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entravaient les affaires les plus étrangères à la diplomatie. Florida-Blanca avait même établi dans une villa, aux portes de Rome, une imprimerie d'où sortaient chaque semaine les pamphlets qui pouvaient favoriser ses plans. Il en parut un en italien, sous le titre de : Réflexions des Cours de la maison de Bourbon sur le Jésuitisme. La première page contient les trois propositions suivantes :

« 1° Si tout le monde croit naturellement à la probité et à la délicatesse d'un honnête homme, fût-il de la condition la plus ordinaire, à combien plus forte raison doit-il en être de même à l'égard du Vicaire de JésusChrist, source de toute vérité. Or, depuis plus de trois ans le Pape a promis aux Souverains catholiques les plus illustres, de vive voix, à plusieurs reprises et même par écrit, l'abolition d'une Société infectée de maximes perverses dans son régime actuel, abolition généralement désirée par tous les bons. Cependant le Saint-Père en diffère toujours l'exécution, apportant des prétextes mendiés et frivoles.

« 2o Que le Chef visible de l'Église ait fait maintes fois cette promesse de vive voix et par écrit, cela peut être attesté facilement par les Cours des Bourbons, ainsi que par les personnes qui ont traité avec Sa Sainteté.

« 3° Que l'on ne se permette pas de supposer que cette promesse ait été faite avec des paroles équivoques et susceptibles d'être prises dans un sens général, puisque, vu les circonstances et le contexte des lettres et de l'écrit, elles sont toutes univoques, absolues et individuelles, comme toute personne douée de bon sens peut s'en convaincre. >>

Tel est le triple argument développé dans le pamphlet diplomatique. A ces outrages venant assaillir Clément XIV sur la Chaire apostolique, et inondant la ville entière sans rencontrer ni contradicteurs pour y répondre

ni magistrats pour les flétrir, un Jésuite, le P. Benvenuti, ne crut pas devoir garder le silence. Sous le titre de Irréflexions de l'auteur d'une brochure intitulée Réflexions des Cours de la maison de Bourbon sur le Jésuitisme, il prit parti pour Clément XIV, et nia avec force l'existence de cette promesse. Ganganelli était resté impassible sous les reproches de l'ambassade espagnole; il sévit contre l'écrivain qui embrassait la défense de son honneur. Benvenuti est découvert; le Pape le condamne à l'exil. Le Jésuite se retire à Florence; on l'y poursuivit encore; enfin il trouva un asile à la cour de Stanislas Poniatowski, roi de Pologne.

Trop confiant en sa perspicacité, le Souverain Pontife ne communiquait sa pensée à. aucun membre du Sacré Collége. Il n'osait affronter le regard des bons, il se défiait des méchants. Dans cette situation exceptionnelle, abandonné par les uns, importuné par les autres, il sentait qu'il ne lui était plus possible d'ajourner; mais il s'effrayait à l'idée de supprimer par une bulle l'Institut de Loyola, dont son prédécesseur avait glorifié et confirmé l'existence. Son esprit, fertile en ressources, s'arrêta à un moyen terme. Il imagina de conférer aux évêques le titre de visiteurs apostoliques; puis, sous ce titre, de leur accorder la faculté de fermer les Noviciats des Jésuites, de renvoyer les scolastiques et d'interdire aux prêtres tout ministère sacré. Si, pensait Ganganelli, ces mesures sont adoptées dans le monde chrétien, la Compagnie de Jésus cesse d'exister par le fait même, sans qu'il soit besoin d'un décret Pontifical pour la tuer. Si, d'un autre côté, on apporte d'habiles lenteurs à ce plan, nul doute qu'il ne surgisse quelque événement qui suspendra ces mêmes mesures:

Leur première exécution fut confiée au cardinal Vincent Malvezzi, archevêque de Bologne. C'était ce même Malvezzi dont Bernis et Azpuru, Orsini et d'Aubeterre

avaient essayé de faire un Pape au Conclave de 1769. Il était criblé de dettes, dévoré d'ambition, et, pour récompense de son acharnement contre la Société de Jésus, il attendait le riche emploi de dataire, dont la survivance lui était assurée par marché conclu la veille de l'élection de Ganganelli à la Papauté.

Un bref secret est rédigé. Ce bref lui confère la faculté de priver tous les Jésuites de l'exercice du ministère. sacerdotal. Il peut de même sans enquête, sans examen, licencier les Novices et les Scolastiques, séculariser les Profès ou les incorporer dans d'autres Ordres, et fermer toutes les maisons de l'Institut que contient son diocèse. Remettre à un homme tel que Malvezzi l'application d'un décret dont il était dispensé de faire connaître la teneur, c'était autoriser l'arbitraire. Malvezzi ne se contente pas de donner carrière à ses inimitiés; il écrit, et jamais lettres adressées à un Souverain Pontife ne poussèrent aussi loin le cynisme de l'injustice. Dans cette correspondance autographe qui est sous nos yeux, et qui, commencée le 6 mars, se continue de trois jours en trois jours jusqu'au 27 juillet 1773, il y a des aveux que l'histoire est-condamnée à recueillir.

Clément XIV eut pendant cinq mois le triste courage de recevoir et de lire ces dépêches de Malvezzi, qui arrivaient au Vatican sous le couvert de monsignor Macedonio, confident du Pape. Le Pape adhérait à toutes les fraudes que Malvezzi lui conseillait. Le Cardinal, aveuglé par ses passions, procłamait sans s'en douter l'innocence des Jésuites, et le Pontife l'aidait à consacrer son système d'iniquité. Le 10 mars, l'archevêque de Bologne mande à Clément XIV:

« Votre Sainteté daigne me concéder dans le Bref la faculté de dissoudre le Noviciat des Jésuites, si mihi videbitur. Mais je la prie de me déclarer si elle juge à propos que je le fasse, car alors j'exécuterais cette me

sure au début de ma visite au Novicat, et je croirais convenable de licencier celle de Sainte-Lucie, en fermant les cours des philosophes et des théologiens jésuites qui pourraient retourner dans leurs familles avant de se lier plus étroitement à la Religion.

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<<< Il semble que de cette manière Votre Sainteté n'aura plus besoin d'attendre que de graves motifs ultérieurs viennent provoquer une solennelle détermination à la suite de ces visites qui, ne produisant la découverte d'aucun fait notable ou digne d'être mis au jour, serviraient plutôt à affaiblir la cause qu'à lui donner du poids. Je n'en regarde cependant pas comme moins louable ce projet de visite, car les défauts qu'elle signaleront dans la morale, dans l'enseignement, dans l'administration ou dans la politique, quelque grands ou quelque petits qu'ils se rencontrent, seront toujours pour Votre Sainteté un motif d'arriver plus promptement au terme qu'elle aura fixé pour cette affaire. >>>

Malgré l'audace de son caractère, l'archevêque de Bologne cherche à établir une espèce de solidarité entre le Pape et lui. Il se sent placé sur un mauvais terrain, et, le 24 mars, il s'efforce d'engager Clément XIV plus avant. « J'ai cru opportun, lui écrit-il, de convoquer les Recteurs des Colléges de Sainte-Lucie, de SaintIgnace, de Saint-François-Xavier et de Saint-Louis, afin de les prévenir de la visite apostolique; et si Votre Sainteté ne me l'enjoint pas, je me garderai bien de montrer le Bref, quoique pour procéder régulièrement il devrait être montré dès le principe. Mais comme je ne vois pas que cette démarche entre dans les vues que Votre Sainteté a daigné me manifester, et que d'ailleurs elle nuirait plutôt qu'elle ne servirait au but déterminé par Votre Sainteté, j'ose espérer qu'elle m'approuvera de ne pas le produire, et qu'elle donnera un autre Bref où seront positivement exprimées ses intentions. Je le sollicite

pour m'éclairer entièrement au sujet de la suppression déjà arrêtée. Cette suppression peut s'exécuter de deux manières, qui exigent une direction différente dans la conduite à tenir. >>

Le cardinal Malvezzi était un ennemi dangereux. Il poussait les hostilités avec une vigueur qui déconcertait les Jésuites et qui avait l'art de faire entrer les incertitudes pontificales dans son plan d'agression. Le 3 avril, il rend compte au Pape de ses premiers succès.

« Les ordres de Votre Sainteté sont exécutés; j'ai dissous le Noviciat des Jésuites et brisé de cette manière le premier nœud fondamental de cette Société suspecte. On ne cesse de me blâmer de n'avoir pas montré le Bref; mais si je l'eusse fait et que les intentions de Votre Sainteté ne m'eussent point été signifiées, il n'aurait pas été possible d'arriver au but. Si ce nœud était le seul que nous eussions à rompre, l'affaire serait terminée; mais les liens qui unissent les Jésuites aux nations sont de telle nature que l'entreprise serait impraticable si l'arrêt suprême ne partait du Vatican. Lorsque l'Édit sera émané de Votre Sainteté, il sera encore difficile de l'exécuter sans fomenter le mécontentement des peuples, qui cependant se résigneront avec le temps aux dispositions voulues. Si votre Sainteté ne remarque pas dans ma conduite cette célérité que peut-être il y aurait lieu d'attendre, elle doit l'attribuer aux difficultés qui se rencontrent de toutes parts. >>

Ainsi, de l'aveu même de Malvezzi, la destruction des Jésuites était un deuil pour les peuples, et au risque d'exposer le Saint-Siége à l'indignation publique, Clément XIV se laisse forcer la main. La première épreuve a réussi sur les Novices n'ayant aucun engagement de religion; mais quand Malvezzi s'adressa aux Scolastiques, il trouva la résistance passive qu'il avait pressentie. Les Scolastiques répondaient : « Dieu nous appelle

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