Les rôles avaient été distribués d'avance.

A huit heures du soir toutes les maisons des Jésuites sont investies par la garde corse et par les sbires. On notifie au Général de la Compagnie et aux Pères le Bref de suppression. Alfani et Macedonio apposent les scellés sur les papiers ainsi que sur chaque maison de l'Ordre. Laurent Ricci est transféré au Collége des Anglais; les Assistants et les Profès sont disséminés dans d'autres établissements; puis, sous les yeux des Délégués pontificaux, le pillage des églises, des sacristies et des archives de la Société s'organise. Il dura longtemps, et l'image de cette inertie en tiare accordant l'impunité à tous les scandales qui en jaillirent ne s'est jamais effacée de la mémoire des Romains. Ils racontent encore que les diamants dont la Madone du Gesù était couverte passèrent le lendemain à la maîtresse d'Alfani, et que cette femme s'en para publiquement. On avait exproprié les

Jésuites; on ne songea pas à assurer leur existence. La spoliation, entre les mains d'Alfani et de Macedonio, prit des allures tellement cyniques, l'injustice marcha si audacieusement tête levée, que le cardinal Marefoschi, que ses inimitiés permanentes envers l'Institut avaient fait nommer commissaire, se révolta contre tant de cruautés. Pour ne pas autoriser par sa présence des turpitudes de plus d'une sorte, il renonça à siéger dans cette commission.

Le 22 septembre Clément XIV fit conduire au château Saint-Ange le Général, ses Assistants, Comelli, secrétaire de l'Ordre, les PP. Leforestier, Zaccharia, Gautier et Faure. Ce dernier était l'un des plus brillants écri, vains de l'Italie. On redoutait la causticité de son esprit et l'énergie de sa raison (1). Ce fut son seul crime; et les Philosophes, qui abusaient de la licence d'écrire, applaudirent à cet asservissement de la pensée.

Lé Souverain Pontife avait à sa disposition les archives de la Compagnie. Les lettres les plus intimes, les correspondances de chaque Père, les papiers de l'Ordre, ses affaires, le bilan de sa fortune, tout était sous les yeux de la commission, qui se montrait implacable. On tortura par des interrogatoires captieux les prisonniers qui, tenus dans le plus complet isolement, pouvaient, obsédés

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(1) L'interrogatoire du Jésuite se passa en ces termes. Le magistrat instructeur lui dit, dans son cachot : « Monsieur l'abbé, il m'est enjoint de vous annoncer que vous n'êtes ici pour aucun crime. Je le crois bien, puisque je n'en ai pas commis. Vous n'y êtes même pas pour certains écrits que vous avez publiés. — Je le crois bien encore, puisque, d'abord, il n'y avait pas défense d'écrire, et qu'ensuite je ne l'ai fait que pour répondre aux calomnies que l'on vomissait contre la société dont j'étais membre. Quoi qu'il en soit, vous n'êtes ici pour rien de tout cela, máis seulement pour vous empêcher d'écrire contre le Bref. - Oh! oh! monsieur, voilà une jurisprudence nouvelle ! C'est donc à dire que, si le SaintPère avait craint que je ne volasse, il m'aurait envoyé aux galères, et, s'il avait eu peur que je n'assassinasse, il m'aurait fait pendre préventivement. »

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